Kinzoku no Ryōshu : Les Seigneurs du Metal

Chapitre 3 : Fresque macabre

5264 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/10/2021 22:32

Mathieu pensait qu'il serait le seul à avoir pris position autour du lycée, mais il n'en était rien. Lui aussi sans en avoir conscience était observé depuis un long moment. Bien dissimulés à l'intérieur d'une voiture noire aux vitres teintées et se trouvant garée à bonne distance sur le parking d'un petit centre commercial au milieu de nombreux autres véhicules, trois hommes guettaient dans l'ombre, habillés d'habits sombres. Mais malgré leur aspect civil, tous les trois cachaient des pistolets browning sous leurs vestes. L'un d'eux, celui du côté avant passager, avait entrouvert la vitre de son côté et depuis quelques minutes, observait avec attention la position et les agissements de Mathieu grâce à une paire de jumelles très sophistiquée et high-tech, capable de mesurer la distance exacte entre l'observateur et la cible. Mathieu, ne se doutant de rien et après avoir observé la confrontation entre Mariko et la bande de lycéens, décida de changer de poste d'observation et d'un pas nonchalant, se dirigea vers sa prochaine position.

_"Il bouge ça y est... Il se dirige vers le nord." avertit le guetteur d'une voix glaçante et calme, coupée d'un fort accent allemand.

_"Qu'est ce qu'on fait? On tente le coup? Suffit d'attendre que la fille sorte du lycée, qu'on la suive et on la chope ni vu ni connu." répondit celui qui se trouvait à l’arrière, révélant un accent américain prononcé. Le troisième individu, assis derrière le volant et paraissant être le chef du trio, secoua nonchalamment la tête face à cette suggestion.

_"Trop risqué. Le jeune au chapeau est toujours dans le coin, et à trois seulement on a aucune chance contre lui. Il est déjà fort tout seul, mais si cet enfoiré de Rob s'amène pour l'aider, on est foutu." maugréa le conducteur, révélant un accent russe dans sa voix grave et autoritaire.

L’homme assis sur la banquette arrière parut renfrogné à l'idée que son plan soit rejeté, mais dut reconnaître que son collègue n'avait pas tort pour autant. Jetant le reste de sa clope hors de la voiture, l'allemand prit une décision et s'empara de son téléphone portable dans sa poche.

_"Faut prévenir Krügger de la situation. Il saura quoi faire, lui."

Les deux autres parurent d'accord avec lui. Le russe se laissa retomber sur le dossier de son siège en cuir, soufflant d'ennui et pour tuer le temps, prit une rasade d'alcool dans une petite flasque métallique accrochée à sa ceinture. Dans le même temps, l’américain jetait des coups vers le parking, son regard se posant quelques instants sur le passage d'une jeune et belle femme s'en allant vers ses courses. L'allemand quant à lui fit glisser son doigt sur l'écran tactile, faisant défiler la liste des contacts jusqu'à trouver le bon. Appuyant sur le logo d'appel, il porta l'appareil à son oreille. Quelques sonneries plus tard, une voix d'un timbre calme mais très sombre et elle aussi avec un accent germain très grave, répondit finalement.

_"C'est toi, Herman? Qu'est ce que tu veux?"

_"Patron, on est toujours à proximité du lycée. La fille vient de se battre avec d'autres élèves et..."

_"Et qu'est ce que tu veux que ça me foute?" l'interrompit froidement la voix de celui nommé Krügger à l'autre bout du téléphone. "C'est pour ça que tu m'appelles et me fait perdre mon temps? J'espère pour toi que t'as une bonne raison, Herman."

Herman déglutit devant l'avertissement de son boss, mais put tout de suite s'expliquer.

_"Je sais, mais y a un hic, patron. On a repéré un des protégés de Rob. Le jeune français qui a le chapeau noir et les cheveux longs. Il arrête pas de roder autour du lycée depuis ce matin. Il s'intéresse lui aussi à la fille, pas de doute."

Suite à cette révélation, un pesant silence de plusieurs secondes se fit à l'autre bout du fil. Herman leva un sourcil, mais alors qu'il s'apprêtait à demander si son boss était toujours là, entendit de nouveau sa voix ferme et décidée.

_"Si Rob veut jouer à ça, il va me trouver… Herman. Toi, Hicks et Grigory, restez en position et continuez de surveiller l'autre. Ne le perdez pas de vue une seule seconde. Si jamais vous le laissez filer, vous en répondrez devant le grand patron, c’est clair ?"

_"Très… très clair, boss." balbutia Herman.

_"Pendant ce temps, on va préparer le matériel et ce soir, on attaque. La chasse est ouverte messieurs… On va avoir deux coeurs pour le prix d’un." ajouta Krügger avant de raccrocher le téléphone, laissant ses trois hommes de main avec les ordres à suivre.


De son côté, Mathieu continuait à marcher sur le trottoir au milieu des passants comme si de rien n'était, attirant quelque peu des regards curieux sur lui à cause de son accoutrement singulier, mais rien de plus. Le jeune homme se saisit de son téléphone portable et après avoir sélectionné un numéro, se glissa discrètement dans le recoin d'une impasse déserte entre deux bâtiments pour parler.

_"Ouais, c'est moi..." dit-il d'une voix discrète et jetant un rapide coup d'oeil par précaution hors de l'impasse "… Ils sont bien là, comme tu l'avais dit et ils en ont après la petite, c'est sûr. J'en ai remarqué trois dans une voiture, ils me surveillaient… Non, ils ont pas grillé que je les avais remarqués, quelle bande d'amateurs… Je fais quoi? Je les zigouillent maintenant?"

À l'autre bout de la conversation téléphonique, Rob était assis dans le canapé miteux se trouvant dans leur repaire à la vieille usine d'informatique, et tout en fumant une cigarette, regardait d'un air hasardeux vers l'extérieur, la lumière du jour venant se refléter sur la surface de ses lunettes noires.

_"Non, ne fais rien pour l'instant." lui indiqua Rob "...Tu connais Armin Krügger. Si trois de ses gars se font buter dans l'instant, il se rendra compte qu'on l'a percé à jour. Continue ta surveillance et à faire mine de rien. Ce soir, quand ils passeront à l'offensive, c'est là que t'interviendra."

_"Tu veux utiliser Mariko comme appât pour attirer Armin hors de son trou, c'est ça?" demanda Mathieu quelque peu perplexe, mais avec le petit blanc suite à sa question, sentit qu'il avait deviné juste.

Rob s'expliqua cependant sur les motivations et les risques que comportait un tel plan.

_"Crois moi, j'aime pas ce plan, mais on aura pas d'autres occasions. Il faut absolument qu'on élimine Armin. Sans lui, leur précieuse organisation sera perdue."

_"Mais… tu crois qu'il va mordre? Armin est du genre sanguin je te l’accorde, mais il est pas complètement débile. Il va sentir le coup fourré tu crois pas?" demanda Mathieu, pas vraiment convaincu par la fiabilité de ce plan.

De son côté, Rob sourit de manière cynique en laissant tomber quelques cendres à ses pieds.

_"L'un des grands coeurs est ici, à portée de sa main, dans la poitrine d'une lycéenne… Il ne ratera pas une occasion pareille de s'illustrer aux yeux de ses supérieurs... Fais moi confiance, c'est son orgueil qui va le perdre."

Mathieu laissa tomber le reste de sa cigarette, l’écrasant sous sa botte, et ne put retenir un rictus de se former sur ses lèvres, son œil malicieux pétillant et faisant légèrement craquer sa nuque comme pour se préparer à se battre.

_ "Dans ce cas… il me tarde d’être à ce soir."


Pendant ce temps…

Après cette altercation contre Hideto et sa bande, Mariko avait conduit sans plus attendre Koichi à l'infirmerie, les saignements de nez de ce dernier ne faisant que s'accentuer. Mais alors que l'infirmière prenait son ami en charge, Mariko fut aussitôt confrontée à la surveillante générale. Évidemment, Asuka ne s'était pas gênée pour aller tout balancer à madame Hirano, en prenant bien sûr soin de se faire passer pour la victime innocente et de désigner Mariko comme la méchante de l'histoire. Mariko soupira. Au fond d'elle, elle se doutait que ça se passerait ainsi et sembla résignée à l'accepter. Dans cette journée déjà bien pourrie, une convocation chez le directeur serait une partie de plaisir comparée aux choses qui s'étaient déroulées ce matin.

C'est ainsi que Mariko se retrouva conduite par madame Hirano jusque dans le bureau du directeur. Sentant la porte se refermer derrière elle, Mariko resta droite malgré tout, regardant à nouveau cet endroit ou elle était déjà venue plusieurs fois. La pièce de taille moyenne était éclairée par la lumière du jour filtrant à travers la magnifique grande baie vitrée se trouvant au fond et offrant une magnifique vue sur le centre-ville et le grand pont plus loin qui chevauchait le fleuve qui la traversait un peu plus loin et séparait la ville en deux. Le soleil apportait également sa lumière aux quelques plantes vertes disposées dans la pièce qui apportait une touche de verdure à cet endroit grisâtre. Mariko s'avança sur la confortable moquette qui composait le sol, pour se diriger vers un grand bureau métallique et très soigneusement rangé. Bureau derrière lequel se trouvait, assis sur un grand siège de cuir brun, un homme élégamment vêtu d'un costard gris-foncé, assorti d'une cravate rouge. Ses cheveux grisonnants plaqués sur son crâne et son visage fermé lui donnait un air encore plus propre sur lui. Occupé à écrire sur une feuille de papier provenant d'une pile de documents très bien rangés sur un côté, il ne daigna même pas jeter un regard sur Mariko à son approche.

_"Asseyez vous, mademoiselle Miyazaki." prononça t-il assez froidement en désignant du doigt le petit siège disposé en face du bureau.

Sentant sans surprise l'agacement dans sa voix, Mariko savait qu'il ne serait pas tendre, mais elle avait l'habitude et s'assied en silence. Pendant que le directeur finissait d'écrire ce document important, Mariko se prit à jeter de rapides coups d'oeil autour d'elle, voyant sur l'un des murs un magnifique portrait du fondateur de l'établissement, posant dignement devant le lycée lorsque sa construction fut achevée dans les années 60.

Une fois l'écriture de son dossier finie, monsieur Haruto Tanaka classa le fichier parmi les autres, redisposant son stylo à un endroit précis, au millimètre près, dévoilant là une tendance maniaque du rangement. Après s'être assuré que tout était à sa place sur son bureau, il retira ses lunettes et se pencha sur le cas de la lycéenne convoquée devant lui.

_"Mademoiselle Miyazaki, je vais être clair..." dit-il avec une contrariété se lisant comme la page d’un livre sur son visage et joignant les phalanges de ses doigts, les faisant craquer entre elles "… Vos convocations à répétition dans mon bureau depuis ces dernières semaines commencent sérieusement à me fatiguer… Retards fréquents, comportement insolent envers les professeurs et les surveillants, et qu'est ce que j’apprends aujourd'hui? Vous vous mettez à agresser physiquement vos camarades de classe et à les blesser sans aucune raison!"

_"C'est votre chère fille qui vous a dit ça, n'est ce pas?" répondit sèchement Mariko.

Le directeur vit rouge et claque le plat de ses mains violemment sur la surface de son bureau, le faisant trembler légèrement mais ne surprit aucunement Mariko qui ne broncha pas.

_"Je vous prierai de changer d'attitude, mademoiselle! Pour qui vous prenez vous?! Vous êtes ici dans mon bureau, à ma demande, c'est donc moi qui pose les questions, pas l'inverse."

Monsieur Tanaka se massa doucement la tempe, essayant de ne pas se laisser emporter par son tempérament impulsif connu de tous dans l'établissement. "Mademoiselle Mariko..." reprit-il sur un ton plus calme mais se disposant toujours tel un juge devant sa victime au tribunal "...Je sais bien les tourments que vous traversez, notamment avec votre père... Je peux comprendre tout à fait que ce n'est pas facile, mais ce n'est pas une raison pour défouler votre colère sur les autres."

Mariko l'écouta déverser sa leçon de moral comme il aimait si bien le faire, se sentant presque l'envie de lui hurler de fermer sa gueule, mais s'en abstint.

_ "Maintenant dites moi pour quelle raison avez-vous attaquer monsieur Hideto et monsieur Koichi?" poursuivit le proviseur en attente d’une explication.

Mariko leva un sourcil, circonspecte, devant la mention du nom de Koichi.

_"Pardon?"

_"Mademoiselle Asuka et d'autres témoins affirment vous avoir vu agresser Koichi Emiya et lui casser le nez. Hideto aurait voulu intervenir pour vous empêcher de continuer, mais vous l'auriez attaquer à son tour, lui assénant plusieurs coups très violents, tout cela sous les yeux d'Asuka et ses amis. Vous auriez ensuite menacée Asuka de lui faire subir la même chose si jamais elle "balançait" comme disent les jeunes, ce qu'elle avait vue."

Devant les révélations du directeur, Mariko resta sans voix, se laissant retomber contre le dossier de la chaise, sidérée et surtout folle de colère. Cette sorcière d'Asuka s'était bien payée sa tête et l'avait dénoncée comme la principale coupable. Quand il s'agissait de jouer la comédie et de manipuler les jugements des autres, elle était une championne toute catégorie et même son père n’y voyait que du feu.

_"Qu'avez vous à dire pour votre défense, mademoiselle?" demanda alors le directeur ne la voyant pas réagir.

_"Rien." souffla tout simplement Mariko, résignée. "Comment pourrais-je me défendre quand je vois dans vos yeux que je suis déjà la coupable."

Monsieur Tanaka hocha doucement la tête, soupirant face à cette réponse piquante de la part de la jeune étudiante. Tirant l'un des tiroirs à la droite de son bureau, il en sortit un carnet et armé de son fidèle stylo, commença à écrire quelques mots.

_"Très bien… Dans ce cas, à partir de maintenant, vous resterez en retenue le soir après les cours avec madame Hirano dans votre classe pour une durée d’une semaine. Et je vous ajoute également deux jours d'exclusion qui prendront effet après votre colle. Estimez vous chanceuse que je ne vous renvoie pas pendant une semaine complète."

Une colle et des jours de renvoi? De mieux en mieux, se dit Mariko vraiment à bout de nerfs mais se retenant d'exploser. C'était décidément la journée des tuiles aujourd'hui. Si elle avait su tout ce qui se passerait, elle serait restée au lit. Après avoir écrit, monsieur Tanaka arracha soigneusement le papier de son carnet et le remettrait à la surveillante générale dans quelques instants.

_"Vous pouvez disposer, mademoiselle Mariko." reprit le directeur e rangeant le carnet et s'apprêtant à retourner à l'écriture de ses documents importants.

Mariko se leva sans dire un mot de plus, l'air morose, et soudain, eut une petite idée vengeresse. Du bout de ses ongles sans que ce dernier ne s'en aperçoive, elle invoqua quelques petites braises incandescentes qu'elle fit léviter jusqu'à sa bouche, soufflant doucement dessus et les envoya directement dans les cheveux de monsieur Tanaka, sans que ce dernier ne remarque rien et commence à ouvrir le premier dossier.

Faisant mine de rien, Mariko commença à se diriger vers la porte. Puis, prenant un faux air surpris, se retourna vers le directeur dont les cheveux commencèrent à voir naître de discrètes petites flammèches sur les tiges de ses cheveux. C'est à cet instant que madame Hirano entra dans le bureau afin de reconduire Mariko en classe, mais à peine pénétra t-elle dans la pièce que la surveillante se figea de stupeur.

_"MONSIEUR LE DIRECTEUR!! VOTRE PERRUQUE EST EN FEU!!" hurla madame Hirano, alors que Mariko juste à côté d'elle, jouait toujours la carte de la fausse surprise, mais intérieurement, se retenait de rire.

À l'interpellation de sa collègue de travail, monsieur Tanaka leva les yeux, voyant effectivement quelques cendres commençant à tomber de sa tête et sentant une légère odeur de brûlé. Pris par surprise et sentant la chaleur augmenter ainsi que des petites flammes se propageant, le directeur saisit sa perruque qui recouvrait le haut de son crâne, révélant ainsi une tête dégarnie sur le dessus, qu'il cachait la plupart du temps. Devant l'urgence de la situation, il jeta malencontreusement la perruque dans la poubelle remplie de papiers juste à côté de son bureau, accentuant le feu qui cette fois prit dans la poubelle toute entière.

Madame Hirano déboula en quatrième vitesse dans le bureau, munie de l'extincteur accroché normalement dans le couloir, et sans plus attendre, en déversa le contenu entier dans la poubelle, noyant les flammes et les éteignant aussitôt, mais plongeant ainsi le bureau entier dans un brouillard opaque et blanc.

_"Madame Hirano, où êtes vous? AÏE! Mon pied!!" clama la voix paniquée du directeur perdu dans les méandres de la purée de pois causée par l'extincteur.

_"Oh, excusez moi monsieur le directeur!" répondit la surveillante, confuse et cherchant elle aussi à retrouver son chemin dans ce désordre sans nom.

Mariko quant à elle, était sortie du bureau et s'éloigna dans le couloir, un sourire fier et discret en coin de lèvres, tandis que d'autres membres du corps enseignant accouraient à la porte du bureau, alertés par les bruits.

_"Hé Mariko, qu'est ce qui se passe dans le bureau du dirlo?" lui demanda un lycéen de la classe B qui passait par là, et lui aussi intrigué par l'attroupement de professeurs devant la porte de monsieur Tanaka, d’où s'échappait une forte fumée et une odeur de cramé.

_"Bah, tu sais comment il est. Il a toujours tendance à s'enflammer pour un rien." répondit-elle en haussant légèrement les épaules, pas peu fier de sa petite vanne dissimulée, avant de poursuivre son chemin vers sa salle de cours, pas vue, pas prise et savourant sa petite vengeance personnelle.


Pendant ce temps…

Une foule de plus en plus importante de passants avait commencée à se former au pied de l'entrée d'un immeuble du centre ville, près du grand parc central. Alertés par les quelques voitures de police laissant retentir leurs sirènes à travers le quartier, les gens s'amassaient, à la fois curieux et inquiets de savoir ce qui se passait. Des policiers avaient formés un cordon de sécurité et empêchait les gens, ainsi que l'équipe de journalistes arrivée sur place il y a quelques minutes, d'approcher du hall d'entrée et de pénétrer à l'intérieur du bâtiment.

Une nouvelle voiture de police arriva, forçant les civils à s'écarter. Une fois passée et garée, la portière s'ouvrit, laissant sortir un policier en uniforme, ainsi que Shiro Miyazaki, portant son grand manteau beige ainsi que son insigne d'inspecteur. Des poches sous les yeux et une migraine carabinée ne le quittant pas depuis ce matin, Shiro prit quelques secondes pour respirer un peu d'air frais, avant de lever les yeux vers l'immeuble concerné par cet appel qu'il avait reçu de son supérieur et l'avait forcé à quitter son lit alors qu'il essayait de cuver.

Passant le cordon de sécurité sans aucun problème tout en montrant son badge de police, Shiro passa la porte d'entrée du hall de l'immeuble, ou se trouvait la rangée de boites aux lettres des résidents actuels. Une fois dépassé le hall, un policier déjà sur place et gardant l'entrée avec un autre collègue, se présenta devant l'inspecteur.

_"Inspecteur Miyazaki." salua respectueusement l'agent, ce à quoi, Shiro lui rendit le salut par un simple hochement de tête mou.

_"Traînons pas dans les formalités. Dites moi ce qui se passe." répondit Shiro, dont la tête le faisait souffrir de mille coups de marteaux et hurlait intérieurement à l'agent de police de parler un peu moins fort.

Le policier s'écarta, laissant passer une petite femme proche de la cinquantaine, les cheveux grisonnants, toute voûtée et montrant une véritable terreur sur son visage.

_"Voici la concierge de l'immeuble. C'est elle qui nous à appelée." précisa le policier avant de la laisser prendre la parole.

_"J'étais en train de déjeuner, quand soudain j'ai entendue des hurlements abominables provenir du cinquième étage, de l'appartement N°14, celui de la famille Izogai. J'ai aussi entendu des bruits de fracas, comme si quelqu'un était en train de tout casser."

Elle parlait d'une voix tremblante, visiblement très choquée par ce qu''elle disait avoir entendue. Shiro avait écouté, quelque peu perplexe devant ces explications.

_"Quand est-ce arrivé et combien de temps ça à duré?" demanda Shiro, faisant signe au passage au policier le suivant de se saisir de son carnet pour prendre note.

Essayant de rassembler ses esprits et faire abstraction de la peur, la concierge réfléchit quelques secondes avant de parler. Bien que pressé par le temps mais trop fatigué pour pouvoir brusquer quiconque, Shiro lui laissa le temps.

_"C'est arrivé… Eh bien… Il devait être à peu près midi et demie, je crois, et ça n'a duré qu'une dizaine de minutes… Je n'ai pas osée aller voir, j'avais bien trop peur et j'ai interdit qu'on entre dans l'appartement avant l'arrivée de la police."

_"Et vous avez bien fait, madame..." la rassura l'inspecteur Miyazaki "… Vous pouvez disposer, nous allons voir ce qu'il en est. Messieurs, avec moi."

Tandis que la concierge était amenée à l'extérieur du hall par un agent, Shiro et trois autres policiers, tous armés, prirent l'ascenseur pour se diriger plus rapidement vers le cinquième étage. Profitant que l'ascenseur était en train de monter, les chiffres défilant sur le petit cadran situé à côté des boutons, Shiro se saisit de son arme, et vérifia le chargeur, pour le cas où. La prudence était toujours gage de sûreté.

Les portes coulissantes métalliques s'écartèrent enfin, laissant le trio d'agents et l'inspecteur sortir dans un couloir de taille moyenne, désert, et où se trouvait comme convenu, les trois portes des trois appartements, comme il y avait à chaque étage. Sans plus attendre, Shiro en tête, ils se dirigèrent vers la porte de l'appartement 14. Flanqué des agents derrière lui, Miyazaki essaya la poignée de porte. Fermée à clef de l'intérieur. Aucune trace de tentative de crochetage n'était visible sur la serrure. De plus en plus perplexe face à cette situation, Shiro toqua trois coups ferme à la porte.

_"Inspecteur Miyazaki de la police! Il y a quelqu'un?!"

Collant son oreille contre la porte, Shiro écouta, et les policiers eux aussi firent le plus grand silence. Aucune réponse, ni même le moindre son ne se firent entendre. Cependant, Shiro et les agents firent tout à coup la grimace.

_"Bordel… c'est quoi cette odeur horrible?!" souffla un des policiers en plaquant sa main contre sa bouche et son nez.

Effectivement, une senteur atroce rappelant un mélange de sang et de chair, ainsi que du souffre, commença à empester l'air et les narines de tous, se répandant peu à peu dans le couloir. Plaçant un mouchoir devant son nez pour étouffer comme il le pouvait cette infection intolérable, Shiro insista et frappa à nouveau sur la porte.

_"Police! Ouvrez immédiatement!!"

Toujours aucune réponse, et ce parfum de mort qui continuait de provenir de l'appartement fermé à clef. Shiro soupira lourdement. Trop c'était trop. S'écartant sur la droite, il fit signe à deux des agents, les plus costauds physiquement, d'enfoncer la porte. À l'unisson, les deux hommes en uniforme prirent leur élan et choquèrent leurs épaules contre la porte… Une fois… Deux fois… Trois fois, mais elle tenait encore bon. Finalement, au bout de la quatrième fois, le verrou céda enfin, laissant l'un des agents tomber en avant, face la première contre le paillasson de l'entrée.

Arme à la main, Shiro entra, suivi de ses hommes, eux aussi s'étant munis de leurs pistolets et devant presque retenir leur respiration et leur envie de dégueuler devant l'odeur de plus en plus forte. Un premier constat se présenta devant eux: les murs du couloir de l'entrée avaient été complètement lacérés de toute part, d'immenses marques de ce qui ressemblait à des griffes ayant déchirer le papier peint et laisser aussi d'étranges traces noires et d'aspect poisseux. Le parquet lui aussi avait été mis à mal. Alors qu'une température tempéré régnait dans le couloir de l'immeuble, un froid mordant et pesant s'était installé dans l'appartement.

_"Putain… qu'est ce qui s'est passé ici?" murmura un des flics, pas serein du tout.

Shiro ne dit rien, restant concentré, mais ne pouvant s'empêcher de ressentir le même malaise que les autres.

_"Vous deux, première porte à droite. Toi, avec moi, on va à gauche." Shiro donna ses ordres, et les agents obéirent sans discuter.

Mais en faisant un pas, Shiro entendit un bruit de verre cassé sous sa semelle. Baissant la tête et retirant son pied, il remarqua un cadre fendu en deux, des morceaux de verre par centaines, et au milieu de tout ça, une photo de famille prise dans un parc, représentant un homme, une femme, ainsi qu'un garçon d'une dizaine d'années, souriant et tenant un ballon de football dans sa main. La famille Izogai, aucun doute. L'inspecteur, flanqué de son agent derrière lui, entrèrent dans la première pièce à gauche, qui s'avéra être une chambre d'enfant, à en juger les nombreux jouets en tout genre qui parsemaient le sol, la petite télé et la console de jeux dans un coin, le lit mal fait, et les nombreux posters de stars de football qui parsemaient les murs. Le petit garçon vivant ici est un grand fan il semblerait.

_"AAAAAAAAAAAAAAHHHHH!!!!"

Shiro se figea, un frisson d'angoisse le parcourant tout du long lorsqu'il entendit le hurlement d'épouvante d'un des policiers résonné dans tout l'appartement, jusque dans le couloir de l'immeuble. Shiro le sentit. C'était un cri de pure terreur comme il n'avait jamais entendu auparavant. Talonné par l'agent qui l'accompagnait, l'inspecteur accouru dans le couloir principal de l'habitation, apercevant le plus jeune des agents, qui n'avait rejoint le service que depuis quelques mois, tombé à terre et adossé contre le mur face à la porte de la cuisine grande ouverte. Il regardait droit dans la pièce, tremblant comme un malade, le visage pâle comme un mort et figé dans une frayeur sans nom, suant à grosses gouttes. L'agent à ses côtés, bien que plus ancien dans le milieu, s'était reculé lui aussi dans le couloir, une expression choquée paralysant sa figure, et se penchant en avant, ne put se retenir de rendre son déjeuner à ses pieds.

_"Les gars, qu'est ce qui se passe?!" demanda Shiro en agrippant l'épaule de l'agent qui venait de dégobiller et était devenu vert, l'air hagard.

_"C'est… c'est… monstrueux, chef…" balbutia le flic, trop secoué pour pouvoir en dire plus.

Devant l'état presque catatonique de ses deux hommes, Shiro frissonna d'appréhension, et déglutissant, arme au poing, s'avança jusqu'à la porte de la cuisine et jeta un coup d'oeil.

Son sang se glaça dans l'intégralité de ses veines et tout son corps se retrouva paralysé par la stupéfaction, et surtout l'effroi, à tel point qu'il en laissa tomber son arme par terre. Ils venaient de trouver la famille Izogai… du moins, ce qu'il en restait…

Les murs, le parquet, le plafond et la fenêtre… Tout sans exception avait été repeint avec des litres de sang et de morceaux de tripes encore sanguinolents, comme si un peintre fou furieux s'était amusé à façonner une fresque morbide... Tous les meubles avaient été détruits, réduits en morceaux… Près de la table brisée en deux se trouvait répandu par terre le contenu du repas de la famille, indiquant qu'ils étaient en train de manger quand c'est arrivé. Et juste à côté, le corps d'un homme, monsieur Izogai. Il avait été sectionné en deux au niveau de l'abdomen, l'intégralité de son sang s'étant déversé, et il avait été visiblement étranglé avec ses propres intestins, ces derniers encore enroulés autour de son cou.

Madame Izogai trônait sur le mur du fond, épinglée tel un papillon de nuit, l'un des pieds de la table brisée l'ayant perforée à la poitrine et la maintenant suspendue au mur. Son ventre et sa gorge avaient été ouverts et vidés de leurs contenus pour être tapissés tout autour d’elle. Quant au petit garçon… Le tueur s'était le plus acharné sur lui… La tête, les bras, le tronc, les jambes… Tout avait été éparpillé aux quatre coins de la pièce. Le coupable cependant paraissait être amateur de la mise en scène lugubre, la tête du pauvre gosse ayant été placée bien en évidence sur le rebord de l'évier, ses yeux voilés fixant directement vers la porte d'entrée.

Mais malgré la violence bestiale avec laquelle le tueur s'était acharné sur eux, leurs visages avaient été épargnés de toute blessure, pas même la moindre marque de coup. Shiro put le voir dans chacun de leurs regards vidés de toute vie. Une expression de peur intense et figée à jamais de ce qu'ils avaient pu voir. C'était comme si le ou les tueurs avaient volontairement laissés les visages de leurs victimes intactes, pour que l'on puisse voir toute la terreur qu'ils avaient pu exprimer avant de mourir.

Ne supportant plus de voir ce carnage sans nom, Shiro sortit de la cuisine et s'adossa contre le mur. Il dut prendre quelques instants avant de pouvoir vraiment réaliser ce qu'il venait de voir, et qui resterait malheureusement gravé à jamais dans sa mémoire. Et aussi, aucune des fenêtres, ni la porte d'entrée ne présentaient le moindre signe d'effraction… C'était incompréhensible. C'était presque comme si le tueur était directement venu de l'intérieur, mais ça n'avait aucun sens logique… Prenant une grande inspiration, Shiro saisit son talkie et le porta à sa bouche.

_"Commissaire… Ici l’inspecteur Shiro Miyazaki… "

_"Ah, Miyazaki… Vous avez une drôle de voix dis donc… Bref, qu'est ce que ça donne alors? C'est du sérieux?"

Shiro ne sut même pas comment il pourrait décrire ce qu'il voyait tant la violence que cela exprimait volait au delà de la compréhension.

_"C'est plus que sérieux..." reprit Shiro, sentant sa main tremblante "...Faut nous envoyer des renforts, chef… On a affaire à un véritable monstre…" 

Laisser un commentaire ?