Dragon le prix du silence
Voici le chapitre 4 j'espère qu'il vous plaira, ceci est ma première fanfiction. chaque commentaire m'est précieux !
N'hésitez surtout pas et bonne lecture
Solin.
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Ils arrivèrent tous les trois à la lisière de la forêt. Là, quelques fermes se dressaient, construites à la va-vite avec des restes de navires et du bois local. Les bâtiments étaient vétustes et sans vie, pas l’ombre d’un chat. Kjarn sauta la première barrière et courut jusqu’au mur de la grange. Lorsque les deux autres furent à sa portée, il rompit le silence.
— Je ne le souhaite pas, mais il y a un risque de croiser le fer. C’est le moment de sortir vos armes, fit-il en dégainant son épée.
Lina sortit deux lames de ses bottes. Jamais Tyren n’aurait soupçonné que ces armes étaient toujours à portée, et ce depuis le début.
— Belle cachette, lança Kjarn.
— Je n’ai pas d’arme, lança Tyren, attendant la prochaine critique.
— Tiens, fit Lina en lui tendant une troisième dague. Elle s’appelle Revient.
— Merci, bredouilla-t-il.
— Le bout en pointe se dirige vers les ennemis. C’est assez basique comme utilisation, ça ira ? Dans tous les cas, je te conseille la fuite, ironisa Kjarn.
Ils dépassèrent la ferme, et furent tous les trois pris par une violente nausée. Une odeur pestilentielle leur prit les narines.
Ils se couvrirent la bouche avec un tissu et avancèrent encore de quelques pas. Là, au-delà d’une barrière, s’étendait un spectacle terrible : un troupeau entier de moutons était en décomposition. Ils avaient été lacérés, éventrés, et laissés sur place.
— Mais qu’est-ce que c’est que ce carnage ? lança Tyren, dégoûté.
— Je ne sais pas quelle bestiole a fait ça, mais c’est vraiment pas joli à voir, renchérit Kjarn.
Lina s’était approchée des cadavres et les examinait.
— La créature qui a fait ça m’est complètement inconnue. Elle doit avoir une immense mâchoire et des griffes impressionnantes. Regardez ! Ce mouton a été éventré d’un coup net !
— Mais tout le troupeau est là. Cette créature a tué pour tuer ? fit Tyren.
— Pas vraiment. C’est la même chose avec un renard qui a la dalle et qui rentre dans un poulailler : il sait plus où donner de la tête. Du coup, dans le doute, il tue toutes les poules. C’est assez classique, remarqua Kjarn.
— Ça ressemble en effet à ça, fit Lina. Sauf que là, le renard, il fait la taille d’un navire marchand !
— Dites pas de conneries. Ça doit être un félin local, ou un genre d’ours. Mais un monstre de la taille d’un bateau ! En tout cas, j’suis content d’avoir renvoyé les soldats : ils auraient ramené des rumeurs pas possibles à bord, dit Kjarn.
— Ce qui me terrifie, c’est que je ne crois pas exagérer, soupira Lina.
— Quoi que ce soit, c’est parti depuis longtemps, de toute façon, remarqua Tyren.
— Un point pour l’intello. Rentrons dans la ville pour voir ce qui s’est passé. On trouvera peut-être des survivants ?
— Parce que vous voulez continuer ?! s’étrangla Tyren. Et si ce truc revient ?
— Vous voyez ces moutons ? Quoi que ce soit, il a bouffé pour un paquet de temps et il n’est visiblement pas revenu. Soit ce qu’il a bouffé ne lui a pas plu, soit il est loin. Allez, venez !
Tyren n’était clairement pas rassuré, mais il se dit que mieux valait rester avec le groupe.
Sous les traits d’humour du capitaine se cachait une véritable angoisse. Qu’est-ce qui avait bien pu tuer tous ces moutons ? Et même s’il n’avait pas fait l’université, il se doutait bien qu’il y avait un lien entre les débris retrouvés et les moutons. Mais lequel ? Ça le rendait nerveux.
La ville était complètement déserte. Mais déserte comme si la plupart des gens étaient partis faire la sieste et qu’ils allaient revenir : du linge pendait aux balcons des habitations, des charrettes pleines de légumes en train de pourrir étaient sorties. Bref, tout indiquait que les gens étaient sortis précipitamment mais n’étaient pas revenus. Le plus étrange, c’est que même les animaux semblaient ne pas vouloir s’approcher de la ville. Comme si ce qui avait causé ce désastre tenait même la nature en respect.
Le centre-ville possédait un mirador. Kjarn décida d’y monter pour voir de loin. Il reprit la longue-vue et s’élança à l’assaut de la fragile structure en bois, bringuebalante sous les bourrasques du vent marin. Quand il revint, il était livide.
— Alors, qu’avez-vous vu, capitaine ? demanda Lina, inquiète.
— Il faut décamper ? s’interrogea Tyren.
Kjarn n’avait plus la force de faire de l’humour.
— Le port…, bredouilla-t-il. Ils sont tous au port…
— Qui ça ? Les habitants ? Ils sont armés ? Il faut peut-être rebrousser chemin ? s’agita Tyren.
Lina n’attendit pas la fin de la conversation et se dirigea vers le port, le visage fermé, de ceux qui savent qu’ils vont trouver la mort dans quelques mètres.
Tyren abdiqua et se lança derrière Lina. Quitte à crever, autant être accompagné.
Ce qu’il vit là-bas continua d’hanter ses nuits des années plus tard.
Sur le port, des centaines de cadavres étaient noircis, figés pour l’éternité dans un élan de supplice ou de fuite. Ils semblaient avoir été pris par surprise par une chose surnaturelle qui les avait pétrifiés sur place. Le sol en pierre portait les marques du carnage : là où des personnes avaient fait obstacle, la pierre était plus claire. On pouvait voir sur le sol les négatifs des derniers instants des suppliciés. Sur les maisons qui bordaient directement le port, on pouvait voir des bouts de charpente et de toitures lacérés par ce qui ressemblait à des griffes énormes. Le tout dans un silence de mort. Les habitants semblaient tous hurler dans un silence morbide et totalement terrifiant.
Aucun n’osa prendre la parole, tant le choc était total. Tyren trébucha sur un petit cheval en bois — probablement le jouet d’un défunt, pensa-t-il. Le phénomène n’avait épargné personne : femmes, enfants, vieillards.
Tyren s’écarta de l’avenue du port pour aller vomir. La vue de ces vies balayées lui était insupportable. Il se soulagea dans une ruelle en terre. Lorsqu’il leva les yeux, il ne put retenir son cri.
— Bon sang, qu’est-ce qui se passe ?! accourut Kjarn, en armes, suivi de près par Lina.
Tyren ne savait plus parler. Il leva le doigt en direction de la rue.
— Mais quoi, enfin, bon sang ! fit Kjarn.
— Je pense qu’il voulait nous montrer ceci, fit Lina, accroupie dans la boue.
— Qu’est-ce que… ? Kjarn ne finit pas sa phrase. Il avait lui aussi posé les yeux sur une énorme empreinte qui s’enfonçait profondément dans le sol. C’était sans aucun doute une empreinte de pas, mais elle était gigantesque : sa circonférence était de la taille d’une charrette. À ses extrémités, on pouvait voir clairement la marque de trois griffes qui s’enfonçaient davantage dans le sol.
Tous les trois restèrent figés plusieurs minutes, sans pouvoir dire quoi que ce soit.
— Ça ne ressemble à rien de connu, finit par lâcher Lina.
— Aucune bête aquatique ou terrestre de cette taille n’a jamais été recensée sur cette île, fit Tyren. Et comment aurait-elle pu passer inaperçue aussi longtemps ?
— Tout le monde y pense, mais moi je le dis. Tant pis si je dois passer pour un connard de marin : des dragons !
Lina se retourna lentement vers le capitaine.
— Vous savez bien que c’est impossible, capitaine. Les dragons n’existent pas.
— Et ça, c’est quoi ? Un très gros rat ? Les lumières orangées au loin, le bateau calciné, les empreintes de griffes sur les débris retrouvés à la mer, l’enfant à moitié carbonisé, la mère tuée par ses brûlures, les moutons massacrés, l’entièreté de la ville pétrifiée dans le feu… Il vous faut quoi de plus pour revenir sur vos conneries de certitudes, hein ?! Allez, on en a assez vu. Tout le monde est mort, la cargaison est détruite, notre job est fait, on se casse le plus loin possible avant que cette saloperie ne revienne ! En avant !
— Vous vous égarez, capitaine, lâcha Lina.
— Moi, je m’égare ?! MOI ?! Mais c’est vous, ma pauvre. Vous êtes tellement occupée à jouer à celle que rien ne perturbe que vous n’êtes même plus capable de voir un danger quand il est en face de vous ! Tout le monde est mort ! MORT ! Il n’y a plus rien ici pour nous, ni pour personne. J’ai bien accepté de continuer l’exploration alors que les débris auraient été suffisants. Mais NON, il a fallu continuer, et le résultat, c’est qu’on a un gosse à moitié cramé sous les bras et une ville vaporisée de ses habitants. Alors maintenant, vos idées débiles, vous vous les rangez où je pense, et on rentre au bateau ! Et si vous voulez faire du tourisme, je vous laisse la chaloupe ! Adieu, madame.
Tyren ne dit rien. Il n’avait jamais vu Kjarn dans un tel état de panique. Lui qui prenait toujours grand soin à avoir l’air martial et maître de la situation. Cependant, il avait sûrement raison. Il avait oublié que Lina était une anthropologue, et que là résidait sa différence avec le capitaine. Là où ce dernier aimait les choses claires, concises et bien rangées, elle adorait les mystères, les intrigues. Ce que l’un fuyait, l’autre s’y précipitait.
— Capitaine, tenta Tyren. Apparemment, il y a encore des chaloupes intactes sur le port. Peut-être pourrions-nous mettre un de ces pauvres malheureux en cercueil et revenir au navire en chaloupe plutôt que de reprendre la route dans l’autre sens ? Les denrées qui sont ici ne serviront plus à personne, de toute façon. Autant faire le plein avant de partir, non ?
Le fait que Tyren ait l’air de faire preuve de plus de maîtrise que le capitaine eut un effet sur ce dernier. Il rajusta sa tenue, s’éclaircit la gorge et reprit sur un ton maîtrisé :
— En effet. Faisons un rapide tour au dispensaire. Dans une heure, je suis à bord d’une chaloupe en direction de mon navire. Une heure, compris ? Pas une minute de plus !
Tous les trois se mirent à fabriquer un cercueil vétuste. Leur choix se porta sur ce qui devait être une jeune femme : elle était mince et relativement petite, ce qui faciliterait le travail et le transport. Lina partit voir le dispensaire et revint avec un maigre butin.
— Ils attendaient la flotte. Ils étaient à court de tout. J’ai pris le maximum. J’ai également trouvé un peu de farine et de la viande séchée.
— Parfait. On dégage !
Ils revinrent sur le bateau peu avant la tombée de la nuit. Ils étaient tous les trois très maussades.
— Mettez cette boîte en soute, et j’interdis à quiconque d’en approcher ou de tenter de l’ouvrir. C’est compris ? La moindre désobéissance et c’est la cour martiale !
— Oui, capitaine, firent en chœur les marins intrigués.
Lina était déjà partie s’occuper de l’enfant, qui était sur le pont, recroquevillé derrière un tas de cordes. Elle l’emmena dans sa cabine pour lui prodiguer des soins.
— Qu’est-ce qui s’est passé, capitaine ? Qu’avez-vous trouvé ?
— La mort, monsieur. La mort. Tout le village a été décimé par une maladie inconnue. C’est la raison pour laquelle il vous est interdit d’ouvrir la boîte : elle contient un malheureux terrassé par la maladie. Nous ne voudrions pas de cette saloperie à bord, n’est-ce pas ?
— En effet, capitaine. Je veillerai au respect des consignes.
— Je n’en doute pas. Maintenant, auriez-vous l’amabilité de foutre le camp d’ici et de rentrer le plus vite sur Beurk ?
— À vos ordres, monsieur.