Divalis : l'éveil

Chapitre 29 : Introspection

2079 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/01/2024 22:31


Aziel est sur son programme à réfléchir pour la prothèse – il avait pris les mesures de la patte saine d’Aéon quand elle était encore sous sa forme animale. Abysse et Aéon discutent avec Buntar et Dagan sur le fait de prendre, eux aussi, leur apparence humaine. Seul Vlase reste absent, ce qui commence tout de même à inquiéter Aéon. La divalis a peur que celui-ci fasse semblant de rien et ne s’éloigne pour finalement ne plus revenir. Les lisiis ne vivent pas en famille, il est possible qu’il leur confie Buntar pour ne pas le séparer d’Abysse. Cette dernière est décidée, elle veut se transformer et Buntar est d’accord pour le faire aussi, mais Dagan, lui, le refuse. Aziel aide les jeunes, puisqu’il est celui qui en a le plus l’habitude, pendant qu’Aéon regarde par la baie vitrée en soupirant.

 

— Tu veux que j’aille voir après ? demande Dagan.

— Je doute que tu puisses parvenir à le pister, soupire Aéon.

— J’ai appris à le faire, je suis resté moins de temps que toi avec une patte en moins, je sais que ça fatigue de recommencer à marcher.

— Je suppose qu’il a ses raisons, il a répondu à Buntar tout à l’heure, j’espère juste qu’il n’est pas en train de s’éloigner pour partir, dit Aéon, le regard bas.

— J’en doute fortement, rétorque Dagan en regardant la forêt puis Aéon en lui souriant.

— On a trouvé les traces d’un autre cryptide plus haut dans la montagne, une femelle, il va peut-être nous ramener un membre en plus, ricane Buntar.

 

Aéon regarde alors Aziel, elle en serait ravie, mais cela ferait une personne en plus dans sa maison, et celle-ci n’est pas une auberge.

 

— Dis, Aziel, j’y pensais, mais j’ai une identité humaine et je n’ai que seize ans, si tu me prends à ta charge, tu devrais avoir le droit à une aide, non ? questionne la dorée.

— Il faudrait que je demande à Ulrick, mais je ne pense pas que je pourrais être considéré comme un tuteur légal, j’ai un casier judiciaire qui m’expose comme étant violent, et si je te déclare, les autorités vont sans doute alerter ton père, répond le bicolore.

— C’est une mauvaise idée alors, mon père déteste les cryptides, je ne peux pas lui dire la vérité.

— Tu restes sa fille, il ne va tout de même pas te renier, lui riposte-t-il tout en la regardant.

— Je l’ai retrouvé peu de temps après ma transformation, il a aussitôt compris qui j’étais, même sous ma forme animale, il m’a chassée et a même souhaité ma mort, dit la jeune en baissant la tête.

Ils se retournent tous sur la divalis. Elle ne l’avait jamais mentionné. Abysse et Buntar se ruent près d’elle pour venir lui faire un câlin. Aziel, assis à côté d’elle, passe alors le bras dans son dos pour l’attirer contre lui, ce qui suscite l’attention de Dagan.

Aziel saisit ensuite son téléphone pour appeler Ulrick et lui poser la question par rapport à la prise en charge d’Aéon. Le bicolore se doutait que ce serait une mauvaise idée : le temps de monter le dossier, Aéon serait placée dans un centre pour jeune et, comme il l’a mentionné, Aziel a été arrêté pour acte de violence lorsqu’il s’est battu avec Hector, qu’il a tout de même envoyé à l’hôpital. Il ne serait pas considéré comme étant un gardien fiable pour elle. Toutefois, il y a une autre possibilité, Aéon étant une cryptide, il lui est possible de demander asile auprès d’Ecolyne.

Dans ce cas, une identité humaine lui serait donnée pour tenir son origine cachée, Aziel est également répertorié comme tel. Lors de cette démarche, l’individu demandeur doit renseigner son espèce, ses capacités et accepter qu’une puce lui soit implantée. Lorsque cela est accepté, un cryptozoologue vient régulièrement vérifier que la cohabitation se passe bien et la question du tutorat n’est plus un problème. La personne qui surveille Aziel fait partie de la fondation. Déclarer Aéon comme cryptide humanisé pourrait aider le jeune, mais même Ulrick lui conseille de ne pas le faire, quitte à lui donner un coup de main s’il éprouve des difficultés.

Le divalis bicolore lui explique donc ce qu’Ulrick vient de lui dire, et elle n’est pas contre être déclarée si cela peut l’aider.

 

Pendant ce temps, du côté de la montagne, Vlase tient toujours compagnie à Chillak. Posé dans la tanière trouvée par cette dernière, le froid glacial commence à faire regretter au renard le poêle à bois d’Aziel.

 

— Tu ne rentres pas ? demande Chillak.

— Il le faudra bien, j’en connais une qui doit se faire du souci pour rien, réplique le canin.

— Tu peux y aller, nous nous recroiserons durant l’hiver, je reste ici jusqu’au retour de la bonne saison, explique Chillak.

— Tu pourrais venir et rester avec mon clan en attendant ? propose Vlase.

 

La chimère rit doucement aux paroles du canidé.

 

— Tu laisserais une inconnue rejoindre votre groupe, parce que tu m’as aidée à capturer un chevreuil ? plaisante Chillak.

— Je reconnais qu’une proie de cette taille nous nourrit tous, contrairement à toi, la taquine Vlase.

— Je suis d’une nature solitaire, même si un peu de compagnie de temps à autre ne me dérange pas. Et je ne voudrais pas t’arracher à ton clan, j’ai pris pas mal de griffon, comme eux, je vis seule ou en couple, explique Chillak.

— Faire abstraction de nos mœurs n’est pas si compliqué, dit Vlase.

— Tu as réussi à t’y faire ? Tu as dit qu’il y avait trois divalis, hormis ton fils, la coïste et toi. Vous suivez leurs mœurs à eux ? interroge Chillak, la tête tournée sur Vlase, même si elle ne le voit pas.

— Pas vraiment, elles ont suivi ma façon de vivre, j’ai juste laissé un divalis mâle nous rejoindre et nous avons rejoint le second. Aéon n’est pas aussi instinctive que je le suis et elle refuse de se reproduire, donc je ne la considère pas comme une compagne potentielle. Je la vois comme un renardeau.

— Et si elle venait à accepter un des divalis ?

— J’ai bien l’impression qu’elle est sous le charme de la brindille, mais ils ont une autre manière de faire, dit Vlase en penchant la tête. Je veux dire que leurs comportements sont différents. Aéon et Aziel ont connu les humains, leur vision est autre d’un cryptide sauvage.

— Comment ça ? dit la chimère en penchant la tête de côté.

— Je ne sais pas vraiment expliquer, ils sont plus… sensibles ? Ils sont un peu déroutants, parce que l’on dirait qu’ils ne savent plus se parler avec leur corps, et parfois, ils le font. Aziel semble la courtiser, et en même temps, il ne le fait pas, et Aéon va vers lui et, à la fois, le fuit. Je les trouve compliqués à comprendre, mais d’une certaine façon, cette attache qu’ils ont développée m’intrigue, s’enthousiasme Vlase.

— Ce n’est pas si compliqué d’être amoureux, même un cryptide sauvage en est capable. Tes anciennes compagnes te manquent-elles ?

— C’est évident, réplique Vlase.

— Si tu es capable de ressentir leur manque, alors tu es apte à aimer, répond la chimère.

 

Vlase pouffe quant aux dires de la créature. Cette fois, il se décide à quitter la chimère pour retourner vers les siens. Il fait nuit, ils ne vont plus tarder à aller dormir. Le renard pensait apporter le chevreuil, mais la chimère avait un plus gros appétit que prévu. Enfin, maintenant, il sait où les trouver, ils partiront à la chasse demain, cela fera un bon exercice pour Buntar et Dagan. Vlase rejoint enfin la maison du bicolore, tout le monde est dans le salon et le regarde entrer.

 

— Tu te décides enfin à revenir ? dit Buntar tout en se glissant contre son père.

— Désolé, j’ai croisé un poulet géant bien bavard, ricane Vlase.

— Plus bavard que toi ? réplique Aéon, narquoise.

— Et aussi sournoise, c’était amusant, plaisante Vlase, qui se colle contre Abysse pour la couvrir de neige fondue.

 

La petite s’échappe en courant.

Aéon regarde le carrelage trempé et boueux qu’Aziel venait de nettoyer et grimace. Tandis que Vlase va s’allonger devant le poêle pour se sécher, Aziel, lui, s’en va attraper son racloir et son torchon pour repasser derrière le canidé.

 

— Vlase, je vais t’agacer, mais t’es complètement trempé, je vais te sécher avant que tu ne te couches dans mon lit, déclare Aziel.

 

Le renard regarde le bicolore aller dans la salle de bains et revenir avec un gros appareil qu’il branche. Celui-ci fait un bruit du tonnerre, ce qui surprend Vlase et les autres, alors qu’il dirige son souffle sur le renard, qui se retrouve d’un bond sur ses quatre pattes.

 

— C’est seulement du vent chaud, dit Aéon à Abysse et Buntar, qui regardent Aziel comme s’il torturait le canidé adulte.

 

Buntar et Abysse sont toujours sur leur tentative de changer d’apparence. Vlase, surpris, est donc informé à son tour. Aéon pensait qu’il le prendrait mal mais, à l’inverse, celui-ci tente d’expliquer à Buntar comment le faire. Cela n’est pas tellement différent pour lui que d’inciter son corps à passer le mur du son. Ils n’y parviennent pas pour l’instant, se transformer ou utiliser un pouvoir n’est pas chose aisée et ne se fait pas toujours de manière innée et instinctive. Il faut parfois un déclic, une situation qui stresse assez le corps pour éveiller le changement d’apparence ou l’utilisation d’une capacité. Vlase est sec et ébouriffé… À chacun son tour de jouer au caniche.

Aziel et Aéon vont se changer et tout le monde se retrouve dans la chambre pour regarder un film avant de s’endormir. Ça aussi, les cryptides sauvages commencent à s’y faire, à ces petites soirées et à mieux comprendre le monde humain également. Tout le monde s’allonge, Aziel est sur le dos, Aéon a Abysse contre elle, enroulée sur son ventre. Vlase et Buntar juste à côté, la tête de l’un sur le corps de l’autre, et Dagan est affalé dans le dos de Vlase.

Aziel baisse les yeux sur les épaules de la dorée, Abysse a la tête sur la hanche de sa mère et regarde Aziel. Celui-ci baisse le bras pour venir caresser le bout de son museau. La petite émet un genre de cliquetis de satisfaction. Aziel se tourne lentement sur Aéon pour venir se lover contre elle, son bras autant sur Abysse que sur celui de la dorée. Ça ne dérange pas Aéon, mais cela la déstabilise… Elle ne sait même pas pourquoi, puisqu’elle a l’habitude de dormir contre les autres. Bien qu’elle garde en tête l’idée qu’il fasse cela par intérêt, doit-elle reconnaître qu’elle apprécie cette tendresse qu’il lui accorde ? Aéon se recroqueville un peu, pensive à ce propos. Le jeune ignore si cela est une bonne idée de baisser, ou non, sa garde.

Laisser un commentaire ?