La Fuite

Chapitre 1 : Faim

3663 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/03/2021 17:47

Jour : 15 octobre 2212

Lieu : Europe Unie – Région de l’ancienne France – devant une grande surface

 

Cela fait quatre-vingt années que les pays de l’ancienne Union Européenne ne font plus qu’un. L’Europe Unie a toujours été une grande réussite jusqu’à il y a dix-sept ans de cela. L’âge de mon petit frère. Il y a dix-sept ans beaucoup ont commencé à sentir le danger. Un horrible et monstrueux coup d’état qui me mène là. Aujourd’hui. Devant cette grande surface.

Mon ventre grogne. Il grogne depuis dix-sept ans. J’en ai vingt-deux. J’ai faim. Comme tout le monde. Je suis plantée là, les gouttes de pluie fouettent mon visage. Je sais ce que je risque. Mais je pense à mon frère, je pense à mes parents. Je ne ressens pas la peur. Une voiture passe derrière moi, m’aspergeant d’eau. C’est mon top départ. Le pas tranquille je rentre dans la grande surface. A cette heure-ci beaucoup de monde s’entrecroisent et se suivent. Ma capuche sur la tête, je passe les portiques. L’homme de la sécurité s’avance vers moi.

- On enlève sa capuche.

- Excuse-moi, je l’avais oubliée.

Je retire ma capuche, dévoilant mon visage. Le vigile me sourit. On peut reconnaitre mes cheveux noirs de jais coupés à la garçonne, mes yeux de la même couleur et mes lèvres pulpeuses. Mon regard sombre fixe rapidement la caméra. Si je suis prise tout le monde saura qui je suis. Je n’ai pas peur. Je me suis préparée.

Dans le magasin, les gens regardent les prix, se baissent pour prendre les produits les moins chers. Toute cette nourriture me donne faim. Mais je dois faire un choix. Ce que je prends doit passer sous mon gilet et doit nourrir. Ma mère a besoin de quelque chose de consistant. Elle est si faible ces jours-ci que je me demande si se seront ses derniers. J’ai besoin en tout cas de nourriture plus consistante que ce que j’arrive à avoir avec le peu d’argent que j’obtiens lorsque je fais la manche.

Viande froide, car on n’a plus de gaz depuis trente-deux jours, fromage, oranges, pour le manque d’énergie. Mes courses sont faites. Mais je ne passerai pas par la caisse. Ces trois ingrédients sont déjà beaucoup trop chers et les tickets-resto qu’on nous donne ne me permet pas d’acheter assez pour nous trois. Surtout la viande. Je passe donc par l’entrée, faisant mine de n’avoir rien pris. Le vigile me sourit. J’ai longtemps travaillé ici avant d’être l’énième victime d’un licenciement économique.

- Tu peux maintenant la remettre.

- De quoi ?

- Ta capuche.

En levant les bras pour m’exécuter, mon gilet laisse entrevoir le paquet de jambon. Mon regard croise rapidement celui du vigile. Je sais qu’il l’a vu. Il secoue la tête, murmure rapidement un « désolé » et se tend tel un lion qui va bondir sur sa proie. Je suis prise sur le fait. J’ai le choix entre rester là et avoir une petite peine de six semaines ou partir et nourrir ma famille. Je n’ai que quelques centièmes de seconde pour faire ce choix. Et c’est mon corps qui le fait pour moi. Mes jambes me propulsent et je sors en courant de la grande surface. J’entends l’homme de la sécurité appeler ses collègues et quand j’arrive à la sortie une vision d’effroi m’atteint : une voiture de la patrouille policière est sur le parking. Vous savez, ce genre de véhicule ultra blindé, avec des caméras partout qui te rappellent bien à quel point ici, dans ce pays, tout le monde observe tout le monde. Mais qu’est-ce qu’ils font là ?! D’après mes analyses, ils ne passent que le mercredi et le samedi ! Derrière, le vigile continue de me poursuivre. Où aller ? Mon cerveau n’a pas le temps de réfléchir que mon corps va déjà sur la droite, vers l’usine désaffectée.

Mon cœur bat trop vite, mes jambes fatiguent, mais mon esprit est toujours clair. Même lorsque j’entends l’alarme des policiers je ne panique pas. Là où je vais, ils ne pourront pas prendre la voiture. Aussi sophistiquée qu’elle soit, elle n’a pas ma petite taille et ma souplesse. Rien à voir avec les Transformers dont mon père était si fan. Et ma petite taille me permet de me cacher absolument partout. J’arrive à l’usine. Les pneus derrière moi crissent sur les graviers.

 

J’entends la voix du vigile dans un talkie-walkie. Il me décrit :

« Elle mesure 1m52, elle est plutôt maigre. Elle a des cheveux très noirs et la peau très pâle… on dirait l’une de ces gothiques qui fument dans l’angle du supermarché. Mais j’crois qu’elle ne fume pas, elle. Enfin… j’l’ai jamais chopé à le faire. Elle a été virée du magasin y’a un an de c’la. On l’avait surprise à piquer dans les réserves. Elle passait toujours discret, alors j’pense qu’elle peut bien s’cacher »

Le policier demande alors mon nom, mon âge et celui de ma famille.

« Soa Lundor, 22 ans. Son père était Jonathan Lundor, le sportif mort d’overdose y’a cinq ans. Elle a une mère de santé fragile… J’crois qu’elle s’appelle Alyssa, ou Alice… elle est d’origine grecque j’crois. Ah ! Elle a aussi un p’tit frère de dix-sept ans, Alec. Il a aussi bossé là. »

En entendant ses informations, je sus que mon ancienne collègue était à ses côtés. Seule elle savait que ma mère était malade. Je ne lui en veux pas, elle aussi est victime de pression, elle aussi a une famille.

 

Je suis dans l’usine, dans un carton. Je vois d’un petit trou le faisceau de leurs lampe-torches. Leurs pas sont silencieux et leurs armes sorties. C’est une traque. Les félins cherchent avidement leur proie. Une promotion est peut-être à la clé.

Je suis mal installée, mes jambes sont douloureuses. Mais je ne dois pas bouger. Ils me repèreraient. Soudain la voix du plus grand des deux policiers résonne dans le bâtiment délabré.

- Soa. Tu es jeune. Tu as encore de belles années devant toi. Plus vite tu te montres, moins ta peine de prison sera longue. Nous sommes bien trop nombreux par rapport à toi. Des renforts arrivent. La fuite ne résout rien, elle aggrave les choses.

Sa voix est rauque, montrant son addiction au tabac. Puis soudain une voix plus agréable retentit.

- Tu sais ce qui va se passer si tu ne te montres pas. N’inflige pas ça à ta mère, à ton frère. Interrogatoires, tortures, fin des aides sociales, rejet de la société. Montre-toi.

Les images défilent alors dans ma tête. Ma mère ne tiendrait pas, mon frère peut-être mais il en sortira si faible. Pourtant je ne veux pas me montrer. Ce serait ma fin. Je le sais, j’ai vu tellement de personne sortir de prison. D’autres policiers entrent dans le vieux bâtiment fait de taule. Ils sont tous armés, comme si j’étais une terroriste. Je ne suis pourtant qu’une personne qui a volé un peu de jambon, de fromage et trois oranges. Rien de plus. Mon casier est vierge. J’ai toujours suivi les règles à la lettre.

« Non calme-toi », pensais-je. Deux policiers s’approchent de ma cachette, ils commencent à fouiller les cartons. Bientôt, je serai découverte. Il faut que je trouve le bon moment pour fuir. C’est soit la fuite, soit la prison.

 

Au total il y a neuf policiers. Les deux premiers à être arrivés sont à l’étage avec une femme. Trois autres sont partis faire un tour de repérage à l’extérieur. Il n’y a donc plus que trois policiers avec moi. L’un observe tout du centre, arme et lampe en main. Le plus musclé ouvre, sans s’inquiéter, les cartons à l’aide d’un couteau. Son arme est attachée à sa ceinture. Il a aussi un taser. Le troisième, le plus proche de moi, est assez âgé, il prend du temps à se pencher pour ouvrir les cartons. Pourtant son regard semble froid. Il me fait peur.

« Analyse Soa ! Analyse ! » Il n’y a qu’une porte au bâtiment, devant celle-ci se trouve la voiture de la police. Si je cours assez vite je pourrais l’atteindre. Je ne sais pas conduire, mais une fois, avec un ami j’ai passé la deuxième sur un parking, le reste devait probablement être tout autant logique. Reste le problème du policier au centre de la pièce. Il faut que je détourne son attention. Mais comme si le destin est avec moi, son collègue au couteau pousse un énorme juron.

- Tais-toi, Slimane ! J’essaie de l’entendre.

- Tu crois franchement qu’elle va faire du bruit. Elle n’est pas conne.

J’y vais ! Son attention est occupée. Il n’y aura pas d’autre moment ! Je jaillis du carton et je m’élance vers la sortie. Quand je l’aurais atteint, je monterai dans le véhicule et je les laisserai sur place. « Echec et mat, guys ! »

Deux coups de feu retentirent. Les deux me manquent de peu et la peur d’être touchée me fait perdre une orange. Tant pis, c’était ma part. Maman et Alec ont toujours les leur. Je franchis la sortie. Plus que quelques pas et je suis dans la voiture. Les feux sont allumés, les clés sont donc sur le moteur. Je souris face à leur échec. Mais j’ignore que la voiture ne démarrera pas si ce ne sont pas les bonnes empreintes digitales sur le volant. Chez moi, on n’a jamais eu de voiture. Au meilleur des cas, mon père avait le droit d’avoir un chauffeur quand son équipe lui avait pris un rendez-vous urgent. Mais j’ignore tout ça et j’imagine leur déception de voir leur promotion s’envoler.

Un tir retenti. Mon talon est touché. Le tireur est précis. Il veut me stopper, pas me tuer. Je vois deux policiers arriver de l’angle. Je ne pourrai pas atteindre la voiture, ils sont bien plus rapides que moi. Mon seul choix est de courir aussi loin que je puisse. Essayer d’atteindre le bois en bas de l’usine. Les tirs retentissent encore et j’entends l’un des policiers, celui à la voix de fumeur, crier :

- Ne la tuez pas ! Je veux l’interroger !

Les policiers sont finalement plutôt lents. Ou bien est-ce l’adrénaline qui me fait courir plus vite ? Dans une cinquantaine de mètres j’atteindrai le bois. La descente m’évite d’appuyer sur mon talon. Je n’ai pas le temps de regarder derrière moi. Mais je sais qu’ils sont encore assez loin. Le moteur d’une voiture grogne en haut. Le conducteur doit avoir mis le pied au plancher, les voitures font en effet très peu de bruit en temps normal. Il ne va quand même pas tenter une descente ? Pourtant les phares se rapprochent. Les arbres aussi. Pourvu que le destin reste avec moi. Cela va se jouer à quelques secondes.

Au moment où j’entre dans le bois, la voiture se stoppe. J’entends une porte s’ouvrir. Je continue ma course. Les pas de l’autre sont juste derrière moi. Quand soudain il m’attrape par la capuche. Déséquilibrée par la douleur de mon talon, je tombe. C’est fini.

Le policier se couche sur moi. C’est celui à la voix douce. Nos fortes respirations nous empêchent de parler. L’homme me retourne violemment sur le ventre. Prenant brutalement mes mains, il les place dans mon dos et les emprisonne dans une paire de menottes.

- Tu m’auras fait courir, ma belle !

Je tente de fixer mes yeux dans les siens. Son regard est doux, presque compréhensif. Ça me donne encore plus de sueurs froides.

- Donner-les. Donner-les leur. Ma mère ne tiendra pas longtemps. Dites-leur que j’ai voulu les aider.

- Mademoiselle Lundor Soa vous êtes en état d'arrestation pour vol et délit de fuite. Vous avez le droit de garder le silence, si vous ne voulez pas exercer ce droit, tout ce que vous direz sera utilisé contre vous. Vous avez le droit à un avocat, si vous n'en avez pas les moyens un avocat d'office pourra vous être accordé par la cour. Si vous choisissez de parler à un officier de police, vous avez le droit de mettre fin à l'interrogatoire à tout moment. Avez-vous compris ce que j'ai dit ? Voulez-vous répondre à nos questions sans un avocat ?

- Oui, j’ai compris, je ne suis pas idiote non plus !

Il me soulève de terre au moment où ses collègues arrivent.

- Bien joué, Rosset. Tu lui as dit ses droits ?

- Bien sûr, chef.

- Bonjour Soa. J’imagine que tu veux un avocat.

- Oui. Je ne parlerais qu’en sa présence.

- T’en as un ?

- Oui, Madame Sondrise.

- Très bien, on va l’appeler. Rosset, tu la fais monter dans la voiture. Je monte avec vous.

 

La cellule était petite. Pas de fenêtre, seulement une porte en verre armé. J’avais été fouillée par une policière. Ma ceinture m’avait été retiré, tout comme mon gilet et mes chaussures. Mon talon me faisait mal. Il avait été pansé par l’infirmière. Elle avait dû en retirer la balle. « Un tir hors du commun », avait-elle commenté en regardant le policier dénommé Rosset.

Je m’étais sagement assise sur le banc de ma cellule et depuis je n’avais pas bougé. Je ne regrette pas mon geste. J’avais le droit à un appel. Certainement le dernier. En prison il n’y a pas de contact avec l’extérieur. Je compose le numéro de ma mère. C’est Alec qui décroche.

- Passe-moi maman.

- Tu es où ? Maman est terriblement inquiète ! Tu sais qu’elle n’a pas besoin de ça, surtout en ce moment.

- Passe-moi maman.

Alec soupire. J’entends par le combiné le pas lent de ma mère.

- Soa chérie, tu es où ?

- Maman, ne t’inquiète pas. Je pars. Je vais essayer de rejoindre l’Angleterre. Je vous enverrai de l’argent. C’est tout ce qu’il nous reste à faire.

- Non, reste. J’ai besoin de toi.

- Tu as Alec.

- Tu seras si loin.

- Maman. Ce n’est pas une question. Je pars. Et je ne veux pas que tu t’inquiètes. Surtout pas. Je t’aime.

Je raccroche alors, étouffant les paroles de ma mère et mes propres larmes. Le policier à la voix rauque lève un sourcil.

- J’ai 22 ans. Si je connais bien les règles, vous n’êtes pas obligé d’informer ma famille sur mon emprisonnement.

- C’est bien le cas.

- Soa ! crie la voix si familière de Lucie Sondrise. Tu n’as rien dit rassure-moi.

- Que le strict minimum, comme tu me l’as dit.

- Parfait. Ton interrogatoire a lieu dans dix minutes. Allons-nous préparer.

 

La salle d’interrogatoire ressemblait à celles des films que mon père avait illégalement obtenus. La pièce est sombre, éclairée d’une simple ampoule. Mes mains sont toujours menottées. Lucie est à côté de moi. Le policier à la voix douce entre.

- Bonjour, Soa. Bien dormi ?

Je regarde Lucie qui me fit signe de répondre.

- Ça va. Le banc est un peu dur.

- Tu as besoin de quelque chose ? Un café peut-être.

- Non merci.

- Bon alors commençons.

Il lance alors l’enregistrement audio-visuel.

- Vendredi 16 octobre 2122, interrogatoire de mademoiselle Lundor Soa par l’officier de police Umbre Rosset. Mademoiselle Lundor. Veuillez répondre à mes questions.

S’ensuit alors une quantité astronomique de questions bateaux : « Êtes-vous bien Soa Lundor, fille de Jonathan et Alyssa Lundor ? » Oui. « Êtes-vous bien née le 10 juin 2190 à Paris ? » Oui. « Êtes-vous bien au chômage depuis six mois ? » Oui. « Vivez-vous bien avec votre mère et votre frère, Alec Lundor ? » Oui. « Êtes-vous bien célibataire ? » Oui. (Enfin c’est tout comme) « Êtes-vous bien... ». C’est insupportable. Comment peuvent-ils savoir autant de choses sur moi. Ils savent même le nom de mon ex-copine, mon salaire, ce que je fais sur le net. Pourtant j’ai toujours refusé la puce.

- Bon, vous êtes ici car on vous accuse de vol alimentaire et de délit de fuite hier, soit le jeudi 15 octobre 2122. Niez-vous ces faits.

- Non, mais je…

- Vous vous proclamez donc coupable.

- Pas vraiment, non.

Umbre Rosset lève alors la tête de ses notes et sourit.

- Si ce n’est pas vous, qui est le coupable ?

- Vous, eux, le gouvernement. Vous qui nous laissez mourir de faim, de froid et de fatigue. Vous dites être la justice, mais vous nous tuez tous à petit feu. On n’a rien dit, on a pensé que ça irait mieux, que ce n’était qu’une mauvaise passade. Mais quand on vous voit vous goinfrer, vous faire d’immenses soirées alors que nous, à côté, on boit de l’eau non-potable alors on se dit qu’on a été assez con pour vous faire confiance !  

- Soa, calme-toi, ça ne va rien arranger, m’interrompt alors Lucie.

- Arranger quoi, Lucie ? Je suis déjà fichue !

- Bon, reprend alors l’officier en m’ignorant. Je ne vais pas vous mentir. Tout est contre vous : images, témoin, fuite, discours … Vous n’allez donc pas être juger mais directement envoyer en prison pour une durée de dix-huit mois.

- Quoi, s’indigne alors Lucie. Mais où est la démocratie ? Pourquoi m’avez-vous fait venir alors !

- C’est la loi madame.

Lucie me regarde d’un air désolé. Je lui souris et pris sa main aussi maigre que la mienne.

- Surtout promet-moi de ne rien dire à maman et Alec. Jure-le-moi.

- Je te le promets Soa. Reviens vite et ne fais pas de bêtises.

Lucie sort et je me retrouve alors seule face à celui qui a brisé ma vie.

- Un an et demi, c’est plutôt court, tu verras quand tu seras sortie.

- Si jamais je m’en sors…

- C’est sûr que ce n’est pas ce genre de discours qui va t’aider…

 

Le chemin en voiture vers la prison est long. Je ne sais même pas à quoi m’attendre. Ceux qui en sortent n’ont pas le droit d’en parler. De temps en temps l’officier me jette un regard par le rétroviseur. Je me demande à quoi il pense. S’il est heureux d’avoir gâché ma vie. S’il rigole à l’idée de me voir entre quatre murs. S’il est fier de lui. Peu à peu se développe en moi une toute nouvelle sensation. De la noirceur. De la haine. Du désir de revanche. « Je n’en ai pas terminé avec toi, Umbre. »

 

_______

 

Ce n’est qu’une gamine. Pendant l’interrogatoire j’avais vu de l’innocence pure. Quand je lui ai annoncé sa peine, il n’y eut même pas de surprise. La prison allait la changer. Radicalement. Peut-être même qu’elle deviendra une fille à problèmes. Mais je ne regrette pas de l’avoir arrêter. Moi aussi j’ai faim. Ma fille de huit mois a faim. Ma tendre femme a faim. Peut-être moins qu’elle, mais justement, je ne veux pas avoir faim comme elle. Alors j’agis.

- Hé, Soa. Je le leur ai donné.

Soa lève la tête. Une larme perle dans le coin de son œil.

- Merci.

- Ne me remercie pas. C’est la procédure, mentit-il. On arrive.

 

_______

 

Le bâtiment est imposant. Sale. Effrayant. Autour, c’est le désert. Tout a été rasé. Même l’herbe. La voiture dans laquelle je me trouve entre lentement. L’angoisse m’envahit. Je commence à gesticuler.

- Ne me faites pas entrer là-dedans. Je sens le mal. Je vous en prie. Tout sauf ça. Tuez-moi plutôt.

- Allons Soa, ce n’est qu’un an et demi.

- Non je vous en prie ! Ce n’est pas fait pour moi. Je ferais tout ce que vous voulez. S’il-vous-plait. Ne me laissez pas là-dedans ! Je ne tiendrais jamais ici !

Mais la voiture continue d’avancer. Et lentement je me fais engloutir par l’ombre imposante que projette la prison.

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