Les mystères d'Eldarya

Chapitre 13 : Chapitre 12 : Dilemme

4807 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/01/2017 11:10

Une eau brûlante glissait le long de mes muscles endoloris après la séance d’entrainement. Une eau pure qui déliait les tensions accumulés ces derniers jours. Aux bains, l’air humide emplissait mes poumons et me débarrassait des tentacules de l’anxiété. Je venais de passer la meilleure séance d’entrainement de ma vie. Je ne pus m’empêcher de sourire en repensant à tout ce que je venais de vivre avec Nevra et Valkyon. Nevra a vraiment tout fait pour essayer de me rendre heureuse. Et dire que j’allais ne pas assister à la séance d’entrainement !

Les différents savons proposés exhalaient chacun un parfum distingué et suave. Je regardais l’eau s’écouler, cliqueter sur le carrelage des bains. J’observais les motifs du carrelage avec attention, en comptant les boucles des arabesques aux tons chauds. Cette atmosphère exotique poussait mon esprit à divaguer dans des lieux divers. La chaleur de l’air joignait la chaleur de mon corps, de mon coeur. Je n’arrivais pas à m’ôter Nevra de l’esprit. Mon cœur s’emballait rien qu’en pensant à lui, à sa présence, à son sourire…

Il a toujours été là pour moi… et moi je n’ai jamais été là pour lui. Pourquoi m’étais-je tournée vers Ezarel, alors qu’il ne déniait même pas m’apprécier à ma juste valeur ? Je ne pouvais pas affirmer que je ne pensais plus à lui, ce serait me mentir. Mais je viens de réaliser qu’il ne sert à rien de m’entêter à aimer une personne qui ne peut pas m’offrir son amour en retour. « N’aimez jamais quelqu’un qui vous traite comme une personne ordinaire », affirma Oscar Wild. Et Ezarel lui ne me traite même pas comme une personne ordinaire, mais comme un membre d’une sous-espèce. Ah, mais j’oubliais, toutes les espèces hormis celle des elfes sont des sous-espèces pour Ezarel !  

Mais purée, c’est tout de même étrange… j’ai eu l’impression qu’il… m’appréciait vraiment. J’avais vraiment l’impression qu’il m’aimait, rien n’aurait laissé croire le contraire. Et pourtant je me suis leurrée. Peut-être que les elfes aiment différemment ? Peut-être qu’ils ne s’aiment qu’entre eux, qui sait ? Bref. Je dois arrêter de penser à lui. Mais c’est raté, j’ai bientôt un cours d’alchimie, et je vais devoir le supporter pendant plus de deux heures. Je dois rejoindre Ezarel. J’espère qu’il ne me regardera pas bizarrement, je sens que ce cours risque d’être très, très gênant… Il sait que je l’aime maintenant. Il le sait !Aller Sélia, prends ton courage à deux mains et agis de la manière la plus naturelle possible.

A contre cœur, je stoppais l’écoulement de l’eau brûlante. Je me séchais rapidement et mis des vêtements que j’ai eu l’occasion d’acheter il n’y a pas très longtemps. Une tunique de lin blanche, accompagnée d’un sarouel bleu nuit. Une tenue simple, confortable et adaptée pour l’alchimie. J’en profitais pour me parfumer avec de l’essence de jasmin, puis me diriger vers la sortie des bains.

En passant par le corridor de garde, je tombais nez à nez avec Alajéa. Celle-ci ne put contenir un cri de joie en me voyant et me pris dans ses bras.

- SELIA !! Tu vas bien ? Je me suis tellement inquiétée à ton sujet !

En voyant qu’elle s’était sincèrement inquiétée pour moi, je ne pus m’empêcher de regretter tout ce que j’ai pu penser à son sujet. J’ai été trop distante avec elle alors qu’elle ne souhaitait que m’aider. Je lui répondis donc que j’allais bien, et que j’étais désolée d’avoir été aussi froide.

- Oh mais ce n’est rien ! L’important c’est que tu ailles bien ! Ezarel n’est qu’un sale personnage ! Tu ne devrais pas te mettre dans un tel état pour lui, regarde-toi ! Tu es à ravir, tu es vraiment trop bien pour lui ! Et c’est impossible que tu ailles à ce bal sans cavalier. Tu vas trouver un cavalier, et je t’assure que lorsque Ezarel te verra, il va s’en mordre les doigts d’être passé à côté de la plus belle femme d’Eldarya !

Flattée, je ne pus m’empêcher de lui faire un câlin pour la remercier.

- Merci Alajéa, t’es vraiment la meilleure ! Mais je doute que j’aie envie d’aller au bal après ça…

- Ne dis pas de bêtises ! Ce bal va être incroyable, je n’ai jamais vu la garde autant s’investir pour un évènement. Et tu vas être rayonnante. Toi et ton cavalier allez former le plus beau couple de la soirée !

Je ris franchement aux chimères d’Alajéa.

- Et je le trouve où mon preux chevalier ?

- Il ne tardera pas à venir, sois en sûre, dit-elle en m’adressant un clin d’œil.

- Haha, on verra bien de toute façon ! Je te laisse, j’ai un cours d’alchimie !

- Si tu veux qu’on achève l’elfe je suis là, dit-elle avec un regard totalement sérieux

- Heu… je pense que ça ira, dis-je d’un rire mi-figue mi-raisin

Je m’apprêtais à m’en aller quand Alajéa me cria :

- Oh Sélia ! Ça te dis une soirée pyjama ce soir ?

Surprise, je confirmais l’invitation avec plaisir.

- Il y aura qui ?

- Karenn, et Sibylle, une fille de la garde Absynthe ! Ce sont de super bonnes amies, je suis sure que vous allez super bien vous entendre !

- Haha j’espère ! Dis vu qu’il est encore que cinq heures du matin… On se retrouve quand et à quelle heure ?

- Vers 18h devant ma chambre, tu la trouveras facilement c’est celle qui est à côté d’Ykhar.

- Merci, on se retrouve tout à l’heure !

Je lui adressais un dernier sourire et grimpais les marches qui me manquaient  pour atteindre la salle d’alchimie. Sereinement, j’ouvris la porte. Les senteurs habituelles si agréables emplirent mes poumons. Ezarel était là, en train de préparer le matériel nécessaire pour la séance. Il ne m’accorda même pas un regard.

- Tu ne me dis plus bonjour ? dis-je en tentant un sourire

Il me jeta un regard glacial que je ne lui connaissais pas.

- Je ne t’ai pas vu entrer. Au fait, le cours est annulé.

La nouvelle me fit le coup d’un poignard.

- Et je peux savoir en quel honneur ? demandais-je en contenant mal ma surprise.

- C’est ainsi, que veux-tu que je te dise, dit-il en évitant de me regarder.

Je serrais les poings avec colère, et vis mes phalanges blanchir.

- Tu penses vraiment pouvoir me jeter dehors comme ça alors que tu t’es engagé à me donner un cours ?

Il ne me répondit pas.

- Mais qu’est-ce que j’ai fait de mal Ezarel ? Donne-moi une seule bonne raison et je t’assure que tu n’auras plus à supporter ma présence.

Il ne dénia même pas me répondre.

- Ezarel, réponds moi.

Il tourna la tête pour me faire face.

- Tu veux savoir ce qui se passe ? Sache que depuis que tu es ici RIEN ne tourne plus rond. Rien. Tu es une catastrophe ambulante, on n’aurait jamais dû t’accepter au sein de la garde.

Chaque mot qu’il martelait avec colère venait se ficher en moi, me rendant exsangue. Deux possibilités s’offraient à moi : sortir en pleurant, ou bien affronter cet être hautain et lui faire comprendre que je n’allais plus me faire marcher sur les pieds. J’optais pour la seconde option, contre toute attente.

- Ecoute moi Ezarel. Ecoute moi bien car je ne me répéterais pas. Il serait temps que tu ouvres l’espèce de cacahuète qui te sert de crâne et que tu te remettes en question. Car ici, tu es le SEUL à être gêné par ma présence, et le seul à te plaindre de tout à tout bout de champ ! Et sache que peu m’importe ce que tu peux me dire, car je sais ce que je vaux, alors que toi tu cherches encore à te prouver que tu as de la valeur en rabaissant les autres. Et ça, c’est le summum de la lâcheté. La plus grosse erreur de ma vie c’est d’avoir porté de l’attention à un être comme toi.

Ezarel écarquilla les yeux et resta coi.

 - Tu es un être STUPIDE ! criais-je

Et je sortis.

Ne sachant plus quoi penser, je me dirigeais vers ma chambre. J’y étais allée un peu fort. Un peu trop. Mais ce qu’il m’avait dit était juste aberrant. Mais qu’est-ce qui lui prenait d’un coup ? Qu’est-ce qu’il avait ? Où était parti l’Ezarel que je connaissais… Disparu, évanoui… ?

***

(Point de vue d’Ezarel)

Je n’arrive plus à dormir. Je n’y arrive plus. JE N’Y ARRIVE PLUS. Je n’arrive plus à dormir. L’image de Sélia séchant ses larmes face à moi m’empêche de dormir chaque soir. Ses grands yeux violets débordant de peine, sa moue attristée… Comment n’ai-je pas pu remarquer qu’elle… m’aime. Je lui ai menti. Je lui ai menti comme jamais ne n’ai menti à personne ! J’ai refusé son amour. Je l’ai refusé, alors que je ne rêve que de cela chaque soir. Alors que je rêve qu’elle revienne se blottir contre moi comme elle l’a fait déjà une fois. Rêver en espérant qu’elle devienne ma réalité.

Et moi comme un sot je voulais inviter Eweleïn au bal de peur que Sélia ne veuilles pas de moi… Et maintenant je me retrouve sans cavalière comme un sot. Car bien sûr je n’ai jamais voulu y aller avec Ewelein, et ce sot de Nevra ne tardera pas à inviter Sélia. Il a su ramener Sélia vers elle. Il a su jouer ses cartes au bon moment, alors que son lot ne valait rien. Moi j’avais tous les as et j’ai perdu.

Rien ne tourne rond depuis que Sélia est entrée dans ma vie. Rien ne va plus. Je ne me reconnais plus, je ne sais plus ce que je fais, je ne me sens plus bien, je ne fais que penser à elle tout le temps. Cela doit cesser. Je ne sais plus quoi faire ! Peut-être… Non. Non, je ne peux pas parler de ça à Leiftan ! Je n’ai besoin de personne pour réussir à régler mes problèmes. Je vais régler ça une bonne fois pour toutes. Pour réussir à guérir d’une maladie il faut attaquer le virus à la source ! Je ne veux plus voir Sélia, je ne veux plus savoir qu’elle existe, je ne veux plus lui donner de cours. Je ne veux plus d’elle dans ma vie, et je ne vais pas tarder à le lui dire.

J’attendais qu’elle rentre depuis peut être une demi-heure. Je ne savais pas comment lui dire que je ne voulais plus d’elle. J’avais peur qu’elle me déteste… mais… c’est ça ! Elle doit me détester. Comme ça elle m’oubliera, et je me débrouillerais pour l’oublier. Et Nevra se chargera du reste. Je ne veux plus d’elle dans ma vie.

Lorsqu’elle rentra, je niais les battements de mon cœur, mes mains moites, mon teint qui rosissait. Tous ces symptômes étaient à ignorer. Ses grands yeux violets illuminèrent la salle d’alchimie. Elle illuminait tout en posant son regard sur les objets qui l’entouraient. Je fis de mon mieux pour agir de la manière la plus froide qui soit. Après m’avoir posée plusieurs questions comprendre l’origine de mon attitude glaciale, je lui dis :

- Tu veux savoir ce qui se passe ? Sache que depuis que tu es ici RIEN ne tourne plus rond. Rien. Tu es une catastrophe ambulante, on n’aurait jamais dû t’accepter au sein de la garde.

Je regrettais mes dires à l’instant même où j’avais formulé ma phrase. Sélia blêmit par l’impact de mes propos. Mais lorsqu’elle me répondit, je sus que ce n’étais pas elle que j’avais brisé, mais moi-même.

Je ne suis plus que débris.

Elle, elle pensait chacun de ses mots.

Je n’étais plus rien.

***

-Il a vraiment dit ça ? demanda Karenn

Je hochais la tête.

- Et toi, tu as vraiment dit ça ? demanda Alajéa

Je hochais la tête de nouveau.

Karenn Alajéa se regardèrent dans les yeux avec étonnement. Sybille, elle, avait un regard si lucide qu’elle paraissait déjà tout savoir. Rien de ce que je lui disais ne semblait l’étonner.

- Je n’aurais jamais cru qu’une petite nouvelle ait autant de répondant, s’exclama la vampire admirative.

- Vous pensez que j’ai bien fait de lui parler comme ça ?

Alajéa répondit à la vitesse de l’éclair, tant la réponse lui paraissait évidente :

- Bien sûr que oui ! Il ne mérite que ça, et je suis sûre que tu es de toute la garde la seule à avoir pu lui clouer le bec. Je ne sais vraiment pas comment t’as pu t’intéresser à quelqu’un comme lui.

- Je ne sais pas… dis-je un peu réticente. J’ai peur de lui avoir fait mal. Sur le coup j’étais vraiment fâchée parce que je voulais vraiment faire cours, mais au final j’ai été aussi méchante que lui en fait.

Sybille écoutait la conversation silencieusement. C’était un petit bout de femme avec de grands yeux doux et un air un peu timide qui avait l’air d’une fée. Elle m’intriguait un peu. Elle semblait avoir tellement de choses à dire.

- Je pense que tu as vraiment bien fait de te défendre, explique Karenn, après je sais pas ça me semble étrange qu’Ezarel t’ait dit ça comme ça. Ok, il est pas l’elfe le plus sympathique de l’univers mais ça ne lui ressemble pas d’agir de la sorte.

- Vous pensez que je lui ai fait mal ?

- Bah écoute je sais pas, balbutia Karenn, mais tu t’en fiches non ?

- Oui… oui, mentis-je

- Hé Sélia tu as bien fait ! s’exclama Alajéa en me secouant par les épaules. N’y penses plus, tu ne dois rien regretter.

Je ne répondis pas, je crois avoir fait une grosse bêtise.

- Sélia… dit la petite voix de Sibylle.

Je croisais son regard pour qu’elle poursuive.

- Je connais bien Ezarel, pour l’avoir côtoyé tous les jours depuis que je fais partie de la garde Absynthe. Et j’ai remarqué quelque chose. Après ça peut être totalement faux, mais il y a quelque chose qui m’a vraiment surprise.

- Qu’est-ce que tu as remarqué ? demanda Alajéa pressée de savoir

- Depuis que tu es arrivée, Ezarel est devenu légèrement différent.

- Comment ça ?! demanda de nouveau Alajéa

- Je ne sais pas, il est juste différent. Je ne saurais pas l’expliquer. Et je me demande si…

- Qu’est-ce que tu te demandes Sibylle ?! s’exclama de nouveau la sirène

- ALAJEA ! s’exclama Karenn

- Désolée…

- Je disais donc que j’ai le pressentiment qu’Ezarel est… amoureux. Mais qu’il ne souhaite pas l’admettre. Je sais que ce n’est pas le genre de personne à admettre facilement ses sentiments. Et donc que pour éviter d’être confronté à ses sentiments il fait tout pour éloigner Sélia.

Silence qui fut brisé par un rire. Karenn avait explosé de rire. Un rire tonitruant qui raisonna dans la chambre d’Alajéa. Alajéa, elle, ne riait pas, mais avait l’expression d’une personne qui venait de réaliser quelque chose d’important.

- Ezarel amoureux ! dit-elle entre deux fous rires. Ça c’est la meilleure !! dit Karenn en s’essuyant les larmes qui perlaient au coin de ses yeux.

Pour ma part je réfléchissait sérieusement aux dires de Sibylle. Etais-ce possible que…

- Mais c’est impossible, il m’a dit clairement « qu’il ne se projetait pas avec moi dans l’avenir. » Il a été bien clair là-dessus, murmurais-je

- Je te dis que ce n’est qu’une impression… mais après si Ezarel n’assume pas ses sentiments, il me semble normal qu’il refuse de se voir avec toi dans l’avenir.

- C’est impossible, balbutiais-je, pourquoi est-ce qu’il ne m’a pas prise dans ses bras en me disant qu’il m’aimait, pourquoi n’as-t-il même pas essayé de m’inviter au bal ?? Pourquoi est-ce qu’il a invité Eweleïn, et encore mieux, pourquoi est-ce qu’il m’a demandé, à moi, où était Eweleïn ?

- La stupidité masculine, expliqua Sibylle.

Chacune de ses paroles semblaient avoir une signification profonde. Je me surpris à réfléchir avec intensité à ce qu’elle disait, en plombant un peu l’ambiance.

- Bon les filles, assez parlé de moi et de mes tragédies !! dites-moi alors, avec qui allez-vous au bal ? demandais-je en souriant pour changer de sujet

- Devine !! s’exclama Alajéa

Je fronçais les sourcils en essayant de visualiser mes amies en compagnie de leurs hommes. Après un certain moment qui parut être une éternité pour Alajéa, je dis :

- Alajéa avec Karuto, Karenn avec Nevra et Sybille je ne sais pas trop vu qu’on…

Ma phrase fut interrompue par un obstacle matériel : Alajéa venait de me jeter un oreiller en pleine figure.

- KARUTO !! Tu n’as trouvé que Karuto ?! Je rêve !!!!!!

Nous éclatâmes toutes de rire en cœur. Même Alajéa se joignit à nous.

- Perdu ! tu n’as trouvé aucun de nos cavaliers ! rigola Karenn

- J’ai toujours été nulle en devinettes, admettais-je, aller ne faites pas durer le suspense plus longtemps je veux savoir !

- Moi je n’y vais pas avec Karuto, mais avec ton strict opposé !

Après une pause, elle dit :

-J’y vais avec Valkyon !

-Valkyon ?! Tu ne m’avais pas dit que tu étais amoureuse de lui ! m’exclamais-je

- Je ne suis pas amoureuse de lui ! dit-elle en rougissant, mais c’est juste qu’il m’a proposé ça avec tellement de courtoisie que je n’ai pas pu refuser…

Karenn lui adressa ce regard du « mais oui c’est ça », qui me fit exploser de rire.

M’imaginer mon maître d’armes, cette montagne de muscles, avec Alajéa me fit vraiment un effet bizarre. J’étais partagée entre les rires et la surprise. Mais en y pensant, pourquoi pas ? Ils allaient plutôt bien. Alajéa, très féminine, avec Valkyon, la virilité incarnée. Au final, j’étais heureuse pour mon amie.

- Et toi Karenn ?

- Je n’y vais pas avec Nevra, comment t’as pu penser ça ? s’exclama Karenn. Ce n’est pas sur moi qu’il flashe, c’est sûr, dit-elle en me regardant droit dans les yeux.

Un coup de coude de la part d’Alajéa lui tira une grimace. Bizarre…

- J’y vais avec Chrome ! dit-elle

Chrome !! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? C’est vrai qu’il ne refusait rien à Karenn.

Nos regards se tournèrent vers Sybille.

- Tu y vas avec qui toi Sybille ?

Elle sourit mystérieusement.

- Vous le saurez le jour du bal…

-Aller dis-nous ! supplia Alajéa

Sybille la regarda tranquillement pour réponse.

- Pourquoi tu me fais ça Sybiiille !

Elle ne répondis pas et continua à lui adresser son sourire tranquille.

- C’est toujours comme ça ! ronchonna Alajéa

- Bon, c’est pas que ça mais Sélia, il faut qu’on parle ! dit soudainement Karenn

- Eh mais c’est moi qui devait lui dire ça ! protesta Alajéa.

- Mais de quoi vous parlez ? dis-je en arquant un sourcil

- Ca ne peux plus durer !

- Mais de quoi bon sang ?

Karenn prit cet air sérieux un peu flippant, puis me dit :

- Tu ne trouves pas Nevra mignon ?

Je rougis instantanément.

- Si… dis-je d’une voix hésitante

- Tu vois elle rougis ! s’exclama Karenn. Et moi qui croyais qu’il n’y avait pas d’espoir.

Je ne comprenais plus rien à ce qui se passait.

- Et il est beau, gentil et attentionné, non ?

- Ca dépends, tout le monde ne le trouve pas…

- Mais j’ai besoin de ton avis patate ! coupa-t-elle Alajéa c’était bien parti mais là je crois que c’est mort,

Sibylle regardait la scène avec amusement.

- Je ne répondrais que si tu m’expliques ce qui est en train de se passer ! m’exclamais-je

Karenn se tapa le front du plat de la main.

- On essaye de comprendre pourquoi tu fous des vents à Nevra depuis des mois et que tu ne fais que t’intéresser à cette bouse d’Ezarel.

C’était si direct et imprévu que je restais muette.

- Vous n’allez pas me dire que vous jouez les entremetteuses et que vous pensez que je vais me laisser faire, dis-je finalement.

Alajéa et Karenn se regardèrent puis dirent à l’unisson :

- Si !

- Bon alors mettons les choses au clair… Qu’est-ce qui vous fait croire que Nevra s’intéresse à moi ?

- Je RÊVE, je rêve, je dois rêver, oh ciel réveillez moi… Je pense qu’il n’y a pas plus DIRECT, que de te proposer d’aller au bal avec lui, s’exclama Karenn

- Je pense qu’il y a un malentendu, il ne m’a pas invité au bal…

Karenn me regarda en écarquillant les yeux.

- Mais… je ne comprends pas… il m’avait dit que…

Je compris très vite que Karenn était très proche de Nevra. Et qu’ils avaient dû élaborer un plan essayer de me caser avec lui…

- Ce sot, il m’avait pourtant dit qu’il le ferait jeudi ! Excuse-moi je pense que je viens de briser le suspense…

Jeudi… ? Mince, c’est le jour où il m’a donné rendez-vous à la cantine. Je ne suis qu’une sotte sans cervelle…

- Je pense qu’il ne va pas m’inviter Karenn… Je pense que les hommes ont vite marre de moi.

Alajéa se frappa la tête avec sa main.

- Et c’est reparti ! Sélia, tu vas aller à ce bal, et pour cela il faut que tu arrêtes de te rabaisser ! Nevra t’apprécie vraiment beaucoup tu sais.

- J’aime beaucoup Nevra vous savez, mais j’ai peur qu’il ne s’intéresse à moi comme juste « le coup d’un soir ». C’est pour ça que j’ai du mal à m’offrir à lui.

-Sélia, Nevra n’a jamais été aussi sérieux de sa vie avec une fille. Sincèrement, je ne dis pas ça pour te faire plaisir. Il ne sort plus le soir pour rester avec ces filles d’une nuit, et ne tourne pas autour des nouvelles recrues. Et ça, c’est parce qu’il ne fait que penser à toi. Et lui il fait des efforts, alors qu’Ezarel, si la théorie de Sibylle est vraie, ne fait que t’éviter pour éviter de changer.

- Je…

Quelqu’un toqua à la porte.

Karenn nous intima le silence d’un geste.

- Ouii ? dit Alajéa.

- Alajéa ! C’est moi, ouvre s’il te plait. Est-ce que Sélia est là?

Karenn commença à glousser. Moi j’étais juste en train de me décomposer sur le lit.

- Pourquoii ? demanda Alajéa d’un ton mielleux.

- S’il te plait, j’ai besoin de lui dire un truc important. Je l’ai cherchée partout elle ne peut qu’être ici.

Je fondis, il ne restait de moi que des restes.

- Elle arrive ! gloussa Alajéa

- Enfile ça ! m’ordonna Alajéa en chuchotant.

Je n’eus même pas le temps de vérifier la tenue et l’enfilais à toute vitesse sous le regard amusé de mes amies.

- Va rejoindre ton homme, dit Karenn en riant

- Chuut, il va t’entendre, s’exclama encore plus fort Alajéa.

Je pris mon courage à deux mains et sortit sous le regard approbateur de mes amies.

Quand j’ouvris la porte, je tombais nez à nez avec Nevra, qui tenait à sa main un bouquet de roses aussi rouges que le sang. La première chose qu’il dit fut :

-Sélia ! viens avec moi

Il me tira par la main un peu plus loin à l’abri des regards de mes amies qui nous dévoraient du regard en gloussant.

- On est mieux là, tu ne trouves pas ? dit-il en souriant

Je lui souris à mon tour en rougissant.

- Sélia, ça fait un bon bout de temps que je voulais te demander ça, mais je ne sais pas pourquoi, je n’osais pas… souffla-t-il en toute honnêteté.

Il caressa ma joue de ses mains chaudes. Après un moment d’hésitation, il me demanda :

- Veux-tu être ma partenaire pour le bal de fin de millénaire ?

Il me tendit le bouquet de roses galamment que j’acceptais.

Je plongeais mes yeux tranquilles dans ceux, intenses, de Nevra.

J’admirais ces yeux gris perle, ce visage si joliment dessiné, ce sourire si sincère.

- Avec plaisir, Nevra

Son visage s’illumina d’un sourire jusqu’aux oreilles. Il me prit soudainement par la taille et me fit virevolter au-dessus de lui.

- Tu es la plus belle chose qui me soit arrivé, dit-il en me posant à terre.

Mon cœur bondissait dans tous les sens.

Il me prit par la taille délicatement, me rapprocha de son corps chaud. Je me laissais aller totalement, je ne voulais plus protester. J’avais confiance en lui

Il me serra encore plus fort contre lui, de peur de me perdre. Me regarda avec amour. Ses lèvres s’approchèrent pour rencontrer les miennes. Ma respiration se fit courte, saccadée. Nos lèvres se frôlent, se touchent, s’embrassent, avec une douceur et une fougue qui m’étaient inconnues. Ses lèvres s’allièrent aux miennes, nos corps ne formant plus qu’un, mon cœur battant contre son torse, ses mains agrippées à ma chevelure indomptable, mes bras autour de son cou. Un premier baiser éternel, qui défie le rêve et le lie à la réalité. Mon premier baiser, qui n’était qu’amour et désir. « Je t’aime », souffla-t-il contre mon oreille. « Moi aussi je t’aime» chuchotais-je.

Laisser un commentaire ?