D'humains à cyborgs

Chapitre 11 : L'Armée du Red Ribbon

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:20

Mâron essayait de changer la compresse sur le front de son frère, qui grimaçait. Il avait mis du temps à revenir à lui. Au début, Mâron avait pensé quitter immédiatement la ville. Mais voyant que son frère ne se réveillait pas, elle s'était inquiétée et avait décidé de l'emmener à l'hôpital. Il y resta quelques heures. Mais une fois réveillé, il n'avait pas voulu rester pour s'assurer que tout allait bien, et ils s'étaient presque enfuis de l'hôpital. Il avait même insisté pour conduire le sky-car. Résultat, sa plaie s'était remise à saigner. Ils avaient vite cherché un endroit où il n'y aurait pas trop de monde à huit heures du soir, afin d'improviser un nouveau soin rapide à sa blessure fraîchement cousue.

 

« ... Tu peux me dire pourquoi tu nous as amenés ici... ? Il y a tout un tas d'autres endroits discrets en ville...

- Je ne sais pas... J'ai conduit sans vraiment réfléchir... Soit mon inconscient me joue des tours, soit ma blessure me fait délirer...

- Ça n'explique pas pourquoi ton "inconscient" ou "délire" nous a amenés dans le parc près de chez Nato...

- Fuuu… Peut-être une nostalgie enfouie... Et toi ? Pourquoi tu ne m'as pas signalé que nous... Aïe ! Fais attention ! »

Mâron venait d'appuyer plus fort sur la compresse improvisée qui allait remplacer l'ancienne.

 

« C'est de ta faute, si tu n'avais pas voulu faire le malin à partir trop tôt de l'hôpital...

- C'est ça ! On allait rester là-bas, alors que visiblement, quelqu'un nous recherche... ... Tu as une idée de qui pouvaient être ces deux-là ? Et qui les a envoyés ?

- Comment veux-tu que je le sache ?

- Les Red Sharks ?

- Si cela avait été eux, ils nous l'auraient dit, pas la peine de faire tout ce mystère autour du "maître"... »

Elle avait insisté sur le mot "maître", car c'était sous ce terme, que l'un des deux attaquants avait appelé celui vers lequel ils voulaient les emmener.

« S'ils n'agissaient pas pour leur propre compte, leur "maître" risque de nous envoyer d'autres personnes... Cela dit, j'ai du mal à imaginer qu'il puisse avoir d'autres sbires de cet acabit. En tout cas, tu m'impressionnes ! T'être débarrassée d'eux toute seule... On n'a peut-être pas besoin de s'inquiéter maintenant qu'ils sont morts...

- Arrête de dire des bêtises ! On ne sait pas du tout si celui qui nous recherche a encore des gens de cette espèce à nous envoyer... Et puis... Je ne suis même pas sure que les deux autres soient morts...

- Quoi... ? Mais... Tu m'as dit que tu leur avais envoyé suffisamment de grenades électriques pour tuer plusieurs hommes..

- Oui, mais... Je ne sais pas comment t'expliquer... Je ne les ai pas observés en détail, car j'ai préféré filer le plus vite possible, au cas où... Mais quelque chose clochait, je ne saurais pas dire quoi, mais à les voir, je n'avais pas vraiment l'impression de voir des hommes morts électroc... »

S'interrompant, elle regarda derrière son frère.

« Je ne pensais pas vous retrouver aussi facilement, cette fois-ci... »

Hazel se retourna. Nato était planté à quelques mètres du sky-car. Leur père les observa. Ils avaient quelques contusions. Son fils avait une compresse qui dissimulait mal le saignement de son front. Mais globalement, ils allaient bien. Les jumeaux l'observèrent aussi. Il avait l'air d'avoir vieilli. Il portait le gi du kurumisenryû.

 

« Descendez de votre sky-car et venez à la maison...

- Mâron t'a pourtant déjà expliqué que...

- Cesse de faire l'enfant ! Ce n'est pas pour reformer la famille que vous ne désirez plus, que je vous demande de me suivre. Vous ne voulez plus que je sois votre père, je l'ai compris. Mais j'ai entendu un peu de votre conversation, et j'ai eu la visite de Manacle aujourd'hui. Je ne sais pas dans quoi vous vous êtes fourrés, mais ça a l'air grave. Je vais panser un peu mieux ta plaie, et nous discuterons de ce que vous devrez faire pour vous mettre à l'abri. »

Mâron et Hazel n'eurent même pas à se regarder pour tomber d'accord. Nato était la seule personne qui pouvait les aider en l'état actuel des choses. Ils sautèrent du sky-car et le rangèrent dans sa capsule. Le garçon souffla :

« Nous ne nous sommes fourrés dans rien du tout. Enfin... Je ne crois pas... »

Nato ne répondit rien. Il se retourna pour ne pas que les deux jeunes le voient sourire.

 

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« Leur père... ? Fu ! Fu ! Fu ! Intéressant...

- Je suis prêt à partir, maître.

- Oui, attends un peu, N°12, je vais te mettre un système qui nous permettra de garder le contact, au cas où... Et puis, je viens d'avoir une idée qui devrait faciliter la soumission totale à mes désirs de ces gamins après leur cybernétisation, vu que je ne peux pas les lobotomiser. Je vais briser leur personnalité. Hé ! Hé ! Hé ! »

 

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Elle venait de faire demi-tour. Elle avait appelé tous les hôpitaux un à un, et finalement l'un d'eux avait bien reçu deux personnes répondant au signalement des jumeaux. Hazel était blessé au front, mais rien de grave. Mais ils avaient mystérieusement disparu. Elle aurait dû penser plus tôt à appeler les hôpitaux. Elle alla d'abord à l'hôpital en question, pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'eux et non pas d'une coïncidence. En leur montrant les photos de la banque de données de la ville, le personnel les identifia clairement. Elle fonça chez Nato Nuss lui annoncer que ses enfants étaient bel et bien vivants.

 

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Cela faisait à peu près une heure que les jumeaux étaient chez leur père. Il avait mieux pansé la plaie de Hazel qui s'était arrêtée de saigner. Ils lui avaient raconté dans les détails tout ce qu'il s'était passé. Cela faisait un moment qu'ils ne se disaient plus rien. Soudainement, les jumeaux se levèrent pour partir.

« Où allez-vous ?

- Nous quittons la ville. Cela ne sert à rien de rester ici...

- Vous ne savez même pas à qui vous avez à faire. Pour qu'il puisse vous envoyer des combattants pareils, il doit avoir de gros moyens. S'il vous retrouvait ailleurs, que ferez-vous ? Fuir ? Vous allez passer votre vie à fuir ? Et de toute manière, le pourrez-vous encore ? D'après ce que vous m'avez dit, ces hommes étaient bien plus forts que n'importe quel expert en arts martiaux que l'on peut trouver au championnat. Ils ont l'air du niveau du démon qui nous a tué votre mère et moi... »

Les jumeaux furent étonnés qu'il parle de cela aussi facilement, mais n'en laissèrent rien paraître.

 

« Et que veux-tu que l'on fasse ? » demanda Mâron.

- Peut-être que si vous saviez qui vous recherche... Avec un peu de chance, si on parvient à neutraliser celui qui est derrière tout ça...

- Et comment veux-tu que l'on fasse pour le savoir ? ! Nous te l'avons dit ! Cela ne peut être ni les Red Sharks, ni aucun autre gang, ils ne feraient pas tant de mystère. Et personne d'autre n'a de raison de nous en vouloir à ce point, » s'écria Hazel.

« Et les lieux que vous avez braqués ? »

Ils restèrent silencieux.

« Hmm... N°9... N°10... » réfléchit le père à voix haute. « Avez-vous remarqué quelque chose qui pourrait peut-être les lier à une quelconque organisation ou groupe ?

- Non, nous... » Mâron s'interrompit. « Attends... Il y avait cette espèce de nœud papillon rouge cousu sur leurs vestes... »

« Un nœud papillon... ?

- Oui, c'était une espèce de morceau de tissu rouge en forme de nœud papillon. À chaque bout, il y a avait un R majuscule écrit en blanc... »

 

Leur père ouvrit la bouche, mais ne dit rien. Il avait l'air interloqué. Il se leva et leur amena un papier et un stylo rouge.

« Tu peux me le dessiner, s'il te plaît ? »

Mâron s'exécuta. Nato prit le dessin et eut un air choqué.

« Mais... Ce n'est pas possible... Qu'est-ce que cela veut dire... ?

- Qu'y a-t-il ? » demanda Hazel.

« Cet emblème… C'est celui de l'Armée du Red Ribbon...

- Le Red Ribbon ? » dirent ensemble le frère et la sœur.

« Oui, c'est une armée terroriste qui sévissait, il y a plusieurs années. Le gouvernement mondial ne parvenait pas à la combattre efficacement, et encore moins à l'éradiquer. Mais il y a de cela un peu plus de douze ans, elle a mystérieusement disparu...

- Mais si elle a disparu, qu'est-ce qu'elle vient faire dans cette histoire ? Et que nous veut-elle ? C'est bien trop gros pour nous, si c'est une affaire que même le gouvernement mondial n'a pu régler... » s'étonna Hazel.

« Je n'en sais rien... Mais c'est vraiment dangereux. Je... On pourrait demander à l'agent Manacle... Peut-être pourra-t-elle nous aider... Je... »

Il s'interrompit lorsqu'il s'approcha de la fenêtre.

- Qu'y a-t-il ? » demanda Mâron.

« Ve... Venez voir ! »

Les deux ex-chefs de gang s'approchèrent de la fenêtre. Au pied de l'immeuble, il y avait un homme. Un vrai géant, il avait la peau noire, des cheveux bleu ciels coiffés en brosse. Il portait une tenue d'art martiaux jaune, avec une ceinture noire. Il marchait pieds nus. Il était de dos. Et sur la partie arrière de son kimono, on pouvait voir un gros nœud papillon rouge avec deux R blancs. Il se retourna soudainement dans leurs directions. Les trois Nuss se cachèrent.

 

« Bon sang ! Comment ont-ils pu nous retrouver aussi vite... ? » s'exclama Hazel.

« Je ne sais pas, mais... » Nato s'interrompit, lorsqu'il rejeta un œil au pied de l'immeuble. L'homme n'était plus là. « Di... Disparu... »

Les jumeaux regardèrent à leur tour et constatèrent qu'effectivement, il n'y avait plus personne. Nato se précipita dans l'entrée, les jumeaux le suivirent, mais à peine entraient-ils dans le hall de l'appartement, que leur père leur lança une clé.

« C'est la clé du dôjô où on allait s'entraîner, avant. Allez-y !

- Hein ? Je croyais que cet endroit n'était plus à nous... » s'étonna Hazel en l'attrapant au vol.

« Oui, mais j'avais perdu cette clé et l'ai retrouvée plus tard. Je sais que personne n'a encore loué cette salle. Fuyez par la fenêtre de l'autre côté, et allez vous réfugier là-bas. Vous appellerez Manacle pour voir si elle peut vous être utile...

- Mais... Et toi ? » s'exclamèrent ensemble les deux jumeaux.

« Je vais essayer de le retarder le plus possible...

- Quoi... ? ! Non mais tu es malade ? !

- Tu n'as aucune chance ! !

- Partez immédiatement ! !

- C'est hors de question ! !

- Tout de suite ! !

- Mais... » tenta encore de protester Mâron. Mais voyant son air résolu, Hazel prit la main de sa sœur et la traîna jusqu'à la fenêtre.

« Non... Attends... »

Un seul regard de son frère lui fit comprendre que ce n'était pas la peine d'essayer de faire changer d'avis leur père. Ils ouvrirent une fenêtre de la cuisine, lancèrent une capsule et un sky-car apparut. Ils sautèrent dedans, démarrèrent et fuirent, lançant un dernier regard à leur père qui se dirigeait déjà à nouveau vers le hall, sans se retourner. Le temps qu'il était resté dans leur champ de vision n'avait duré que quelques fractions de seconde, mais cela leur parut bien plus long, l'image de leur père s'imprimant dans leur cerveau. La dernière image de leur père, sans doute...

 

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« Ils se sont enfuis par la fenêtre. Mais le père est resté. Je vais les suivre avec le robot-espion. Toi, occupe-toi du père.

- Bien, maître, » répondit N°12 à la voix du Dr Gero, qui lui parlait par l'intermédiaire de la puce qu'il venait de lui greffer.

 

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Nato se mit devant sa porte, en position de combat. Il se concentra pour écouter les bruits de pas. Il fallait que cela soit des pas non chaussés. Ce serait plus difficile à entendre, mais au moins, était-il sûr de ne confondre avec personne.

 

Il finit par entendre les pas. Lorsqu'ils arrivèrent à la hauteur de la porte d'entrée, Nato courut vers celle-ci. Sans le moindre cri, il sauta et donna un grand coup de pied sur la porta qui sortit de ses gonds et vint heurter quelque chose, avec Nato toujours dessus. Cette chose stoppa net la progression de la porte. Nato eut à peine le temps d'être impressionné que quelqu'un puisse ne pas bouger d'un pouce face à une telle attaque, que déjà la porte fut propulsée vers où elle venait, et lui avec. Il fut projeté dans son appartement, tandis que la porte explosa contre les bords du mur. Il se releva et vit l'homme en face de lui, inexpressif, des yeux oranges et de petits anneaux à chaque oreille. Une femme, voisine de Nato, ouvrit la porte de chez elle, mais quand elle vit le géant et la porte des Nuss défoncée, elle referma aussitôt. Heureusement pour sa vie, la créature ne la vit pas.

 

« Bien, maître. »

Nato ne comprit pas que ces mots étaient adressés à une personne qui ordonnait à son adversaire de ne pas le tuer tout de suite. Il se releva et fonça sur le géant, tentant un coup de pied, mais d'un revers de main celui-ci le renversa. Il saignait déjà du nez et avait la lèvre inférieure fendue. Il vit que ce simple revers avait arraché un pan de mur, rien qu'en le frôlant, mettant à nu des câbles électriques. L'ex-champion n'eut pas le temps d'être impressionné, qu'il fut projeté vers sa cuisine, heurtant l'évier qui explosa, giclant de l'eau aux alentours. Nato avait deux ou trois côtes cassées. Il gémit.

 

« Il va me tuer, » pensa l'homme.

Il commençait à trembler, car il repensait à son expérience de la mort. Il regrettait de ne pas être parti avec ses enfants... Qu'espérait-il ? Il ne pourrait jamais vaincre cet homme. Derrière son écran d'ordinateur, Gero, qui pouvait assister à la scène grâce à la micro-puce implantée sur N°12, hurlait contre son androïde.

« Bon sang ! Fais attention ! Tas de ferraille ! Je t'ai dit de ne pas le tuer immédiatement ! Il doit prononcer les mots qu'il faut ! Hein ? Il se relève ? ! »

 

Nato se leva tant bien que mal. Il devait quand même lutter. Il se mit en position. Il regarda son agresseur, qui lut la peur dans ses yeux. Il était déjà assez performant pour cela. Se faisant aussi arroser par l'eau de l'évier, la machine s'approcha alors du père des jumeaux qui resta immobile jusqu'au dernier moment. Il lança alors ses deux poings sur le sternum de son adversaire avec toute la force qu'il pouvait. Il sentit alors une vive douleur dans ses mains, particulièrement la gauche qui venait de se briser. Il s'effondra à terre et vit le géant qui restait inébranlable. Il recula, puis se recroquevilla.

« Non... Non... Non... Non ! Hic ! Veux... pas mourir... Non... Tout... Mais ne me renvoyez pas là-bas. Hic ! Pitié ! Hic ! Je... Ce noir... Cette souffrance... Cette solitude... Ce froid... Non... Non ! Nooon ! ! Pi... Pitié ! Ne me renvoyez pas là-bas... Hic ! Ne... Ne me tuez pas... Pitié... Pas là-... là-bas... C'est pire... Hic ! Pire que tout... Non... Pitié ! »

 

Il ne regardait même pas son adversaire en disant ça. En réalité, sa bouche parlait toute seule. Il était complètement prit d'une panique incontrôlable. Une terreur immense l'envahissait, prenant la place de tout ce qui l'entourait. Seule cette terreur existait à présent. Il se sentait déjà dans ce monde où il avait tant souffert. Une souffrance indéfinissable. Il avait des spasmes. N°12 en fut interloqué. Gero derrière son écran aussi. Il ne comprenait pas une réaction aussi forte. Bien des gens avaient peur de la mort, mais il s'agissait de quelqu'un qui semblait s'y connaître en arts martiaux et qui avait décidé de lui-même d'affronter son robot, tout en connaissant les risques. Pourquoi ce changement d'attitude ? Finalement, Gero sourit.

« C'est encore mieux que je ne l'espérais... Je ne pensais pas qu'il servirait aussi bien mes plans. Je n'ai presque rien à ajouter. Hé ! Hé ! Hé ! Hé ! C'est bon, N°12 ! Tu peux le tuer ! Je n'ai plus besoin de lui ! »

 

L'androïde allait achever l'homme. Il joignit les doigts de sa main gauche et les tendit, puis recula son membre, près à le planter dans le cœur de Nato. Mais il reçut un objet à l'arrière de la tête. En même temps, Nato entendit une voix qui lui permit de redevenir à demi-conscient et de sortir un peu de son univers de terreur.

 

« Lai... Lai... Laissez-le ! Je... Je... J'ai appelez la po… po… po… police ! »

 

Soy avait vu M. Nuss rentrer dans le bâtiment avec ses enfants. Il s'était beaucoup réjoui, et avait voulu aller leur dire bonjour. Mais finalement, il s'était abstint, se disant que peut-être, père et enfants étaient sur le point de se réconcilier, et qu'il ne voulait pas les déranger. De plus, après que leur panique se soit calmée en constatant que leur fils allait bien, ses parents l'avaient puni pour son escapade au centre ville, et il était obligé de rester à la maison pour faire des devoirs supplémentaires qu'ils lui avaient donnés. Ils aimaient bien copier les punitions de ses professeurs. Même s'il était seul à la maison, ses parents étant toujours au magasin, il savait qu'il avait intérêt à obéir.

 

Mais il avait entendu un grand vacarme venant de chez les Nuss. Et il était monté aussi vite que ses béquilles lui permettaient, alors qu'il avait déjà mis son pyjama bleu décoré de nounours. Quand il vit ce géant qui faisait du mal à M. Nuss, il avait voulu l'aider, et avait ramassé le premier objet qui lui était tombé sous la main, un morceau de la porte, pour le lancer sur l'agresseur. Mais il n'avait, en réalité, pas pensé à appeler la police. Et maintenant qu'il voyait le géant s'avancer vers lui, il se traitait de tous les noms. Si M. Nuss, un ex-champion, l'homme qui avait tout appris à Mâron et Hazel, n'avait rien pu faire contre son agresseur, comment lui, qui était incapable de se défendre contre deux racketteurs idiots, pouvait-il espérer être d'une quelconque utilité ?

 

Lorsque l'androïde fut assez proche de l'enfant, il lui envoya ce qui pour lui était une pichenette, mais qui pour le petit rouquin était un puissant coup de pied qui lui broya plusieurs côtes et le propulsa contre le mur d'en face, brisant au passage son plâtre et sa jambe déjà fracturée.

 

Nato observait la scène, encore à moitié dans son monde de terreur. Il vit le géant s'approcher du petit rouquin, pour l'achever. Il parvenait un peu plus à penser, à présent.

« Non... Soy... Hic ! Laisse-le... Laisse-le... Je ne veux pas qu'il me rejoigne ! Ce n'est qu'un enfant... Je ne veux pas que mes enfants me rejoignent... Laisse-les tranquilles... Laisse Soy tranquille... Laisse mes enfants... tranquilles... Ils ne doivent pas me rejoindre... Non... Je n'y suis pas encore... Je ne dois pas te laisser les y envoyer... »

Il se reconnecta complètement à la réalité. Il sortit de sa torpeur, se leva et marcha vers la créature encore mouillée par l'eau giclée de l'évier, sans qu'elle ne le voit approcher. Il regarda les câbles électriques sortant du mur détruit à côté de l'androïde.

 

« Sale monstre... » pensa-t-il, puis à haute voix « Sale monstre ! »

La machine se retourna.

« Je ne te laisserais pas faire de mal à Soy, et encore moins à mes enfants... Même si je dois retourner là-bas ! »

N°12 sourit narquoisement, pour la première fois, il montrait une émotion.

« Tu vas bientôt arrêter de sourire... Alors comme ça, tes petits amis craignaient l'électricité... ? Hein... ? » Il enfonça sa main dans un trou du mur et arracha un câble électrique, mais d'un seul côté laissant le reste relié au courant. « Et toi ? »

 

Il parcourut rapidement le mètre qui le séparait de son adversaire, la main portant le câble pointant vers lui. Le cyborg n'esquiva pas et reçut le choc électrique. N°12 était parcouru de courants électriques, mais il ne bougea pas. Il continua de sourire. Attrapant le bras de Nato, il transperça son cœur de son autre main. Il aspira l'énergie de sa victime à l'aide du petit dispositif sur la paume tenant fermement le membre de l'homme. Ce fut la dernière chose que Soy perçut avant de fermer les yeux et de sombrer dans l'inconscience. Au moment de mourir, le père des jumeaux eut encore le temps de penser :

« J'ai encore échoué... Je n'ai pu protéger personne... Dona, ma chérie, j'aimerais tellement croire que je pourrais te revoir pour te demander pardon... Mais je sais qu'en cet endroit, les seules choses que l'on retrouve sont les ténèbres et la souffrance... »

Le père de Mâron et Hazel expira. L'androïde le jeta à terre comme s'il s'agissait d'un vulgaire déchet.

 

« Peuh ! Malheureusement pour lui, tu n'as pas les mêmes défauts que N°9 et N°10. Bien ! Sors du bâtiment, je vais te guider jusqu'aux cibles.

- Bien, maître. »

Il sortit en traversant un mur et en s'envolant à grande vitesse.

 

Quelques minutes plus tard, la porte de l'ascenseur s'ouvrit et Manacle en sortit. Elle se figea lorsqu'elle découvrit un enfant à terre, puis Nato Nuss, le cœur transpercé, baignant dans son sang et tout son appartement dévasté. Elle se demanda ce qu'il s'était passé. Mais elle réagit vite, elle prit son portable et appela la police.

« Agent Manacle ! Je demande une patrouille pour l'adresse GFA 5432, j'ai... Comment ? Une patrouille a déjà été envoyée... ? »

Effectivement, elle entendit des sirènes de police. Quelqu'un avait déjà dû les appeler. Elle entendit aussi autre chose, très faiblement, une sorte de râle. Elle s'approcha de l'enfant et toucha son pouls.

« Il est encore en vie ! Envoyez aussi une ambulance ! C'est pour un enfant d'une dizaine d'années. Il souffre de nombreuses contusions et hémorragies. » Elle toucha la poitrine de Soy. « Il a aussi plusieurs côtes brisées ! Vite ! » Elle raccrocha. « Tiens bon, petit ! »

Elle commença à lui prodiguer les premiers soins. D'autres policiers arrivèrent à l'étage, pendant que la voisine rouvrit la porte et d'autres voisins venaient des cages d'escaliers pour voir ce qu'il se passait, maintenant qu'ils étaient rassurés par l'arrivée de la police.

 

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Les deux jumeaux étaient dans la salle où leur père les entraînait lorsqu'ils étaient enfants. Ils n'avaient rien allumé, pour ne pas attirer l'attention. Hazel se tenait debout, regardant au travers de la fenêtre. Mâron était accroupie au pied d'un mur. Aucun d'eux n'avait ouvert la bouche depuis leur fuite de l'appartement de leur père, et ils ne se regardaient pas. Mâron brisa le silence.

« Il doit être mort… »

Hazel ne répondit rien, mais il n'en pensait pas moins. Aucune chance que leur père puisse vaincre cet homme, s'il était aussi fort que les deux autres. Et il n'y avait aucune raison qu'il le soit moins. Le frère et la soeur avaient un air abattu, fatigué, vidé... Ils tentaient de contenir le flot d'émotions qui menaçait des les envahir.

 

« Nous devrions peut-être partir d'ici, s'ils nous ont trouvés chez Nato, ils pourraient nous retrouver ici… » fit le frère, pour tout commentaire.

« Non… Je ne pense pas… Ils ont pu trouver l'adresse auprès des renseignements de la ville… Nous n'avons pas signalé notre "déménagement"… C'était comme si on habitait toujours là-bas… Nous devrions pouvoir avoir un peu de répit, ici.

- Allons-nous appeler Manacle, comme nous l'a proposé Nato ? » Cette fois, il s'était retourné pour parler, et sa sœur leva aussi les yeux.

« Cela doit sûrement la dépasser, elle aussi… Le Red Ribbon… Cela n'a pas l'air d'être quelque chose que la police puisse régler… Cela dit, c'est peut-être mieux que rien… Nato l'a dit, ils n'ont pas l'air de vouloir nous lâcher… Et ont l'air d'avoir des moyens, pour avoir des guerriers pareils… On devra passer notre vie à fuir, si l'on ne fait rien… Autant commencer notre lutte quelque part… »

 

Hazel sortit son portable pour appeler la police et demander l'agente Manacle. Mais soudainement la porte du dôjô explosa. Ils virent alors entrer N°12 dans la pièce. Ils se mirent instantanément en position de combat, sans se poser de questions sur le moyen qu'il avait utilisé pour les retrouver. Cependant, sans même qu'ils puissent apercevoir son mouvement, l'androïde se retrouva derrière la jeune femme. Il lui donna un petit coup de son pouce sur la nuque et elle s'écroula, évanouie.

 

« Mâ… Mâron ! ! »

Hazel accourut vers l'agresseur, mais ce dernier apparut derrière lui en un instant et lui fit la même chose qu'à sa jumelle, et il perdit connaissance à son tour.

« Parfait ! Tu peux me les ramener à présent ! Hé ! Hé ! Hé !

- Bien, maître. »

L'androïde se dirigea vers une fenêtre pour s'envoler, prenant un jumeau dans chaque bras. Soudainement, il stoppa son mouvement.

« … Ses batteries sont déjà épuisées… Décidément… Entre mes cyborgs qui manquent d'autonomie, N°16 qui ne m'obéit pas et Cell qui ne sera développé que d'ici une trentaine d'années… Je crois que je suis maudit… Hmpf ! N°11 ! Va chercher N°12 et les cibles ! Tout de suite ! »

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