D'humains à cyborgs

Chapitre 10 : Des Assaillants Invincibles

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:47

Hazel ajustait son foulard orange sur son cou. Il était habillé d'un t-shirt noir d'où dépassaient les manches d'un pull blanc qu'il portait en dessous, et d'un jean déchiré attaché avec une ceinture de cuir brun muni d'une boucle cuivre, sous lequel passait le t-shirt, des baskets bleu clair montantes aux lacets et aux bouts blancs, d'où on voyait des chaussettes vertes sortir et recouvrir le bas du pantalon.

 

« Tu es prêt ?

- Oui, je vais juste mettre ma ceinture d'arme. »

Il alla la chercher et y plaça une arme et des munitions. Mâron l'attendait. Elle portait un pull noir avec de larges rayures bleu clair aux manches, une veste en jeans ouverte et sans manches, une minijupe dans la même matière tenue par une ceinture semblable à celle de Hazel, un pantalon noir moulant par-dessous la jupe et des bottes de cuir brun.

« Nous pouvons y aller, » déclara Hazel.

 

Les deux jumeaux avaient décidé de quitter la ville. La vie de gang ne les intéressait plus. Ils préféraient être complètement indépendants. Ils avaient réfléchi après avoir donner leur leçon à White. Cette vie ne leur convenait pas. Aucune vie ne leur convenait, en réalité. Ils n'étaient même pas sûrs de rester ensembles. Pour l'instant, ils allaient se contenter de quitter la ville, pour la suite, ils aviseraient.

 

Ils étaient sur le point de sortir de leur pièce personnelle, pour annoncer leur départ aux Rifles et reconfier leur direction à Barett, lorsqu'ils entendirent des hurlements à l'extérieur, puis des rafales de tirs. Ils se précipitèrent dehors et constatèrent qu'il y avait une grande agitation dans le hangar. Et des gens tiraient vers l'extérieur. Ils demandèrent à une de leur future ex-sbire, ce qu'il se passait.

 

« Je ne sais pas ! Je ne comprends rien ! Il y a deux mecs dehors ! Ils sont arrivés de nulle part et ont commencé à tuer tout le monde sur leur passage ! On essaie de les arrêter, mais on dirait qu'ils ne sont pas touchés par les balles ! Et ils continuent de nous massacrer ! »

 

Elle parlait d'une façon complètement paniquée. Ils sortirent pour voir d'eux-mêmes. Il y avait effectivement deux hommes, tous deux de taille moyenne, blancs, les cheveux ras et noirs. Ils étaient habillés de la même façon, un maillot de corps blanc sous un veston vert militaire avec des poches sur les côtes de la fermeture et une sur le haut chaque manche, ressemblant à celui que porterait un soldat, tout comme le pantalon qui était de la même couleur et du même style, des bottes noires et une ceinture de la même couleur. La seule chose qui permettait de les différencier était la forme du visage, celui à gauche avait le visage allongé, alors que l'autre avait un visage plus rond.

 

Ils faisaient un vrai massacre des Rifles. Ceux-ci avaient beau tirer sur eux, c'était comme si les balles ne leur faisaient aucun effet. Ils avançaient très rapidement et se déplaçaient d'un Rifle à l'autre, n'en faisant qu'une bouchée. À tel point qu'ils les transperçaient. C'était incroyable. On aurait dit qu'ils n'étaient pas humains.

 

Soudainement, les deux mystérieux guerriers regardèrent en direction des jumeaux et stoppèrent net leurs mouvements, fixant Mâron et Hazel. Surpris, les Rifles cessèrent les tirs. Les deux sourirent soudainement. Les chefs de gang ne comprirent pas le sens de ce sourire et en étaient très perplexes. Les deux hommes se remirent en mouvement, mais cette fois, très lentement et en direction du frère et de la sœur. Personne ne tirait plus. Tous étaient comme hypnotisés. Comment ces deux hommes avaient-ils pu tuer tout ce monde aussi facilement et en évitant toutes les balles ? Finalement, alors qu'ils n'étaient plus qu'à une quinzaine de mètres de leurs cibles, Nagant leur cria, il n'avait étrangement plus son ton arrogant habituel, mais gardait une voix calme :

« Qui êtes-vous ? Que nous voulez-vous ?

- Nous sommes venus pour vous, » répondit celui au visage plus arrondi, en pointant les jumeaux du doigt.

Mosin et Nagant écarquillèrent les yeux de stupeur. Que leur voulaient-ils donc ?

« Hein ? ! Et pourquoi nous ?

- Ça, vous le découvrirez de vous-mêmes. Vous allez nous accompagner. C'est tout.

- Et puis quoi, encore ? ! Il faudra d'abord nous passer sur le corps ! » s'écria encore Nagant.

« Ce ne serait pas très difficile. Mais, nous devons vous ramener vivants à notre maître. »

C'en était trop. Ces hommes commençaient sérieusement à les énerver. Mosin et Nagant se jetèrent un regard et acquiescèrent. Cela n'allait pas être un combat facile, ils allaient devoir y aller à fond, tous les deux, dès le début. En fait, ils ne pensaient pas pouvoir gagner, les mouvements des deux hommes leur paraissaient bien trop surhumains. Mais ils ne se laisseraient pas avoir si facilement.

« Dans ce cas, vous allez quand même devoir nous vaincre d'abord ! » leur lança Mosin.

Les deux hommes sourirent machiavéliquement. Celui au visage allongé prit la parole pour la première fois.

« Laisse-moi faire, N°10, inutile que l'on se batte tous les deux.

- Tu as raison, N°9. »

 

N°10 ? N°9 ? Pourquoi s'appelaient-ils par des numéros ? Des noms de code ? Quoiqu'il en fut, N°10 s'écarta, ce qui était une bonne nouvelle pour les deux chefs de gangs. Ils auraient peut-être une chance de les vaincre à deux contre un. N°9 s'approcha, mais s'immobilisa sans se mettre en aucune position particulière. Apparemment, c'était sa façon de se préparer à l'affrontement. Les jumeaux s'avancèrent aussi, mais prirent une position de combat, à l'inverse de leur adversaire. De plus près, ils purent constater que les deux hommes avaient des yeux oranges, de petits anneaux à chaque oreille et que sur leurs vestes était cousu un bout de tissu rouge en forme de nœud papillon avec un "R" blanc à chaque bout. Les trois combattants se jaugèrent un instant. Les Rifles avaient observé la scène sans avoir jamais osé bouger ou prononcer une seule parole.

 

Soudainement, la jeune femme blonde se précipita sur ce qu'elle ignorait être un androïde. Elle mit en avant son poing droit, prête à frapper, mais au dernier moment replia son bras, son coude se retrouvant en avant et son poing gauche vint frapper le ventre de la créature. Puis, d'un pivotement, son coude droit s'écrasa sur le visage de N°9. Mais celui-ci ne bougea pas d'un cil. Mosin se recula un peu, mais la machine lui prit le bras gauche d'un geste vif. Cette dernière vit soudainement Nagant, en l'air. Celui-ci lui enfonça deux pieds sur la figure. Mosin, quant à elle, fit un tour sur elle-même, et lui mit un coup de pied retourné de sa jambe droite sur la mâchoire et se dégagea le bras d'un mouvement brusque. Puis, Nagant atterrit dans une pirouette, tandis que Mosin ramena sa jambe en arrière, et les jumeaux prirent leur appui sur la jambe qui venait de frapper le sol, et lancèrent chacun leurs deux poings joints. L'homme reçut leurs quatre poings sur le sternum, en même temps. Tout ceci se passa en trois secondes.

 

L'homme avait enfin reculé de quelques centimètres, mais ne semblait pas vraiment touché par l'attaque du frère et de la sœur. Ceux-ci soufflèrent entre leurs dents. Ils pensaient que leur technique aurait au moins eu un petit effet.

 

Cette fois-ci, ce fut Nagant qui se précipita sur l'adversaire, dans une position qui ne permettait pas à la machine de deviner de quel membre il allait frapper. Tandis que Mosin faisait un coup de pied sauté par-dessus son frère. Mais N°9 disparut soudainement et leurs attaques vinrent toucher le vide. Instantanément, avant même que Mosin n'ait atterrit et que Nagant se soit remis en position, une main vint se poser sur le col des deux jumeaux et dans un mouvement de rotation, l'androïde les jeta à terre. Le heurt fut violent, mais ils n'en furent pas trop blessés et se relevèrent immédiatement, dans une roulade, s'éloignant de leur adversaire.

 

Ils n'avaient pas vu le déplacement de l'homme. Il les avait balancés comme des vulgaires sacs poubelles en ne les tenant qu'avec un bras pour chacun. Il sourit et se retrouva à toute vitesse devant eux avant qu'ils n'aient pu esquisser le moindre geste. Ses paumes se retrouvèrent comme par enchantement posées sur leurs poitrines et ils furent propulsés à quelques mètres. Ils se relevèrent difficilement, cette fois-ci. Le choc avait été violent. Mâron regarda son frère, se tenant l'épaule.

« Tu saignes à la tête... Tu as l'air fin comme ça... » dit-elle avec un sourire narquois, un peu forcé.

« Tu t'es vue ? Toi, tu as une lèvre fendue et tu t'es démise l'épaule, » répondit-il avec la même expression.

« Oui… D'ailleurs, si tu pouvais m'aider... »

 

Hazel, qui effectivement saignait abondamment du front, lui prit l'avant bras relié à l'épaule en question et les deux poussèrent de façon à remettre l'articulation en place. La fille de Nato poussa un petit gémissement. Cela allait mal. Ils n'avaient aucune chance de gagner. Le frère n'avait jamais pensé qu'il rencontrerait quelqu'un de plus fort que lui, surtout allié à sa sœur. Celle-ci, en revanche, n'était pas d'une nature aussi arrogante, et pensait bien qu'il fût possible de trouver plus fort qu'eux. Mais au point de les malmener aussi facilement, alors qu'ils étaient déjà plus forts qu'un ex-champion, et alors qu'ils étaient ensemble... Cela, elle ne l'aurait jamais imaginé.

 

« Ça suffit. Je ne dois pas plus vous abîmer. Il faut qu'on vous ramène en bon état. Laissez tomber et suivez-nous bien tranquillement. »

Hazel et Mâron tiquèrent.

« "Abîmer" ? "En bon état" ? Vous nous prenez pour des voitures de luxe ou quoi ? ! ?

- En quelque sorte, » répondit N°9 avec un sourire narquois.

« La ferme ! On n'appartient à personne et on ne vous suivra pas ! » crièrent les deux en même temps.

 

Ils se relancèrent à l'attaque. Mais encore une fois, l'androïde esquiva très facilement et les mit à terre d'un coup dans la nuque à chacun. Les Rifles étaient tétanisés. Voir leurs deux chefs qu'ils pensaient invincibles se faire étaler aussi facilement, était incompréhensible pour eux. N°9 se penchait pour prendre les jumeaux qui ne s'étaient pas encore relevés, quand quelque chose vint le heurter.

« Putain ! Mais il est en acier ou quoi ! ? » s'écria Barett en se massant l'épaule.

 

« Keuf ! Il n'a même pas bougé... Fortiche le gaillard... Vous croyez qu'à nous trois, on peut l'avoir ? » dit-elle en se rapprochant de ses deux chefs.

« Eh bien, je... » Hazel s'interrompit quand l'androïde prit soudainement le bras de Barett.

« Mêle-toi de ce qui te regarde, toi. »

D'un mouvement sec, il lui arracha le bras, comme s'il s'agissait d'une vulgaire branche sèche. Barett s'écroula à terre en hurlant et se tenant ce qui lui restait de son membre.

« Aaaaaaaaaaaaah ! ! ! ! Mon bras ! Mon bras ! »

Elle saignait abondamment.

« Bar... Barett ! Salaud ! » crièrent les jumeaux, en se précipitant sur leur ennemi. Celui-ci leur planta à chacun un poing dans l'estomac, et ils tombèrent à genoux, gémissant et pliés en deux, leurs mains tenant leurs ventres. Ils avaient si mal, qu'ils en vomirent.

 

Barett essaya de se relever, esquissant un mouvement de fuite, mais glissa, après quelques mètres, retombant lourdement. Elle se retourna, complètement envahie par la peur. Mais en voyant N°9 se diriger vers elle, elle eut tout de même la force de crier aux Rifles : « Tirez ! Tirez ! »

Les jumeaux l'entendirent. Elle savait pourtant qu'ils seraient touchés si les Rifles tiraient. Mais cela n'avait plus l'air de l'intéresser, ni les autres Rifles qui obéirent à l'ordre. Il y eut même quelques tirs de roquettes. Finalement, la seule personne qui se préoccupa de leur sécurité fut N°10, qui les sortit de là à toute vitesse, avant que la salve ne les touche. Il les posa brutalement à terre, à l'abri des tirs. Ceux-ci durèrent un certain temps. Mais quand la poussière soulevée par l'attaque retomba. Ils constatèrent que N°9 était toujours debout, et indemne, si ce n'étaient ses vêtements déchirés. Les jumeaux en auraient été estomaqués, si cela n'avait pas déjà été physiquement fait. Tout comme les Rifles qui ne faisaient plus un mouvement, observant avec des yeux sortis de leurs orbites le monstre qui avait résisté à un tel assaut.

 

Il mit un pied en avant et avança doucement vers eux. Barett trouva alors la force de l'implorer.

« A... Attendez ! C'est eux que vous voulez ! Pas nous ! Ne... Ne... Ne nous tuez pas ! Vous pouvez les prendre, c'est pas grave ! Mais nous, vous vous en fichez ! Alors laissez-nous tranquilles ! »

Tous les Rifles approuvèrent d'une voix. Ils venaient de trahir leurs chefs. Ils se mirent à genoux, suppliant. Mais N°9 continua sa marche et planta son pied dans le ventre de Barett et le lui écrasa complètement, la tuant sur le coup. Les Rifles tentèrent de détaler, mais avant qu'ils ne puissent s'égayer en tout sens, N°9 leva le bras, la paume mise verticalement, les doigts en éventail, il y eut une lumière bleutée et une sorte de boule d'énergie fit exploser tout le hangar et les délinquants avec. Les Rifles venaient d'être massacrés.

 

L'androïde retourna auprès de son compère.

« Allons-y, N°10. Ramenons-les au maître. »

Mais Hazel ne l'entendait pas de cette oreille. Il se leva.

« Jamais ! ! »

Il voulut les attaquer, mais N°10 le renvoya au sol d'un revers de main. Il fut assommé.

« Hazel ! ! » Mâron se rendit compte qu'elle ne l'avait plus appelé ainsi depuis bien longtemps. Ce n'était plus son prénom. Mais elle l'avait tout de même appelé ainsi, par réflexe. Ce n'était pourtant pas le moment de penser à ce genre de choses.

 

Les deux androïdes allaient les emmener de force, quand la fille de Dona réalisa qu'ils étaient sur une grande flaque d'eau. Elle se recula soudainement, lançant comme elle pouvait son frère inconscient le plus loin possible, sans le ménager.

« Ça suffit. Tu aurais dû comprendre qu'il est inutile de fuir. »

Mais la jeune femme se retourna et sourit narquoisement à la remarque de N°10.

« Qui parle de fuir ? »

Les deux androïdes prirent un air interloqué. Mâron sortit rapidement une capsule et la jeta en l'air, l'ouvrant. Toujours intrigués, les deux androïdes suivirent du regard la capsule et virent une multitude de grenades en sortir. Elles tombèrent dans la flaque, et instantanément, les deux machines reçurent un puissant choc électrique, qui s'intensifiait à mesure que les grenades tombaient. N°9 et N°10 étaient traversés de spasmes. C'étaient les même grenades qu'elle avait utilisées la veille pour attaquer la base des Red Sharks. Elle en avait préalablement retiré les sécurités au cas où le plan ne se serait pas passer comme prévu lors de l'attaque du bâtiment et qu'elle aurait eu besoin de plus de grenades.

 

Par réflexe, elle se mit sur le corps de son frère inanimé, pour le protéger. Les éclairs cessèrent et Mâron se leva et regarda ses deux ennemis. Ils étaient à terre. Mais à y regarder de plus près, ils avaient un drôle d'aspect, ils ne ressemblaient pas à des hommes venant d'être électrocutés, bien qu'elle n'aurait su mettre le doigt sur ce qui la dérangeait. Elle ne se pencha pas plus sur la question. En principe une telle décharge aurait dû tuer n'importe quel humain. Mais elle préférait être prudente. Elle sortit un sky-car d'une capsule et traîna son frère à l'intérieur. Puis, elle se mit au volant et s'enfuit le plus vite possible.

 

----------------------------------------------------------------------------

 

Au laboratoire du Dr Gero, le propriétaire des lieux, qui avait suivi la scène grâce à son robot-espion, pestait.

« Et merde ! Toutes cette électricité a déchargé leurs batteries ! C'est un défaut que j'ai enrayé à partir de N°12, mais je n'aurais pas pensé que ces satanés gamins auraient utilisé leur point faible !... Bon ! Ce n'est pas grave. Mon robot-espion continue de les suivre. Le seul problème est que je n'avais pas prévu ça et que N°11 et N°12 vont mettre du temps à se recharger. J'espère que personne ne trouvera N°9 et N°10, d'ici à ce que j'envoie N°11 les chercher. Quant aux gamins, je ne pense pas qu'ils pourront échapper à N°12. »

Le vieillard se précipita vers les capsules où étaient notés les numéros 11 et 12. Il manipula quelques câbles et quelques touches.

« N°12 va prendre un peu plus de temps à se recharger... Mais le plus urgent et de récupérer N°9 et N°10 avant que quelqu'un ne les trouve. »

 

----------------------------------------------------------------------------

 

Il régnait une certaine agitation. De nombreux véhicules de polices étaient stationnés au hasard. Des agents se pressaient de partout pour tâcher de découvrir ce qui avait bien pu se passer. Les démineurs venaient de partir après s'être assurés que le terrain ne fut pas dangereux. La police scientifique avait alors prit le relais. L'agente Manacle observait les cadavres dans ce terrain abandonné. Ils étaient souvent affreusement mutilés. Il y avait, semblait-il, eu une explosion, un hangar fut détruit, et des corps complètement carbonisés gisaient dans les gravats. C'était un véritable charnier. D'après les pré-conclusions des expertises, cela faisait un peu moins d'une journée qu'ils étaient morts. Ils n'avaient en revanche pas encore pu déterminer ce qui avait pu infliger de tels coups aux macchabées de ceux qui n'étaient pas brûlés, ni la nature de l'explosion.

 

Ils avaient identifié les morts comme les membres des Rifles. Après avoir découvert White, le chef des Red Sharks, plus mort que vif et le Q.G. de ce gang complètement détruit, cela commençait à faire beaucoup de mystères pour ce milieu. Ils avaient de forts soupçons sur les Rifles pour ce qui était arrivé aux Red Sharks, et auraient soupçonné ces derniers dans cette affaire, s'ils n'avaient pas perdu presque tout pouvoir d'action. La police nageait en pleine confusion.

 

Manacle savait ce qui était arrivé aux Red Sharks. Hazel avait tenu promesse. Elle avait dit à ses supérieurs que le jeune homme avait réussi à cacher une capsule hoipoi dans sa bouche - une fouille buccale était généralement de mise pour parer à ce genre d'éventualité, mais même si c'était très rare, il pouvait réellement arriver que certaines personnes avalent partiellement une capsule, avant de la régurgiter - et il avait ainsi sorti une arme avec laquelle il l'avait menacée et forcée à s'arrêter, puis l'avait assommée. En découvrant l'état de White, elle s'était dit qu'il aurait presque mieux valu que les jumeaux le tuent. En tout cas, l'homme n'aurait plus jamais une vie normale après ce traitement. Elle s'était presque sentie coupable à l'idée que c'était elle qui avait permis ça. Mais elle s'était alors rappelée comment le cadavre nu et mutilé de l'agente Païpu avait été découvert dans un caniveau, et elle n'avait alors ressenti plus aucune culpabilité.

 

Elle observa le corps d'une grande femme musclée, aux cheveux blonds foncés attachés en natte et habillée de cuir noir. Un bras lui avait été arraché et elle avait le ventre ouvert d'où lui sortaient les tripes. Manacle eut un haut le cœur et détourna le regard. Elle avait déjà vu des cadavres dans cet état, mais pas autant à la fois. Et puis, elle pensa à Hazel. Et Mâron ? Son frère avait parlé de deux chefs. Était-ce elle, la deuxième ? Est-ce qu'ils se trouvaient aussi parmi ces cadavres ? Elle frissonna. Il fallait qu'elle aille parler à Nato Nuss. Mais elle ne voulait pas révéler qu'elle connaissait le chef du gang, et elle ne pouvait donc pas justifier de s'absenter ainsi. Il allait donc falloir attendre la fin de son service.

 

----------------------------------------------------------------------------

 

L'androïde pénétra dans le laboratoire troglodyte avec N°9 et N°10 chacun sous un bras.

« Tu ne t'es pas fait repérer, au moins, N°11 ?

- Non, maître. Je les ai récupérés avant que la police n'arrive. Voulez-vous que j'aille récupérer les cibles ?

- Non. Je préfère attendre que N°12 soit réveillé. Pose plutôt N°9 et N°10 dans leurs capsules. Je procéderai à la vérification de leurs systèmes plus tard. Je ne pense pas qu'ils soient endommagés. Le choc électrique a juste dû leur vider leurs batteries. Mais je préfère en être sûr. »

 

----------------------------------------------------------------------------

 

Manacle claqua la portière de sa voiture personnelle. Une voiture rétro de couleur beige. Elle appuya sur un bouton et le véhicule se transforma en une petite capsule, qu'elle mit dans son étui à capsules. Elle regarda le bâtiment. C'était bien l'endroit où habitait les Nuss. Elle n'était venue qu'une fois, lors de la mort de Dona Nuss. Elle et Païpu avaient voulu aller annoncer elles-mêmes que l'enquête sur l'accident avait été abandonnée. Ce fut une chose difficile à faire. Ce genre de chose était toujours difficile.

 

Il était environ dix-huit heures. Elle avait pu quitter le travail assez tôt. Il faut dire qu'elle avait prit son service très tôt. Elle s'était tellement précipitée qu'elle n'avait pas pris le temps de se changer et avait conservé son uniforme. Mais à présent qu'elle se trouvait devant le bâtiment, elle hésitait. Elle ne savait pas trop ce qu'elle allait dire à Nato Nuss... Elle n'avait pas la moindre idée de ce qui avait pu arriver à ses deux enfants. Elle espérait qu'ils ne fissent pas partie des corps inidentifiables. Mais elle devait lui demander s'il savait où ils se trouvaient. Et peut-être ce qui avait pu se passer.

 

Elle finit par pénétrer dans l'immeuble et prit l'ascenseur. Devant la porte des Nuss, elle marqua encore une pause. Puis elle se décida à sonner. Personne ne répondit. Elle sonna encore une fois, mais toujours personne n'ouvrit. Elle allait s'en aller lorsqu'elle entendit du bruit derrière la porte. Elle resta un instant sans bouger, à l'écoute d'un autre bruit, qui vint. Elle hésita encore, puis frappa à la porte vigoureusement.

« M. Nuss ? M. Nuss ? Ouvrez ! C'est l'agent Manacle ! Vous vous souvenez de moi ? Nous nous sommes rencontré lors... Il... Il y a huit ans. »

Personne n'ouvrit. Elle recommença à frapper.

« C'est... C'est à propos de vos enfants ! »

Après quelques instants, la porte s'ouvrit finalement. La femme eut du mal à reconnaître le Nato Nuss qu'elle avait rencontré, huit ans auparavant. Même dans sa douleur, elle lui avait trouvé une certaine dignité. Il avait un air triste, mais résolu et déterminé, comme quelqu'un qui voulait marquer un tournant dans sa vie. Il était également soigné sur lui-même. Mais l'homme qu'elle avait en face d'elle, était mal rasé, décoiffé, portant de vieux vêtements fripés. Il avait surtout le regard creusé, presque hagard. Il se tenait comme s'il était sur le point de s'effondrer. On aurait dit un vieillard.

 

De son côté, Nato, qui n'avait pas reconnu Manacle au son de sa voix, ni à l'évocation de son nom, se souvint d'elle en la voyant. Il se rappela le soutien qu'elle et sa collègue avaient été. Leur fréquentation avait été très brève, mais marquante. Pourquoi cette soudaine visite après toutes ces années ? Elle voulait lui parler de ces enfants... Il frémit. Il espérait que ce n'était pas pour lui annoncer qu'ils avaient rejoint cet endroit. Curieux. Cela faisait quelques jours qu'il ne ressentait rien, à part un grand vide et un sentiment déchec et d'inutilité. Et là, même s'il s'agissait d'inquiétude, il était soulagé de constater qu'il pouvait encore ressentir quelque chose. Surtout envers ses enfants.

« Mes enfants ?

- Euh... Puis-je entrer pour vous parler ?

- Hum... Oui, biensûr. »

Il avait dit cela avec une voix rauque et plutôt atone. Ce qui renforça le malaise de Manacle. Mais Nato ne s'en rendit pas compte. Il l'envoya s'installer dans le salon pendant qu'il lui préparait du café. Ce qui arrangea la policière, qui venait de se rendre compte qu'elle n'avait pas prévu ce qu'elle allait lui dire, le temps qu'il fît le café lui permettrait donc de remettre ses idées en place.

 

« L'agent Païpu n'est pas avec vous ? »

Nato s'était soudainement rappelé le nom de sa coéquipière. Il gardait sa voix sans expression.

« Elle est décédée. Il y a deux mois. »

Nato stoppa son mouvement un court instant sur le pas de la porte du salon. Puis il reprit sa marche et déposa le café sur la petite table du salon.

« Toutes mes condoléances. »

Pour la première fois, Manacle crut percevoir une émotion sur son visage et dans sa voix. Il s'assit.

« Donc, que vouliez-vous me dire à propos de mes enfants ?

- Et bien... Hum... Vous saviez que Hazel était un des chefs des Rifles ?

- Il a été arrêté ?

- Non ! Non ! Mais, donc, vous étiez au courant ?

- Oui...

- Et... Et Mâron, c'est la deuxième cheffe... ?

- Vous essayez d'obtenir à travers moi des renseignements pour arrêter mes enfants... ? » Il gardait sa voix caverneuse.

« Non. Je vous assure que ce n'est pas ça. D'ailleurs, je ne suis pas en service, là.

- Pourtant, vous portez votre uniforme...

- C'est que... J'étais pressée de venir vous parler.

- Et pourquoi donc... ?

- Je... » Elle ne savait pas trop comment elle allait tourner sa phrase. « Ce matin, nous... ... De nombreux corps ont été trouvés à la base des Rifles, qui a été détruite. Ces corps sont ceux de... Rifles... »

 

Il y eut un instant de silence pesant.

« Et mes enfants étaient parmi eux... ? »

"Mes" enfants... Mâron était donc bien la seconde cheffe. Cette fois-ci, Manacle avait clairement ressenti de l'inquiétude dans sa voix.

« Nous ne le savons pas encore... La plupart des corps n'ont pas encore été identifiés... »

Cette fois-ci, la réponse fut précipitée.

« Vous ne le savez pas encore ? La plupart des corps n'ont pas encore... Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Vous devriez reconnaître Mâron et Hazel, non ?

- C'est que... » Comment allait-elle dire une chose aussi affreuse ? « La plupart sont inidentifiables... »

Nato resta silencieux. Il ne savait quoi penser. Ses enfants étaient-ils... morts ? Faisaient-ils partie de ses corps "inidentifiables" ? Il posa son front sur ses mains, les bras accoudés sur ses genoux. Il ne ressentait plus le monde extérieur. Il avait l'impression de s'être complètement fait avaler par les sables mouvants dans lequel il était empêtré depuis huit ans. Cette impression était encore plus nette que lorsque les jumeaux lui avaient définitivement dit adieu, deux semaines auparavant. Il entendit une voix l'appeler.

« M. Nato ? Vous... Vous vous sentez bien ? »

Il sortit de sa torpeur.

« Pardon... Je... Vous croyez que mes enfants font partie de ces corps... ?

- Je... Je n'en sais rien... Mais... Vous ne connaissez pas un lieu qu'ils ont l'habitude de fréquenter ?

- Je... Non... Nous... Ils ont décidé de couper les ponts avec moi... Et avec tout ce qui faisait leur vie jusqu'il y a peu... Je... Je n'ai pas la moindre idée d'où ils peuvent être... ... S'ils sont encore en vie... »

Manacle respecta son silence un instant.

« Vous... Vous pourriez me laisser seul, s'il vous plaît... Je... Je ne me sens pas très bien...

- Oui, biensûr... »

Il allait se lever pour la guider jusqu'à la sortie.

« Non... Laissez... Je connais le chemin... »

 

Elle sortit du salon, puis Nato entendit la porte d'entrée claquer. Il resta un long moment dans le vague. Il ne pensait à rien en particulier. Il se laissait seulement submerger par un grand sentiment d'angoisse et d'impuissance. Une seule question lui revenait sans cesse à l'esprit : Étaient-ils vivants ou morts ? Il se ressaisit. Il devait les retrouver. Ils ne pourraient plus former une famille, mais il devait s'assurer qu'ils étaient toujours vivants. Il se demandait comment il allait s'y prendre... Il secoua la tête. Lorsqu'ils avaient soudainement disparu, il ne savait pas non plus où les chercher, mais cela ne l'avait pas arrêté.

Laisser un commentaire ?