Une histoire de sorcières

Chapitre 3

1581 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2019 12:12

Chapitre 3


Le cartable bleu de Léon s’éloignait à mesure qu’il avançait vers l’école du village. Les autres enfants s’écartaient sur son passage, un regard d’amusement sur leurs visages. L’image de leurs petites têtes humaines jonchant le sol, , leur sang recouvrant les dalles en pierre, s’imposa à Lysandra. La jeune femme n’aurait plus qu’à embarquer Léon avec elle et ils pourraient quitter cette triste vie. Ils partiraient sur la route à la recherche d’un endroit pour vivre et elle gagnerait sa vie en vendant des onguents...


Lysandra secoua la tête pour disperser ses pensées, maintenant que sa mère était décédée c'était à elle de s'occuper de Léon et il était hors de question pour ne pas suivre les volontés de sa mère. Elle ferma les yeux et laissa le vent s’insinuait dans ses cheveux et caresser son visage. Il était calme et monotone, sa vieille carapace se mouvait lentement à travers les feuilles des arbres. Une idée s’insinua dans la tête de Lysandra qui ne tarda pas à l’appliquer. Elle demanda de l’aide à son vieil ami qui répondit à sa requête par une bourrasque faisant perdre l’équilibre aux enfants. Un sourire s’afficha sur son visage alors que les fesses de tous ces petits humains se retrouvaient par terre, le regard perdu.


Le cabinet du notaire se trouvait dans une ville à trente minutes de route de la maison familiale. Quitter le village dans lequel elle habitait était une véritable torture pour la jeune femme. Elle appréciait de vivre dans cette campagne où le nombre de vaches était supérieur au nombre d’humains. En réalité, elle préférait les animaux et la nature à ses congénères. La jeune femme avait toujours trouvait que les humains, tout comme les sorciers, parlaient beaucoup pour ne pas dire grand-chose au final. C’était d’un ennui et Lysandra détestait perdre son temps avec les états d’âme des autres.


Sa mère avait été son unique lien avec le monde extérieur. Depuis sa naissance, elle avait poussé sa fille à se sociabiliser en l’emmenant au marché pour vendre sa production. Ces moments avaient été les pires de son enfance, à l’inverse de sa mère qui attendait avec impatience ces instants passé aux côtés des humains. Sa conviction la plus profonde avait été que les humains et les sorciers pouvaient vivre en harmonie. Chaque jour, elle s’était démenée à le prouver, si bien qu’elle passait pour une démente dans le monde des sorciers. Depuis le moyen-âge, les sorciers nourrissaient une haine profonde contre les humains. Les centaines d’années après le dernier procès contre une sorcière n’avaient pas amoindrit les sentiments des créatures surnaturelles envers ces derniers, bien au contraire. Les années à être traqués, torturés et tués avaient créé un sentiment qui tendait à s’amplifiait. Aujourd’hui, les humains avaient cessé de croire en l’existence des sorciers mais ces derniers s’évertuaient toujours à les éviter.


Lysandra ne se sentait pas concerné par cette inimitié grandissante. Elle détestait tout le monde, sans exception. Aussi bien humain que sorcier faisait l’objet de nombreuses tortures imaginaires dans son esprit dès que l’un d’entre eux osait s’interposer entre elle et ses plans. Elle n’avait jamais apprécié passait du temps avec quiconque, sorciers ou humains. Elle les exécrait tous autant qu’ils étaient. Parfois, elle se demandait comment une femme aussi enjouée que sa mère avait pu donner naissance à une sale gamine comme elle.

Le notaire était un vieil homme qui aurait fait un parfait père noël s’il avait décidé de porter un costume rouge et blanc. Depuis que Lysandra avait pénétré dans son bureau, il n’avait pas décroché la moindre parole, il se contentait de regarder l’horloge qui affichait désormais 9 heures 40. La jeune femme attendait depuis plus de 10 minutes et la patience était plus un concept pour elle qu’une réalité. Un nouveau “tac” de l’horloge lui signifia qu’une nouvelle seconde venait de s’écouler. Elle se leva d’un bond pour se pencher vers le notaire lorsque la porte de son bureau s’ouvra avec fracas.


- Je suis sincèrement désolé ! Je me suis perdue ! Cette ville à un charme fou ! Je comprends pourquoi ma sœur a décidé de vivre dans cette petite bourgade ! » La voix nasillarde de sa tante hérissa les poils de la jeune femme qui décida de l’ignorer. À sa connaissance, c’était le meilleur moyen de diminuer ses pulsions meurtrières.


- Bonjour Madame. Asseyez-vous, je vous en prie. » Répondit le vieux notaire dans sa barbe. « Bien, maintenant que les parties prenantes du testament d’Isleen Salem sont présentes, je vais pouvoir vous partager ses dernières volontés. »


- Oui, oui ! Nous vous écoutons ! » Répondit la tante de la jeune femme en posant ses griffes sur les mains de Lysandra qui les retira immédiatement sans même prêter un regard à la sorcière assise à côté d’elle.


- Bien. Le testament de Madame Salem est clair et précis : l’ensemble de ses possessions reviennent à Madame Flanna Salem, sa sœur. Cela comprend la maison du 14 rue de la Révolution Française à Rochefort ainsi que la totalité de l’entreprise “Les trois carottes”, dont les cinq hectares de champs qui jouxtent la maison. Et... »


- Pardon ? » Lysandra se leva à nouveau, faisant tomber la lourde chaise en bois et en tissus à fleur par terre, le tonnerre tonna alors et une pluie battante commença à tomber.

- C’est étrange, il n’avait pas prévu de pluie aujourd’hui. » Répondit le notaire, sans prêter attention à la jeune femme. « Flanna Salem se voit confier la garde de Léonard Salem, fils de la défunte Isleen Salem. »


- Il doit y avoir une erreur, donnez-moi ce testament. Tout de suite. » Repris Lysandra.


Le notaire prêta finalement attention à la femme qui se tenait à seulement quelques centimètres d'elle. Il plongea ses yeux bruns dans ceux de la jeune femme, des flammes dansé dans ses yeux alors qu'une crainte inconnue se glissait en lui et commençait à gagner chaque parcelle de son corps. Tremblant, il tendit le testament d'Isleen Salem à sa fille qui se jeta sur ce dernier. La peur quitta aussitôt le notaire dès que Lysandra se concentra sur la lecture du testament. Le notaire posa ses mains sur son torse. Son coeur battait, pendant un instant il avait cru que ce dernier c'était arrêté. Il venait certainement de faire une attaque, il devait appeler son médecin au plus vite.


Alors que les yeux de Lysandra ne cessaient de lire encore et encore les quelques lignes du testament de sa mère, la tempête s’intensifiait. On pouvait apercevoir les arbres se tordre avec le vent. Les habitants de la ville courraient dans la rue pour s’abriter sous un portique. Soudain, les fenêtres du bureau s’ouvrirent avec fracas face aux bourrasques. Le notaire se retourna dans un mouvement brusque et perdit l’équilibre dans l’action. Il tomba lourdement par terre avec sa chaise et des cris de peur s’échappèrent de sa gorge. À l’inverse, Flanna ne semblait même pas s’apercevoir de l’orage qui grondait. Après avoir sorti une lime à ongles de sa pochette, elle avait entrepris de s’occuper de ses ongles noirs cendre.


Un petit sourire commençait à se dessiner sur son visage dès que Lysandra daigna lui prêter attention. Le regard noir de la jeune sorcière transperça Flanna dont le sourire disparue aussitôt.


- Vous saviez, mais vous ne m’avez rien dit. » Cracha Lysandra. « Quel bonheur cela vous a-t-il apporté de vous moquer de moi ? J’espère que vous êtes heureuse parce que je n’aurais aucun regret si vous veniez à décéder accidentellement à cause d’une tempête. Un arbre pourrait malencontreusement vous défoncer le thorax.»

- Il y a une semaine, j’ai reçu une lettre de ta mère. Elle m’expliquait qu’elle venait de terminer d’écrire son testament dans lequel elle me léguait tout. Dans cette lettre, elle m’expliquait qu’elle voulait que tu te libères d’elle, que tu continues tes études et deviennes la femme que tu as toujours voulu devenir. C’était sa dernière volonté. Je n’avais aucune idée de ses possessions, et encore moins qu’elle comprenait son fils dans son héritage. » Répondit-elle, sa voix étrangement calme alors que le vent donnait l’impression que ses cheveux étaient possédé.


- Il y a une semaine ? » Alors qu’elle posait sa question, la tempête s’apaisa. La pluie arrêta de tomber et les cris du notaire cessèrent. Le calme était revenu.


- Oui, pourquoi ? » Son sourire réapparut alors que pour la première fois depuis sa rencontre avec sa nièce, Flanna ne s’était pas fait agresser par cette dernière.


Elle n’était pas encore morte. Pensa Lysandra qui quitta le bureau du notaire. 

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