Dreamland - Le voyageur qui ne voulait plus dormir

Chapitre 2 : Partie 2

8282 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 01/07/2019 19:11

 Je suis encore sous le choc de ce qu'Arnaud vient de m'apprendre.

  • Euh... Arnaud, balbutiais-je, qu'est-ce que ça veut dire ? Tu dis que tu peux te rendre dans un monde parallèle quand tu dors, que là-bas, tu y disposes de super pouvoirs, et que tu ne veux surtout pas y retourner ?
  • C'est ça.
  • Mais comment peux-tu être devenu un voyageur si tu n'as pas de phobie ?
  • Je vais tout te raconter.

Il prit une grande inspiration puis me narra son histoire.

  • Tout a commencé il y a quelques mois. Je dormais et faisais un rêve. Je ne me rappelle plus comment il avait commencé mais tout ce que je peux te dire, c'est qu'au début, il y avait toute une foule de gens autour de moi et qu'ensuite, nous avons tous été happés par un brouillard opaque et étouffant dans laquelle je me suis débattu.
  • Qu'est-ce que c'était ?
  • Je ne le savais pas sur le moment. Tout ce que je peux te dire, c'est que le gaz dont il était constituée était lourd et épais. Je n'ai pas pu m'empêcher d'en inhaler. C'était comme s'il se forçait un passage dans mon corps. Le gaz est entré en moi en passant par chacun de mes orifices et je me suis ensuite mis à lutter contre l'asphyxie.
  • C'était de la fumée d'incendie ?
  • Ça pouvait y ressembler mais cela n'en avait ni l'odeur, ni la chaleur. Les gens que je parvenais à distinguer s'écroulaient autour de moi mais j'ai résisté. Je voulais survivre. C'est alors que j'ai senti une puissance nouvelle grandir en moi. Je fus ensuite pris de vertiges puis perdais connaissance. A mon réveil, le brouillard terminait de se dissiper. Il n'y avait aucun cadavre sur le sol, juste quelques personnes qui, comme moi, essayaient de comprendre ce qui leur était arrivé, et le sol était devenu stérile. Toutes les plantes, tous les animaux... Tous ce qui vivait était mort. Il n'y avait plus rien qu'un paysage de désolation autour de nous. C'est alors qu'un petit individu vêtu d'une combinaison hazmat me mit la main sur l'épaule avant de me dire : "Tu vas par là" tout en m'indiquant une direction. J'empruntais alors le chemin indiqué et y croisais un autre garçon d'à peu près mon âge. "Où est-ce qu'on est ?" lui demandais-je. Il ne m'adressa qu'un grognement de mépris puis je dû me contenter de suivre la route.

"Bah dis-donc", pensais-je, "C'était franchement pas sympas de sa part, à l'autre, là".

  • Nous arrivâmes finalement devant un roi et son conseiller. Il nous adressa le discours suivant : "Jeunes gens, soyez les bienvenus à Dreamland. Je suis le seigneur qui règne sur ces terres et je viens de faire de vous des voyageurs. Je suis heureux de vous avoir à mon service et attends de vous que vous donniez le meilleur de vous-même dans votre mission d'assurer l'ascension du royaume".
  • Ah ouais ? Comme ça ? Genre, le gars, tu ne lui as rien demandé et pouf, tu te retrouves à travailler pour lui ?
  • Son ministre nous a alors expliqué les choses : le seigneur ici présent régnait sur un royaume en train de disparaître car il est oublié des hommes. Il a alors eu l'idée de le rebâtir grâce à des voyageurs, c'est pourquoi il a convoqué un maximum de rêveurs grâce à un objet magique avant de libérer le nuage qui nous a enveloppé. Nous étions des milliers et ces cinq autres personnes et moi étions les seuls à avoir réagi correctement au gaz. Nous étions donc devenus des voyageurs.
  • Mais avec quel genre de pouvoirs ?
  • C'est ce que nous avons découvert la nuit suivante lors de notre toute première séance d'entrainement. Le ministre nous a conduit jusqu'à un lieu désert et nous a demandé de courir aussi vite que possible, ce que j'ai fait.
  • Et alors ?
  • Et alors, j'ai commencé par me gameler car je ne contrôlais plus la force que je mettais dans mes jambes. "Appliquez-vous, s'il vous plait", me dit froidement le ministre. Je réessayais et cette fois, non seulement tout se passa bien mais en plus, je fus stupéfait par les résultats. Terrence, je courrais super vite ! Et pas seulement ça : je ne sentais même pas la résistance de l'air, je n'avais pas l'impression de faire d'efforts, je ne me fatiguais pas, je... Je sentais même la roche craquer sous mes semelles à chaque fois que mes pieds fouettaient le sol !
  • Ah oui ?
  • Je me sentais invincible ! A tel point que, lorsque je remarquais finalement un rocher sur ma route, je me sentais capable de le défoncer.
  • Sérieux ?
  • Oui ! Je courais donc vers lui, prêt à l'exploser et à lui passer à travers, quand finalement, je me ravisais et préférais lui sauter par-dessus pour l'éviter. Et tu sais ce qui s'est passé ?
  • Non ?
  • Je me suis pratiquement envolé ! J'ai fait un bond prodigieux et j'ai explosé le sol en retombant sur mes pieds. C'était génial ! Sauf que le ministre m'a froidement fait remarqué que cela ne faisait pas parti de ce qu'il nous avait demandé : "Vous faites n'importe quoi ! Veuillez vous appliquer à l'entrainement".
  • Il a l'air aussi aimable que M. Mujot, mon prof de gestion, ton ministre.
  • Celui que t'appelles "le roi du postillon" ?
  • Oui. J'ai droit à une douche à chaque fois qu'il m'engueule.
  • Nous nous sommes entraînés toutes les nuits pendant deux semaines avant que la vrai nature de nos pouvoirs ne nous soit révélée. Nous avions été exposés à un produit synthétisé, conçu pour créer artificiellement des voyageurs. Evidemment, une création transgressant autant de règles établies ne pouvait qu'avoir un faible taux de réussite, c'est pourquoi le roi avait rassemblé autant de rêveurs que possible. Il savait que sur des milliers de candidats, seuls quelques uns évolueraient grâce au gaz tandis que tous les autres mourraient.
  • C'est affreux...
  • C'est ce que je me suis dit aussi mais le ministre m'a répondu qu'un rêveur qui mourrait à Dreamland ne faisait que se réveiller dans le monde réel. Mais quand je lui ai demandé si c'était également le cas des voyageurs, il m'a répondu : "Non. Un voyageur qui meurt redevient un simple rêveur. Il n'a plus conscience de l'existence de Dreamland et il oublie toute la vie qu'il y a mené. Gardez donc à l'esprit que si vous mourez, c'est un "Game Over" définitif. C'est pourquoi vous êtes équipés d'un dispositif d'évacuation d'urgence".
  • Un quoi ?
  • Nos pouvoirs étaient d'être des surhommes dotés d'une force, d'une résistance, d'une vitalité... Bref, de multiples capacités surhumaines mais surtout, contrairement aux autres voyageurs, nous avions la capacité de nous réveiller à n'importe quel moment et ainsi, de nous tirer de n'importe quel mauvais pas. Nous pouvions être blessés, empoisonnés, mutilés... Il nous suffisait de nous réveiller puis de nous recoucher pour revenir à Dreamland comme neufs ! Et comme nos pouvoirs ne fonctionnaient pas de la même manière que ceux des autres voyageurs, il était impossible de nous priver de cette technique !
  • Vraiment ?
  • Exactement. Un voyageur normal n'est pas totalement indissociable de ses pouvoirs alors que nous, si. Il était donc impossible de neutraliser les nôtres.
  • Je vois.

Je ne dis rien mais je suis quand-même un petit peu effrayé. Beaucoup de voyageurs meurent subitement parce qu'ils débutent leur voyage dans Dreamland sans personne pour les aider ou les préparer, tandis que beaucoup d'autres, bien plus expérimentés, se sont fait avoir parce qu'ils ont eu affaire au mauvais adversaire ou parce qu'ils n'ont pas survécu à un piège. Je me rappelle d'ailleurs d'un voyageur dont j'avais croisé la route. Il s'appelait Dikki Steak. Une fois son pouvoir activé, il devenait surhumain comme Arnaud, sauf que sa puissance augmentait indéfiniment.

Ce dernier était donc censé être invincible mais une nuit où mon groupe et moi nous sommes retrouvé dans une ville semblable à Las Vegas, nous y avons rencontré Dikki et ses amis qui venaient eux aussi pour découvrir cet endroit. Dikki reçut ensuite une carte l'invitant à se rendre seul au dernier étage d'un casino pour y disputer une partie de poker et il y est allé sûr de lui, sans renfort. Une fois sur place, le malfrat qui l'avait convoqué avait activé un premier dispositif permettant de neutraliser les pouvoirs des voyageurs, puis un deuxième les empêchant de quitter les cellules dans lesquelles ils étaient destinés à finir si jamais ils perdaient la partie de poker, cette dernière se révélant bien sûr truquée.

Plus tard, mes amis et moi avons été invités, nous aussi. Nous nous sommes retrouvés piégés et c'est uniquement grâce à la ruse (et à la maladresse) de mon ami Sabba que nous avons réussi à nous échapper, évitant ainsi de finir emprisonné dans ce repaire de bandits jusqu'à la fin de nos nuits. Cependant, nous apprîmes peu de temps après notre évasion que Dikki Steak n'avait pas eu la même chance que nous : privé de ses pouvoirs, l'invincible voyageur était devenu vulnérable et, pour le punir de lui avoir résister, le ravisseur a alors donné l'ordre à l'un de ses hommes de main de l'exécuter plutôt que de l'enfermer.

Dreamland est un endroit dangereux. Il suffit d'un faux-pas, d'un piège, d'une erreur pour que tout soit terminé, comme ce fut le cas pour Dikki Steak. Ce dernier était censé être assez fort pour ne pas craindre la menace et pourtant, son voyage s'est terminé prématurément. Le roi de la cité où nous étions a alors puni l'auteur de ce crime odieux en le changeant en or avant de raser le casino qu'il dirigeait et d'honorer la mémoire de Dikki Steak en érigeant une immense statue dorée de lui autour de laquelle il bâtit un nouveau casino.

Dikki Steak était mort cette nuit-là car il s'était retrouvé dans l'impossibilité d'utiliser ses pouvoirs ou de s'enfuir, une situation dont Arnaud et ses semblables sont donc préservés.

  • J'ai ensuite accomplis différentes missions et j'étais stupéfait de voir ce que je pouvais faire : nous sommes allés sur des terres glacées balayées par le blizzard et c'est à peine si j'avais froid ! Nous nous sommes rendus sur les terres brûlantes du royaume du feu et je ne transpirais presque pas ! Et tous les combats que j'ai pu livrer, que se soit contre des monstres, des voyageurs ou je ne sais quels guerriers... Je les distançais tous en force, en endurance, en vitesse... J'étais presque invulnérable et doté d'une impressionnante faculté de guérison. Bien sûr, je n'étais pas directement au top niveau : c'est au fil des semaines passées à m’entraîner et à partir en mission que mes pouvoirs se sont développés et que j'ai progressé. Pour tout te dire, ce rocher que j'avais évité la première fois, j'ai rapidement eu la capacité de le pulvériser sans faire d'effort.
  • Whao.

Je suis quelque peu admiratif parce que je sais que ce n'est pas moi qui aurait la détermination de me donner les moyens d'atteindre ce niveau-là. Cependant, ce qu'Arnaud raconte m'effraie : je ne connais que très peu de voyageurs capables de rivaliser avec le genre d'individu qu'il me décrit et si je ne sais quel seigneur ambitieux dispose de soldats comme eux, je crains que cela puisse constituer une menace pour tout Dreamland.

  • Nous étions six. Quatre garçons et deux filles. Mais... Nous ne fûmes pas un groupe soudé et personne ne s'adressait la parole plus souvent que nécessaire. Seul Dray, le mec qui n'avait pas voulu me répondre la première fois qu'on s'est vu, était populaire au sein de la bande. C'était un crâneur qui ne pensait qu'à arriver premier. Je ne supporte pas les gens comme lui mais ces derniers s'attirent toujours les faveurs des autres car ils dégagent beaucoup de confiance en eux. Je ne l'aimais pas et lui ne m'aimait pas non plus.
  • Ah oui, je vois. J'en ai connu plein, des comme lui.
  • Au départ, je faisais ce que l'on attendait de moi et accomplissais mes missions mais, au fur et à mesure que le temps passait, l'ambiance qui régnait au sein du groupe commençait à me peser au point que je préférais travailler seul, sans compter que je n'appréciais pas du tout la façon dont ma hiérarchie me traitait : non seulement ils faisaient preuve de favoritisme mais en plus, ils considéraient que tout leur était dû. Si une mission réussissait, c'est parce que c'était normale, tandis que si elle échouait, eh bien c'était de notre faute.
  • Merde. En plus, t'as peut-être fini par en avoir marre, de ton ministre à l'air condescendant.
  • Exactement.
  • C'est pour ça que tu ne veux plus retourner à Dreamland ?
  • Le regard d'Arnaud s'assombrit.
  • Non Terrence. Si je ne veux pas y retourner c'est pour une raison bien plus grave que ça.
  • Comment-ça ?
  • J'avais du mal à aller vers les autres voyageurs car, pour eux, Dreamland était une sorte de jeu en ligne. Ils ne s'intéressaient qu'à l'action et ne se préoccupaient pas des conséquences de leurs actes. Moi, par contre, la vie que je menais à Dreamland était aussi importante que celle que je menais dans le monde réel, c'est pourquoi je m'appliquais à toujours adopter une attitude responsable. Cependant, je n'en tirais aucun profit. C'est pourquoi, j'ai profité d'être en permission une nuit pour aller me détendre quelque part. Je suis donc entré dans une taverne ancienne située à l'entrée d'une forêt où j'ai commandé un cocktail de fruit et ai ainsi fait la connaissance, au bar, d'un voyageur qui s'appelait Sealvia.
  • Ah !
  • Tu le connais ?
  • Bien sûr ! Il est dans mon lycée ! Un connard, compétiteur et crâneur, comme ton Dray ! Il a même fait du gringue à ma meuf lors d'une fête qui a eu lieu récemment à la plage, en l'honneur de ceux qui avaient eu leur BAC.
  • Tu étais là-bas alors que tu ne l'as pas eu ?
  • Oui, enfin bon, là n'est pas le sujet ! Tu lui as cassé la gueule, j'espère ?
  • Non, bien sûr que non. Il a vu la tête que je faisais et il m'a dit qu'il ne comprenait pas comment un mec déprimé faisait pour noyer son chagrin dans une boisson non alcoolisée. Il m'a alors invité à venir faire une partie de fléchettes à l'extérieur.
  • Ah bon ?
  • On y a retrouvé ses amis : un mec accompagné d'un serpent et une femme qui portait très peu de vêtements.

"Kain et Miss Fukmi", pensai-je. Mais je m'abstins de tout commentaire. Je ne devais pas révéler à Arnaud que j'avais déjà croisé Sealvia et sa bande à Dreamland.

  • Sealvia et moi avons commencé à jouer. Nous disposions d'une grande quantité de fléchettes. Ses amis sont restés tranquillement dans leur coin tandis que nous discutions en jouant. Finalement, j'avouais à Sealvia ce qui me tracassait.


A Dreamland, cette nuit-là


  • Alors ? Qu'est-ce qui te met le moral à zéro, comme ça ?
  • Bah... Je suis un voyageur...
  • Oui.
  • Et je bosse pour un seigneur de Dreamland.
  • Celui qui t'a donné tes pouvoirs, donc ?
  • C'est ça.

Une fléchette se plante au cœur de la cible.

  • C'est un seigneur ruiné dont le royaume est en train de disparaître car les humains ont oublié ce qu'il incarnait. Il a donc sacrifié tout ce qui restait sur ses terres avec un gaz dangereux censé lui permettre d'obtenir des voyageurs.
  • Jusque-là, je te suis.
  • Son truc a fonctionné. Je suis devenu un voyageur et il m'a dit que cela faisait que j'étais maintenant à son service. Depuis : je m'entraine pour lui, je pars en mission pour trouver et récupérer ce qu'il me demande, mais j'ai beau lui obéir, il ne me témoigne aucune considération ! Il ne s'adresse qu'a son lèche-botte de premier ministre qui me traite avec mépris, et il se fiche complètement de mon investissement dans sa cause parce qu'il le considère comme "normal" ! Seulement moi, j'ai bien voulu investir du temps et de l'énergie à la renaissance d'un royaume car cela me paraissait être un projet intéressant ainsi qu'un bon moyen de remercier ce seigneur pour m'avoir fait don de mes pouvoirs, mais je n'ai jamais donné mon accord pour devenir son larbin ! Je demande un minimum de respect et ce ministre et son roi ne me l'accordent pas.

Sealvia lança une fléchette qui se planta dans une autre cible que celle que les héros visaient. Cette dernière était en hauteur.

  • Il y a un truc que je ne comprends pas, dans ton histoire. Si ça ne te plait pas de servir ce gars, pourquoi est-ce que tu ne t'en vas pas ?
  • Pardon ?
  • Servir un seigneur de Dreamland, ce n'est que de la galère. Honnêtement, tu ne lui dois rien, à ce mec. Tu n'as pas conclu d'arrangement avec lui pour obtenir les pouvoirs dont tu disposes et lui, il ne t'a pas choisi non plus.
  • Oui, mais...
  • Mais rien du tout, gars ! Sous prétexte que tu as hérité de pouvoirs issus de son royaume, le mec prétend que tu lui appartiens ! Mais non ! Tu ne lui dois rien du tout ! Tout ce que tu as, tu l'as obtenu tout seul ! Les seigneurs ne sont que des crétins qui exploitent les voyageurs alors qu'en vrai, ils n'ont rien à leur apporter !

Sealvia lance une fléchette et atteint une autre cible, très éloignée, cette fois.

  • C'est ce que tu as dis à ton seigneur ?
  • Exactement, mec, répond Sealvia.

Le jeune homme lance une fléchette et, en faisant des moulinets avec son majeur, la manipule dans les airs, lui faisant ainsi emprunter les directions qu'il voulait, permettant finalement à la fléchette d'atteindre une cible cachée.

  • J'ai peur du vide. Suite à une expérience traumatisante qui m'est arrivée dans mon enfance, je souffre de vertige au point de me retrouver paralyser si jamais je réalise que je suis en hauteur. J'ai finalement été confronté à ma phobie il y a quelques années et, en parvenant à la vaincre, j'ai acquis le pouvoir de maîtriser le vent. Grâce à lui, je sais que je ne risque plus de tomber.

Sealvia refait une démonstration de ses pouvoir et atteint les cibles qu'il veut sans avoir besoin de s'appliquer au moment de lancer ses fléchettes.

  • Ce pouvoir appartient au seigneur du ciel. Lorsque je suis devenu voyageur, il m'a immédiatement accueilli avec sa cour et m'a souhaité la bienvenue dans son armée. Cependant, je suis d'un caractère rebelle. Je l'ai donc interrompu en plein discours pour lui dire que je n'en avais rien à foutre de ses histoires et que j'allais suivre ma route sans rien devoir à personne.
  • Je vois. C'est clair que je n'aurais pas réagi comme ça, d'entrée de jeu.
  • J'ai ensuite rencontré mes amis, Kain et Miss Fukmi, et depuis, on voyage en groupe et on explore Dreamland... Même si nos quêtes ne sont pas toujours couronnées de succès. Pas vrai, vous autres ?

Arnaud se tourne vers les amis de Sealvia et Miss Fukmi s'occupe d'éclairer sa lanterne.

  • On s'était lancé à la recherche d'un pinceau, une fois. Un artefact magique offrant mille et une possibilité à son possesseur mais, après avoir passé plusieurs mois à chercher sa cachette et à l'atteindre, nous nous sommes fait grillés sur la ligne d'arrivée par un crétin qui se trouvait-là par hasard et qui s'est emparé du pinceau sans savoir ce qu'il faisait.
  • Je vois, répondis Arnaud. Et vous n'avez pas essayé de lui demander de vous le remettre ?
  • Le pinceau n'obéis qu'à celui qui le récupère le premier. On aurait pu faire la peau à cet idiot mais il nous a échappé et depuis, nous avons réorienté nos projets.
  • Je comprends.

Sealvia jette une autre fléchette, lui fait faire demi-tour au moment où elle s'apprêtait à toucher sa cible puis la fait se planter dans une autre cible.

  • Après, même si je critique pas mal les seigneurs, ils peuvent quand-même permettre à certains voyageurs indisciplinés de se tenir correctement. Comme ça, ma bande et moi n'aurions pas besoin de faire aussi souvent le ménage.
  • Qu'est-ce que tu veux dire ?

Sealvia regarda Arnaud avec un air sérieux.

  • Nous sommes des voyageurs killers.
  • Quoi ? Attends, vous êtes des tueurs ?! S'exclama-t-il.
  • Disons que nous trois ici présent partageons l'idée qu'il n'y a pas besoin d'épargner ceux qui sont inutiles à Dreamland. Contrairement à la plupart des voyageurs killers qui ne sont que des brutes qui prennent plaisir à s'en prendre à plus faibles qu'eux ou qui ne sont que des tueurs de sang froid, des prédateurs sadiques et sans pitié comme Arka, nous, nous consentons simplement à éliminer ceux qui se mettent en travers de notre route ou dont la conduite nous pose problème. Nous ne sommes pas des enfants de chœur. Nous sommes juste une équipe déterminée qui ne se laisse pas entravé par le sens moral.
  • Je vois...

Arnaud savait qui était Arka. Il s'agissait du plus puissant voyageur killer qui soit. Sa phobie était celle des araignées et depuis maintenant de longues années, ce terrible individu vivait dans une immense forêt où il tissait des toiles, prêt à piéger tout voyageur suffisamment imprudent, malchanceux ou ignorant pour pénétrer son territoire. Rare étaient les voyageurs qui avaient survécu à une rencontre avec Arka.

Arnaud pris plusieurs fléchettes et commença à les jeter. Il mit les fléchettes dans le mille, les une après les autres, y compris dans les cibles difficiles à atteindre.

  • Je ne suis pas du genre à obéir aveuglément aux ordres d'un seigneur mais d'un autre côté, je ne suis pas le genre de rebelle qui tue sans scrupule ceux dont la tête ne lui revient pas.
  • Tu n'es pas obligé de l'être. Tu sais, il n'y a pas les uns d'un côté et les autres de l'autre mais tu dois juste te rappeler que cela peut être compliqué de trouver des compagnons qui ne veulent pas se prendre la tête. Du fait qu'ils deviennent forts rapidement grâce à leurs pouvoirs et qu'ils ne vivent pas exclusivement à Dreamland, les voyageurs se considèrent rapidement comme des surhommes qui sont en droit d'avoir ce qu'ils veulent car ils sont les plus forts.

Arnaud atteint une autre cible.

  • Dreamland est à leurs yeux une nouvelle forme de jeu en ligne. Ils sont de plus en plus aveuglés par l'ambition et le fait qu'en cas de décès, ils n'ont pas de deuxième chance, n'est pour eux qu'une manière supplémentaire de pimenter les choses.
  • Je vois. Il m'avait semblé remarquer ça auprès des autres.
  • Beaucoup de voyageurs acceptent d’obéir à un seigneur, quand bien même celui-ci ne les traite que comme des armes, parce qu'ainsi, comme ils affrontent pas mal d'ennemis, ils ont plus facilement l'occasion de crier "C'est moi le plus fort !". Et pas mal d'autres obéissent à un seigneur paisible car ils n’aspirent simplement pas à être voyageur. Comme toi, ils ne savent pas où aller, ont peur de l'inconnu ou alors ne veulent pas partir et ils se contentent de soutenir le royaume dont ils proviennent car cela leur donne l'impression de faire quelque chose d'utile. Alors dis-moi...

Sealvia lança une fléchette et, usant de ses pouvoirs, la fit atteindre une cible très en hauteur et difficile à atteindre.

  • Tu penses avoir ce qu'il faut pour explorer Dreamland si tu venais à laisser tomber ton seigneur ?

Arnaud pris une fléchette et, usant de ses capacités, la lança avec suffisamment de force et d'adresse pour atteindre la cible, lui aussi.

  • Cela répond à ta question ?


De retour au présent, chez Arnaud


  • On dirait que ça c'est bien passé, finalement.

J'évitais de révéler à Arnaud que l'idiot qui avait accidentellement dérobé le pinceau en question était mon ami Sabba et que j'avais déjà eu l'occasion de croiser la route d'Arka. Ce dernier est aussi colossal, sadique et impitoyable que ce qu'on dit.

  • Oui, Sealvia s'est montré sympathique. Ce n'est pas le genre de mec avec qui j'explorerai Dreamland mais il a été là au bon moment.
  • Mais alors pourquoi ne veux-tu pas retourner à Dreamland ? Tu semblais réaliser que rien ne te retenait auprès de ton seigneur, que tu pouvais t'en aller quand tu le voulais, que tu avais toujours été libre et que ta vie de voyageur te tendait les bras !
  • Parce que ce n'est plus le cas, Terrence.
  • Comment ça ?
  • Peu de temps après, ce furent les examens du BAC. Je mis de côté mes préoccupations au sujet de Dreamland afin de pouvoir me consacrer à l'obtention de mon diplôme. C'était ma priorité car, sans le BAC, je ne pouvait pas intégrer l'école qui m'intéressait et il était exclu que je fasse une deuxième terminale sous prétexte que ces examens finaux devaient décider ce que valait ma scolarité ! Si j'avais bossé tout le long, ce n'était pas pour chuter à la fin ! Bien sûr, je voulais réfléchir à ce que j'allais faire à Dreamland mais ça pouvait attendre !
  • Et alors ?
  • Et alors ? Eh bien j'ai eu mon BAC et ce fut une célébration ! Un exploit ! Une délivrance ! C'était enfin terminé ! Une page s'était tournée et j'allais enfin me consacrer à faire ce que j'aime !
  • Et pour Dreamland ?
  • Eh bien pour Dreamland, une fois le BAC obtenu, j'ai pensé à toutes les choses géniales que je pouvais faire maintenant ! Que se soit pendant l'été avec mes copains ou alors toutes ces choses dont ils nous parlent à la télé parce que, figure-toi qu'une fois mon BAC obtenu, je me suis mis à voir les choses différemment, à porter une nouvelle attention à ces choses qu'ils nous montraient à la télé. Tous ces sports de l'extrêmes, ces plats insolites, ces pays lointains... Je me suis mis à les envisager comme des possibilités et j'ai alors réalisé qu'en fait, Dreamland aussi n'était qu'un immense champs de possibilités. Je pouvais l'explorer sans avoir besoin d'un cadre ! Obéir à mon roi ne m'apportait rien, il était temps que je m'en aille.

J'enviai Arnaud. Dreamland était pour moi un échappatoire à une réalité décevante alors que pour lui, c'était un projet supplémentaire à celui de la vie réelle.

  • Et donc ?
  • Et donc, la nuit suivant l'obtention de mon BAC, je l'ai passée dans une boîte de nuit de Dreamland où étaient directement transportés les rêveurs et les voyageurs qui avaient obtenus leurs examens. La nuit suivante, je décidais cette fois de me détendre et me rendais au bar où j'avais rencontré Sealvia. C'est là que tout a basculé.


Cette nuit-là, à l'auberge où Sealvia et Arnaud s'étaient rencontrés


Arnaud alla au bar et bu un verre d'eau avant de commander son jus de fruit préféré qu'il bu en écoutant les calmes musiques folkloriques jouées par le groupe de bardes aux allures irlandaises qui se trouvait sur scène, non loin de là. Quelques minutes plus tard, un homme entra, remarqua Arnaud, puis vint l'aborder.

  • Jeune homme ?
  • Oui ?
  • Ne seriez-vous un de ces voyageurs au service d'un ancien seigneur de Dreamland ? Demanda-t-il en lui montrant des pages de journaux arrachées sur lesquelles apparaissaient les photos d'Arnaud et des autres super voyageurs dont il faisait parti.
  • En effet. Pourquoi ?
  • J'aurai besoin de quelqu'un comme vous pour mener un projet à bien.
  • Ecoutez... Je ne suis pas venu ici pour travailler. J'ai juste envie de me détendre dans mon auberge préférée.
  • Prenons quand-même le temps d'en discuter autour d'un verre, que je vous explique quand-même de quoi il s'agit. Nous en parlons au calme et si vous n'êtes pas intéressés, je vous laisserais tranquille.
  • Hm... Bon, eh bien allons-y.

Arnaud suivi son interlocuteur jusqu'à une table au fond de la salle. Il recommanda un jus de fruit pendant que l'homme mystérieux demanda un verre d'alcool.

  • Quel bonheur que de goûter à de nouvelles saveurs grâce à ce monde fantastique qu'est Dreamland, n'est-ce pas ?
  • Oui, en effet.

Arnaud dévisagea cet inconnu qui se tenait en face de lui. L'homme avait la quarantaine, un bouc et des poils blancs piquants sur les joues. Il parlait d'une voix calme et posée, mais il émanait quelque chose d'antipathique de ses paroles.

  • Vous devez surement vous demander pourquoi j'ai jeté mon dévolue sur vous, mon jeune ami, alors que ce ne sont pas les voyageurs et les mercenaires qui manquent ?
  • Oui, en effet.
  • Eh bien voyez-vous, j'ai un projet à mener et vous seul pouvez m'aider à le réaliser. J'ai besoin de quelqu'un qui soit plus qu'un voyageur et par chance, c'est sur vous que je suis tombé le premier.
  • Ah bon ?
  • Voici pour vous, dit la serveuse en apportant les boissons.
  • Merci, dit Arnaud.

La jeune femme déposa les verres sur la table puis s'en alla. Arnaud s'apprêtait à saisir son jus de fruit quand l'homme l'interpella.

  • Elle est jolie, n'est-ce pas ?
  • Hm ?
  • Répondez-moi, mon garçon : quelle serveuse trouvez-vous la plus charmante ? Celle qui nous a servi ou celle qui est au fond à droite ?

Arnaud se retourna pour les regarder attentivement.

  • Hm... La nôtre, je dirais, dit-il en se retournant.
  • Je vois, répondit l'homme en saisissant sa coupe.

Arnaud prit son verre et bu sa boisson.

  • Alors ? Et si vous me disiez pour quelle raison vous avez besoin de moi ?
  • Eh bien, voyez-vous, Arnaud, je cherche à me venger.
  • Vous connaissez mon prénom ?
  • Il était écrit dans les articles que je vous ai montré tout à l'heure.
  • Ah ? Mais et vous ? Comment vous appelez-vous ? Monsieur...?
  • Cornélius. Professeur Cornélius.
  • Et donc, vous voudriez vous venger ?
  • Oui. Un individu s'est offert mes services et s'est refusé à me payer. Pour lui, j'ai mis au point ma plus grande invention et je veux que cet individu sache que je ne suis pas le genre d'homme que l'on peut doubler sans en payer le prix.

Arnaud senti des picotements qui se répandirent partout dans son corps.

  • J'ai donc décidé de reprendre ce que je lui avais donné. Je détruirais donc ce qu'il a obtenu grâce à moi.
  • D'accord. Et qu'a-t'il obtenu, exactement ?

Arnaud ressentit les picotement jusque dans ses yeux, à tel point qu'il se les frotta.

  • Un souci, jeune voyageur ?
  • Je... Je ne comprends pas... Je sens quelque chose de bizarre...
  • Cela vient peut-être de votre manque de vigilance, dit-il en buvant son verre.
  • Pardon ?
  • Il n'est jamais prudent de partager un verre avec un inconnu. Et si cela arrive, il vaut mieux ne jamais quitter son verre des yeux, ou alors ne plus le boire. Croyez-moi, les hommes ne sont pas plus en sécurité que les femmes face à ce genre de mauvaises rencontres.
  • Mais qu'est-ce que vous... ?

Le Professeur Cornélius fit un mouvement du bras au-dessus de la table et mima, comme s'il déposait quelque chose à l'endroit où se trouvait plus tôt le verre d'Arnaud.

  • Quand on a l'habitude de manipuler des produits dangereux et de faire des mélanges, on gagne en dextérité. Du moins suffisamment pour pouvoir mettre quelque chose dans un liquide sans faire de bruit ou d'éclaboussure.
  • Quoi ?!
  • Vous devriez être plus méfiant, mon cher Arnaud. Je comprends que l'on puisse se montrer naïf quand on a tout juste 18 ans, mais se retourner en laissant son verre sans surveillance face à un inconnu qui pourrait y glisser une capsule, et regarder des filles suffisamment longtemps pour laisser à ladite capsule le temps de se dissoudre avant de boire son verre d'une traite, on peut dire que vous m'avez bien faciliter la tâche.

Le jeune voyageur compris qu'il avait été drogué.

  • Espèce de...

Arnaud tenta de se lever violemment mais, pris de vertiges, il s'écroula. La serveuse qui l'avait servi arriva tout de suite auprès de lui.

  • Est-ce que ça va ? Demanda-t'elle, inquiète.

Cornélius se leva.

  • Qu'est-ce... Qu'est-ce que vous m'avez...
  • Oui, cela fait ça au début.

De retour au présent


  • Je voulais lui extirper des réponses, savoir ce qu'il m'avait fait et pourquoi mais finalement, seul comptait ma survie. J'utilisais donc mon pouvoir pour me réveiller et ainsi échapper à cet enfoiré.
  • Tu as bien fait.
  • J'eu du mal à me rendormir parce que j'étais encore sous le choc de ce qu'il s'était passé. Je venais quand-même d'être victime d'une tentative de meurtre. Je choisis donc de me rendormir et de revenir à Dreamland dans un endroit rassurant, ce que je fis. Je revins donc dans une bibliothèque et passais le reste de la nuit à me détendre en lisant.
  • Tu allais mieux, alors ?
  • Oui. Du moins, c'est ce que je croyais. Si on est blessé quand on est à Dreamland, il suffit de se réveiller et se rendormir pour y réapparaître sans la moindre égratignure et cela fonctionne de la même manière en cas d'empoisonnement. J'avais quitté Dreamland et y retournais intacte, seulement... Seulement quelque chose n'allait pas.
  • Comment cela ?
  • Je ne sais pas. Je... Je me sentais affaiblis. Je venais de passer la nuit à me détendre mais, à la fin, alors que je quittais le pouf dans lequel je lisais pour aller remettre les BD que j'avais emprunté, je remarquais que j'avais moins la pêche qu'avant.
  • C'est bizarre...
  • Je passais ensuite la journée normalement en me disant que ça irait mieux la nuit suivante et, quand je me suis rendormi, je suis retourné dans mon royaume initial où le premier ministre nous a reproché d'avoir consacré plus de temps à nos révisions plutôt qu'au travail qu'il nous confiait, puis je participais à un entrainement. Cependant... Non seulement je me sentais plus petit que les autres quand nous étions sur la ligne de départ, mais en plus, je remarquais que j'étais devenu moins rapide qu'eux ! Terminer le parcours d'obstacles me demanda plus d'effort qu'à l'accoutumé et il me fut reproché d'être allé moins vite que d'habitude. L'écart sembla même se creuser au fil de la nuit. "Qu'est-ce qui se passe, Arnaud ?" me cria le premier ministre, "Nous attendons mieux de vous !". Je dus alors m'excuser et me réveillais.
  • Qu'est-ce qui clochait ?
  • Je ne le savais pas mais cela m'inquiétait. Je me rendormi donc en pensant à un hôpital. Je me retrouvais donc transporté dans le plus grand hôpital de Dreamland. Cependant, quand je vis le monde qu'il y avait, je me dis que la nuit allait sans doute s'écouler sans que l'on ait le temps de s'occuper de moi... C'est alors qu'une infirmière vint à ma rencontre.


A l'hôpital de Dreamland

  • Vous êtes un voyageur ?
  • Euh... Oui... Mais comment vous...
  • Très peu de créatures dreamlandaises ressemblent trait pour trait à des humains.

Arnaud remarqua qu'il était le seul humain présent dans le hall.

  • Ah oui, c'est vrai...
  • Nous avons également des détecteurs qui nous permettent de repérer les voyageurs. Vous pouvez me suivre.
  • C'est déjà mon tour ?
  • Nous avons un service exprès pour les voyageurs, ce qui nous permet de les prendre directement.
  • Oh, merci !

Arnaud suivi l'infirmière qui le conduisit dans un cabinet où plusieurs médecins vinrent le prendre en charge.

  • Bonjour mon ami, lui dit un des médecins. Comment vous appelez-vous ? Donnez-moi votre nom, votre âge et dites-moi quelle raison vous amène parmi-nous.
  • Je m'appelle Arnaud, j'ai 18 ans et je viens vous voir car j'ai constaté une forte baisse de mes capacités...
  • Pensez-vous que cela puisse être dû au stress ou à la fatigue ?
  • Non, je crois plutôt que cela vient d'autre chose. Un homme a empoisonné ma boisson la nuit dernière et j'ai l'impression que cela n'a pas été sans conséquences...
  • Vous pensez que cet empoisonnement vous affecterait malgré le fait que vous vous soyez réveillé entre temps ?
  • C'est ce que j'aimerais découvrir.
  • Bien. Déshabillez-vous, nous allons procéder à des examens.

Arnaud dû donc se mettre en caleçon et passa quelques examens après avoir laissé l'infirmière lui prélever de la salive avec une pipette en plastique et du sang avec une aiguille en diamant.

  • Nous allons également vous prélever de l'urine, ajouta-t'elle en lui tendant un gobelet.
  • ...
  • Un souci ?
  • J'ai peur que cela me fasse pisser au lit dans le monde réel...

Les examens terminés, Arnaud se rhabilla et resta en compagnie de son infirmière quand, au terme d'une interminable attente, les médecins revinrent. L'un d'eux prit la parole, l'air préoccupé.

  • Arnaud... Nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer.
  • Quoi donc ?
  • Vous nous avez dit que vous pensiez avoir été empoisonné, n'est-ce pas ?
  • Oui.
  • Eh bien vous aviez raison. Vous avez été empoisonné et le poison est toujours là.
  • Quoi ?!
  • Venez avec nous.

Les médecins conduisirent leur patient dans la pièce d'à côté et lui montrèrent sur un écran le résultat de leurs analyses.

  • Vous nous avez expliqué être devenu artificiellement un voyageur, Arnaud, c'est ça ?
  • Oui.
  • En fait, vous avez été exposé à un puissant mutagène avec lequel vous vous êtes révélé compatible, ce qui a eu pour effet de vous donner vos pouvoirs. Cependant, le poison qui vous a été administré a été en partie conçu avec ce même mutagène. Cette apparentée a fait que lorsque vous l'avez ingéré, votre organisme ne l'a pas identifié comme une menace et ne l'a donc pas éliminé. Il s'est alors encré en vous et, comme il est issu de ce qui vous a donné la capacité de vous réveiller sur commande, cela fait que vous ne pouvez pas vous en débarrasser en vous réveillant.
  • Alors il me faut un antidote !
  • Cela n'est pas un poison connu. Nous ne savons pas quel antidote marcherait et il va nous falloir mener des recherches. Nous pourrions vous administrer quelque chose mais votre organisme se défendrait et éliminerait le remède. Il nous faudrait alors utiliser un antidote plus puissant, plus agressif, et utiliser au hasard un remède qui n'est pas adapté vous ferait plus de mal que le poison et précipiterait votre état.
  • Mais... Il n'y a pas des moyens magiques ? Des sources permettant de vaincre l'âge ou la maladie ?...
  • Si mais elles ne marchent pas de la même manière sur les voyageurs. De plus, comme vous en êtes une nouvelle forme, cela pourrait être inutile, voir très risqué !
  • Et vos recherches, alors ?
  • Nous pouvons mettre au point un antidote mais cela va nous prendre du temps.
  • Combien, exactement ?
  • Beau... Beaucoup plus que ce dont vous ne disposez. Si nos estimations sont justes, il ne vous reste plus qu'une semaine.
  • Mais... Mais on est à Dreamland ! Le monde où tout est possible ! Vous ne pouvez pas me dire que nous sommes dans une impasse !
  • Je crains hélas qu'il ne s'agisse du même genre de situation que celles que vous retrouvez déjà dans votre monde : un nouveau mal apparaît et les médecins ne parviennent à mettre au point une solution qu'après la disparition de celui qui l'a contracté en premier, permettant au moins de sauver les victimes suivantes...
  • Vous voulez dire que...

Pleins de compassion, les médecins posèrent leurs mains sur ses épaules.

  • Nous sommes désolés, Arnaud : vous êtes le patient zéro.


De retour dans le présent


  • C'est alors que je me suis réveillé.

Je suis stupéfaits.

  • Je suis alors immédiatement allé dans un hôpital du monde réel pour voir un médecin qui prenait sans rendez-vous.


Chez le médecin


  • Je ne comprends pas, mon garçon. Vous êtes en parfaite santé !
  • Mais... Mais le poison...
  • Cela ne vous est arrivé qu'en rêve.
  • Un rêve très réaliste et... Et cela continue depuis !
  • Je ne comprends pas bien ce qui vous préoccupe autant. Sachez simplement que tout ce qui a pu vous arriver dans vos rêves vous est épargné dans la réalité.


Chez Arnaud


  • Je suis rentré chez-moi, désespéré. La nuit suivante, je suis retourné au royaume et j'ai expliqué la situation au roi, au premier ministre et aux autres voyageurs.


A Dreamland


  • Ainsi donc, vous êtes atteint d'un empoisonnement mortel qui va vous tuer si l'on ne fait rien ? dit le premier ministre.
  • C'est tout à fait ça.
  • Voilà qui explique vos piètres performances de la nuit dernière.

Il se tourna ensuite vers le roi qui lui fit un signe de tête.

  • Soit, vous allez devoir mettre les bouchées doubles.
  • Comment cela.
  • Suite à ce fâcheux incident, nous nous verrons bientôt amputés d'un voyageur. Vous allez donc devoir travailler plus pendant le temps qui vous reste afin de compenser votre départ prématuré.
  • Attendez... C'est tout ce que vous retenez ? Ce type m'a fait ça parce que vous avez refusé de le payer ! s'écria Arnaud en s'adressant au roi. Donnez-lui ce que vous lui avez promis et alors peut-être qu'il acceptera de me soigner !

Le roi poussa un soupir de désintérêt et son premier ministre s'interposa.

  • Le roi n'a que faire du Pr Cornélius ! La faute de ce désagrément vous incombe totalement, Arnaud ! Vous deviez être vigilant et votre incompétence aura causé un tort inimaginable à notre glorieux royaume renaissant ! Il est donc normal que nous exigions une compensation de votre part.
  • Non mais vous vous foutez de moi, là, ou quoi ?! Et vous, les autres ! s'écria-t'il à l'attention des voyageurs, Vous ne dites rien ? Cela vous parait normal ?
  • Oh, s'il te plait, laisse-nous en dehors de ça.
  • Quoi ?
  • Tu t'es fais empoisonné, c'est ton problème et là, tu nous fais perdre notre temps.
  • Mais... Mais il nous avait tous pris pour cible ! Il s'en est pris à moi mais cela aurait pu être n'importe lequel d'entre vous !

Dray s'avance.

  • Ouais, sauf que ça n'a pas été le cas. T'es le seul ici à s'être montré assez con pour se faire avoir.
  • Dray... On n'a peut-être pas toujours été potes mais...
  • Non.

Arnaud se tourna vers les autres voyageurs.

  • On est quand-même des camarades... On a fait des tas de missions ensembles.
  • Ça ne veut pas dire qu'on s'apprécie.
  • Quoi ?
  • Désolé Arnaud mais on est juste "pas des ennemis". Je pense que, pour la plupart d'entre nous, si on pouvait ne plus se voir, cela nous plairait.

Dray reprit :

  • Va chialer ailleurs parce que ta mort imminente, ça n'intéresse personne!

Arnaud regarda à droite et à gauche. Il n'avait aucun allié nulle part. Il prit une grande inspiration puis s'énerva.

  • Je vous ai tout donné ! J'ai consacré toutes mes nuits, depuis que je suis voyageur, à vous aider à rebâtir ce royaume médiocre et oublié ! J'ai sacrifié la vie que Dreamland m'offrait, tout ça parce que vous m'avez menti et manipulé ! Eh bien vous voulez que je vous dise ? Vous êtes indignes ! Vous êtes indignes de ce que vous avez reçu, votre royaume comme vos pouvoirs, mais vous êtes surtout indignes de tous ce que je vous ai apporté ! Vous ne méritez rien de moi et je vous quitte, vous qui ne valez rien ! s'écria Arnaud en leur faisant un doigt d'honneur.
  • Eh bien mon petit Arnaud, si cela vous plait de penser cela, libre à vous, répondit le premier ministre. Restez à vos lubies. Puisque vous ne voulez pas rester, je vous laisse partir. Il n'y a aucun intérêt à se fatiguer à châtier un traître déjà condamné. Sur ce, j'ai maintenant un ordre de mission à lire. Donc, dit-il aux voyageurs en sortant ses papiers. Nous disions...

Arnaud se rua sur le premier ministre, l'atteint en moins de temps qu'il n'en fallait pour claquer des doigts et lui envoya son poing en pleine cage thoracique. Le ministre fut jeter au sol, les côtes brisées et la bouche se remplissant de sang, le laissant dans l'incapacité d'articuler le moindre mot.

  • Maintenant, j'ai fini, acheva Arnaud.

Le roi regarda Arnaud avec indifférence. Finalement, il désigna la médaille du premier ministre qui avait été arrachée sur le sol et appela Dray qui la ramassa.

  • Oui, sire ?
  • Dray, félicitations pour ta promotion.

Stupéfait, le premier ministre mourut quelques minutes plus tard dans l'indifférence totale de ceux qui l'entouraient.

Arnaud s'en alla. Il savait qu'à présent, la seule personne qui pouvait l'aider, c'était le professeur Cornélius lui-même.


À l'entrée du laboratoire du Pr Cornélius


  • Cornélius ! Appela Arnaud en sonnant à la porte.

Le jeune voyageur s'était réveillé tout de suite après avoir démissionné, puis rendormi en pensant au scientifique pour pouvoir revenir à Dreamland à l'endroit où il se trouvait, lui permettant d'aller facilement à sa rencontre.

  • Oui, dit le faiseur de poison en sortant par une trappe proche d'Arnaud.
  • Il faut que vous me soignez ! Votre poison, il... Il fonctionne ! Vous avez prouvé ce que vous vouliez alors s'il vous plait, arrêtez-le.
  • Je ne peux pas faire ça.
  • J'ai démissionné ! J'ai quitté le seigneur qui vous a arnaqué.
  • D'accord.
  • J'ai tué son ministre !
  • J'apprécie.
  • Alors soignez-moi !
  • Hors de question.
  • Je vous obtiendrais ce qu'il vous a promis !
  • Cela ne m'intéresse-plus.
  • Mais merde ! Puisque je vous dit que je ne suis pas votre ennemi et si en plus, vous, vous ne voulez plus de votre paiement, pourquoi persister à vouloir me tuer ?! Vous avez même pu voir que votre poison marchait, alors pourquoi me faire mourir ?! Vous n'avez aucun intérêt à me tuer !
  • Justement et c'est pour ça que je ne vais rien faire : si je n'ai aucun intérêt à te tuer, j'en ai encore moins à me donner la peine de te sauver la vie.
  • Quoi ?!
  • C'est terminé, Arnaud. Tu auras été un test concluant et je t'en remercie. Je n'ai plus qu'à utiliser mon poison sur tes collègues et l'incident sera clos.

Arnaud se saisit de lui.

  • Te fous pas de moi, gros tocard ! Arrête ton baratin et donne-moi l'antidote !
  • Mais je n'ai pas mis au point d'antidote.
  • Hein ?
  • Je tente de mettre au point une chose qui est fait pour tuer. Pour quelle raison chercherais-je à la neutraliser ?

Le jeune voyageur lâcha son interlocuteur qui retourna tranquillement dans son laboratoire.


Chez Arnaud



  • Je suis pris au piège, Terrence. À chaque heure qui passe à Dreamland, je sens le poison se répandre en moi et mes forces me quittent peu à peu...
  • Et... Il n'y a pas d'alternative ?
  • Quelle solution me reste-t'il ? J'ai cherché un forum de discussion en espérant pouvoir entrer en contact avec d'autres voyageurs et je n'ai trouvé personne ! Nous autres voyageurs sommes un peuple élu, et pourtant, nous n'avons même pas une putain de communauté sur internet ! Personne ne se soucie de personne !

Arnaud tape du poing sur la table.

  • Mes amis m'ont ensuite laissé tomber parce qu'ils estimaient avoir mieux à faire que d'être là pour leur pote et de tenir leurs engagements! Je ne pouvais rien dire à mes parents et ma mort en tant que voyageur approchait à grands pas ! Je ne pouvais pas l'accepter !
  • C'est donc pour ça que tu t'empêches de dormir ?...
  • Ce n'est pas juste, Terrence ! Je n'ai rien fait de mal ! Ce qui m'a été donné m'a été aussitôt repris ! J'ai été exploité et ma liberté m'a été amputée ! Bientôt, je mourrais en tant que voyageur et j'oublierai tout ce que j'ai vécu à Dreamland ! Ce n'est pas juste, pas juste, PAS JUSTE ! Tant pis si je mets ma santé dans le monde réel en danger ! Je m'empêcherai de dormir aussi longtemps qu'il le faudra pour pouvoir recevoir l'antidote à temps ! Je ne peux pas perdre ! Je... Je ne peux rien faire.

Arnaud s'était levé sous le coup de l'émotion. Il se rasseya en soupirant.

  • Je ne peux rien faire, Terrence. Je vais mourir et... Et je ne peux rien faire... Tout ça parce que j'ai baissé ma garde et bu un verre... Je ne peux rien faire... Je ne peux rien faire.

Arnaud me regarde désespéré, comme s'il attendait une réponse de ma part.

  • Je te crois, Arnaud. C'est juste que... Que... Je ne sais pas quoi te dire.

Mon ami baissa les yeux, poussa un soupir de déception puis quitta la pièce, me laissant seul.

Arnaud le voyageur va mourir et je ne peux rien faire pour le sauver.


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