Suite de petits écrits

Chapitre 14 : Son et lumière

617 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2021 11:58

Son et lumière


On nous pousse à l’intérieur comme du bétail, mais je n’ai jamais vu du bétail aussi heureux, aussi pressé de se retrouver dans une pièce sombre où l’on se marche dessus. Certains sont habitués, ils se meuvent aisément dans la masse, sachant parfaitement où se placer. Moi, cependant, je découvre cette ambiance, je me laisse alors guider par l’empressement des uns et l’impatience des autres.

La hâte et le stress d’entrer dans un lieu inconnu se mélangent. Bientôt, les premières effluves d’alcool et de sueurs viendront me titiller les narines. Les gens se serrent les uns contre les autres pour être au premier rang. Timide par ma première expérience, je me mets à l’écart, plus en retrait. Ils ont l’air si violents entre eux, mais personne ne s’offusque du comportement de l’autre.

Les portes se referment derrière nous. La lumière baisse en intensité jusqu’à nous plonger dans le noir le plus total. On entend des rires, des bribes de conversations, quelques chants. Puis le son de baguettes qui cognent l’une contre l’autre. Tac-tac-tac. Tout le monde se tait. Retient son souffle pour pouvoir l’expulser d’une seule et même voix.

Ma poitrine retient difficilement les battements de mon cœur. Mes pupilles se dilatent pour percevoir une ombre. Je me lève et un sourire béat nait sur mon visage. Il est présent sur celui de tout le monde. Une femme derrière moi hurle la joie qu’elle ne peut plus contenir. Je commence à sautiller, impatiente.

Ca y est, la scène est éclairée. Un projecteur rouge se pose sur un espace vide. Je devine que c’est là qu’il faut que je pose mes yeux. Tout le monde semble avoir compris la même chose. Et enfin, un pouce descend les six cordes de la guitare électrique.

Ce n’est en soit pas du tout une performance, mais tout le monde hurle. On les accueille du mieux qu’on peut. Déjà des mains se lèvent, pouces repliés sur les annulaires et majeurs abaissés. Les index et les auriculaires pointent le plafond de la salle. Sans m’en apercevoir, je m’époumone depuis l’allumage du projecteur. J’ai déjà besoin de reprendre mon souffle.

Mais je n’ai pas le temps. Sous l’éclairage, il apparaît enfin. Celui que j’ai tant écouté chez moi. Au point de rayer mon CD. Mes lèvres s’étirent encore plus. J’ai mal aux zygomatiques, mais ça m’importe peu. Et enfin j’entends sa voix. OH ! Mon cœur quitte finalement ma cage thoracique.

Je ne tiens plus en place, il faut que je saute. Mes longs cheveux suivent le mouvement, fouettant mon dos. J’essaie de caler les pulsations de mon cœur sur le rythme de la musique. L’homme s’adresse à la foule. Je crois que personne ne répond la même chose, mais tout le monde a la même intention. Soudain la batterie se calme. La basse se fait plus entendre. Mes sauts et mes battements de cœur ralentissent.

Ma chanson préférée. Breaking The Chain. Oui, c’est ce que je vais faire. À l’intérieur de ces murs, je peux me libérer. Je suis moi. Entièrement. Les larmes coulent le long de mes joues, mes lèvres chantent parfaitement les paroles. Mon cœur s’emballe, je ne le retient plus.

Et je ne fais plus qu’un avec l’homme.


17/10/2021


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