Une histoire de sorcières

Chapitre 7

1631 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/05/2019 15:16

Chapitre 7


           Les rues piétonnes se chevauchaient tandis que des parterres de fleurs suspendues entre les bâtiments reprenaient peu à peu leurs couleurs après un rude hiver. Tenant fermement son smartphone pour ne pas se perdre, Lysandra descendait les pentes du quartier de la Croix Rousse à la recherche du bar de Flanna. Selon sa tante, victime de son succès, Lysandra ne trouverait pas un seul sorcier ne connaissant pas son bar. Mais la jeune sorcière rechignait à demander de l’aide, elle pouvait le trouver seul. 

Entourée de petits commerces vendant tour à tour des plantes, des herbes médicinales et des livres d’occasions, " Au Sortiriarius heureux ” prenait place dans une ruelle éclairait par des lampadaires recouverts de plantes grimpantes. Avec sa devanture colorée et son ancienne enseigne représentant une femme portant un plateau de bières, il faisait partie intégrante du décor environnant. Les sorciers exécraient la course à la modernité régnant chez les humains. Pour certains, parce que cela représentait la fin d’une ère où la nature vivait en harmonie avec chaque être vivant ; pour d’autres, car il s’agissait simplement d’une lubie humaine. 

Elle s’arrêta devant la porte, deux humains regardaient la devanture et étaient sur le point de rentrer lorsqu’ils découvrirent une pancarte “fermé” sur la porte. « C’est dommage, la majorité des magasins sont fermés aujourd’hui. » Dit la femme en glissant son bras sous celui de son époux. Là-dessus, ils continuèrent leurs descentes vers le centre de la capitale des Gaules. Le couple parti, Lysandra s’avança à son tour devant la taverne aux fenêtres assombries par la saleté. Son regard s’abaissa jusqu’au panneau dont les formes des lettres commencèrent à changer. Rapidement, comme portées par l’envie d’avoir un nouveau client, les lettres se placèrent pour former le mot “ouvert”.  


Protégé par un sort, “ Au Sortiriarius heureux “ accueillait les sorciers en mal de magie. Alors que le monde des sorciers s’échinait à se cacher des êtres humains, la sorcellerie avait une place centrale dans le bar de sa tante. Des pages de journaux se tournaient seules, des bières se maintenaient en apesanteur en attendant que leurs propriétaires daignent les boire et un orchestre d’instrument jouaient du jazz. À cette époque de peur constante, c’était assez rare pour le souligner.


Lysandra évitait cet endroit, car il était aussi la place centrale de la médisance des sorciers envers les humains. Selon eux, ils étaient responsables de tous leurs malheurs et méritaient leurs mauvaises blagues. Parfois, un café trop chaud brûlait la langue d’un humain, des racines naissaient entre des pavés faisant tomber un autre ou une roue malencontreusement crevée provoquait un accident. Isleen aurait détesté une telle pièce où les médisances régnaient, au détriment du bon sens. Cependant, “ Au Sortiriarius heureux “ avait l’avantage de concentrer un grand nombre de sorciers dans un même endroit, exactement ce dont elle avait besoin.


Dès qu’elle pénétra dans le bar, la voix nasillarde de sa tante l’accueillit avec fracas. Habillée d’une robe rouge en soie, elle avait opté pour un béret bleue parsemé de fil d’or. Elle sautilla jusqu’à sa nièce pour la prendre dans ses bras, mais l’intéressée s’éloigna d’un pas pour l’éviter. Sans prêter attention au geste de sa nièce, Flanna se contenta de la prendre par le bras pour l’inviter au centre du bar. Lysandra chercha à se dégager de son emprise, sans succès, sa tante était plus forte qu’il n’y paraissait.


- Je vous présente ma chère nièce ! » S’exclama-t-elle. « Je suis ravie de vous la présenter pour la première fois ! D’ailleurs, je me demande ce que ce boute-en-train est venue faire ici ! » Un rire aigu s’échappa de sa gorge pour venir emplir entièrement le bar.


Sur ces mots, la gérante invita sa nièce à s’asseoir au comptoir. Elle lui proposa plusieurs cocktails, qui semblait tous aussi délicieux les uns que les autres. Lysandra s’évertua à refuser, par simple esprit de contradiction. Après avoir énoncé l’ensemble des verres qui constituait la carte de son bistrot, Flanna perdit patience et commença à préparer une boisson pour sa sale gamine de nièce. Dans ses souvenirs, la mère de cette enfant était d’une gentillesse sans nom. Son sourire était comme figé sur son visage, incapable de ressentir ou de faire preuve de malfaisance. Comment une femme d’une si grande bienveillance avait-elle pu donner naissance à une enfant aussi dure ?


Ses clients habitués restèrent pantois devant le silence de la gérante face à sa nièce. Flanna était connue pour être une femme forte qui ne se laissait par marcher sur les pieds. La pitié qu’elle ressentait pour Lysandra expliquait son comportement. Cette enfant se faisait lentement dévorer par ses capacités trop grandes pour elle. C’était la faute d’Isleen de ne pas avoir inscrit ses enfants dans une école de sorciers pour apprendre la magie. Aujourd’hui, ce n’était plus qu’une question de temps avant que sa nièce ne perde totalement le contrôle de ses pouvoirs. Flanna aurait aimé l’aider, mais cet être têtu ne l’accepterait jamais, peu importe la menace pesant sur elle.


Lorsqu’elle termina de préparer une boisson à base de rose, Flanna se mit assise à côté d’elle. Lysandra l’ignora pour continuer sa recherche d’un mentor. La fin de journée s’approchant, le bar commençait peu à peu à se remplir. Des sorciers de tous horizons se côtoyaient, du directeur de banque à l’artiste-peintre, en passant par l’installateur de la fibre. Ils oubliaient les normes sociales qui les empêchait d’échanger dans la vie courante. Même si Lysandra n’avait jamais vu autant de sorciers réunis dans une même pièce, aucun ne semblait assez puissant pour pouvoir lui venir en aide.


- Tiens, je ne savais pas que tu acceptais les folles. » Une voix masculine s’éleva dans le brouhaha ambiant. La jeune sorcière se retourna vivement pour trouver l’origine de ce bruit nauséabond. « Eh bien, on n’est pas contente ! »


- Keren. » D’une voix de reproche, Flanna posa une main sur l’épaule du garçon qui venait à leur rencontre.


- Je suis venue te rendre ton livre, merci. On se voit une prochaine fois, quand tu seras en meilleure compagnie. » Répondit-il en remettant sa capuche sur son visage.


Alors que le sorcier quittait la pièce, Lysandra sa rappela des paroles de sa tante sur cet homme qui semblait être très doué en magie, il était exactement ce dont elle avait besoin. Elle s’empressa de suivre le jeune homme sans prêter attention à sa tante, qui soupira une nouvelle fois face à l’attitude de sa nièce.     


- Toi ! Eh ! »


Lysandra marchait rapidement dans les rues de la Croix Rousse pour essayer de ne pas perdre le sorcier qui s’évertuait à ne pas se retourner malgré ses nombreux appels. Il marchait de plus en plus vite et, bientôt, finirait par la perdre. Comme la majorité des sorciers Lyonnais, il avait grandi à la Croix Rousse et connaissait le quartier comme sa poche. La jeune femme commençait à perdre son calme tandis que Keren venait de disparaître à l’intersection entre un magasin de bougie et une échoppe de produits exotiques. Lysandra courra pour essayer de le rattraper mais atterrit dans une rue sans issus.


- Connard ! » Dit-elle, vaincue par le sorcier.


- Tu serais tellement belle si tu n’avais pas si mauvais caractère, ma chérie. » Il se trouvait à l’entrée de la rue sans issue. Ses mains dans les poches, il laissa apparaître un sourire moqueur. « Bien, maintenant que tu m’as trouvé : pourquoi est-ce que tu me suivais ? Tu fais partie de mes admiratrices, n’est-ce pas ? »


Lysandra leva les yeux aux ciels face aux propos du crétin. Une réplique méchante lui brûlait les lèvres, mais elle avait besoin de lui. La jeune femme se mordit la lèvre pour faire taire ses envies de meurtre et respira lentement pour tenter de se calmer. Elle devait reprendre une contenance sinon elle allait regretter de le plonger dans l’une des poubelles qui habillait la voie sans issue.


- J’ai besoin de ton aide. » Lysandra pesait chacun de ses mots pour ne pas froisser cet idiot. « Flanna m’a dit que tu étais un puissant sorcier, contrôlant à la perfection ses capacités... Je dois apprendre à contrôler mes pouvoirs, mais je n’y arriverais pas seule. Je pense que tu peux m’aider. »


- C’est vrai que je suis très doué dans mon domaine. Le problème, c’est que je ne sais pas si je pourrais t’aider, je suis un sorcier très demandé. Tu comprends ? » Répondit-il en se regardant les ongles, son sourire moqueur toujours affiché sur son visage.


- Que veux-tu en échange ? » Demanda Lysandra, sur la défensive.


- Toi. »


La sorcière commençait à regretter d’avoir choisi cet idiot pour lui apprendre à contrôler ses capacités.

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