Une histoire de sorcières

Chapitre 2

1077 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/03/2019 13:39

Chapitre 2


Les gouttes de pluie tombèrent sur ses cheveux bouclés à l’instant même où elle quitta le bâtiment de briques rouges qui servait de crématorium aux villages alentours. Elle ferma les yeux et laissa l’eau froide tomber sur son visage et ruisseler sur ses vêtements. C’était décidément le temps préféré de sa mère.


Les gonds de la porte en bois grincèrent et des bruits de pas s'ensuivirent. Ils étaient irréguliers et traduisaient une démarche chaloupée. Seule une femme portant des hauts talons pour la première fois pouvait faire un bruit si exaspérant. Lysandra se retourna lentement, comme si elle cherchait à retarder un mauvais moment, pour apercevoir l’inconnue habillée de blanc.


- Vous êtes ma tante ? »


- T’as mère te parlais souvent de moi ? » Dit-elle avec un grand sourire qui dévoilait une rangée de dents parfaitement blanche.


- Non. »


- Je vois. C’est certainement parce que nous sommes sœurs jumelles que tu ma reconnue, j’imagine ? » Avança-t-elle, sa mine devenue soudain renfrognée, déçue de ne pas avoir trouvé du premier coup.


- Certainement. » Répondit Lysandra en levant les yeux vers sa tante. Elle était le portrait craché de sa mère, avec vingt kilogrammes en moins : ses yeux verts rieurs, ses cheveux bouclés roux et surtout son grain de beauté entre ses sourcils. « Je vais m’occuper de Léon, vous pouvez partir. » Ajouta-t-elle après un long silence.


- Oh. » Sa voix était presque inaudible alors que des larmes commençaient à apparaître dans le creux de ses yeux. Elle resta un moment silencieuse, le temps de sortir un mouchoir rose de sa poche de manteau. Elle le tapota sous ses yeux pour faire disparaître les traces de ses larmes et reprendre contenance. « Je vois... Quel âge as-tu, ma petite ? »


- 23 ans. » Répondit Lysandra sans noter le “ma petite” de sa tante.


- Quel travail occupes-tu ? »


- Je suis étudiante. »


- Quel moyen de financement as-tu ? »


- Je vais reprendre la ferme. »


- C’est ce que tu as toujours désirais ? »


- Occupez-vous de vous ! » Cracha Lysandra


Elle lança un regard noir à sa tante avant de se diriger vers son petit frère qui se tenait sur le pas de la porte du crématorium. Ses mains joufflues tenaient l’urne contenant les cendres de leur mère. Il ne prêta pas attention à la femme qui ne détournait pas son regard de la fratrie qui disparurent à la croisée d’une maison au crépis blanc et aux volets rouges.


Une douce odeur de potiron emplissait la petite maison de campagne alors que Lysandra venait de commencer à préparer le dîner. Léon était confortablement assis sur une chaise de la cuisine, il se contentait de regarder sa grande sœur couper les poivrons et les oignons avant de les mélanger dans la grande marmite dans laquelle le potiron était déjà en train de cuire. Tandis qu’elle mélangeait les ingrédients, elle fredonnait une ancienne chanson que sa mère lui avait apprise.


Après avoir remué les légumes, Lysandra posa le couvercle sur la marmite. Pour la première fois depuis son retour à la maison, elle osa leva ses yeux. La petite maison de campagne était calme, comme si aucun drame ne venait de se produire. Pourtant leur mère était décédée et plus rien ne serait comme avant. Maintenant devenue la cheffe de famille, la jeune femme devait prendre soin de son petit frère. Elle avait beau chercher et retourner la situation dans tous les sens elle devrait arrêter ses études pour pouvoir subvenir aux besoins de son petit frère. Elle aurait préféré s’arracher ses propres yeux qu’admettre que sa satanée tante avait raison.


Maintenant qu’elle repensait à cette vieille femme, Lysandra s’interrogea sur la personne qui l’avait prévenue du décès de sa mère. Elle connaissait son existence, mais sa mère ne s’était jamais attardée sur sa sœur jumelle. D’ailleurs, son prénom lui était totalement inconnu. Tout ce qu’elle savait d’elle, c’était qu’elle était aussi irritante qu’un humain. Maintenant, elle comprenait pourquoi sa génératrice avait cessé tout contact avec elle. Après avoir échangé quelques mots avec elle, Lysandra lui aurait bien coupais la tête pour qu’elle cesse ses mimiques d’adolescentes.


- Léon, mets la table. » Demanda Lysandra après avoir fermé les rideaux de la cuisine.


Sur ces mots, le garçon leva sa main, sans faire le moindre bruit. Alors qu’il la mouvait comme un chef d’orchestre menait ses musiciens, les meubles de la cuisine commencèrent à trembler. Le tiroir à couverts s’ouvrit avec fracas pour laisser sortir deux couteaux et deux fourchettes qui vinrent se laisser tomber sur la table. Un des placards se dévissa et deux assiettes creuses en sortirent et se placèrent à côté des couverts sur la table, bientôt, suivit de deux verres. Léon fronça les sourcils et entreprit de replacer la porte du placard qu’il venait de casser. Après plusieurs minutes de tentatives infructueuses, il arrêta ses efforts et baissa sa main, reprenant sa position habituelle.


- Tu t’améliores ! » L’encouragea Lysandra en amenant la marmite de soupe sur la table.


Comme à son habitude, Lysandra ne cessa de parler pendant le dîner et Léon l’écoutait. Elle n’était pas de nature bavarde, mais son jeune frère était bien pire qu’elle et elle se sentait dans l’obligation de combler le silence. Un sourire timide sur son visage la poussait à continuer à déblatérer, alors elle continuait. Une semaine auparavant, sa mère était avec elle pour combler le silence, mais aujourd’hui elle était seule et la tâche ne s’était jamais révélée aussi ardue.


- J’ai rendez-vous avec le notaire demain. Je t’emmène à l’école et ensuite, j’y vais. Ça te convient ? » Il hocha positivement la tête. « Tu en es sûr ? Parce que tu pourrais te reposer à la maison pendant encore un moment. » Il hocha négativement la tête.  


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