Le Sacre

Chapitre 13 : LE DERNIER LOUP-GAROU IV

5487 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/05/2016 16:09

LE DERNIER LOUP-GAROU IV

 

Cette fois-ci, le coup n’était vraiment pas passé loin. Julian sentit l’air déplacé par le pied de son adversaire alors qu’il tournoyait dans les airs. Il fut même obligé de se projeter encore un peu plus loin pour s’assurer de ne pas être cueilli à l’atterrissage. Pourtant, l’autre combattant était déjà là lorsqu’il reposa les pieds au sol. Seuls ses réflexes surhumains lui permirent d’attraper au vol le poing fermé qui s’était dirigé vers son visage. D’une poussée violente, il éloigna l’ennemi qui pirouetta agilement pour rester à distance du prochain coup.

« Trop lent ! »

Julian entendit trop tard les pas derrière lui et il sentit bien vite une poigne se refermer sur sa nuque pour forcer son crâne contre le sol. Hagon ne fut pas en reste, rattrapé lui aussi par un balayage qui fit s’écraser son menton sur l’acier froid. Leur maître s’arrêta entre les deux et les toisa l’un après l’autre. La sévérité obscurcissait toujours son œil.

« Je vous ai demandé de vous entraîner, pas de danser. Hagon, surveille tes jambes, je pourrais te désarçonner avec une brindille. Julian, plus de force. Tu as du punch, sers t’en. On a une infirmerie à dix mètres alors bats-toi comme si c’était un démon. »

Chichi attendit que les deux jeunes hommes se soient relevés pour ajouter d’un ton cassant.

« Non, bats-toi comme si c’était Piccolo. »

Il y avait toujours quelque chose de déçu dans son ton lorsqu’elle commentait leurs performances. Même alors que Julian n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi fort qu’Hagon. Upa aurait sans doute pu rivaliser, mais lui n’avait aucune chance. Comme il n’osait pas répliquer, le loup-garou baissa les yeux et se massa distraitement le nez. Elle était tournée de telle façon que la partie brûlée de son visage lui faisait face et cela rendait encore plus difficile l’idée de répliquer.

Son partenaire d’entraînement semblait avoir choisi la même stratégie ; il se massait le menton en silence, puis s’inclina poliment devant son maître. Cela sembla satisfaire la combattante, qui consentit à quitter la zone de combat pour retourner se poster le long des murs de la salle d’entraînement. Derrière elle, l’acier était enfoncé et noirci par une attaque énergétique d’importance. Cela avait surpris Julian au début, car il n’avait jamais connu pareille salle, lui qui avait toujours combattu en plein air. L’idée de devoir se battre dans cet environnement fermé fait d’acier — surtout de cette dimension — ne lui plaisait pas.

« On reprends ? »

Il quitta des yeux son nouveau maître, pour retrouver son partenaire d’entraînement. Sa rigueur était admirable : Hagon avait déjà fléchi les genoux sur sa position, les deux mains levées en une posture mixte qui ne laissait pas deviner sa prochaine action. Il fit de même, pliant les jambes et serrant les poings pour indiquer l’offensive.

« Quand tu veux. »

Ce n’était pas la première session d’entraînement avec les guerriers du Nord, mais chaque fois Julian se faisait les même réflexions. Hagon n’avait pas usurpé sa réputation. De lui se dégageait un calme impressionnant, quelle que soit la difficulté que leur imposait leur maître. Le combat était son élément. Pour autant, Julian ne l’avait vu sourire qu’en dehors des affrontements. Dès qu’il y était plongé, plus rien d’autre n’existait, son visage se fermait. C’était là une capacité de concentration que le jeune homme n’avait jamais vu auparavant, même Upa pourtant bien plus doué que lui n’arrivait pas à se retenir de sourire à chaque parade qu’il réussissait.

Cette fois, cependant, le champion du Nord n’avait pas bougé. Il attendait le premier assaut pour prendre l’avantage, il faudrait donc frapper fort dès le début. Jusque là, il n’avait jamais réussi à vraiment faire vaciller Hagon, malgré quelques belles tentatives. Julian balançait doucement son poids d’un pied à l’autre, détendant ses muscles alors qu’il prenait de longues inspirations.

Son énergie canalisée, il la fit exploser à ses pieds pour se jeter vers l’avant. Selon son plan, la vitesse qu’il allait prendre suffirait à surprendre son adversaire. Il était à mi-chemin quand il se rendit compte qu’il avait mal analysé la stratégie d’Hagon. Le blond s’était lui aussi propulsé en avant. Julian tenta de ralentir, de se rattraper avant le choc qu’ils allaient subir. Son poing était déjà levé, il pouvait donc encore porter son coup. Son adversaire fut sur lui en un instant et referma les deux mains sur son bras. Pendant une seconde, ils furent suspendus ainsi dans les airs, puis Hagon termina son mouvement en appuyant de son épaule pour rejeter le bras prisonnier vers l’avant.

Il n’avait pas mis assez de force cependant, Julian fut capable de contrôler son trajet, suffisamment en tous cas pour que le choc contre le mur ne lui écrase pas les omoplates. Il était capable d’esquiver le coup suivant. Le poing du champion fit s’enfoncer l’acier de plusieurs centimètres. Julian y vit une chance : il porta sa propre attaque du coude et entendit distinctement le grondement de douleur quand il frappa son avant bras. Hagon bondit en arrière et il en profita pour se relever correctement.

« Faites attention aux murs, les enfants. Nous n’avons qu’une seule salle comme ça. »

Le commentaire de Chichi lui fit tourner la tête. Elle le vit et grimaça. Peut-être s’apprêtait-elle à dire quelque chose mais Julian comprit à ce moment qu’il n’aurait jamais dû se tourner. Il vit le coup venir trop tard et dut lever les deux mains pour arrêter la semelle de son adversaire, à quelques centimètres de son visage.

« Faites attention aux distractions ! »

Le loup-garou banda ses muscles et grogna brutalement pour jeter ses deux bras vers le haut. Il voulut enchaîner sur un coup de pied mais Hagon avait déjà exécuté une pirouette pour s’éloigner. Ils fondirent de nouveau l’un sur l’autre. Julian visait la gorge et toucha le torse, il ne savait pas ce que son partenaire visait mais il toucha l’épaule. S’ensuivit un échange de coups violents, mais qui ne touchèrent presque jamais leurs cibles. Même au corps à corps, les deux combattants étaient trop rapides pour que l’un ou l’autre n’arrive à son but. Jusqu’à ce que l’élève de Karine ne sente son corps partir vers l’avant, cependant : si son poing n’avait touché que le vide, celui d’Hagon l'avait frappé en plein ventre. Le souffle coupé, il sentit un goût de bile remonter dans sa gorge.

Le coup suivant l’envoya s’écraser de nouveau contre le mur d’acier, proche de l’une des portes. Il remarqua d’ailleurs qu’elle était ouverte. Le loup-garou se relevait déjà quand ils furent interrompus.

« Stop les garçons. Pas mal quand même. Utilisez la force de l’autre. Un démon sera toujours plus endurant que vous, ce sera un combat de résistance, vous devrez prendre le moindre avantage.

- Eh, celui-là me paraît bien résistant. En tout cas, il est dans un meilleur état que ceux que j’ai vu la dernière fois. » L’interpella une autre voix.

La nouvelle venue était adossée au mur, à moins de trois mètres de là où il venait de s’écraser. Concentré sur le corps à corps avec Hagon, il ne l’avait pas vu arriver. C’était une femme aux traits sévères, malgré un regard bleu pétillant. Julian lui donnait la cinquantaine, avec ses rides légères aux coins des yeux. Elle portait l’uniforme pâle des troupes du Nord mais ses cheveux blonds étaient laissés libres sur ses épaules. Alors qu’elle se tournait vers le loup-garou pour lui adresser un sourire, il aperçut son bras droit et comprit qui elle était.

« Julian, c’est ça ? On m’a parlé de toi, en bien. Enchantée de faire ta connaissance. »

Elle lui tendait la main et il fut bien forcé de saisir les doigts métalliques entre les siens. L’énorme main de fer se referma sur la sienne comme des serres et le sourire de la femme s’agrandit. Julian ne s’attendait pas à une telle poigne, même venant d’une prothèse comme celle-là.

« Général, c’est un honneur. »

Le général Draco le relâcha juste à temps pour que Chichi les rejoigne. Elle empoigna l’officier dans une étreinte rapide et lui tapota le dos avec familiarité. Elle paraissait étonnamment petite par rapport à la nouvelle arrivée, impression encore accentuée par la prothèse métallique massive qui remplaçait son bras droit.

« Bon de te revoir Opale. »

Malgré cette démonstration, le ton de leur maître n’avait presque pas changé. Cela n’empêcha pas l’officier de lui adresser un grand sourire.

« Pour moi aussi, Chichi. Je vois que l’extraction s’est bien passée. Comment va Karine ?

- Rien de cassé. De ton côté ? J’ai entendu dire que l’attaque avait été retardée. »

Alors que les deux femmes s’engageaient dans une conversation que le jeune homme ne pouvait pas comprendre entièrement, il jeta un regard à son adversaire de tout à l’heure. Hagon s’était avancé vers eux et le général prit le temps de lui serrer la main à son tour avant de répondre.

« On a obtenu les informations que l’on voulait et même plus. J’ai préféré attendre pour préparer un plus beau coup. »

Les deux élèves se jetèrent un regard signifiant que ni l’un ni l’autre ne savait de quoi il était question. Hagon ne semblait pas s’en soucier. C’était sans doute l’habitude de travailler dans le milieu de l’armée. Julian n’avait presque jamais côtoyé d’uniformes avant leur départ vers le Nord : la zone Ouest était celle où la résistance était la moins active, et pour cause, la région entière était en majorité couverte par un désert, si ce n’était au sud. La plus grande métropole avait été la première détruite par Piccolo Daïmao au début de son règne. C’était un endroit idéal pour se cacher mais pas pour préparer une révolte.

« Nos amis du Sud m’ont fait parvenir un message, avait repris Opale Draco. Je voulais t’en parler avant qu’on ne lance une opération. »

Bien qu’ils prennent le soin de rester silencieux pendant la discussion, Hagon s’approcha de lui pour lui tapoter l’épaule avec un sourire. Il avait l’air satisfait de leur courte session d’entraînement. Ce n’était guère étonnant, le jeune homme adorait s’améliorer. Julian avait rapidement compris qu’il était comme Upa, qu'il n’avait de cesse de tirer les autres vers le haut même en leur étant supérieur.

« J’aimerais qu’ils l’entendent aussi, si ça les concerne.

- Bien sûr, mais pas ici. »

Cette simple affirmation sembla suffire aux deux femmes qui s’éloignaient déjà. Hagon eut un petit sourire avant d’entraîner son partenaire vers les vestiaires.

« Je crois qu’on en a fini pour aujourd’hui. C’est dommage, c’était bien parti.

- Ah ? Je vois pas trop en quoi… »

Le jeune homme fut interrompu par une tape violente dans le dos, qui faillit le projeter en avant. Au rire enthousiaste qui suivit, il était pourtant clair qu’Hagon n’avait pas cherché à lui faire mal. Après l’entraînement, il était difficile de contrôler sa force. Heureusement, Julian pouvait encaisser.

« Fais pas ton modeste. T’as eu des super réflexes, tu contres bien les attaques. Ce n’est pas orthodoxe mais justement, on s’y attend pas. Ça peut devenir un énorme avantage, tu te rends pas compte. »

Le loup-garou ouvrit la bouche pour répondre, mais la trouva sèche. Il avait la sensation d’avoir déjà vécu cette conversation, plusieurs fois. C’était gentil de la part de son partenaire et il ne doutait pas que ses intentions étaient nobles, mais il savait aussi que ce n’était pas réel. Hagon cherchait surtout à compenser le ton sec de son maître et il n’était pas très doué pour trouver de bons points. Julian appréciait tout de même l’effort.

« Tu dis ça, mais tu te débrouille encore mieux. Surtout pour te rétablir après une esquive. C’est… plutôt cool. »

Sur le chemin des vestiaires, il se demanda s’il n’aurait pas pu trouver un meilleur commentaire à faire. C’est qu’Hagon était un combattant de premier ordre, plus fort, plus rapide, plus technique. Il était digne de l’héritage de Son Goku. Pourtant, quelque part, le jeune homme ne pouvait s’empêcher de songer qu’Upa aurait été encore meilleur.

Une fois arrivés dans le fameux bureau, Julian constata qu'il était bien plus grand qu’il ne l’imaginait. La pièce comportait non seulement la table de travail du général Draco, mais aussi une large table basse sur laquelle était présentement étalé le schéma qui les intéresserait. Comme pour toutes les salles du complexe il n’y avait aucune fenêtre, et la lumière ne venait que de nombreux néons disposés tant au plafond que sur les murs. Il n’y avait pas de tableau mais plusieurs photos. La plus proche affichait une petite troupe posant dans les bois. A leur sourire Julian supposa que cela se passait avant la prise de pouvoir de Piccolo. Au premier rang se tenait une femme aux longs cheveux blonds rappelant le général. Elle avait encore ses deux bras.

La même femme, avec vingt ans de plus, attira son attention en tapotant sur le schéma. Elle désigna de son bras métallique le canapé qui entourait la table. Opale Draco s’était approprié la seule chaise disponible, pour n’y poser que le pied.

« Dépêchez un peu, je n’ai pas toute la journée. »

Malgré ce qu’elle disait, son ton n’avait rien d’agressif. Tout au plus affichait-elle un petit sourire. C’est surtout le regard de leur maître qui obligea les deux combattants à venir s’installer au plus vite. Chichi se tenait à l’extrémité du canapé, bras et jambes croisés. Ce n’est qu’en contournant la table que Julian aperçut son maître, installé en face. Le vieux chat avait déposé sa canne sur le côté et fixait le papier.

« Vous ne voulez pas attendre vos officiers pour commencer à proposer votre fameux plan ? Demandait-il.

- Inutile. »

Elle évacua la suggestion d’un geste vague de la main gauche.

« Nous attendons une bonne occasion et je pense qu’elle n’est pas pour tout de suite. Inutile de prendre le risque que l’information se répande avant que l’on ne se mette en route. J’ai besoin que nous soyons au clair sur vos capacités, cependant. »

Si Julian n’était plus étonné de la prudence dont faisaient preuve les différents généraux, il était toujours surpris de voir que les maîtres d’arts martiaux et leurs élèves étaient mis dans la confidence si facilement. Karine lui avait un jour expliqué que cela tenait à un raisonnement simple : les pratiquants d’arts martiaux, qui qu’ils soient, étaient des ennemis du roi Piccolo. C’était lui-même qui se les était tous aliénés pendant les premières semaines de sa prise de pouvoir, en les massacrant. Aujourd’hui, les quelques survivants étaient les seuls à pouvoir tenir tête aux démons, il était donc logique de les voir comme des pièces d’une importance capitale dans le jeu qui se jouait.

Le jeune loup-garou n’appréciait pas cet état de fait, qui plaçait tous les élèves de Chichi ou de maître Karine à des rangs supérieurs aux meilleurs officiers. Hagon lui avait plusieurs fois fait part de l’injustice que ressentaient les soldats vis à vis de cette attitude, aussi logique soit-elle. Aucun des deux n’était en mesure d’y changer quoi que ce soit, cependant, et Chichi ne semblait pas pressée de s’en préoccuper non plus.

Ils semblaient tous attendre quelque chose, puisque même une fois Julian et Hagon installés côte à côte, le général n’ouvrit pas la bouche.

« Ah, te voilà. »

Chichi avait parlé la première quand la porte s’était ouverte en silence. La jeune femme qui entra la referma discrètement et adressa un beau sourire à son maître, puis aux autres participants de la petite réunion.

« Excusez-moi du retard, on m’a prévenue un peu tardivement. »

Sevinya, la deuxième élève la plus prometteuse de Chichi, rejoignit rapidement la tablée et s’installa près d’Hagon comme elle en avait l’habitude. Aussi grande que son camarade, elle en était pourtant l’opposée parfaite. Sa peau était aussi sombre que celle d’Hagon était claire, ses longs cheveux noirs ne libéraient son visage que grâce à une queue de cheval sagement entretenue. Le pire étant leurs yeux, là où le jeune homme les avait d’un bleu vif, Sevinya les avait d’un noir profond. Julian pouvait difficilement le manquer puisqu’il l’observait alors qu’elle surplombait la carte. Il la vit foncer les sourcils et poser en première la question.

« J’ai peut-être manqué le début mais que sommes-nous en train de regarder exactement ? »

La carte n’était pas très claire au premier coup d’œil. Julian y avait d’abord vu un réseau très compliqué de routes, avant de se rendre compte qu’il n’y avait aucune raison de créer un tel enchevêtrement, même pour le carrefour le plus alambiqué qui soit. Cela ressemblait plutôt à des tunnels.

« La planque de ce cher Luth. Nos amis les Cuivres ont bien voulu nous faire parvenir leurs données, une fois que nous avons obtenu les coordonnées exactes de l’entrée. »

Le général Draco pointa du doigt ce qui devait être cette même entrée, pour ceux n’ayant pas encore compris.

« Qu’est-ce que les Cuivres ont à voir avec tout ça ? » demanda Hagon.

La question était plus que légitime ; Julian ne connaissait que peu de chose de la faction installée dans la région Sud, mais il savait qu’ils n’étaient pas très coopératifs. S'ils s’étaient volontairement distancés du reste de la résistance, c’était pour une raison, n’est-ce pas ? Au vu des regards échangés autour de la table, ils n’étaient pas les seuls à être dubitatifs. Même leur maître s’était tourné vers Opale dans l'attente d'une explication.

« Vous voyez la silhouette autour de tout ça ? C'est le Mont Chauve. Les démons sont beaucoup de choses, mais pas des travailleurs. Ils n’ont pas creusé eux-mêmes leur base. C’est un ancien complexe de recherche de l’armée du Ruban Rouge. Il y en a plusieurs dans la région. On ignore pourquoi Luth a choisi celui-ci, mais il ne devait pas s’attendre à voir les plans ressurgir. »

Les choses commençaient à former un tout cohérent. Cet assemblage absurde de tunnels ressemblait bien plus à l’image qu’on se faisait d’un laboratoire de savant fou qu’à une base d’armée, même une armée démoniaque. C’est en suivant le tracé délicat de la montagne dans laquelle il était creusé que le jeune homme prit conscience de l’entreprise monstrueuse qu’avait dû représenter l’installation. Elle commençait à mi-hauteur, mais s’enfonçait ensuite à des centaines de mètres, sous la montagne elle-même. Il avait déjà entendu des histoires au sujet de l’armée du Ruban Rouge — Upa n’avait de cesse de vanter les mérites de l’homme qui les avait vaincu : Son Goku — mais il n’avait pas imaginé de pareils exploits.

D’un seul coup, la méfiance que l'on ressentait partout vis à vis des Cuivres prenait tout son sens. Ils affrontaient peut-être Piccolo, mais ils étaient les héritiers d’une armée qui avait causé son lot de malheurs à l’époque. Upa lui avait raconté comment un assassin engagé par la même armée avait tué son père. Il avait été ressuscité par la suite, grâce à une magie puissante, à laquelle Piccolo s’était assuré qu’ils n’aient plus accès aujourd’hui. Quant à l’assassin, Julian savait qu’il risquait de le rencontrer un jour et il n’osait y penser.

« Ils vous ont donné ces informations comme ça ? » Demanda-t-il timidement.

Le général Draco était occupée à détailler les différents corridors et les notations concernant les portes qui reliaient les zones entre elles, quand il posa la question. Elle ne releva qu’à demi la tête vers lui, mais il crut distinguer le début d’un sourire. Elle répondit moins sèchement qu'il le craignait.

« Ils ne se battent peut-être pas exactement pour la même cause, mais on est tous du côté humain. Ce n’est pas la première fois qu’on s’échange de bons procédés. Qui plus est… J’ai l’impression qu’un peu d’agitation ici les arrangerait. »

Elle retourna à ses explications et Julian sut qu’il n’obtiendrait rien de plus à ce sujet. Il préféra donc se reculer un peu et se concentrer sur les détails du plan que leur supérieure expliquait. Ce n’était encore qu’une ébauche et ne comportait même pas les effectifs, mais Opale Draco avait l’intention d’employer au mieux ses « ressources en arts martiaux » comme elle les appelait.

« Selon nos informateurs, Luth s’est établi au plus profond de sa base. Je veux que tout soit nettoyé avant qu’on y arrive, et qu’on ne lui laisse aucune chance de fuite. Vous vous regrouperez dans cette salle s’il n’est pas encore dehors. S’il sort, je veux que tout le monde soit capable de converger vers lui en trente secondes, alors vous resterez en contact radio constant, c’est compris ?

- Il ne faut pas lui laisser l’initiative, argua Chichi. Je peux prendre une escouade et le chemin le plus court. On le coince dans son bureau et je m’occupe de lui. »

De sa main brûlée, elle montra le chemin qu’ils pourraient emprunter, puis ferma le poing au-dessus de la cible. Karine fut le premier à lever les yeux pour fixer Chichi du regard, mais le général fit de même quelques secondes plus tard.

« Chichi, tu es sûre que… ?

- C’est un membre du quatuor. Je ne vais pas te laisser l’affronter seule. » acheva Opale.

Le poing s’abattit avec une telle violence sur la table que les trois élèves faillirent sursauter. Julian se tourna aussitôt vers Hagon mais celui-ci avait déjà détourné le regard de la scène. Sevinya appliquait la même prudence. Le loup-garou pouvait sentir la pièce refroidir autour d’eux.

Le quatuor était un nom que Julian avait entendu plusieurs fois, c’était celui qu’on donnait aux quatre démons nés en premier après la prise de pouvoir de Piccolo. Clavecin, Touba, Epinette et Luth avaient ensuite hérités chacun d’une région du monde à administrer. Le terme quatuor avait été conservé, même après la mort d’Epinette. D’autres démons étaient souvent évoqués pour le remplacer, comme Harpie, la nouvelle gouverneur du Sud ou Tambourine, le garde du corps de Daïmao, mais pour l’heure le nom n’évoquait que ces quatre là. Quatre démons que l’on ne devait pas prendre à la légère. La mort d’Epinette avait pourtant prouvé qu’ils étaient mortels.

« Ce n’est pas de Clavecin qu’on parle, même pas Touba, cracha Chichi. Luth s’est empâté avec les années, il n’a pas eu un vrai combat en plus de dix piges. Hagon pourrait le vaincre facilement, Sevinya pareil, et toi aussi Julian.

- Peut-être. Ou peut-être qu’il est aussi en forme que ses frères. Je ne vais pas prendre le risque, tu attendras. »

Julian vit distinctement le poing marqué par les cicatrices se serrer. Il pouvait entendre les dents de son nouveau maître grincer et personne dans la salle ne pipait mot. Même Maître Karine avait fini par se détourner du spectacle. Jusque-là, il n’avait jamais senti une telle agressivité se dégager de maître Chichi. Le côté de son visage qui exprimait encore des émotions était déformé par une rage contenue.

Par contraste, le général conservait un calme impressionnant.

« Je ne vais pas sacrifier des hommes pour des caprices. Vous attaquerez Luth si vous avez l’avantage du nombre ou si vous n’avez pas le choix. Nettoyez la zone avant et tu pourras lui faire ce que tu veux, je m’en fiche. Suis-je claire ? »

Pendant plusieurs secondes, la salle fut plongée dans un silence que seule sa propre respiration semblait briser. Julian hésitait à entrer en apnée quand leur maître en arts martiaux souffla enfin :

« Parfaitement claire, Général. »

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