Mortem Regis

Chapitre 6 : Solitude amère

4028 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/01/2021 21:07

Le soleil s'était levé sur Kaärann, et les rues de Garnet commençaient à se remplir de monde. Ce village de Redfir, situé non loin de l'océan, n'était pas aussi animé et peuplé que Kalora ou Emerald. Toutefois, le cadre agréable, la vue sur la mer qu'il offrait, la température plus fraîche par rapport au reste de la nation des flammes, et les commerces qu'on pouvait y trouver rendaient ce lieu attractif.

Dans l'auberge où s'était reposé Seven, celui-ci se réveilla en douceur. Il avait plutôt bien dormi malgré les événements de la veille et les blessures et courbatures qu'il avait attrapées. Toujours allongé, il tourna sa tête pour observer celui qui l'avait sauvé des loups luisants. Mais la chaise sur laquelle il pensait revoir Shira était vide. Seven se redressa pour se retrouver assis sur le lit, et balaya des yeux le reste de la chambre. Il était seul.


« Où est-ce qu'il est passé, lui ? » se demanda-t-il. Mais la réponse à cette question arriva immédiatement: Une porte, qui menait probablement à la salle d'eau de cette chambre, s'était ouverte, laissant apparaître le jeune Xenois. Ce dernier sourit en constatant le réveil de son invité improvisé.


« Bonjour Seven ! » le salua-t-il, alors qu'il s'était approché de l'assassin pour observer comment il allait.


« Euh... Salut, lui retourna l'assassin aux cheveux noirs, non sans hésitation.

– Comment tu te sens ?

– J'ai connu des jours meilleurs, répondit Seven. Mais j'en ai connu des pires aussi...

– Tes blessures te font toujours souffrir ? »


L'assassin sentait en effet quelques picotements, principalement au niveau de ses bras. Mais il n'avait pas aussi mal que la veille, ce qui était bon signe. Shira posa délicatement sa main sur le front du plus grand, à la surprise de celui-ci qui avait cligné des yeux à plusieurs reprises sous l'effet de l'étonnement.


« Tu peux remercier les dieux de ne pas avoir eu de fièvre entre-temps. » lui confia le jeune garçon aux yeux cramoisis, tandis qu'il venait d'ôter sa main du front de Seven, avant de se diriger vers une table sur laquelle était posé un plateau comportant deux tasses de thé, une assiette avec quelques biscuits, et une coupe remplie de fruits divers et variés.


« Tu dois probablement avoir faim, parla Shira en prenant le plateau pour le poser sur le lit, juste à côté de l'assassin. La propriétaire de l'auberge nous a préparé ce déjeuner. J'attendais que tu te réveilles pour le prendre avec toi. »


Le plus âgé des deux observa longuement le Xenois, puis le plateau posé devant lui, avant de finalement détourner son regard de tout cela.


« Ce n'était pas la peine, finit-il par dire. Je n'ai pas spécialement faim. »


Mais comme pour contredire sa réplique, le ventre du jeune homme s'était mis à grogner, criant famine. Cet instant, probablement embarrassant pour l'assassin, fit rigoler Shira:


« Ton estomac vient de te trahir, on dirait !

– Tch ! »


De légères rougeurs étaient montées aux joues de l'assassin, qui avait toujours son regard posé sur un mur à l'opposé de là où se trouvait son homologue masculin. Il évitait aussi de regarder ce plateau rempli de bonnes choses appétissantes. En vérité, et comme le grognement de son ventre pouvait en témoigner, Seven avait terriblement faim. Néanmoins, sa méfiance vis à vis de Shira n'avait pas totalement disparue. Et si ce garçon, malgré son tempérament bienveillant et généreux, avait empoisonné tous ces mets ? Il regarda du coin de l'oeil celui-ci qui venait de saisir l'une des deux tasses, ainsi qu'un biscuit.


« Manger va te faire du bien, le rassura Shira en souriant. Ne sois pas timide !

– Ca n'a rien à voir avec la timidité, rétorqua l'assassin en le regardant franchement. C'est juste que j'ai du mal à accepter un tel repas de la part d'une personne que je connais à peine... et dont je me méfie toujours. »


Il avait ajouté ces derniers mots exprès dans sa phrase pour voir la réaction de l'adolescent. Celui-ci avait entrouvert sa bouche de stupéfaction. Il ne s'était pas attendu à une telle réplique de la part de Seven. Mais cela l'intriguait réellement: pourquoi le plus grand se montrait-il aussi méfiant vis-à-vis de lui, qui lui avait pourtant sauvé la vie, et qui l'avait hébergé ici ?


« Pourquoi te méfier autant de moi ? lui demanda-t-il calmement, avant de porter sa tasse à ses lèvres pour boire une gorgée de thé.

– J'ai pourtant été clair, hier soir.

– Est-ce que c'est juste à cause de la coïncidence de notre rencontre ? Ou est-ce qu'il y a autre chose ? »


Devant une telle question, Seven demeura silencieux en plissant des yeux. Ce nabot était décidément trop curieux. Et l'homme à la longue chevelure noire n'aimait pas beaucoup cela. Il se contenta de regarder ailleurs, tout en restant silencieux. Shira, de son côté, poussa un léger soupir. En vérité, il s'était attendu à une telle réaction de sa part. Encore plus en sachant que Seven se méfiait vraiment de lui.


« Je voulais simplement comprendre ce qui a pu t'arriver pour que tu te montres aussi méfiant et peu aimable, même envers ceux qui veulent t'aider, s'expliqua l'adolescent. Mais si tu n'as pas envie d'en parler, je ne te forcerai pas. J'espère juste que ça s'arrangera pour toi. »


L'assassin alité ne répondit pas. Mais il jeta un coup d'oeil au plus jeune qui avait déposé sa tasse sur le plateau d'un air maussade. Un lourd silence régna entre les deux jeunes hommes. On ne pouvait pas dire que l'ambiance était joyeuse en ce jour. Mais Seven était surpris: Pourquoi Shira se souciait-il autant de lui alors qu'ils se connaissaient à peine ? L'assassin pensait avoir à faire à un individu calculateur qui cherchait à le piéger malgré les apparences pour une quelconque raison. Mais en analysant l'attitude du Xenois de plus près, celui-ci donnait plutôt l'impression d'un jeune garçon simplement naïf mais altruiste. Le plus grand s'était-il montré exagérément trop méfiant vis à vis de lui ? Après tout, Shira n'était encore qu'un gamin ! Mais ce n'était pas non plus de la faute de Seven. Il avait vécu trop de choses pour accorder sa confiance aussi facilement à quelqu'un d'autre. Déjà qu'il n'avait confiance en aucun membre du Mortem Regis malgré qu'il les côtoyait quasiment tous les jours, s'il se mettait à faire confiance à quelqu'un comme Shira, aussi inoffensif était-il, ce serait contradictoire. Toutefois, ce n'était pas non plus une raison pour se montrer aussi froid et sec avec celui qui l'avait sauvé.


Finalement, après quelques instants de réflexions, Seven se tourna vers la coupe de fruits, et saisit quelques raisins. Il en mangea ensuite un, puis deux, puis trois, sous les yeux toujours aussi maussades de l'adolescent.


« Je mentirais si je disais que je n'apprécie pas l'aide que tu m'as offerte, parla l'assassin qui avait décidé de sortir de son silence. Mais pendant plusieurs années, j'ai appris à ne faire confiance à personne. Par le passé, j'ai commis à deux reprises l'erreur de faire confiance à une personne. Aujourd'hui, je regrette ces décisions. Et je n'ai pas envie de refaire la même connerie une troisième fois.

– Les personnes en qui tu avais confiance t'ont déçu à ce point ? s'étonna Shira.

– C'est une longue et sale histoire. Je n'ai pas d'amis depuis par rapport à ça. Et je n'ai pas spécialement envie d'en avoir non plus.

– Et ta famille ?

– Je n'ai plus de famille depuis bien longtemps, maintenant...

– Oh... Je vois. Je suis désolé. »


Shira ne savait pas quoi dire d'autre. Il comprenait mieux pourquoi Seven réagissait de cette manière avec lui. Il avait un peu de peine pour le plus âgé, mais le comprenait aussi quelque part. A vrai dire, l'adolescent était un peu dans le même cas que lui. Sa situation n'était pas identique à celle de l'assassin, mais lui non plus n'avait pas d'amis. En tout cas, pas d'amis proches qui pouvaient lui faire confiance, ou en qui il pouvait avoir confiance. Et il avait une impression de solitude par rapport à cela. Le Xenois voulut s'adresser de nouveau à son invité, lorsque quelqu'un frappa à la porte de la chambre, les faisant presque sursauter lui et Seven. Ce dernier regarda Shira se lever, et se diriger vers la porte qu'il ouvrit. Il s'agissait d'une femme d'âge mûr. Probablement la propriétaire de l'auberge dans laquelle ils se trouvaient. Elle parla brièvement avec l'adolescent et lui remit un papier d'un air attristé, avant de le saluer, et de s'en aller. Shira ferma la porte, et lut ce qui était écrit sur cette feuille. En voyant son visage se décomposer suite à cela, Seven réagit aussitôt:


« Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ? »


L'adolescent se laissa tomber sur sa chaise, et observa Seven, l'air dépité.


« Quelqu'un a tenté d'assassiner la princesse héritière de Vopaqua, alors qu'elle rendait visite à la famille royale de Redfir. Cette nouvelle fait le tour de ce village en ce moment même. »


Merde ! C'était le mot qui venait à l'esprit du jeune homme en cet instant. Il ne pensait pas que cette révélation arriverait jusqu'à Garnet aussi vite.


« Et ce n'est pas tout, continua le Xenois. Le prince de Vegario a été tué cette nuit, alors qu'il dormait dans sa chambre. »


Seven serra son poing à l'entente de cette information. Ce qui signifiait que Nineteen et Sixty-Nine avaient accompli la tâche que le boss leur avait confiée.


« Mon... reprit Shira en détournant son regard. Enfin, le souverain de mon pays est le principal suspect du meurtre du prince Aelan.

– Le souverain de ton pays... L'empereur Edeus ? questionna Seven, qui en était étonné. Pourquoi lui ?

– Vegario et Xen étaient en début de conflit depuis quelques temps à cause de certains clans Vegarions qui voulaient s'emparer de l'île de Xen-Den, au sud-est du continent. »


L'homme aux longs cheveux d'ébène réfléchit: Il avait effectivement entendu parlé de ce conflit concernant Xen-Den. Il s'agissait d'une île appartenant à l'empire de Xen, mais que le royaume de Vegario convoitait. Cette unique raison avait provoqué un petit conflit entre les deux nations, mais rien de très grave. Du moins jusqu'à maintenant. Mais avec la mort de prince Aelan de Vegario, ce conflit jusqu'à maintenant mineur allait s'amplifier de plus en plus, surtout si on accusait l'empereur Xenois d'avoir commandité un tel meurtre. Seven commençait à comprendre les intentions réelles du boss du Mortem Regis. Celui-ci voulait provoquer une guerre entre certaines nations de Kaärann. Non seulement entre Vegario et Xen, mais aussi entre Redfir et Norte avec le meurtre du roi Moreh. Le royaume de Redfir et l'empire de Norte, situé tout au nord de Kaärann, étaient également en conflit à cause de la ville de Pyrh bâtie au nord de la nation des flammes, non loin des terres Nortaises. Et des tensions existaient entre le roi Moreh et l'empereur Lawrence de Norte à cause de cela. Si Seven ne s'était pas fait repéré par la princesse Liz le soir où il avait tué le roi Firois, les soupçons par rapport au meurtre de ce dernier se seraient portés sur l'empereur Lawrence.


« L'enfoiré... pensa alors Seven en fronçant les sourcils. C'était donc ça son plan depuis le début...

– Seven ? »


L'assassin fut tiré de ses pensés et observa son interlocuteur.


« Désolé, je suis un peu sous le choc de ces nouvelles si soudaines... fit-il croire au plus jeune.

– Je te comprends. D'abord sa Majesté Moreh de Redfir, ensuite son Altesse Aelan de Vegario, sans oublier Dame Ewena de Vopaqua qui a failli y passer aussi. Mais qu'est-ce qui se passe sur ce continent, bon sang ? »


Seven ne disait rien. Lui savait, ce qui se passait. Mais ce ne serait que pure folie de révéler tout cela à Shira. D'un côté, il se disait que confier à ce dernier tout ce qu'il savait à ce sujet serait une excellente façon de contre-carrer tous les plans du boss, rien que pour le mettre sur ses nerfs. Mais ce serait également une manière stupide pour l'assassin de signer son arrêt de mort.


En tout cas, une chose était sûre pour lui: il ne devait pas s'éterniser à Garnet plus longtemps, sous peine de se faire débusquer par des gardes royaux Firois tôt ou tard. Il se leva alors du lit, à l'étonnement de Shira.


« Tu es sûr que ça va aller ? Tu devrais te reposer encore un peu, lui conseilla le garçon aux yeux cramoisis.

– Je me suis suffisamment reposé pour le moment, répliqua Seven qui s'était avancé vers ses vêtements pour les enfiler rapidement. J'ai une affaire à régler. Je n'avais même pas l'intention de me rendre à Garnet, à la base. »


Shira ne répondit pas, et regarda Seven se rhabiller, et préparer ses affaires. Il aurait voulu l'en empêcher, le persuader qu'il valait mieux pour lui de rester couché encore quelques heures. Mais peu importe ce qu'il lui dirait, le plus grand ne reviendrait pas sur sa décision. Le Xenois détourna alors son regard en souriant légèrement.


« Est-ce qu'on se reverra un jour ? »


Une telle question étonna Seven, qui se tourna vers lui en le regardant silencieusement pendant quelques secondes.


« Mieux vaut qu'on ne se revoit plus, lui répondit-il.

– Étrangement, je savais que tu me répondrais quelque chose de ce genre. »


Sur ces mots, le jeune garçon se releva de sa chaise, et s'approcha de Seven, tout en détachant quelque chose de son poignet. Il saisit ensuite doucement le poignet du plus âgé, à la surprise de celui-ci, et y attacha cette même chose. Il s'agissait d'un beau bracelet avec des perles en bois colorés, principalement en rouge et en beige.


« Là d'où je viens, on dit qu'un tel bracelet porte bonheur à celui qui le possède, expliqua Shira en souriant. Je pense que tu en auras plus besoin que moi, alors je te le donne. Considère-le comme mon cadeau d'adieu. »


Seven ne savait pas comment réagir. Il ne s'attendait pas à recevoir un tel présent de la part de quelqu'un. Cela faisait bien longtemps qu'on ne lui avait pas offert de cadeau. L'ombre d'un sourire semblait se dessiner sur ses lèvres, alors qu'il observait Shira. Ce garçon était la générosité et l'innocence incarnées. Pour le coup, l'assassin regrettait de s'être montré aussi dur envers lui. En d'autres circonstances, les deux jeunes hommes auraient pu être amis. Mais Seven savait que c'était impossible. Et cela lui laissait un sentiment d'amertume au plus profond de lui-même. Néanmoins, il ne laissa pas ce dernier l'envahir.


« Merci, Shira. Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi.

– Où que tu ailles, sois prudent. D'accord ?

– Je vais essayer... »


Seven était à présent prêt à s'en aller. Revêtu, recoiffé, et ses armes et autres affaires rangées, il regarda une dernière fois celui grâce à qui il était encore en vie aujourd'hui. Savoir qu'il ne le reverrait plus jamais lui faisait un petit pincement au coeur, mais d'un autre côté, cela le soulageait. Côtoyer un assassin, et qui plus est un assassin du Mortem Regis qui avait commit un régicide, n'apportait jamais rien de bon après tout.


« Même si tu préfères qu'on ne se revoit plus, j'espère tout de même que nos chemin se recroiseront un jour où l'autre, confia Shira. En tout cas, ce fut un plaisir de te connaître, Seven. Porte-toi bien !

– Toi aussi. » lui retourna l'assassin, avant de finalement tourner le dos au jeune garçon afin de se diriger vers la porte de la chambre, pour sortir de celle-ci.

Au même instant, au palais royal de Vopaqua, le roi Othéo venait de frapper son poing contre son bureau, visiblement en colère. Les nouvelles concernant les tragédies de la veille étaient parvenues jusqu'à la nation des océans. Et savoir que quelqu'un s'en était pris à sa fille rendait le souverain fou.


« Si je mets la main sur celui qui a osé... » grogna-t-il en serrant ses dents, tant il était frustré de ne pas avoir pu empêcher cette tentative de meurtre. La reine Saya, debout non loin de lui, tenta de le calmer.


« Chéri, je sais que tout cela est inquiétant, mais essaye de garder ton sang froid. Ewen est toujours en vie et va bien. C'est le principal. »


Othéo savait que son épouse avait raison. Cela ne servait à rien de se mettre dans un tel état. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Surtout que sa fille aînée n'était pas à l'abri d'une seconde attaque envers sa personne.


« Le mieux, c'est de la faire revenir ici, parla-t-il alors. Après tous ces événements tragiques, personne n'est à l'abri de rien. Je préfère savoir Ewen ici plutôt qu'ailleurs.

– Je suis d'accord, approuva la reine. Mais elle avait l'air de vraiment vouloir retrouver l'assassin de Moreh. Est-ce qu'elle acceptera de mettre son enquête de côté pour revenir ?

– Elle ne peut pas se mettre en danger de la sorte juste pour ça. »


Saya ne répondit pas. Elle comprenait que trop bien son mari. Elle aussi se faisait du sang d'encre pour sa fille, et voulait la voir rentrer saine et sauve. Mais connaissant l'entêtement d'Ewen, elle se demandait si celle-ci accepterait de rentrer à Vopaqua, ou si elle continuerait ses recherches.

A Redfir, et plus précisément au palais royal, Ewen observait les dégâts qu'avaient provoqué son combat contre le mystérieux tueur dans les appartements que lui avait alloué la reine Nefer. Le lit était défait avec les couvertures déchirées à certains endroits, les tables et les placards étaient écrasés, et des morceaux de la vitre brisée jonchaient le sol. Un courant d'air frais provenant de cette fameuse vitre se mit à souffler dans toute la pièce, donnant quelques frissons à la princesse aux cheveux bleus qui avait porté ses mains au niveau de ses bras pour tenter de se réchauffer. Mais son regard était perdu dans le vide. La jeune fille ne pouvait pas s'empêcher de remémorer la confrontation qu'elle avait eue avec celui qui avait assassiné Moreh, et qui avait tenté de la tuer ensuite. Elle s'était attendu à un individu vil et sans pitié, mais le tueur s'était finalement avéré être un jeune homme qui avait hésité à l'achever lorsqu'il le pouvait. Pourquoi, d'ailleurs ? En y réfléchissant, Ewen se souvenait que cet homme disait que les deux se connaissaient.


« Si on s'est réellement connu, pourquoi est-ce que je n'ai aucun souvenir de lui ? » se demanda-t-elle, plus confuse que jamais. Mais elle sentit quelque chose lui couvrir les épaules, et tourna sa tête pour voir Harvay qui était entré dans la chambre, et qui avait enlevé sa veste pour recouvrir sa princesse avec.


« Tu risques d'attraper froid avec ce courant d'air. » lui fit-il remarquer en souriant légèrement. Ewen lui rendit son sourire mais ne dit rien, et regarda à nouveau la pièce en désordre.


« Tu es encore sous le choc par rapport à ce qui s'est passé cette nuit ? lui demanda le blond, l'air un peu inquiet.

– Non, je vais bien. Par contre... »


La princesse bloqua dans sa phrase, l'air pensive. Devait-elle révéler que l'assassin avait l'air de la connaître personnellement ? Devait-elle lui parler de cette aura terrifiante qu'elle avait cru voir autour de lui, et de cette force surprenante qu'il possédait ? La bleue ne savait pas vraiment comment gérer cette histoire pour le moment. En voyant qu'elle n'avait pas achevé sa phrase, Harvay passa devant elle en posant sa main sur son épaule:


« Si quelque chose te tracasse, tu peux m'en parler Ewen. C'est en partie pour ça que je suis venu avec toi. Pour t'aider et te soutenir.

– Je sais, lui répondit la concernée. Et d'ailleurs, je te remercie pour ça. Seulement, cette rencontre avec ce supposé tueur m'a surprise. Il semblait jeune, contrairement à ce que j'imaginais.

– Jeune ? s'étonna le serviteur.

– Je pense qu'il avait à peu près mon âge. »


Harvay fut de plus en plus étonné par ces révélations. Comment une personne aussi jeune avait-elle pu tuer Moreh, et attenter à la vie d'Ewen quelques jours après ? Il ne s'était pas attendu à cela.


« Jeune ou pas, parla-t-il d'un air sérieux, cela n'excuse pas les crimes qu'il a commis. Et il doit être puni au même titre que n'importe quel autre criminel.

– Je le sais bien. Et ce n'est pas ce détail qui m'empêchera de continuer à tout faire pour le retrouver et l'arrêter, assura la princesse. Mais... J'ai l'étrange impression qu'il ne voulait pas vraiment me tuer.

– Comment ça ?

– S'il le désirait réellement, il avait largement le temps de m'éliminer. Mais il ne l'a pas fait malgré l'occasion qui se présentait à lui. Dans un certains sens, je devrais m'estimer chanceuse. Mais je trouve un tel comportement pas très cohérent avec le reste. »


Harvay observa silencieusement la plus jeune, tout en réfléchissant à ce qu'elle venait de lui raconter. Quel était donc le but de ce tueur ? Et pourquoi toutes ces attaques envers les familles royales de Kaärann se multipliaient de la sorte ? Le blond avait un mauvais pressentiment vis à vis de cette histoire.


« Comment vont Dame Nefer et Liz ? demanda alors Ewen, comme pour changer de sujet.

– Nefer est très occupée en ce moment. Elle a déployé son armée dans tout Redfir pour tenter de retrouver notre homme. Quant à la princesse Liz, elle n'a pas quitté sa chambre, et elle ne reparle toujours pas. »


La princesse Vopaquine croisa les bras en déambulant un peu à travers la chambre, sous les yeux d'Harvay qui ne bougeait pas de là où il était.


« L'assassin de sa Majesté Moreh qui tente de m'assassiner, et pendant ce temps, le prince Aelan qui se fait tuer à son tour... rappela Ewen tout en marchant. Je suis persuadée que tous ces crimes sont liés.

– Tu penses que ce sont des rebelles qui cherchent à faire une quelconque révolution sur tout le continent en tuant ses souverains ?

– Je ne sais pas. Mais en tout cas, ils ont l'air de savoir se battre, et semblent très doués pour s'infiltrer dans les châteaux et abattre n'importe qui. »


En plus d'avoir des capacités hors du commun, se disait-elle pour elle-même.


Ewena sentait qu'elle s'approchait petit à petit de la vérité. De plus, l'hypothèse qu'elle s'était imaginée concernant tous ces meurtres en série touchant les personnes de sang noble ou royal, avait l'air plus que plausible. Il fallait qu'elle continue à réfléchir là-dessus. Alors qu'elle avait ordonné à Harvay de retourner auprès de Liz pour veiller sur elle, la princesse aux cheveux bleus se dirigea vers une petite table à côté du lit, sur laquelle était posé un carnet. C'était là-dedans qu'elle consignait tout ce qu'elle savait au sujet de toutes ces tueries. Elle voulait vérifier certaines informations qu'elle avait récoltées jusque là.



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