Une histoire de sorcières

Chapitre 6

1654 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/04/2019 13:33

Chapitre 6


Une brise emporta ses cheveux, dégageant son visage. Le calme la gagnait à mesure qu’elle laissait le vent caresser doucement son faciès. Pour la première fois depuis la mort de sa mère, Lysandra était apaisée. Lentement, elle ouvrit ses yeux pour découvrir un univers uniquement fait de lumière. La chaleur se dégageait de chaque endroit de cet espace qui semblait infini.


- Où suis-je ? » Demanda-t-elle d’une voix étrangement sereine.


- Dans le royaume des ombres, bienvenue. » L’homme qui était tombé plus tôt se tenait devant elle. Ses cheveux noirs avaient été attachés en chignon et il ne portait plus sa chemise à carreaux.


- Ex... Excusez-moi ? » Bégaya-t-elle, reprenant soudain ses esprits.


- Tu te trouves actuellement dans le monde des ombres. Profites-en, tu n’es que la deuxième personne vivante à y pénétrer. »


Le bûcheron haussa les épaules comme s’il ne s’agissait que du bar du coin. Pourtant, le royaume des ombres était un endroit maudit. À la croisée du monde des vivants et des morts, il accueillait l’âme des sorciers démoniaques préférant l’exil à la mort. Ni vivants ni morts, les sorciers vivant dans cet endroit abandonné continuaient leurs expériences, espérant revenir dans le monde des vivants pour le détruire. Rassemblant les pires espèces de sorciers, c’était un espace de totale liberté où l’horreur prenait le pas sur toute autre chose.


Le royaume des ombres prenait place au centre des histoires d’horreur racontée par les parents à leurs enfants. Même Lysandra, qui n’avait pas grandi dans une famille traditionnelle de sorciers connaissait son existence. Le monde des ombres faisait frissonner chaque être magique existant sur terre.


- Bordel, mais qu’est-ce qu’on fout là ? » Demanda Lysandra en arpentant cet espace lumineux sans fin. Elle faisait les cent pas en se maintenant les mains dans la tête pour éviter de penser aux révélations de cet homme. « Non, non, c’est impossible ! Tu mens ! »


- Écoute, tu me crois ou non ça m’est égale. Je suis ici parce que tu ne sais pas contrôler t’es capacités et que tu es en train de dérégler le climat de la région. T’as tante m’a appelé pour que je t’aide à te calmer alors tu vas te détendre sur-le-champ et reprendre en mains t’es capacités. »


- Tu parles comme un vieux, t’as quel âge mon pauvre ?» Demanda Lysandra en lançant un regard moqueur au bûcheron.


- Je vois, attitude classique d’une sorcière attaquant pour mieux se défendre. Je ressens t’as peur, ton cœur palpite comme celui d’une brebis apeurée qui est sur le point de se faire égorger. Mais alors que tout ton corps te hurle qu’il est apeuré, tu choisis d’insulter ceux qui t’aident. Ta tante m’avait vanté ton intelligence, on dirait qu’elle ne s’est jamais encore autant trompée. »


- Tu me traites d’idiote ? »


- Un peu plus intelligente qu’il n’y parait. Ça doit te faire bizarre de te faire attaquer. Toute une vie à éviter les autres et insulter ceux qui osent discuter avec toi. Mais ce n’est pas de ta faute, tu n’es qu’une pauvre petite brebis qui es née avec des pouvoirs trop grand pour elle. Ça me donne presque envie de te plaindre, mais comme tu m’as fait manquer un rendez-vous... »


- Je ne t'es jamais demandé de l’aide. » Cracha Lysandra en se laissant tomber par terre, la tête toujours reposée dans ses mains. « Tu ne comprends pas, personne ne comprend. Tu ne sais pas ce que ça fait de ressentir toutes ces émotions. À chaque instant, des sentiments m’envahissent et me font perdre le contrôle de mon corps, parfois, j’en oublie qui je suis. »  


- Chacun a ses propres problèmes. Je n’imagine même pas le bordel qui doit régner dans ta tête avec de telles capacités, mais tu ne peux pas non plus comprendre ce que je vis avec le pouvoir de me rendre dans le royaume des ombres. Nous sommes nés sorciers, certains le voient comme une chance, d’autre comme un poids qu’ils porteront toutes leurs vies. Notre vie est faite de choix. Tu peux décider d’abandonner maintenant et de laisser la nature t’envahir, ou bien, tu as le choix de te battre et de faire de ce pouvoir un véritable atout. »


- Aujourd’hui j’ai perdue tous mes repères ! Alors que je vivais dans un endroit où la nature était respectée, je me retrouve dans une ville clôturée par le béton ! Ma mère m’aidait pour me contrôler et elle n’est plus là aujourd’hui. Je voudrais bien contrôler mes pouvoirs, mais j’en suis incapable ! » S’exclama Lysandra en lançant un regard suppliant en direction de l’inconnu.


La pression qui s’était accumulée dans son esprit venait soudain de s’alléger. Ce n’était pas grâce à la bulle de sérénité qui l’entourait, pouvant éclater à chaque instant. C’était un sentiment durable, comme si les mots qu’elle venait de prononcer contenaient les ressentiments qu’elle avait.


- On dirait que tu as enfin retrouvé ton calme. C’est parfait. » Dit-il avec un sourire de satisfaction.


Le bûcheron ferma les yeux et le temps de soupirer, Lysandra se retrouva dans sa chambre. Une tornade semblait avoir pris possession des lieux, elle était sens dessus dessous. Son matelas avait été retourné et ses livres recouvraient le sol, la pluie avait inondé la moitié de sa chambre.


Ce n’était pas les seuls dégâts, la fenêtre ouverte laissait apparaître un décor cauchemardesque. Une tempête venait d’avoir lieu, un banc public avait été arraché pour atterrir dans le salon de l’appartement d’en face. Les déchets des poubelles étaient éparpillés dans la ruelle alors que ces dernières étaient éventrées. Des arbres, déracinés, barrés la route.


- C’est moi qui aie fait ça ? » Demanda Lysandra qui peinait à parler face à l’immensité des dégâts qui s’offrait à ses yeux.


- Oui. Tu as besoin de contrôler tes pouvoirs. » Répondit-il en s’approchant de la porte bleue de la chambre de la jeune femme.


- Attends. Tu vas partir comme ça ? Tu es sérieux ? C’était la première fois que je me confiais à quelqu’un d’autre qu’à ma famille et toi, tu te casses ! »


- Je suis juste venue pour te calmer et éviter la destruction de Lyon. Trouve-toi quelqu’un d'autre pour t’aider à contrôler tes pouvoirs. » Sa phrase terminait, il quitta la chambre de Lysandra.


- Connard ! » Finit-elle par dire après un long silence.  


En automne, l’espérance de vie des feuilles était équivalente à celle des mouches : à peine 24 heures. Elles tombaient, se coupant de la fève nourricière que leur procuraient les arbres. Au sol, elles commençaient à pourrir très rapidement et peu à peu, elles s’effaçaient pour devenir un compost nourricier pour les arbres qui les avaient entretenus quelques jours plus tôt. Seule la nature était capable de mettre en place un cercle vertueux aussi parfait. Chaque chose avait sa place, prenant avant de donner en retour.


Dans la vraie vie, rien n’était aussi faux. Le monde humain se nourrissait des plus vulnérables pour créer des riches contrôlant plus de terre et des pauvres, toujours plus exploité. Les Hommes détruisaient leurs terres nourricières qui leur apportaient tous ceux dont ils avaient besoin. Dans la vraie vie, le serpent se mordait la queue.


Lysandra soupira, jamais elle n’avait été autant cernée de pensées négatives. Elle devait absolument apprendre à contrôler ses émotions si elle ne voulait plus perdre le contrôle. Depuis des semaines, elle cherchait à accepter les sentiments de cette nature maltraitait par l’Homme, mais instantanément des idées négatives la gagnait. La tristesse et la colère faisaient alors loi en elle et elle perdait irrémédiablement le contrôle de ses pouvoirs, modifiant la météo de la ville. Même s’il s’agissait du mois de novembre, il était anormal que des tempêtes voient le jour sans qu’un personnel de Météo France n’en soit averti.


Lysandra devait avouer que ce satané bûcheron avait raison : seule, elle n’arriverait à rien. La sorcière avait besoin d’aide, mais qui ? Il était hors de question de demander de l’aide à ce connard sans cœur. Selon sa tante, il s’appelait Erkan. Elle l’avait rencontré trois mois auparavant alors qu’il avait postulé pour travailler dans son bar. C’était un jeune homme renfermé, très bon travailleur et qui n’avait aucun talent pour sociabiliser avec les autres.


Il ne lui restait plus qu’à demander de l’aide à sa tante, mais elle préférait s’arracher la langue pour éviter de lui parler. Elle soupira avant de se laisser tomber par terre, elle souffla dans l’herbe froide qui venait de se poser sous ses narines. Son regard se perdit dans la grande étendue bleue qui s’élevait dans le ciel. Aucun nuage ne venait assombrir le soleil qui régnait de toute sa splendeur. Ses rayons venaient réchauffer son blanc visage, elle ferma les yeux pour profiter des derniers instants de beau temps avant l’hiver.

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