[Nathaniel][Castiel] La passion des Amants Maudits

Chapitre 8 : Partie 3 Chapitre 8: Autre et Même

2180 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/03/2019 18:54

Cela faisait une semaine que Castiel m’évitait. A chaque fois que je le croisais, il contournait mon regard puis changeait de direction. Il n’était jamais dans sa chambre. Il n’était jamais seul pour que l’on puisse discuter. C’était la misère… Je m’en voulais réellement de m’être adressée de cette façon à la plage. Je ne voulais pas le vexer ou lui faire de mal. Mais je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il me donne des réponses rationnelles aux problématiques qu’on affrontait. Depuis que je le connaissais, il n’a jamais été sérieux dans les situations graves, ou bien donné des idées pour arranger les problèmes. Le voir aussi investi m’a surprise. Je voulais aller m’excuser, réellement. J’attendais juste le bon moment.

Pendant ces quelques jours passés sans Castiel, je n’avais pas réellement beaucoup vu Nathaniel en réalité. Je passais mes journées à m’entraîner avec Valkyon, et souvent aussi avec Alajéa et son amie, Karenn. Ca me permettait de me défouler, de ne faire qu’un avec mon corps. J’avais l’impression que les entrainements révélaient quelque chose qui était enfoui en moi depuis longtemps. Je ne saurai l’expliquer, mais j’avais l’impression que… j’avais trouvé une version plus authentique de moi-même. L’harmonie du corps et de l’esprit, le respect de l’adversaire, la découverte de ma force et de ma technicité. J’avais l’impression de m’entrainer depuis toujours. D’avoir presque… toujours vécu ici. Ca me déchirait le cœur de savoir que je ne reverrai peut être jamais les personnes que j’aime sur Terre. Et pourtant, je commençais à me sentir bien avec moi-même dans ce nouveau monde. Je m’en sentais assez coupable de penser ça…

Alors que je me baladais dans le quartier général, j’entendis des murmures graves. Ça avait l’air de venir de la salle de cristal. J’avançais discrètement pour tenter d’attraper quelques bribes de mots. Je ne pouvais pas rentrer car un sort scellait l’entrée pour des raisons de sécurité. J’entendis la voix de Miiko qui parlait de l’oracle… Je n’arrivais pas très bien à entendre ce qu’ils disaient, la cloison n’était pas du tout fine.

-Reyx… est… plaines…

C’était Leiftant qui parlait. Mais que voulait-il dire ? Je ne comprenais rien. Qu’est-ce que c’était que ce mot de « reyx » ? Que se passait-il à l’est ?

-On écoute aux portes joli cœur ? souffla une voix sur mon cou

Je ne pus m’empêcher de sortir un petit cri. Paniquée, je ne m’attendais pas du tout à voir la personne qui se dressait devant moi. Des yeux gris perle me toisaient avec amusement. Je le reconnus immédiatement. Dos au mur, il mit ses mains de part et d’autre de mon visage. Je sentais sa respiration caresser mes joues.

-Tu sais que la curiosité est un vilain défaut… tu le sais n’est-ce pas ?

Je me contentais de hocher la tête sans répondre, tétanisée par la panique et le parfum aussi envoûtant que toxique qui émanait de son corps.

-Je pourrais te tuer pour ça, dit-il en me souriant malicieusement. Haute trahison, espionnage, tous ces motifs intéressants...

Je déglutis péniblement. Je n’avais jamais vu d’aussi près un vampire. Mais qu’est-ce que je disais ? je n’avais jamais vu un vampire. Sensuel, charmeur, aussi attirant qu’intimidant. Les fictions de mon monde avaient plutôt vu juste. Comme si les écrivains avaient toujours été des voyants. Il se dressait là, devant moi, me menaçait de mort, et tout ce à quoi je pensais c’était à des romans ! Une phrase de Sartre me vint soudainement à l’esprit : « J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. » Eh bien non Sartre, je vais finir dévorée par un vampire…

-Mais je te réserve des projets, disons… plus intéressants.

Nevra approcha sa bouche dangereusement de mon cou. Il n’allait tout de même pas me mordre ?! A deux doigts de la crise de panique, j’allais commencer à pleurer. Mon cœur battait fort contre ma poitrine. Je n’arrivais pas à bouger, il me plaquait totalement contre le mur. Je sentis ses lèvres se poser sur mon cou dans un baiser appuyé. Il lécha une veine gonflée le long de mon coup avec appétit. Soudain, il ouvrit la bouche et mordit à pleines dents une de mes mèches noires.

Il commença à rire, de manière mi-diabolique, mi-charmante…

-Aller file, dit-il en m’adressant un clin d’œil.

Il se dégagea de moi et je commençais à fuir d’un pas rapide quand il me dit :

-Joli cœur… chambre B1. Quand tu voudras.

Ecœurée, je ne répondis pas et me dirigeais sans regarder un arrière à la sortie du QG. Il était malade ?! Je n’étais pas une fille de joie ! Quel être dégoûtant, répugnant, et si… confiant ! Je n’étais pas une de ses groupies ! Il dégoûtait.

A mesure que je marchais, je sentis des larmes brouiller ma vue. Je me sentais si vulnérable. Je détestais les hommes comme ça. Sans même m’en rendre compte, je me dirigeais spontanément vers la plage. Le lieu où je pourrais me sentir seule quelques instants… le lieu où je ne rencontrais que des personnes que j’aimais. Je descendis les petites marches de roche, dont la dernière était presque totalement recouverte de sable. J’allais me poser tranquillement sur le sable, quand je vis une silhouette familière.

-Rima ? demanda cette voix que je connaissais tant. Qu’est-ce que tu fais ici ?

Les yeux toujours rougeâtres, je dis simplement que je voulais rester seule.

-J’y vais alors, dit-il en joignant la parole à l’acte.

-Non ! m’exclamais-je.

Ma voix était presque suppliante.

Le jeune homme aux cheveux flamboyants se rassit doucement. D’un geste de la main, il tapota le sable pour que je vienne m’assoir à côté de lui. D’une démarche digne de celle d’un pélican à cause du terrain glissant, ou plutôt de l’émotion, je me mis à côté de lui. Aucun de nous deux ne dit rien. On se contentait d’observer silencieusement la mer, regarder les vagues s’écraser sur le sable d’or majestueusement, écouter les oiseaux battre des ailes haut au-dessus de nos têtes. Je sentais chaque ondulation de l’eau, chaque mouvement de bancs de poissons, et même jusqu’au moindre frémissement d’aile d’un papillon avec une précision alarmante.

Bientôt le soleil allait se coucher. On ne voyait qu’un demi-cercle de lumière diffuser ses rayons stellaires. Au contact de l’eau, la lumière se fragmentait en mille et une couleurs. « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » dans une synesthésie baudelairienne parfaite. Le dégradé du ciel se confondait avec le dégradé de la mer. Du bleu nuit au rouge sang, du rouge sang au bleu nuit, dans une symétrie exacte, je me sentais en phase avec ce paysage somptueux, aussi sauvage que rationnel. Il m’évoquait des souvenirs égarés, des récits oubliés, des mots échangés. Je n’aimais plus que la Beauté. Je n’aimais plus que l’Harmonie. Je ne pensais à rien d’autre que ce qui se présentait en face de moi. Je ne voulais plus combattre la flèche du temps. Je n’avais plus à le faire.

Sublimé par la magie du ciel et de la mer, mon esprit oublia sa mémoire. Je n’étais plus qu’un épiphénomène dans l’orage de l’histoire. Je n’étais plus que ce que je vivais ici et maintenant. Aucune autre chose n’aurait pu me définir mieux que cette brise salée qui collait ma peau, cette lumière mourante qui éclairait mon corps, ce sable glissant qui picotait ma paume. L’Eden s’offrait à moi sur terre, je n’allais pas devoir payer pour mes méfaits. Car je n’étais plus Moi, j’étais Autre. L’Autre de la nature, de l’esprit animal. J’étais l’Autre, indomptable par le temps, par la force, par la mort. Esprit dominant méprisant l’ostentatoire, divinisant l’honnêteté, la simplicité.

J’étais Autre, conquise et conquérante.

Là résidait la clé de notre existence, la matérialisation de l’absolu sur terre.

Je vis le demi-soleil accompagné de son reflet se rétrécir continuellement, rejoindre quelques abysses inconnus. Alors que mon absolu mourrait, je vis des étoiles naître ça et là dans notre cage indestructible. D’émotion, je ne pus retenir des larmes de joie.

Mon idéal venait de se réincarner en étoiles.

-Rima, est-ce que ça va ?

Je sursautais.

J’étais retournée dans la flèche du temps.

Je hochais la tête, incapable de parler.

-Tu sais, je ne t’en veux pas pour la dernière fois.

Surprise, je ne dis rien. A ce moment-là de ma vie, je ne comprenais plus qu’un nombre infime de choses. Tout avait basculé dans l’incertitude, dans un relativisme voire un scepticisme philosophique.

-Je me sens un peu… différent. Je sais que ça peut paraître absurde, mais j’ai l’impression de ne plus être vraiment la même personne. J’ai l’impression d’être comme… la réelle version de moi-même.

Je lui souris.

-Je ressens la même chose.

Je posais ma tête sur son épaule. Je sentis Castiel tressaillir légèrement.

-J’ai l’impression de tout comprendre, dit-il presque en murmurant. Je lis, j’apprends, je mémorise et je comprends tout instantanément. J’ai une soif de savoir totalement… inexplicable. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu t’enfermais pendant des heures à la bibliothèque du lycée. Et dire que je faisais tout pour te freiner.

Il poussa un long soupir. Il devait sûrement repenser à ces soirées-là… ces soirées où il mettait tout en œuvre pour saboter mes projets de révisions, pour que je reste avec lui jusqu’au matin. Pour que je lui sois réservée. Je chassais de la tête ce souvenir. Qu’est-ce que je haïssais la mémoire. Je me décollais de son épaule.

-Donc tu parles faelien ? dis-je en rigolant

-Oh ce n’était pas bien diffi…

Il s’interrompit au beau milieu de sa phrase.

Il fit un mouvement brutal de la main.

-Ne bouges pas, ordonna-t-il

Mes muscles courbaturés par l’entrainement se crispèrent à l’extrême. Je tendis l’oreille. Je sentais la présence d’un animal sauvage à quelques mètres à peine. Poussée par un instinct nouveau, je me levais sans réfléchir, sans prendre en considération les avertissements de Castiel.

Comme possédée par un Autre, je marchais de manière lente et fantomatique vers l’animal que je sentais caché entre les rochers. C’est là que j’aperçus deux yeux jaunâtres et globuleux. Une face aussi noire que le mal me dévisageait.

Soudain, un hurlement monstrueux sortit de sa gorge de bête, qui s’accompagna d’un grognement de rage.

Je me retournais et vit que la réaction avait été causée par Castiel. Je plissais le nez et fusillais Castiel du regard. Il comprit. Il s’arrêta.

Je sentais mon corps déformé par la rage. Je poussais un cri de douleur et tombais par terre. Je sentis mes bras se rétrécir, gagner en muscles. Je poussais un hurlement sauvage. L’animal, face à moi, observait sans bouger.

Je vis en lui mon frère.

Loup pour loup.

Pelage noir contre blanc.

Ensemble subtilement manichéen.

Les oreilles baissées, je m’approchais de lui. Il ne grogna pas.

Il sortit de l’ombre et jamais je ne vis un être aussi large, aussi imposant.

-Fais attention à ton ami, me dit mon frère

-Quel ami ?

-Il court un grave danger.

-Qui es-tu ?

-Je suis Même et toi tu es Autre.

-Quel danger ?

Il ne me répondit pas. Il s’éclipsa, aussi vite qu’il n’était arrivé. Le désir de le poursuivre m’assaillit. Mes muscles ne répondirent pas. Avant même de prendre conscience de ce qui s’était passé, je perdis connaissance.

 

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