Les belles histoires du Père Makarof, ou Fairy Tail en trente-et-un mots

Chapitre 17 : Gentil tyran

1241 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/11/2020 12:25

Gentil tyran

 



Appartenir à une guilde signifiait forcément accepter de traîner une réputation plus ou moins conséquente. Par exemple, on pouvait être la tête brûlée de l’équipe, ou bien le prudent qui préférait être en soutien plutôt qu’en première ligne ; d’autres encore ne se risquaient même que très rarement à la bataille, préférant assurer la liaison entre les combattants et le quartier général, ou bien fouiller la bibliothèque pour trouver des informations susceptibles d’aider ceux partis en mission ; ceux-là, on les connaissait comme les petits génies qu’on ne voyait jamais dans une bataille mais qui possédaient une intelligence redoutable. Bref, il y avait autant de réputations que d’individus sur Earthland, et personne n’échappait à la règle, du moins en ce qui concernait les mages.


Lorsque Silver avait appris qu’on le surnommait le « gentil tyran », parmi ses condisciples, il n’avait su qu’en penser, dans un premier temps. L’adjectif « gentil » devait référer au fait qu’il abhorrait la torture ou le meurtre, contrairement à Kyōka ou Jackal, qui eux ne s’en privaient pas, et les autres non plus, d’ailleurs – mais que pouvait-on attendre de démons, après tout ? Quant au nom « tyran »… eh bien il faisait partie d’une guilde qui terrorisait les autres et souhaitait instaurer son pouvoir par la force, alors c’était légitime, supposait-il, d’être appelé ainsi. Les portes démoniaques étaient tous des despotes en puissance, de toute manière.


–        Tiens petite, bois ça, ça te fera du bien.


En cette fin d’après-midi, il ne savait pas vraiment ce qui l’avait piqué à aller donner un peu d’eau fraîche dans une choppe à cette prisonnière. Dès que les autres membres le sauraient, ils viendraient à coup sûr le charrier plus ou moins sévèrement sur le fait qu’il était bien trop doux et gentil avec des personnes dont il n’était nullement censé se préoccuper. Au moins cela validait-il effectivement son surnom, et en plus, la « petite », comme il l’appelait, et son compagnon d’infortune l’intriguaient.


–        Je n’ai pas le droit de vous faire sortir de cette cellule, mais cela ne veut pas dire que je prends du plaisir à te voir souffrir, petite.


Il aurait pensé qu’elle avait trop de fierté pour accepter son offre – elle commença par croire que le liquide était peut-être empoisonné –, mais finalement, elle but toute l’eau du récipient, et le remercia en ajoutant qu’elle se sentait beaucoup mieux.


C’était fou, mais à certains égards, elle lui rappelait Mika. Pas physiquement, parce qu’elles n’avaient rien en commun de ce côté-là : les cheveux de Mika étaient longs et ébène alors que ceux de cette jeune fille était courts et blancs comme neige. Non, c’était plutôt dans ses mimiques, dans ses traits délicats, dans cette lueur de courage qui brillait dans ses yeux, et qui ne s’éteindrait jamais complètement, même lorsqu’elle aurait poussé son dernier souffle. Sa femme… aurait beaucoup apprécié cette petite, c’était certain.


Même s’il n’en laissa rien paraître, il les quitta la mort dans l’âme. Oh, il n’avait aucun doute quant au fait que ces deux-là s’en sortiraient, c’était une certitude. Ils s’en sortiraient, et peut-être même marqueraient-ils la fin de Tartaros. Silver ne demandait rien de mieux : s’il s’était écouté, il les aurait libérés sur-le-champ, mais il ne le pouvait malheureusement pas. Pas maintenant, en tout cas. Il avait une réputation de tyran à maintenir, et surtout, il avait une certaine personne à voir, avant cela. Le gamin le connaissait, après tout, et même s’il n’avait toujours pas fait le lien, s’il allait tout raconter maintenant, ce serait la fin.


–        Je ne comprends pas… Ce type a exactement la même odeur que Grey !


La voix du garçon compagnon de cellule de la petite – Natsu, s’il avait bien retenu –, lui parvint alors qu’il quittait bientôt un couloir pour un autre, et il ne put s’empêcher de se poser des questions sur l’adolescent. Il n’était pas spécialement intelligent et parlait beaucoup pour ne rien dire, mais il y avait autre chose chez lui, et si l’hypothèse de l’adulte était la bonne, alors…


Non, mieux valait ne pas y penser pour l’instant.


Un sourire illumina son visage. Quoi qu’il en soit… Grey avait énormément de chance, d’avoir ces amis auprès de lui.


–        Alors, Silver ? On joue encore les gentils tyrans, à ce que je vois ?


L’intéressé releva la tête, surpris par la personne qui venait de l’interpeller. Il était tellement absorbé par ses pensées qu’il n’avait même pas vu arriver Kyōka en sens inverse. Il n’était pas étonné de la voir traîner dans cette partie du quartier général, comme à son habitude. Il la connaissait suffisamment bien maintenant pour savoir qu’elle ne se trouvait pas là par hasard, et qu’elle fût la cheffe des neuf portes démoniaques ne voulait pas dire qu’il appréciait ses méthodes barbares « d’interrogatoire ». Il ne se leurrait pas sur le fait qu’elle non plus ne nourrissait pas une grande affection à son égard, principalement parce qu’elle ne le trouvait pas assez « cruel », dans sa manière d’agir avec les autres.


Elle avait dû deviner son manège notamment à cause de la chope vide qu’il tenait dans la main. Il manqua l’espace d’une fraction de seconde de lui dire qu’elle ne parviendrait pas à ses fins et qu’elle et tous les autres seraient bientôt mis hors d’état de nuire par Fairy Tail, mais s’abstint finalement. Pour l’instant, il était préférable de jouer la comédie. Adviendrait que pourrait ensuite ; il allait falloir du cran aux jeunes pour espérer les vaincre, mais c’était tout à fait possible.


–        Tiens, Kyōka, la salua-t-il d’un air détaché. Tu n’es pas censée être dans la salle de contrôle pour aider à l’activation de Face ?

–        Je m’y rendais justement ; mais j’ai quelqu’un à voir, avant. Contrairement à toi, je ne fais pas dans la dentelle avec les prisonniers, encore moins lorsqu’il s’agit d’humains.


Elle ponctua ces mots d’une moue méprisante, et passa à côté de lui sans se retourner, poursuivant son chemin dans le couloir où se trouvaient les cellules. Silver secoua la tête d’un air amusé, avant de se remettre lui aussi en route.


Finalement, ce surnom de « gentil tyran » lui plaisait beaucoup.

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