Immarcescible

Je balance mon sac dans l'entrée et me précipite dans la cuisine pour me rincer le visage. Mon cerveau est en surchauffe, je dois absolument penser à quelque chose qui ne me donnera pas envie de sauter partout. 

J'ai pas envie de péter le plancher. 

Depuis ma discussion avec Alex, j'ai l'impression d'avoir des algues à la place du cerveau. Aucune de mes paroles n'est un minimum censée. Ça fait peur à voir.

On va faire un exposé ensemble.

Ensemble.

Je me fais violence pour ne pas faire la salsa autour d'une chaise qui n'a rien demandé. Un sourire débile -et il faut le dire, terriblement niais- a élu domicile sur les lèvres et refuse de les quitter. 

On dirait une hystérique.

Un grand verre de lait de soja à la vanille dans la main, je trotte vers le salon et m'affale lourdement sur le canapé. J'ai l'impression d'être sur un petit nuage. Je ne me suis jamais sentie aussi bien de ma vie. 

Je ressors le petit bout de papier où Alex a écrit son numéro et l'enregistre dans mon répertoire. Je souris une nouvelle fois, bêtement. Oui, j'ai vraiment un gros problème affectif.

Je lui envoie un message comme quoi on pourrait se voir samedi aprèm pour faire l'exposé. Et sincèrement, je n'ai jamais mis autant de temps à écrire un message. J'ai du l'effacer et le re-écrire une bonne dizaine de fois avant d'être satisfaite. 

Wait a moment. 

Peut-être que je pourrais profiter de ce moment pour le séduire ? Je stoppe mes interrogations lourdes de sens. Mon cerveau me joue des tours. Le séduire, et puis quoi encore ? Ce n'est pas mon genre. Et puis si je me loupais... non non ! Un exposé c'est suffisant !

Soudain, un flashback vient interrompre mes pensées. Je grogne et retiens ma main qui veut me gifler la figure. Mais oui ! J'avais promis à Camille de tenter ma chance avec lui. 

J'avais promis, et pas plus tard que lundi matin. 

Mon cerveau a dû disjoncter à ce moment là. 

Depuis quand je promets des trucs pareil ? En même temps Camille a peut-être raison. Si je ne tente pas ma chance, peut-être n'aurais-je plus jamais l'occasion de lui avouer ce que je ressens...

Prévoir des plans de séduction n'a jamais été dans mes habitudes mais, aux grands mots les grands moyens ! Je prends mon téléphone et envoie un message à Camille. Je lui propose qu'on se retrouve samedi matin chez moi. Elle a intérêt à m'aider car je ne veux pas m'enfoncer dans ce merdier toute seule. 

~~~~ 

Vendredi matin est arrivé à une vitesse fulgurante. Même les profs soporifiques et la montagne de devoirs qu'ils nous ont donné à faire ne m'ont pas fait redescendre de mon petit nuage. 

D'ailleurs, je vais bel et bien chez Alex samedi après-midi. C'est à dire, demain. Je suis trop heureuse pour penser normalement et formuler des phrases correctes. C'est Camille qui m'en a fait la réflexion hier alors que je lui parlais, pour la centième fois, du rêve irréalisable qui était bel et bien en train de m'arriver. 

Après avoir englouti des toasts cuits à point, et pris un grand bol de café, je me prépare, le sourire aux lèvres, à partir au lycée. J'attrape mon sac et m'apprête à sortir quand une voix féminine m'interpelle : 

- Alice, Antoine, attendez-moi ! Je peux vous déposer au lycée parce que je dois passer à Cultura avant d'aller bosser !

Ah, c'est ma mère, rentrée il y a à peine deux jours, qui vient de crier depuis la salle-de-bain. Hé bien, la journée ne pouvait pas mieux commencer, je ne serai même pas obligée de prendre le bus !

Antoine descend les escaliers avec la délicatesse d'un pachyderme de trois tonnes et se prépare une tartine. Il est extrêmement concentré sur son travail, comme si il réalisait une tâche complexe.

C'est le Picasso de la bouffe. 

Il étale du beurre, à l'aide du couteau, sur la totalité de la tranche de pain. Tiens, c'est quoi ce beurre ?

Soudain, une effroyable vision me parvient. 

- Tu te fous de moi ? M'exclamais-je, à la fois surprise et choquée.

Antoine relève la tête vers moi avec un regard perdu. Il hausse les épaules, désintéressé, avant de déclarer :

- Je vois pas de quoi tu parles...

- Mais si ! Sacrilège, je hurle comme une folle. Tu mets du beurre sans sel !

Il observe sa tartine et remarque :

- Bah, c'est du...

- Alice ! C'est toi qui crie comme ça depuis tout à l'heure ? coupe ma mère en entrant dans la cuisine, une serviette de bain sur la tête. 

- Mais pas du tout ! C'est juste que, je réplique en montrant du doigt la tartine d'Antoine, regarde ! Il ne met pas de beurre salé sur sa tartine ! 

Maman lève les yeux au ciel et pousse un long soupir. Elle sort de la pièce en marmonnant des mots incompréhensibles. 

Je crois que je désespère ma famille.

- Préparez-vous, j'arrive dans cinq minutes ! crie-t-elle depuis la cage d'escalier.

Je jette un coup d'œil à Antoine. Il se délecte de sa tartine au beurre sans sel. Je l'ai actuellement renié trente fois dans ma tête.

Pauvre mec. 

J'entends les pas précipités de Maman dans l'escalier. Elle enfile son manteau et attrape ses clés de voiture. Voyant que nous n'esquissons pas un geste, elle nous répète avec agacement une nouvelle fois :

- Allez ! Venez, vous allez être en retard ! 

Avec une synchronisation plus que parfaite, Antoine et moi nous regardons furtivement puis nous partons vers la voiture, suivant ma mère. 

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Le voyage jusqu'au lycée se fait dans le calme, si l'on excepte l'incessant monologue de Maman. Elle se sent obligée de nous raconter pour la vingtième fois son dernier salon en faisant de grands gestes. 

Je ne l'écoute que d'une oreille, la joue collée contre la vitre. Je regarde les voitures défiler lentement sur la chaussée et les écoliers courir après leur bus. Un garçon fait un sprint derrière le bus en secouant les mains comme un psychopathe.

Ah ? Tiens, ça c'est moi tous les matins ! 

Je suis coupée dans mon observation par ma mère : 

- Hé oh Alice, tu m'écoutes ?

- Hum, quoi ? 

- Je disais que la voisine m'avait vaguement parlé qu'une nouvelle bibliothèque allait ouvrir dans la ville, et puis, j'ai trouvé un tract dans le meuble de l'entrée, tu étais au courant ? Me demande-t-elle.

- Une nouvelle bibliothèque ? Ah oui, c'est vrai, un homme est passé dimanche à la maison. Il me semble qu'il avait parlé de l'ouverture de cette bibliothèque, mais il était tellement étrange et bizarre que je n'y ai pas vraiment portée attention...

Ma mère fronce les sourcils mais ne fait pas de commentaires sur le fait qu'un dangereux psychopathe est venu toquer à la porte. Elle en fait complètement abstraction. 

- Et pourquoi tu parles de ça ? la questionnais-je.

- Hé bien, je me disais que ça pourrait être une occasion de se faire une petite sortie culturelle tous les trois ! Ils ont prévus pleins d'activités et il y aura sûrement des écrivains, s'exclame-t-elle, tout sourire. Ce serait sympa non ? On pourrait y aller demain. 

- Ouais, pourquoi pas, dis-je en haussant les épaules.

C'est vrai qu'une sortie familiale ne nous ferait pas de mal. On ne se retrouve pratiquement jamais ensemble, ce serait l'occasion !

Mais-

Wait a moment.

Demain ? Demain demain ? Samedi ? 

Ce samedi ? 

Ah non non non ! Pas question que je loupe mon rendez-vous galant avec Alex ! Oui c'est tout comme un rendez-vous galant ! J'ai attendu ça toute ma vie et là, il faut qu'on aille à cette putain de crotte de bois de bibliothèque. 

Merde ! 

Mais si je ne vais pas à la bibliothèque avec eux, je sens que ma mère m'en voudra longtemps. Elle est si rarement à la maison qu'une occasion comme celle-ci ne se représentera pas de si tôt. D'ailleurs elle repart en voyage dès lundi. 

Mince, je ne sais vraiment pas quoi faire... 

I need somebody, help ! 

À suivre...

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Hey ! 

Comment ça va ? 

Bon, avec beaucoup de retard, voici le chapitre 6 ! La suite va commencer à s'accélérer un peu au niveau du scénario logiquement! Trop hâte d'y arriver ! 

D'ailleurs, on a plus de 100 vues sur Immarcescible ! C'est fou !! 

Merci du fond du cœur ! 

xoxo

Nono & LM