Monstermen : Les Gardiens des Mondes

Chapitre 8 : Le Soldat Enchainé

5091 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/11/2021 13:22

Isaac avait à peine dormi ces derniers jours, et les profondes cernes sous ses yeux et son air renfrogné en étaient la preuve indiscutable. Depuis trois jours et trois nuits maintenant, il avait passé la plupart du temps dans le grenier de sa maison, étudiant les dossiers un par un, qui plus le temps passant, lui faisaient mal aux yeux et réduisaient ses neurones en bouillie. Toutes ces histoires de disparitions et de monstres avaient bouleversé son esprit. Il ne pouvait pas croire la plupart des choses qu'il avait lu jusqu'à présent tant elles étaient improbables. C'était complètement surréaliste, mais en même temps trop complexe pour avoir été inventé. Ses parents étaient-ils simplement fous sans qu'il le sache? Ses propres parents, chercheurs dans l'étude des monstres et du paranormal? Quelle mauvaise blague, pensa-t-il.

Appuyé contre le dossier de sa chaise, il se frotta les yeux, soufflant de fatigue et jeta l'un des dossiers par terre.

_ Raaah, putain, j'en ai marre de ces conneries! dit-il sous l'effet de la nervosité et de la fatigue.

Alors qu'il se frottait les tempes du bout des doigts, son téléphone portable vibra dans sa poche. Il le prit et constata amèrement l'heure indiquée: sept heures du matin. Une autre nuit blanche, super ... Il regarda le message qu'il avait reçu. C'était Mathilde, une très bonne amie qu’il connaissait depuis maintenant plus de dix ans. Elle lui demandait si, comme prévu, ils se retrouveraient au café de d'habitude avant de partir pour le centre de formation. Isaac montra un visage pâle. Avec toutes ces recherches, il avait presque oublié.

_ Merde, merde, merde, répéta-t-il entre ses dents, se dépêchant de se préparer pour qu'il ne soit pas en retard, le tout sous les yeux de son chat crédule.

Une heure plus tard, s'étant préparé à la hâte mais toujours vêtu de noir et portant un manteau chaud pour se protéger du froid extérieur, Isaac était arrivé le premier au café et était maintenant assis à une petite table, une tasse de chocolat chaud devant lui et bien que très fatigué, essayait de garder les yeux ouverts tout en attendant son amie. Quelques personnes étaient présentes au café, assises à différentes tables ou d'autres au bar, la plupart étant des personnes se préparant à partir pour leur lieu de travail, tandis que derrière le comptoir, le serveur était occupé à préparer les prochaines commandes. Isaac regarda un peu autour de lui, pas vraiment impliqué dans ce qui se passait, et but une gorgée de sa boisson chaude. Mais alors qu'il reposait sa tasse, une main furtive se posa sur son épaule. Surpris sur le moment, Isaac se tourna pour voir un vieil homme barbu le dévisageant avec un regard étrange mais souriant, vêtu de vêtements usés et une écharpe rouge autour du cou. Le vieil homme parlait d'une voix calme, presque énigmatique.

_ Plus de lumière... seulement le froid... sur terre, comme au ciel et en enfer..."

_ Quoi? Mais lâchez moi, lui dit Isaac en écartant sa main, levant un sourcil et regardant cet énergumène à l'allure hystérique.

_ Préparez-vous ... Ils peuvent toujours vous voir ... Mais moi non, ils peuvent pas me voir, ils peuvent plus... Je suis déjà froid, insista le vieillard lourdement, venant presque coller le bout de son nez sur celui de Isaac, ne le lâchant pas du regard.

_ Tobias, putain, laisse ce client tranquille ... Allez, dégage! ordonna alors le barman s'en revenant de l'arrière du café.

Le vieil homme obéit dans le plus grand calme et quitta le café, tout en continuant de fixer Isaac pendant de longues secondes, avant de disparaître au coin de la rue, laissant le jeune homme totalement confus face à ce qui venait de se passer. Il avait senti la froideur de la main de l'homme traverser son manteau. Une froideur morbide, sans chaleur humaine, comme s'il avait été touché par un mort. Isaac essaya de rationaliser, trouvant que ce qu'il pensait n'avait pas de putain de sens à ses yeux. Le barman arriva alors vers lui avec un air désolé.

_ Désolé pour cela, monsieur. Tobias vient ici plusieurs fois. Il est étrange, mais pas dangereux.

_ Ce ... c'est rien. Faut dire qu'il m'arrive pas mal de trucs originaux ces derniers temps, je commence à avoir l'habitude, fit Isaac en se forçant à sourire et ne voulant pas attirer l’attention sur lui en faisant un scandale. Il n’y avait pas mort d’homme après tout.

Le barman eut l'air rassuré et retourna au travail, tandis que Isaac restait pensif devant sa tasse fumante. D'abord cette fille autiste et ses dessins louches, et maintenant ce vieil homme fou ... Les rencontres étranges se multipliaient dernièrement, beaucoup trop à son goût ...

Enfin, Mathilde arriva au café, faisant signe à Isaac qui lui rendit la politesse et l'invita à le rejoindre à sa table.

_ Et pour madame, qu'est ce que sera? demanda le serveur qui l'ayant vue arriver, s'amena immédiatement à la table.

_ Un café s'il vous plaît, lui répondit poliment Mathilde, ce à quoi le serveur partit tout de suite prendre la commande.

Elle et Isaac se firent la bise, comme à l'accoutumée. Cependant, Mathilde remarqua très vite l'air préoccupé de son ami de longue date.

_ Ben dis donc… Tu tires une de ses tronches. Tu fais la grève du sommeil ou quoi? lui demanda Mathilde, avec sa petite dose d'ironie à laquelle Isaac était habitué depuis le temps.

Mathilde était bien sûr au courant de la tragédie qu'il vivait ces jours-ci, mais essayait plus ou moins de le motiver de continuer à aller de l'avant. Au fond de lui, Isaac se sentait l'envie de tout lui expliquer, mais il s'y refusa, craignant de passer pour un monumental cinglé.

_ Tu m'as eu, c'est exactement ça. Bien jouée, répondit Isaac en se prêtant à son jeu, masquant la vérité volontairement.

Mathilde n'était pas idiote, elle savait que ce n'était pas la vraie raison, mais voyant l'attitude plutôt renfermé de son ami aujourd'hui, elle n'insista pas.

_ Oh, maintenant que j'y pense, je voulais te montrer quelque chose…

Mathilde commença à farfouiller dans son sac noir, animant la curiosité de Isaac qui finit son chocolat. Mathilde se redressa, le sourire aux lèvres, tenant entre ses mains une affiche roulée en papier.

_ Attends, dit Isaac en la voyant. C… ça y est? On à les affiches?

Mathilde acquiesça avec force, ne pouvant retenir sa joie. Pour la première fois depuis des jours, Isaac oublia ses problèmes et sourit à nouveau, venant serrer son amie dans ses bras avec grand enthousiasme, sous l'observation neutre des autres clients du bar.

_ Maintenant, on va pouvoir commencer la phase de promo, déclara le jeune homme en se frottant les mains par avance.

*********

La quête d'Alcina se poursuivit. Deux puissants alliés avaient déjà été trouvés et avaient rejoint Lordran en Laponie, du moins, elle l'espérait. Amon-Râ avec sa magie divine et Tavros doté de cette force colossale seraient des combattants parfaits contre le fléau et ses légions de morts, et bien que chacun d'eux ait sa raison personnelle de se battre, le fait demeure qu'ils étaient conscients de la situation, un bon point pour eux.

Dans son cœur, Alcina espérait au moins qu'il n'était pas trop tard. Combien de mondes avaient déjà sombré dans l'abîme depuis le début de cette malédiction? Quoi ou qui était à l'origine de tout cela? Combien de vies avaient dors et déjà été perdues? Qui sait? Et si le monde dans lequel se trouvait celui qu'elle pourrait vraiment aimer était déjà un tas de ruines et de cendres ou ne régnaient plus que les morts et la désolation? Non, elle chassa ces sombres pensées de son esprit et voulait garder une once d'espoir. Elle n'avait pas fait tout ça pour rien ... Elle ne le permettrait pas.

Après l’Égypte et la Grèce Antique, dans quel prochain lieu serait-elle amenée par le destin ? Le vortex, auquel elle commençait à s'habituer depuis comme moyen de transport rapide, l'amena cette fois sur un grand espace plat, enneigé et rocheux s'étendant sur plusieurs kilomètres à la ronde. Le vent glacial caressa le visage de la comtesse alors qu'elle sortait à peine du vortex et regardait attentivement autour d'elle. A l'horizon et dans toutes les directions, se dressaient d'imposantes montagnes noires, balayées par les vents forts du nord, formant une gigantesque barrière naturelle et infranchissable. Alcina se posa la question ... Était-elle déjà de retour en Laponie? Mais après réflexion, elle n'était pas vraiment sûre. Après observation, il apparut qu'elle se trouvait sur le sommet d'un grand plateau rocheux formant le sommet d'une de ces montagnes. Trouverait-elle un nouvel allié ici? Peut-être, bien que pour le moment, à l'exception de quelques rares oiseaux volant dans le ciel, aucun signe de vie ne se fit connaître.

Alcina commença à marcher lentement dans la neige profonde, observant attentivement la moindre chose qui pourrait attirer son attention. En plus du vent fort, la neige se mit à tomber en torrent, réduisant encore plus la visibilité pourtant déjà restreinte dût à l'obscurité du ciel. Heureusement, dans son état de monstre, Alcina ne craignait plus vraiment le froid et bougeait tout en protégeant son visage. Mais alors qu'elle marchait, son attention fut attirée par une très grande forme se détachant peu à peu dans le blizzard, à une centaine de mètres d'elle. À mesure qu'elle approchait, la forme devint plus distincte et révéla une très grande tente, un chapiteau plus précisément, comme celui des cirques, aux bandes blanches et noires et rapiécée à certains endroits. Que faisait un chapiteau de cirque ici au milieu de nulle part? Alcina se le demanda tout en s'y dirigeant. Cette tente pourrait servir de refuge en attendant que la tempête se calme, et bien que l'endroit semblait abandonné, elle restait méfiante, prête à utiliser ses pouvoirs contre une éventuelle embuscade. Alcina repoussa le voile de l'entrée et jeta un coup d'œil avisé. L'endroit semblait vide, du moins l'espérait-elle. Elle fit les premiers pas dans la tente, s'abritant du vent et de la neige, et secouant légèrement ses longs cheveux pour se débarrasser des flocons qui y étaient accrochés.

De l'intérieur, l'endroit ressemblait plus à un bazar qu'à un cirque. Il y avait des caisses en bois partout, contenant divers objets d'art ou d'autres fabrications étranges faites à la main. Certains bibelots étaient sertis d'or ou de pierres précieuses et semblaient avoir beaucoup de valeur. Alcina se déplaça parmi les trésors de cet endroit, sans vraiment comprendre de quoi il s'agissait. Celui qui vivait ici était apparemment très riche. Était-ce là la demeure d'un collectionneur, ou d'un pilleur peut-être? Alcina l'ignorait, mais dans un sens, ne voulait pas le savoir, n’étant pas venue ici pour mener une enquête.

Vers le fond du chapiteau, un autre rideau noir avait été suspendu, fermant ainsi l'accès à une autre pièce. Alcina s'y avança, toujours prudente. Le seul bruit entendu était celui de ses pas légers sur le sol rocheux, et du vent dehors venant se frotter contre la tente et faisant doucement tanguer la toile. Mais alors qu'elle était à deux mètres du rideau, Alcina se stoppa. Derrière le rideau, des bruits de mouvements faibles mais distincts se firent entendre, à un rythme quelque peu irrégulier, suivi par une voix faible, mais inhumaine, sonnant comme du métal.

_ Qui ... qui est là?

Alcina choisit de ne pas répondre et ouvrit d’un coup sec le rideau, prête à se battre. Mais ce qu'elle vit l'arrêta dans son geste. Une grande cage en métal se tenait devant elle, et derrière ses barreaux une forme assise sur un tas de paille sale, le dos appuyé vers le fond. Alcina regarda cette créature des plus étranges.

Il était humanoïde, un corps élancé et complètement recouvert de la tête aux pieds de plaques lisses en métal d’un gris-noir profond aux reflets bleus, semblable à une sorte d’armure qui donnait l’impression d’avoir fusionnée avec sa chair. Ou peut-être cette armure était-elle sa chair ? Sa tête aussi était presque humaine, du moins dans la forme. Le casque qu’il portait, à moins que ce soit sa vrai tête, portait une visière noire lisse dans laquelle le reflet d’Alcina se faisait voir. Un numéro était affiché sur l’une de ses épaulières : 66.

L'étrange créature de métal regarda Alcina en silence et parvenait à peine à faire un mouvement. Il semblait affaibli, et la comtesse comprenait mieux en voyant les chaînes qui immobilisaient ses poignets et ses chevilles. La cage était verrouillée avec un cadenas imposant. Le monstre ne semblait pas être en mesure d'attaquer, mais Alcina restait prudente et regardait simplement la créature sans s'approcher, non sans ressentir une once de pitié pour lui. Mais cette fois-ci, elle ne put identifier cette créature dans aucun des mythes qu’elle avait pu lire. Cette technologie qui composait son corps lui était totalement inconnue et paraissait vraiment avancée.

Le monstre de nature mécanique parvint à se redresser un peu, gémissant de douleur, et s'approcha des barreaux, pour mieux voir cette jeune monstre femelle qu'il ne connaissait pas.

_ Qui ... qui êtes-vous? demanda-t-il de sa voix synthétique sans aucun ton menaçant, même plutôt amical envers elle, comme s’il était soulagé de la voir.

_ Je ... Je m'appelle Alcina ... Et vous? elle parla d'une voix réservée.

Le monstre mit du temps avant de pouvoir répondre, apparemment plus affaibli qu'on ne pouvait le voir, avant de répondre.

_ Mon matricule est UR-66 ... Maintenant écoutez moi, Alcina, qui que vous soyez, vous ne devez pas rester ici ... S'il vous trouve chez lui, il vous tuera ou fera de vous son esclave, comme il l'a fait avec moi.

Ses paroles laissaient ressentir une réelle peur et un avertissement contre Alcina. Cette dernière haussa un sourcil.

_ Mais de qui parlez-vous?

_ De mon maître et geôlier, l'avertit UR-66 en venant la saisir au poignet avec insistance, la rapprochant de lui. C'est un collectionneur d'objets et d’êtres rares, mais aussi un vrai démon, qui m'utilise depuis des années pour attaquer les villages environnants et voler des objets de valeur pour s'enrichir, encore et encore …

Alcina l'écouta, et intérieurement, était dégoûtée par une telle description. Elle, qui de son vivant avait toujours été contre les pratiques comme l'esclavage, eut encore plus pitié de la créature artificielle. Des bruits de pas indiquant une présence entrante dans la tente surgirent tout à coup, ainsi qu'une voix autoritaire et menaçante.

_ UR-66!

_ Cachez vous, vite! dit UR-66 à voix basse, faisant signe à Alcina de se dissimuler quelque part et de ne faire aucun bruit.

Elle obéit sans discuter et courut aussi discrètement que possible se dissimuler derrière un empilement de caisses, espérant que cette fois elle ne serait pas détectée comme ce fut le cas avec Tavros et son odorat. UR-66 se remit en position assise vers le fond de la cage pour avoir l'air docile, comme si de rien n'était. Les pas se rapprochèrent et le rideau s'écarta, révélant un homme d'une quarantaine d'années, aux yeux rouges, portant une fine moustache taillé en pointe et à la grosse barbe noire. Il était vêtu d'un grand pardessus noir aux reflets pourpres, couvert de neige qu'il épousseta avec ses mains, et d'un chapeau haut de forme. Alcina regarda sans faire de bruit, pouvant sentir une profonde aura malfaisante émanant de ce sinistre monsieur loyal. L'homme au chapeau s'avança et avec sa canne noire ornée d'un petit crâne en argent, frappa les barreaux de la cage, pour faire réagir UR-66 qui joua son rôle de créature impuissante et soumise.

_ Alors, sale esclave sans âme, avec qui parlais-tu?

_ Mais ... personne, cher maître ... Je ... je parlais seul ... Par ailleurs, comment quelqu'un pourrait-il venir ici? Il n'y a plus rien dans les alentours.

L'homme frappa de nouveau la cage, plus brutalement.

_ N'essaye pas de me mentir, misérable créature! As-tu oublié ce qui se passe quand tu m'agaces?

L'homme sourit avec un sadisme flagrant, provoquant la panique de UR-66.

_ Non, maître ... s'il vous plaît, non!

_ Oh, mais moi je dis oui! ricana sournoisement l'individu.

Le pommeau de la canne s'ouvrit, révélant une sorte de petit cristal rouge brillant d'une énergie malsaine. Une énergie fluide et électrique s'en échappa, pour envahir le corps de UR-66, qui commença à se tordre de douleur et hurlant à s'en déchirer les circuits. Cachée derrière les cartons et les caisses, Alcina fut témoin de cette scène de torture, choquée et indignée. UR-66 supplia, mais l'homme ne s'arrêtait pas et semblait se réjouir des cris de souffrance de son esclave. Si cela continuait, il le tuerait, c'est certain.

Pour Alcina, c'était trop. En tant que simple humaine, elle n'aurait sûrement rien pu faire contre un tel ennemi. Mais maintenant, si. Elle sortit de sa cachette et se révéla à la vue de l'homme. Ce dernier la remarqua, surpris et consterné.

_ Hein? Mais qui ...?

Il n'eut pas pu terminer sa phrase. Le regardant avec mépris, Alcina tendit son bras et de sa paume invoqua une violente onde télékinétique qui rejeta l'homme derrière le rideau, lui faisant perdre sa canne et un trousseau de clés qui tomba près de la cage. Alcina s'approcha de la cage, pour voir UR-66 reprendre ses sens et essayer de se remettre de la douleur endurée.

_ Merci, souffla t-il.

Il pouvait à peine parler mais Alcina fut soulagée de voir qu'il était toujours en vie. Elle fit volte face dans la pièce principale, où l'homme se trouvait maintenant, debout, un peu abasourdi et souffrant toujours du choc télékinétique reçu dans la poitrine. Le visage déformé par la colère, essuyant le filet de sang perlant de sa narine, il regarda la comtesse lui faire face.

_ Mais putain, t'es qui, ou plutôt, t’es quoi toi?! vociféra t-il entre ses dents limées.

_ Celle qui va t'envoyer brûler en enfer!" cracha la jeune femme aussi sec.

L'homme se prit à ricaner hystériquement, ne craignant pas la menace de la comtesse.

_ Pauvre petite crétine! Tu ne sais donc pas qui je suis?

L'homme fit quelque chose qu'Alcina n'aurait jamais soupçonner. Après avoir retiré sa veste et sa chemise, et avec ses mains, l'homme traça une ligne au milieu de son visage avec l'un de ses ongles pointus, puis saisissant à pleine mains, écarta sa tête en deux, dans un craquement et un flot de sang et de chair sanglante. Alcina en fut choquée et se recula de plusieurs pas. Le corps entier de l'homme se déchira en deux, pour laisser sortir de sa chair une créature reptilienne de trois mètres de long. Son corps était celui d'un serpent couvert d'écailles de couleur jade, mais sa tête était celle d'un humain chauve aux yeux jaunes et aux crocs acérés. Malgré le dégoût engendré par une telle créature, Alcina y fit face. Le serpent géant se tenait devant elle, sifflant férocement et faisant onduler les anneaux de son corps.

_ Mon nom est Nyurgga, démon serpent des montagnes, et voici mon royaume! Ici tous m'obéissent et me craignent! Je suis l'alpha et l'oméga, le maître absolu!

Ce n'était pas la modestie qui semblait l'étouffer, pensa Alcina. Elle avait devant elle l'un des représentants ou descendants des entités perverses qui avaient tenté d'envahir la Laponie et que Lordran avait combattu avec force. Aujourd'hui, les démons semblaient ne plus être qu'une race dispersée et brisée, survivant comme ils peuvent à travers les différents mondes comme de vulgaires charognards. Nyurgga se mit à tourner nonchalamment autour d'Alcina, comme un prédateur guettant sa proie et attendant le bon moment pour frapper.

_ Hmm… Je sais pourquoi tu es là, jeune Alcina, dit-il avec perversité.

Elle était surprise. Ce démon était-il capable de lire les pensées?

_ Je ressens en vous une affiliation avec un vieil ennemi ... Lordran ... Il vous a envoyée accomplir une mission de la plus haute importance, en échange de son aide, n'est-ce pas? ... Oui, je le sens ... Un cœur brisé, solitaire, que vous essayez de réparer.

Quel monstre! Il entrait dans la tête des gens et s'appropriaient leurs pensées les plus profondes pour s’en servir. La jeune comtesse resta immobile. Faisant tout pour masquer sa crainte tandis que le serpent tournait autour d'elle. Elle faisait tout pour ne pas croiser son regard, craignant qu'il ne possède un pouvoir hypnotique à user contre elle.

_ Vous ne savez rien de moi, affirma t-elle, droite.

_ Oh, inutile de nier ... Je vois tout et je sais tout ... Dites moi très chère, pensez-vous que cela en vaille la peine? Votre quête est vouée à l'échec ... L'abîme se répand déjà dans les mondes, annonçant le retour des véritables et seuls seigneurs!

Quels vrais seigneurs? De quoi parlait-il? Alcina était méfiante, sachant que ce démon perfide faisait tout pour la faire douter. Mais soudain, la forme furtive de UR-66 bondit comme avec la rapidité d’un félin sur le serpent et tous les deux roulèrent sur plusieurs mètres, heurtant un groupe de caisses. Surpris, Alcina se précipita pour aider l’être mécanique. Animé d'un désir de vengeance, UR-66 s’acharnait, frappant et luttant farouchement contre son tortionnaire, mais trop affaibli par les années d'abus, il perdit rapidement l'avantage, le serpent faisant rouler sa queue puissante autour de sa gorge et le soulevant de terre avant de le jeter contre des caisses. À demi assommé, UR-66 ne pouvait pas se lever et le serpent vint à lui, confiant et dominant.

_ Apprends, mon petit UR-66, que personne ne me trahit sans en subir les conséquences! siffla-t-il, puis se prépara à mordre la gorge de son esclave pour le tuer.

Mais tout d'un coup, Nyurgga haleta, sifflant de douleur, et en se retournant, vit une vieille lance, l'un de ses trésors, qu'Alcina avait prise pour lui transpercer la queue et le clouer sur place. Les yeux du démon s'imbibèrent de flammes.

_ TOI!

Le serpent démoniaque ouvrit ses mâchoires, crachant un large filet d'une substance verdâtre immonde. Alcina s'écarta immédiatement, évitant le jet de peu et put constater son effet, le sol rocheux se mettant à fumer et à fondre comme de la cire. Du venin acide!

_ Il va falloir faire mieux que ça! clama sans retenue Alcina dans une provocation délibérée.

Facilement irritable, Nyurgga se jeta vers elle, crocs en avant. Alcina évita la morsure, mais ne put éviter le coup de tête que lui asséna le démon dans son élan. Repoussée en arrière, la comtesse se redressa aussi vite que possible, essayant d'atteindre les caisses les plus proches, tandis que le serpent rampait vers elle à grande vitesse.

Alcina attrapa un autre des trésors rangés dans une caisse, une épée médiévale dont la lame était parcourue de runes d’origine viking. Profitant du nouveau bond du serpent vers elle pour la mordre, Alcina asséna un violent coup latéral, venant trancher la gorge du démon. Ce dernier, les yeux écarquillés par la douleur, se recula, tortillant son corps et s'étouffant, voyant son sang d'un vert moisi jaillir de la plaie.

UR-66 profita du fait que le démon regardait ailleurs, pour lui bondir dessus et avec la force de ses mains, enfonçant ses doigts métalliques dans le cou du serpent jusqu'à l'os, et lui arracha dans un abondant geyser de sang et de morceaux de chair.

_ Et toi, espèce d'enfoiré, apprends que je ne suis l'esclave de personne! rugit UR-66, laissant tomber la tête de son bourreau à ses pieds.

Son visage figé d'étonnement et ses yeux vidés de toute vie, le démon serpent s'effondra au sol, le corps décapité et baignant dans une flaque de plus en plus grande de son propre sang. Encoure affaibli, UR-66 s'assied lourdement par terre, reprenant un peu ses sens et subissant encore une partie du choc reçu dans les caisses. Alcina, laissant tomber l'épée qu'elle tenait, vint à ses côtés pour s'assurer qu'il allait bien.

_ Vous avez risqué votre vie pour la mienne, et dans votre état actuel ... Pourquoi?

L’humanoïde de métal la regarda.

_ Parce que c'est le devoir de chaque soldat qui se respecte.

Alcina se retrouva perplexe devant cette révélation.

_ Vous ... vous êtes un soldat?

Il acquiesça lentement.

_ Je viens de très loin, de la galaxie GN-z11, située à des milliers d’années lumières de la vôtre. Les initiales de mon nom signifie Uber Ranger, qui est aussi le nom de mon espèce. Comme tous mes semblables, j'ai été créer dans un seul et unique but: servir, combattre et mourir. Je faisait partie d'une armée de soldats, que d'autres races supérieures utilisaient pour la conquête de planètes. Il y a vingt ans, moi et une légion de mes camarades avons été envoyés par nos maîtres dans une énième conquête, mais cette dernière ce révéla être un fiasco totale et un très grand nombre de mes frères furent tués. C’est en voyant tous ces morts, que quelque chose s’éveilla en moi. Je prit conscience que mon existence, comme celle de toute ma race, n’avait aucun sens. Je fit donc ce qu’aucun des miens n’avait fait avant : j’ai déserté, fui le plus loin possible, afin de me perdre quelque part dans l’espace et y mourir, choisissant mon propre sort. Mais finalement, un vortex m’aspira pour me conduire dans cette dimension, ou je fut découvert à moitié mort par Nyurgga qui fit de moi son esclave. Sous sa contrainte, j’ai attaqué et commis des actes innommables, dans le seul but de le satisfaire…

Il parlait avec un goût amer dans la bouche et de ce que Nyurgga avait fait de lui. Mais dans son état, qu'aurait-il pu faire contre le démon serpent et ses pouvoirs? Alcina l'avait écouté et soutenu avec une main amicale sur l'épaule. UR-66, comme tout bon soldat, semblait avoir un sens de l'honneur et un esprit combatif qu'il avait préservé et éveillé aujourd'hui malgré des années d'abus, et cela, elle l'admirait.

_ Quand je me suis libéré de mes chaînes, j'ai entendu Nyurgga parler d'abîmes se répandant dans les mondes ainsi que du retour de vrais seigneurs? ... Qu'est-ce que c'est exactement?

_ Le Haut Seigneur de Laponie, Lordran, m'a envoyée pour recruter de puissants alliés. Une guerre terrible approche et nous devrons affronter un ennemi très puissant qui, si nous ne l'arrêtons pas, enveloppera l’ensemble les mondes dans son voile de ténèbres.

UR-66 se leva alors, comme Alcina, et parut décidé, lui tendant sa main.

_ Dans ce cas, permettez-moi de vous rejoindre, en signe de ma gratitude envers vous et pour m'avoir rappelé qui j'étais vraiment.

Alcina sourit et accepta volontiers UR-66 comme nouvel allié, même si elle ne voulait pas qu'il ait une dette envers elle, afin qu'il ne se sente pas prisonnier à nouveau.

Avant de partir, cependant, UR-66 eut une dernière chose à faire. En premier lieu, il alla récupérer ses affaires personnelles dans le coffre privé de Nyurgga. Alcina le vit revenir équipé d’armes qu’elle n’avait encore jamais, comme une sorte de fusil en métal et laissant émaner de son canon une lueur énergétique verte, ou une lame recourbée accrochée dans son dos, parcourue de lignes luisantes de la même couleur. Ensuite, s'emparant de bouteilles d'alcool rangées dans une caisse, le cyborg entama des préparatifs, introduisant des chiffons dans les bouteilles. Alcina, devinant ce qu'il voulait entreprendre, décida de le laisser faire et resta en arrière, en profitant au passage pour récupérer cette épée runique qui lui avait servi pendant le combat, et décida de la garder comme arme de mêlée.

Une fois les trois bouteilles prêtes, les deux monstres sortirent du chapiteau. Une fois chose faite, UR-66 ne perdit pas de temps et sans hésitation, jeta deux des cocktails molotov sur la toile de la tente, ainsi qu'un à l'intérieur. Rapidement, le feu se répandit, dévorant progressivement l'infâme chapiteau du démon de l'avarice. Alcina choisit de ne rien dire, contemplant la vengeance maintenant complète de UR-66, qui en prime, se permit un doigt d'honneur adressé à son ancien bourreau brûlant à l'intérieur. Le regardant faire, Alcina hésita, mais finalement, se permit de venir aux côtés de son nouvel ami et adressa le même signe. UR-66 la regarda faire, et bien que n’ayant pas de visage pour exprimer ses émotions, parut admiratif.

_ Et bien, je ne m'attendais pas à ça de la part d'une lady. Vous me plaisez bien, dame Alcina, exprima le cyborg.

Une fois cela fait, Alcina invoqua un nouveau portail avec le talisman de Lordran, qui invita UR-66 à y entrer avec elle. Les deux disparurent dans le vortex, quittant cet endroit sans un regard en arrière, et sans le moindre regret.



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