Une histoire de sorcières

Chapitre 8

1840 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 11/05/2019 20:24

Chapitre 8


Face au regard de dédain de la jeune femme, Keren décida d’expliquer ses pensées. « Pas au sen littéral du terme. J’adore coucher avec les humaines, elles peuvent être tellement sauvages et dévergondées. Un vrai plaisir ! Le souci c’est qu’elles s’attachent trop rapidement et restent ... Ce que j’attends de toi c’est que tu rappliques quand je t’appelle pour te faire passer pour ma copine et les fasses fuir. »


- Charmant. » Répondit Lysandra après une longue réflexion pour savoir si Keren était un porc sans cervelle ou un connard prétentieux.


- Réfléchis, mais tu devrais prendre en compte quelque chose : tes capacités sont puissantes et tu perds peu à peu le contrôle. Bientôt, d’autres sorciers vont comprendre que ces aléas climatiques viennent de toi et alors tes malheurs ne feront que commencer. » Dit-il avant de quitter la ruelle pour se perdre à nouveau dans Lyon.


- Attends ! De quoi tu parles ? » S’exclama Lysandra en rattrapant le jeune homme.


- Tu ne connais vraiment rien au monde des sorciers, tu as grandi dans une grotte ? Bon, passons. On dirait que j’ai beaucoup plus de choses à t’apprendre…. Voici mon numéro, bip moi et j’enregistre le tiens. Tiens-toi prête ! » Il lui tendit un bout de papier où il avait gribouillé son numéro de téléphone. Dès que Lysandra l’accepta, Keren s’éloigna d’elle et disparu au milieu de la foule.


L’aube s’élevait à l’Est, les premiers rayons déversaient leurs lumières sur les immeubles blancs du centre de Lyon. La ville était encore endormie, seuls les derniers fêtards sortant de boîte de nuit venaient briser ce silence. Ils cherchaient à rejoindre la bouche de métro la plus proche pour tenter d’oublier le soleil qui se levait, signe de leurs soirées terminaient.


Un soupir s’échappa de la jeune femme qui traversait la place des Terreaux dans le froid ambiant. De la fumée s’échappait à chaque fois qu’elle expirait. Elle martelait de ses baskets les pavés de la place alors qu’elle était emmitouflée dans un manteau bleu. Ses yeux regardaient le sol, elle connaissait la route par cœur.


Elle s’arrêta au pied d’un immeuble commun. Ses murs blancs avaient pris une teinte grise à cause de la pollution. De la fumée s’échappait des deux grandes cheminées chauffant la dizaine d’appartements. Lysandra sortit de sa poche une paire de clefs et entreprit d’ouvrir la première porte. Déterminée, elle monta les trois étages à pieds jusqu’à atteindre la porte verte qui était au centre de ses cauchemars ces derniers jours. Avant d’ouvrir la fameuse porte, Lysandra soupira une dernière fois de désespoir.


Des larmes s’écoulaient le long des joues de la sorcière lorsqu’elle atteignit la chambre de Keren. Entièrement nu, il était assis au bord du lit attendant sa fausse petite amie. Cette dernière leva les yeux aux ciels avant de pousser un cri de désolation. Elle était étrangement douée pour jouer la comédie et avait le loisir de le prouver plusieurs fois par semaine. Comme à chaque fois, la fille qui avait partagé sa nuit avec Keren se réveilla d’un bond et commença aussitôt à s’habiller gauchement en bégueyant des excuses. Cinq minutes plus tard, l’inconnue avait disparu.


Keren se laissa tomber dans son lit dès qu’il entendit la porte claquer. Lysandra lui jeta aussitôt un de ses coussins à la figure. Ce dernier sursauta et lança un regard meurtrier à la jeune femme qui avait osait le déranger.


- Tu penses que mon aide pour te débarrasser de tes plans cul est gratuite ? » Après avoir fait le tour de sa chambre, Lysandra trouva un de ses t-shirts et le lança dans sa figure. « Habille-toi, je commence le boulot dans trois heures. »


- On n’est pas pressé ! »


Le bitume l’entourait, si bien qu’elle n’arrivait pas à ressentir la moindre trace de la nature. Elle continua à se concentrer. À deux immeubles de l’appartement de Keren, elle réussit à ressentir une mauvaise herbe qui tentait tant bien que mal de pousser entre les dalles de béton. Ses racines s’étaient développées entre le ciment et le peu de terre qui n’avait pas été retiré. 

Lysandra s’imprégna de sa présence et, peu à peu, un sentiment de dégoût l’habitat. Ce monde était sale. Chaque parcelle était habitée par un matériel sans âme, envahissant d'anciens champs où la vie régnait. Pourquoi ces humains s’en prenaient-ils à la nature ? Depuis des milliers d’années, elle s’était pourtant offerte à lui pour lui permettre de se nourrir, de se soigner, de vivre. Les humains étaient des êtres horribles qui devaient être anéantis, coûte que coûte. Ce sera seulement lorsque le dernier être humain sera mort que la nature pourra reprendre ses droits. 

- Non ! » S’écria Lysandra. 


La jeune femme se mordit violemment sa lèvre pour reprendre conscience. Le goût du sang se répandit dans sa bouche et emporta ses médisances envers les humains. Soudain, elle ouvrit les yeux et se retrouva sur le balcon de Keren. Entièrement mouillé, un regard meurtrier transperçait la jeune femme. L’apprentie sorcière se laissa tomber sur le sol en béton avant de refermer les yeux. À nouveau, elle avait perdu le contrôle. Une petite herbe avait réussi à l’envahir de haine et de pensées meurtrières envers des milliards d’êtres humains. 

Une odeur de fumée de cigarette monta en l’air. Keren venait de s’asseoir à côté d’elle, une cigarette dans le bec. Il en proposa une à la jeune femme, qui l’accepta. D’habitude, les êtres magiques exhortaient les inventions humaines, mais pour tout ce qui concernait la destruction de soi, les sorciers devaient admettre que leurs ennemis étaient les meilleurs. 

- Si seulement c’était aussi simple que dans les films ! » Soupira Lysandra en recrachant sa fumée. 

- Ça ne l’est pas. Tu dois t’entraîner encore et encore si tu veux arriver à les contrôler. Au lieu de te laisser utiliser par la nature, tu dois la faire plier à ta volonté. » Alors que Lysandra s’amusait à singer le sorcier, la mine de ce dernier s’assombrit. « Ce n’est pas drôle. Ton temps est compté. Tu dois te contrôler au plus vite, tu n’as pas le choix. Le bruit court qu’un sorcier puissant est à l’origine des récents dérèglements climatiques. Ils sont à sa recherche et ne tarderont pas à se rendre compte que c’est toi, la sorcière qu’ils veulent trouver. » 

- Tu t'es renseigné pour moi ? Je ne t’en demande pas tant. » Répondit Lysandra, cassante. Elle savait qu’elle devait apprendre à contrôler ses capacités, mais elle avait beau s’entraîner encore et encore, sa maîtrise n’augmentait pas assez vite.


- Tu ne prends pas ça au sérieux... Je ne pensais jamais rencontrer un jour une sorcière qui en sache si peu sur ses origines ! »


La jeune femme ne préféra pas répondre. Depuis qu’elle avait commencé à s’entraîner avec Keren, elle s’était progressivement rendu compte qu’elle ne connaissait que très peu de chose sur le monde de la magie. En réalité, elle ne s’était jamais posé ce genre de question jusqu’à aujourd’hui. En grandissant dans un environnement calme et aimant, elle n’avait jamais eu besoin de s’interroger sur ce monde qui lui semblait si loin, à l’époque.


- Ne t’inquiète pas, je te protégerais. » Sa phrase terminait, Keren posa une main douteuse sur l’épaule de la jeune femme qui se releva aussitôt. Le visage surpris du garçon trahissait sa surprise suite à la réaction de Lysandra. 


- Depuis quand une femme a besoin d’un homme pour se protéger ? Apprends-moi à contrôler mon pouvoir et je serais capable de me protéger moi-même. » Finit-elle par dire après un long silence, lui permettant de choisir entre le frapper violemment ou lui expliquer calmement qu’il n’était qu’un sorcier prétentieux sexiste. « Je dois y aller. Tâche de ne pas ramener une nouvelle fille dans ton lit ce soir, j’ai besoin de dormir ! » Ajouta-t-elle en quittant le balcon de Keren. Ce dernier ne pipa mot et contenta de rallumer une nouvelle cigarette.  


« Je ne me sens pas très bien...  » Toussa Lysandra, au téléphone avec son responsable. « Je crois que j’ai la grippe... Mais si vous insistez, je peux venir... Je ne garantis pas que je ne transmettrais pas mes microbes aux clients... » Continua-t-elle, espérant que le manager du magasin finirait par la couper pour l’inviter à rester chez elle le temps de se rétablir. Après plusieurs minutes de supplication et de toussotement mal joué, il finit par lui donner ce qu’elle voulait. 


Un sourire se dessina sur le visage de Lysandra alors qu’elle venait de raccrocher. Elle s’enfonça un peu plus dans le canapé moelleux de sa tante et continua sa lecture. Après sa discussion avec Keren, Lysandra n’avait pas eu le courage de se rendre à son travail d’hôtesse de caisse. Elle avait soif de connaissance et pour s’y être perdu à plusieurs reprises, la bibliothèque de sa tante regorgée de livre sur la sorcellerie.


Pour contrôler ses pouvoirs, elle avait besoin de comprendre le monde de la sorcellerie, mais Keren était avare en information. Ce n’était pas un garçon méchant, mais il se nourrissait de la dépendance des autres pour lui. Il aimait que les femmes soient dépendantes de lui et Lysandra détestait qu’on la perçoive comme une pauvre créature sans défense. Tous les hommes qu’elle côtoyait avaient tendance à la considérer comme cela, alors qu’elle ressemblait plus à un bulldozer lançait à pleine vitesse qu’un vase de porcelaine. 

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