Monstermen : Les Gardiens des Mondes

Chapitre 6 : Le Dieu Déchu

4331 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/11/2021 13:34

Alcina ne savait pas depuis combien de temps elle était dans ce vortex ... Une heure? Un jour? Un mois? Un an, qui sait? Elle avait perdue toute notion du temps, tandis qu'elle se sentait tomber dans ce tunnel déformé et anarchique, l'emmenant où seul Dieu pouvait le savoir. Continuant de chuter, secouée comme dans un tourbillon d'eau, la comtesse regardait ces éclairs de couleurs étranges courir et éclater autour d'elle à la vitesse de la lumière. Tournoyant dans les sens inverses des aiguilles d'une horloge, de grandes vagues d'énergies d'apparence volutes se mouvaient tantôt lentement et parfois prises d'accélérations désordonnées. Puis, sans avertissement, le paysage devant Alcina commença à se déchirer comme une main le ferait avec du papier, une fente géante se créant et laissant échapper un flash de lumière blanche et aussi aveuglante que le rayons du soleil. Alcina dut protéger ses yeux et fut aspirée par la lumière sans pouvoir y résister.

Tout se passa en un instant. Alcina se retrouva projetée hors du vortex et atterrit lourdement pour rouler jusqu'en bas d'une grande pente de sable. Étourdie, aveuglée par la poussière soulevée et se remettant sur pied, elle reprit ses esprits pour regarder autour d'elle. La forêt et les montagnes enneigées de la Laponie avaient disparues, laissant place à un désert de sable s'étendant à perte de vue dans toutes les directions. Une mer de dunes blanches, sous un ciel vierge et illuminée par un soleil brûlant. Alcina regarda autour d'elle, mais ne vit aucun signe de vie nulle part. Elle appela plusieurs fois seulement pour entendre l'écho de sa propre voix comme réponse. Résignée au fait qu'il n'y avait personne, elle décida de ne pas rester sous la chaleur qui elle le sentait, commençait à sérieusement la brûler. Quelle idiote, pensa t-elle, bien sûr que le soleil représentait maintenant un sérieux problème pour une créature comme elle. Elle commença à courir en direction du nord dans l’espoir de trouver vite un abri ou se protéger des rayonnements solaires. Ou pouvait-elle l'être, se demanda-t-elle. Au Sahara? Était-elle seulement dans le monde des monstres, de retour dans le monde humain, ou était-elle même retournée dans le passé ou partie quelque part dans le futur? Elle n'en savait rien. Elle pensa également à Lordran, qui était resté en Laponie pour lutter contre ces morts-vivants. Alcina se surprit à espérer qu'il allait bien, même si elle ne le connaissait que depuis très peu de temps. Il avait été jusqu'à présent la seule "personne" si l'on pouvait dire ainsi, à faire preuve d'égard pour elle, même si la rancoeur de l'épreuve du golem restait encore en travers de la gorge d'Alcina.

Après avoir traversée les premières dunes, Alcina remarqua enfin quelque chose qui se démarquait dans le paysage. Un groupe d'arbres. Une oasis. Elle s'y dirigea à la hâte, espérant que ce n'était pas un mirage. De toute façon elle ne souffrait pas de chaleur bien que la lumière du soleil soit brûlante et la fasse se sentir mal. Alcina accéléra le pas, mais ses chaussures d’intérieur rendaient le déplacement quelque peu compliqué dans le sable. Elle décida de s'en débarrasser, abandonnant les souliers derrière elle et poursuivit, pieds nus. Après plusieurs minutes, elle atteignit enfin les premiers troncs des palmiers, les palpant de sa main comme pour s'assurer de leur présence. Profitant de cet abri naturel contre la chaleur et les vents chauds du désert, Alcina s'assied à l'ombre d'un des palmiers et se sentit un peu mieux. Elle profita également de ce moment de répit pour reprendre des forces et réfléchir.

Mais du coin de l'œil, elle aperçut la silhouette un cobra glisser hors de l'herbe poussant vers le centre du groupement d'arbres, et ondulant lentement vers elle. Le serpent se dressa à demi hauteur et siffla fortement, montrant ses crocs à la comtesse. Son corps, long de presque deux mètres, était couvert de fines écailles aux couleurs d'obsidienne, avec des yeux jaunes perçants semblables à des joyaux et des motifs violets décorant sa majestueuse crête. Pas du tout intimidée par le reptile venimeux, Alcina le fixa droit dans les yeux, et ils se regardèrent pendant plusieurs secondes. De son vivant, un tel reptile l'aurait terrifiée, mais depuis sa transformation, Alcina ne ressentait plus la peur de la même façon. D'ailleurs, elle ne la ressentait même plus. Comme un geste naturel, elle tendit la paume de sa main vers le reptile sifflant, ce dernier continuant de vouloir paraître menaçant, mais retrouva vite son calme. Alcina continuait de fixer le serpent dans les yeux, comme retournant son hypnose contre lui. Enfin, le cobra sembla renoncer et fit demi-tour, retournant se dissimuler dans les hautes herbes. Le regardant faire, Alcina se demandait comment elle avait pu réussir une telle chose. L'espace d'une seconde, elle avait l'impression d'être entrée en communion avec l'esprit de l'animal, et avait pu voir son âme, ressentir ses sentiments.

Plusieurs longues et ennuyeuses heures s’écoulèrent durant lesquelles Alcina prit son mal en patience que le début de la nuit arrive et fasse baisser la chaleur. Une fois chose faites, Alcina vit quelque chose se refléter derrière une dune un peu plus loin. Une lumière? Intriguée, la comtesse se lève et quitta l'ombre de l'oasis pour se diriger vers la source de ce reflet lumineux. Après une longue marche dans le sable épais et avoir escalader la dune, elle arriva devant quelque chose d'assez étrange. Au milieu d'une grande fosse de sable se trouvaient sept piliers de pierre pâle, hauts d’une dizaine de mètres chacun, disposés pour former un grand cercle, autour de ce qui ressemblait à un imposant bloc de pierre de forme conique et de la même couleur, mais recouvert d'or et qui semblait hermétiquement fermé. Devant cet étrange rocaille, alignés sur une pierre plate, étaient disposés sept jarres de terre cuite, fermées elles aussi. Curieuse et fascinée, Alcina descendit lentement la pente sableuse et rejoignit ce drôle de lieu perdu au milieu des dunes et s'attarda sur les piliers. Chacun d'eux semblait très vieux et se tenaient sûrement ici depuis des millénaires. Elle en fit le tour et remarqua, sur chaque pilier, des hiéroglyphes qui semblaient raconter une sorte d'histoire.

Alcina n'était pas experte en hiéroglyphes, même si étant une passionnée d'histoire, elle avait lu des livres sur l'Égypte ancienne et sa mythologie, mais réussit à comprendre certaines choses. Un homme, sûrement un pharaon, était représenté, debout et fier, tout-puissant et régnant sur un vaste empire de l'Égypte ancienne. Il se tenait au dessus de tout, comme un dieu à la fois craint et vénéré, apportant la pluie pour nourrir les récoltes et son peuple, conduisant de puissantes armées à la guerre et tuant ses ennemis sans pitié en arrachant leur cœur pour les dévorer lors de macabres rituels. Il était également dessiné, entouré de nombreuses femmes et enfants. Ce pharaon, ou plutôt ce dieu à l'apparence humaine, semblait avoir régné pendant des siècles sans partage. Mais les piliers se succédant, les hiéroglyphes suivants devinrent plus sombres, plus violents, montrant le pharaon trahi, encerclé, vaincu, puis momifié par ses propres serviteurs qui l'assassinèrent dans son sommeil et l'enfermèrent dans une tombe au milieu du désert, et en scellèrent l'accès avec sept piliers reliés à sept lourdes chaînes. Alcina comprit alors où elle se trouvait, non sans un certain sentiment de malaise.

En s'avançant vers le centre du cercle, elle nota que parmi les sept chaînes, six d'entre elles avaient été brisées, probablement rongées par le temps. La dernière était toujours là, tendue et inerte, mais couverte par la rouille et la poussière. Alcina s'approcha et la toucha du bout du doigt. Mais à peine l'avait-elle touchée que, à sa grande surprise, la chaîne se brisa sec comme un cure-dent et s’effrita dans le sable comme un tas de feuilles mortes. Puis, sans explication, les sept jarres de terre cuite tombèrent elles aussi en poussière, libérant de petits nuages de fumées laissant émaner une odeur abominable de putréfaction. Dès cet instant, un rugissement sourd et inquiétant retentit du bloc de pierre au centre du cercle. Inquiète, Alcina se recula. Autour d'elle, le temps se mit brutalement à changer, des nuages ​​venant progressivement recouvrir le ciel et masquant la lune et les étoiles. Une forte ascension des vents se fit sentir, créant une tempête de sable qui recouvrit la zone en à peine une minute. À moitié aveuglée et essayant de se protéger du mieux qu'elle pouvait, Alcina regarda ce qui s'était passé sans comprendre, mais craignant le pire. Un par un, les piliers s'écroulèrent comme des châteaux de cartes, secouant le sol lors de leurs chutes. Le bloc de pierre central se divisa en deux pour laisser sortir ce qui ressemblait à un grand sarcophage recouvert d'or et incrusté de pierres précieuses.

Le couvercle du sarcophage fut violemment expulsé par une force monstrueuse venue de l'intérieur et s'écrasa plus loin. Une fumée opaque et grise s'échappa du cercueil antique, glissant sur le sol en formant des serpents de fumée. Alcina ouvrit grand les yeux, à la vue d'une silhouette humanoïde sortant lentement du sarcophage et poussant un gémissement guttural inhumain. L'atmosphère malaisante qui imprégnait déjà le lieu redoubla d'intensité, Alcina put clairement le ressentir dans tout son être. Sortant un pied de sa prison, la créature jeta un regard empli de colère envers la comtesse.

Il ressemblait à un humain, mais avec une peau asséchée et putréfiée et sans lèvres, montrant ses dents usées. Il portait la tenue reconnaissable et riche des pharaons, des bracelets en or autour de ses poignets, une grande coiffe arborant une tête de cobra et un ornement en or couvrant sa poitrine. Quelques bandes de lin pourri pendaient sur son corps, ses bras et ses jambes. Malgré cet état cadavérique et par l’apparence de ses ornements, Alcina reconnut le pharaon-dieu représenté sur les piliers, ne faisant qu'accentuer sa stupéfaction.

Grognant à nouveau, il désigna la femme de son doigt osseux et parla d'une voix caverneuse et menaçante.

_ Toi qui par ta simple présence ose troubler mon repos, prépare-toi à subir la colère du tout puissant souverain du monde, Amon-Râ.

Alcina déglutit. Venait-il vraiment de dire ce nom? Dans les légendes, Amon-Râ était considéré comme le dieu le plus important de toute l’Égypte Antique. S'il était vraiment ce qu'il prétendait être, Alcina venait de se fourrer dans un pétrin sans nom. Levant ses mains sans gestes brusques, elle tenta de l'amadouer.

_ Attendez, je ...

elle ne put même pas terminer sa phrase. La momie écarta nonchalamment les bras, debout et toute-puissante, fixant l’intruse dans le blanc de l'oeil. La tempête de sable redoubla d'intensité et de violence en un instant. Alcina essayait de regarder, forcée de se protéger contre le sable qui volait dans toutes les directions et lui piquait les yeux. Cet ancien dieu commandait les éléments du désert avec une facilité déconcertante, le désert lui-même lui étant apparemment soumis, même des millénaires après sa mort. Le vent était si fort que l'un des piliers effondré fut soulever et jeté sur Alcina. Le remarquant, la comtesse le stoppa avec sa télékinésie, le maintenant immobile en l'air. Amon-Râ apparut perplexe en voyant cela. Déterminée à se défendre, Alcina, dans une forte impulsion télékinétique, rejeta le pilier qui entra en brutal collision avec le dieu déchu et le rejeta en arrière. Son dos frappa violemment la tombe, la fissurant. Le pharaon grogna lourdement, mais plus de fureur que de douleur et repoussa le pilier loin de lui, sans effort.

Ce choc, qui aurait tué un homme sur le coup, n'avait eu aucun effet sur lui. le pharaon se releva sans crainte, n'ayant subi aucune blessure physique.

_ Impressionnant, dit-il d'un ton neutre. Vous n'êtes donc pas une pilleuse ordinaire. Le combat s'annonce intéressant.

_ Une pilleuse, moi?! haleta Alcina qui fut presque outrée d'une telle accusation. Je ne savais même pas que vous existiez pour de vrai! Je ne suis pas venue ici pour me battre!

_ Oh, alors ça c'est dommage, répondit le pharaon aucunement affecté par l'explication de son adversaire. Parce que moi, oui.

Sur ces mots, et sous les yeux d'Alcina, il se transforma en sable et se fondit dans le sol en quelques secondes. Surprise par ce pouvoir, la comtesse se tenait prête, regardant attentivement autour d'elle. Plus aucun bruit ne fut, sauf le vent permanent et le sable virevoltant dans tous les sens.

Le sol explosa soudainement derrière elle, soulevant un nuage de sable, et Amon-Râ surgit comme un diable, rugissant, et porta un coup violent à Alcina, la projetant sur plusieurs mètres en arrière et la faisant rouler dans le sable. Reprenant sa forme physique, le dieu déchu d’Égypte marcha lentement vers elle, confiant dans sa future victoire. Souffrant du coup qu'elle avait reçu à l'estomac et crachant un filet de sang, Alcina se releva, refusant d'abandonner. Concentrant sa télékinésie, elle propulsa un autre morceau de pilier sur la momie, qui voyant l'attaque venir, stoppa net le projectile avec ses mains, démontrant encore une fois sa grande force physique. Mais Alcina esquissa un sourire en coin, et sans pouvoir réagir, Amon fut heurté dans le dos par un autre pilier, et se retrouva écrasé entre les deux et enseveli sous leurs décombres. Alcina avait misée sur la trop grande confiance de ce dieu en sa force pour lui faire croire à une seule attaque, au lieu d'une double. Mais malgré cela, les gravas tremblèrent puis furent écartés par le dieu, se dégageant et se redressant à nouveau, toujours sans exprimer de douleur. Le doute assaillit Alcina, se demandant comment elle pourrait l'arrêter si rien ne pouvait le blesser.

_ Qui êtes-vous, vous qui montrez une telle résistance et une telle volonté à survivre contre moi?

Il croisa les bras en parlant, droit et fier, demandant comme s'il était une chose normale de lui résister ainsi. Alcina se tint également droite et ne voulant pas paraître comme une cible faible et vulnérable lui fit face au milieu de la tempête et parla sans crainte.

_ Je m'appelle Alcina, comtesse et dernière héritière de la famille Derune. j'ai été envoyée ici par le grand seigneur de Laponie, Lordran.

A ces mots, le dieu sembla surpris et soudain, la tempête se calma pour s'évaporer complètement dans les airs, ramenant le calme dans la région. Amon ne montra plus aucun signe d'agressivité, mais Alcina resta méfiante alors qu'il se dirigeait vers elle.

_ Lordran? L'héritier des premiers seigneurs des monstres? Celui qui a vaincu les démons pendant la Grande Guerre de Laponie? J'ai entendu parler de lui et de ses exploits guerriers... Mais pourquoi vous a t-il envoyé vers moi? D'ailleurs, qu'est ce qui peut bien me prouver que je fais face à l'un de ces messagers?

Mince, pensa Alcina, prise au dépourvue. A vrai dire, elle ne disposait d'aucune preuve attestant de son association au seigneur monstrueux. A moins que... elle y repensa tout à coup. Elle prit dans sa paume le petit artefact plat et métallique que Lordran lui avait donnée juste avant qu'elle ne plonge dans le vortex. Ignorant si cela serait suffisant, Alcina prit tout de même le risque. S'avançant nonchalamment vers le pharaon, elle lui tendit l'objet. Amon le prit dans sa main décharnée, l'examinant avec minutie. Alcina resta prête à se défendre ou même à devoir prendre la fuite dans le cas ou cette preuve ne serait pas assez. Mais après des secondes interminables, l'oeil de la momie laissa paraître un éclair de compréhension, laissant supposer qu'il reconnaissait ce symbole qu'il rendit alors à la jeune femme.

_ Ainsi, le seigneur de toutes les créatures féroces existantes par delà les terres, les ciels, les mers, et même le temps, a fait de vous sa messagère... Parlez, Alcina Derune, je vous écoute.

Intérieurement, Alcina fut plus que rassurée, car honnêtement, elle n'était pas sûre de pouvoir gagner un combat contre lui. Il fallait donc rester convaincante.

_ La situation est grave, commença t-elle. Selon Lordran, un terrible fléau frappe en ce moment la Laponie, et menace de s'étendre aux autres mondes ... Des légions de morts-vivants se lèvent et menacent d'éradiquer toute forme de vie. Lordran m'a envoyée afin de trouver de puissants alliés qui pourraient l’aider à mettre fin à ce fléau.

Le pharaon la regarda, interloqué par ces explications.

_ Mais qu'en est-il de vous? Qu'est-ce que vous avez à voir avec ça? Vous n'êtes pas née ainsi, je le sens très clairement. Pourquoi une ancienne humaine choisirait-elle de suivre la voie des monstres?

Alcina fut déconcertée par la clairvoyance dont disposait Amon pour avoir deviner sa vraie nature d’un simple regard, mais en tant que divinité, ce n'était pas si étonnant que ça dans le fond.

_ Oui, soupira t-elle assez tristement. J'étais humaine autrefois, mais j'ai été trahie par l'homme que je pensais aimer. J'ai mis fin à ma vie, mais le destin, dieu, le diable, ou je ne sais quoi en à décider autrement... Je n'avais plus aucun but et je pensais errer seule pour l'éternité, coincée entre les seuils de la vie et de la mort ... puis, Lordran est venu à moi, jurant de m'aider à trouver celui qui ravivera mon cœur et mon esprit, en échange de mon aide pour arrêter ce fléau.

Alcina parla, ressentant toujours cette douleur dans son cœur alors qu'elle parlait de son passé. Amon-Râ la regarda en silence et sembla mieux comprendre, hochant lentement la tête. Il s'approcha d'elle et lui tapota l'épaule.

_ Une histoire de trahison et de coeur brisé, hein? Je connais aussi ce sentiment, ma chère, dit-il en marchant lentement vers l'un des piliers effondrés et en frottant la surface avec sa paume, regardant les hiéroglyphes d'un air grave.

Alcina l'écoutait alors qu'il contemplait le désert tout autour de lui.

_ Il y a plus de 6000 ans, se tenait ici mon empire, puissant, vaste et d’une richesse digne des plus grands trésors divins. Grâce à mes pouvoirs, les récoltes ont toujours été fructueuses, le bétail ne tombait jamais malade et aucune armée ou nation ne pouvait nous menacer. J'ai régné en maître absolu, ayant des dizaines de femmes et d'enfants, des centaines de serviteurs répondant au moindre de mes désirs, plus de richesses que je n'aurais pu en compter... Mais malgré tout ce pouvoir, je n'étais pas heureux, me sentant plus seul que jamais. Tous me vénéraient, mais je le savais aussi, me craignaient pour ce que j’étais. Craignant un jour que je leur fasse subir les mêmes supplices que j'infligeais à mes ennemis, mon propre peuple me trahit et me tua pendant mon sommeil, enfermant mon corps dans cette tombe au milieu de nulle part... Mais même la mort n'a pas réussi à m'arrêter. Furieux d'avoir été ainsi trahi après tout ce que j’avais fait pour eux, je déclenchais une malédiction qui frappa tout le royaume. Une tempête de sable, la plus importante de tous les temps, engloutit tout l'empire en l'espace de quelques minutes, le faisant disparaître à jamais et donnant naissance à l'immense mer de dunes sur laquelle nous nous tenons en cet instant.

Alcina l'avait écouté, à la fois désolée et fascinée par son histoire, et regardant ce désert aussi. Un pays tout entier, enfoui sous le sable et des millions de vies détruites, le tout en quelques minutes? Une puissance pareille la fit presque frémir d'angoisse. La comtesse se tourna vers le pharaon, le dernier de son peuple, qui s'agenouilla, prit une poignée de sable dans sa main et le regarda lentement couler entre ses doigts. Alcina avait devant elle un homme, ou un dieu, difficile de savoir, disposant d'un tel pouvoir qu'il avait causé sa perte ainsi que celle de son peuple. Trop de pouvoir ne faisait qu'aggraver les situations. Alcina aussi était la dernière de sa famille, et peut-être, sans s'en rendre compte dans sa douleur et son chagrin, avait-elle déclenchée la fin de Landding. L'amour et le pouvoir étaient deux choses très différentes, mais mélangés à de la tristesse ou de la colère, pouvaient entraîner de terribles conséquences. Dans un sens, cela faisait une chose en commun avec Amon. Elle s'approcha de lui et posa sa fine main sur son épaule.

_ Vous n'êtes plus seul maintenant, Amon ... Vous avez le pouvoir de réparer ce que vous avez fait, et ainsi d'apaiser votre âme, tout comme je veux le faire avec la mienne.

Amon se tourna vers elle.

_ Comment?

_ Rejoignez-moi et le seigneur Lordran. Combattez à nos côtés et prouvez à tous que vous n'avez jamais été le destructeur que tous pensaient, mais Amon-Râ, le plus grand dieu et souverain que l'Égypte ait connu.

Le pharaon écouta avec attention, mais il ne semblait pas convaincu au départ. Après quelques instants de réflexion, il se redressa et fit face à la comtesse.

_ Je le ferais ...Je vous rejoindrais … Aucun autre monde ne doit subir ce que j'ai fait au mien. Il est temps de réparer mon image, ainsi que mes fautes.

_ Nous le ferons soyez en certain, répondit Alcina avec un sourire confiant.

Amon-Râ ne lui rendit pas ce sourire, faute de lèvres manquantes, et d'un pas décidé, se rendit jusqu'à ce sarcophage qui fut sa demeure et prison durant des âges, et y prit quelque chose. Un sceptre doré, dont le sommet avait été façonné pour donner la forme d'une tête de cobra hurlant aux yeux de rubis étincelant. Alcina fut admirative de la beauté de l'objet. Mais en revenant vers elle, le pharaon souleva une question cruciale.

_ Au fait… Avez-vous un moyen de repartir d'ici?

Devant l’interrogation justifiée du pharaon, Alcina se retrouva comme une idiote, n'y ayant même pas pensé elle-même. Fort heureusement, l'artefact que lui avait confié Lordran s'avérait être sûrement la solution à ce problème. Après tout, il aurait été parfaitement stupide d'envoyer un messager sans lui donner un moyen de revenir. Prenant le talisman en main, Alcina tomba encore sur un os. Comment le faire fonctionner? Avec l'attaque des morts-vivants à l'arche, Lordran n'avait pas eu le temps de lui expliquer. Elle allait devoir trouver comment le faire fonctionner, et prier pour que la patience d'Amon ne se tarisse pas aussi vite que l'eau dans le désert.

Alcina réfléchit et repensa au moment ou Lordran avait actionné l'arche dimensionnelle. Il lui avait suffit de tendre le bras pour y insuffler sa magie. D'aspect facile au premier abord, mais sûrement pas en pratique, et ne disposant d'aucune arche dans les environs, la tâche serait plus ardue.

_ Bon… Qui ne tente rien n’a rien, souffla Alcina.

Tendant l'un de ses bras vers l'avant, fermant ses yeux et concentrant son énergie, elle tenta d'ouvrir un portail, gardant dans son autre paume le talisman de Lordran comme catalyseur. Quelques mètres derrière, Amon l'observait en silence. Les secondes, puis les minutes s'écoulèrent, et rien de se produisit, hormis une profonde migraine et un agacement profond de la part de la jeune comtesse. La voyant en difficulté, Amon s'avança à ses côtés.

_ Hum… E si on essayait à deux? suggéra le pharaon.

Alcina accepta, ne voyant pas ce qu'elle pourrait faire d'autre. Amon apposa sa main sur celle de la comtesse sur le talisman, lui prêtant en quelque sorte sa puissance, bien supérieure et mieux maîtrisée que la sienne elle devait le reconnaître. Alcina frémit de tout son être, ressentant le pouvoir démesuré du dieu traversant son corps et venir la renforcée. Les deux petites yeux en rubis du talisman s'éclaircirent alors d'une lueur rouge éclatante.

A quelques mètres devant le duo, le paysage trembla et se déchira à nouveau comme du papier, révélant l'entrée d'un nouveau vortex. D'abord perplexe devant ce phénomène, Amon fut rassuré par le regard qu'Alcina lui lança. Debout devant le tunnel dimensionnel, elle l'invita à entrer. Amon fit un pas en avant, puis jeta un dernier regard sur son monde, avant de s'enfoncer dans le vortex, suivi de près par Alcina. Le tunnel se ferma immédiatement, ne laissant derrière lui que l'immense crypte sablonneuse, tombeau de l'une des plus grandes et anciennes civilisations de l'histoire.


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