Divalis : l'éveil

Chapitre 31 : Situation délicate

3925 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/02/2024 17:37

Chapitre 31 Situation délicate

 

Aéon et Aziel sont descendus au village, la neige est plus profonde, mais cela n’est pas un problème pour les balades. Aziel aide Aéon à harnacher Fafnir et à régler les brancards. Une fois cela fait, il l’aide à sortir du hangar et à se placer sur la ligne de départ.

 

— Je te rejoindrai à midi, si ce ne va pas, viens à clinique.

— Ne t’en fais pas, tout ira bien, répond Aéon en lui souriant.

 

Le garçon sourit tout en montant sa main contre le visage d’Aéon pour lui en caresser la joue. Surprise, la dorée, devenue écarlate, le regarde quelque peu confuse, tandis qu’Aziel, lui-même saisi par son geste, reprend ses distances, la salue et s’en va d’un pas précipité. Elle surprend alors le regard de Fafnir qui a la tête tournée sur elle et la queue qui s’agite.

 

— Quoi ?

 

Le drake imite un rire et la dorée détourne les yeux d’embarras… Elle prête cette fois-ci attention aux quatre attelages, dont un qui lui rappelle un événement. L’homme se tourne sur elle, les sourcils froncés, et s’en approche avec suspicion. Il a participé à la course, sa drakinne s’appelle Valkyrie.

C’est un homme dans la cinquantaine, les cheveux en partie gris, avec une coupe soignée comme sa barbe. Des yeux bruns et un visage carré. Sa drakinne est grisâtre avec des stries tirant vers le roux, un peu comme le pelage d’un tigre blanc.

Les drakes se regardent et secouent leurs têtes de haut en bas en produisant des sons gutturaux, tandis qu’Aéon regarde l’homme en souriant.

 

— Bonjour, monsieur Creu, dit-elle.

— S’il vous plaît, appelez-moi Adrian ! C’est vous qui vivez chez Aziel ? demande l’homme d’une voix douce.

— C’est bien ça, je le remplace ici pour l’aider.

— Ce n’est pas très compliqué, il suffit de nous suivre, affirme l’homme.

— Aziel m’a montré un peu hier avant la tempête, explique-t-elle en riant.

— Ma pauvre Val avait des douleurs partout, j’ai bien fait de la laisser tranquille. Aujourd’hui, elle sautille comme un drakon, le temps va rester bon, dit-il en regardant la créature.

— J’ai vu un reportage où elle courait avec votre père, elle est toujours aussi belle, répond Aéon.

 

Adrian la dévisage alors avec étonnement.

 

— Vous suiviez les courses d’Ecolyn ?

— Quand j’étais plus jeune, avant de devenir bourlingueuse.

— Et vos parents, ils ne s’inquiètent pas ? demande Adrian.

 

Aéon sourit malgré elle. Vont-ils souvent lui poser cette question ?

 

— Je suis orpheline.

— Pardon de l’apprendre, réplique l’homme.

— Vous ne pouviez pas savoir, répond simplement la jeune.

— Cela se passe bien avec Aziel ? Il est tout de même réputé pour son comportement violent.

— Il ne l’a jamais été avec moi.

— Ce n’est pas ce que m’a dit Mathias hier…

— Aziel n’a fait que répondre à leurs piques. Il a juste besoin d’un petit coup de main pour se canaliser.

 

Adrian soupire, non pas que l’homme porte en horreur le bicolore, mais il a déjà été témoin des bagarres avec Hector et les a déjà plusieurs fois séparés. Il sait qu’Aziel ne fait que répondre aux attaques. Cependant, il n’en reste pas moins une personne dangereuse à cause de ses accès de colère et de sa force.

 

— Est-ce qu’il t’a dit avoir manqué de tuer Hector quand ils étaient jeunes ?

— Il me l’a dit, je sais qu’il a ses torts, mais il me semble qu’il a été puni pour cela. S’il est agressif, c’est parce que l’on continue à le brimer, et je ne vois pas pourquoi il devrait le supporter sans rien faire puisque personne ne le défend, réplique Aéon.

 

Adrian relève les yeux pour regarder derrière la dorée, Hector arrive justement avec Jillian et leurs attelages.

 

— Les garçons, vous passez devant ?

— Tu ne veux pas y aller pour que Danseuse, Igor et Fafnir suivent le rythme de Valkyrie ? répond Hector.

— Laisser les vôtres aller à leur aise, ils sont jeunes, ils en ont besoin, réplique Adrian.

 

Hector se place en tête avec Danseuse, Jillian en second avec Igor, ensuite Aéon et Adrian en dernier.

Danseuse est une drakinne de couleur gris clair avec un reflet bleuté sur le haut de son corps et des stries bleu clair. Igor est verdâtre comme Fafnir, mais avec des stries d’un vert citron, et tous les drakes ont les iris jaunes.

Les voici partis pour promener les touristes dans la neige fraîche et le froid qui rend nerveux les enfants et irrite, un tant soit peu, les parents. Hector râle, car Jillian chante à tue-tête avec les enfants de son attelage. Aéon, elle, ça la fait rire, elle se joindrait bien à lui, mais elle n’est pas aussi à l’aise que cela. Les derniers clients sont descendus, puisque les autres apportent des seaux d’eau à leur créature, la dorée en donne à Fafnir, bien que celui-ci ne se désaltère pas autant qu’elle l’aurait pensé.

 

— Seulement ?

— J’ai déjà bu, répond Fafnir.

— Tu es sûr que tu n’en veux pas plus ?

— Tu me détaches ?

 

Hector, qui vient de libérer Danseuse, regarde Aéon en fronçant les sourcils.

 

— Tu parles aux drakes ?

— Comme toi, réplique-t-elle.

— Ouais, mais avec le lien, on comprend le nôtre. Fafnir n’est pas à toi.

— Tu l’as dit, je suis une cryptide, répond Aéon, narquoise.

— T’es timbrée ou quoi ? Tu vas être chassée du village, rétorque Hector.

— Tu serais ennuyé que je le sois ? dit-elle, moqueuse.

— Les cryptides n’ont rien à faire parmi les humains, répond Hector en plaçant les mains dans ses poches, Jillian venant le rejoindre.

— Tu nous trouves si différents de vous ?

— Toi, nan, mais Aziel, oui, réplique le brun.

— En quoi ?

— Les humains ne sont pas bicolores et n’ont pas des yeux violets, et Adrian t’a informée de ce qu’il m’a fait, avance le garçon.

— C’est du vitiligo qu’il a, c’est présent chez les humains aussi, intervient Jillian.

 

Hector se tourne, le regard las, vers le blond qui lui répond par un sourire malicieux.

 

— Il y a une maladie qui donne aussi des yeux violets, répond Aéon.

— J’en doute fortement ! Pourquoi vouloir lui chercher des excuses, il a été confirmé cryptide ! dit Hector.

— Elle a raison, il y a des chanteurs et des acteurs qui en sont atteints, intervient Jillian.

— Comment tu sais ça, toi ?

— Je te l’avais montré avec l’acteur de la dernière fois, tu as même dit que c’était sans doute un cryptide.

— Je suppose que l’on a inventé des maladies pour les garder cachés, réplique le brun en haussant les épaules.

— Si on leur invente des maladies pour aider à leurs adaptations, c’est que les cryptides et les humains peuvent cohabiter ! Vous êtes marrants à les rejeter, vous en chevauchez ! dit Aéon en montrant les drakes.

— Les drakes se sont laissés domestiquer. Pour nous, ils ne sont pas plus différents que des animaux, dit Hector.

— Donc, pour que vous nous acceptiez, il faudrait que l’on accepte de devenir des animaux domestiques ? Sans vouloir t’offenser, Fafnir, dit-elle en caressant le museau de la créature qui vient de lui souffler dessus.

 

Aéon veut détacher les sangles, néanmoins elle n’est plus certaine de ce qu’elle doit faire. Elle se tourne alors vers Adrian, cependant, il est déjà parti. Elle grimace et regarde après Hector, mais lui non plus n’est plus en vue. Jillian, qui vient de libérer son drake, surprend son regard et s’en approche.

 

— Je vois à tes yeux suppliants que tu n’es pas certaine de ce que tu fais, réplique le jeune en riant.

— Aziel m’a montré, mais je ne suis pas certaine d’avoir détaché ce qu’il faut.

 

Elle s’écarte pour le laisser voir, et celui-ci défait la sangle de recul qu’elle avait oubliée. Aéon se presse d’aller enlever l’autre et Fafnir s’en va tandis qu’elle pose le brancard au sol.

 

— Aziel va sans doute remettre le brancard en place, s’il oublie, n’hésite pas à m’appeler, c’est plus facile à deux quand il n’y a pas de barre pour le tenir fixe.

— Tu crois qu’il viendrait m’aider ? dit Aéon avec un petit sourire en coin.

— Bien sûr ! T’as fini de nous faire des reproches ? Nous ne sommes pas tous sur son dos et je suis le premier à dire à Hector qu’il exagère, ronchonne le garçon.

— Donc, j’ai raison de penser que ce n’est pas le fait qu’il soit un cryptide le problème ?

— Ce n’est pas le premier et sans doute pas le dernier…

— Pourquoi vous vous acharnez sur lui ?

— Hector passe son temps à l’ennuyer, mais celle qui fout vraiment la merde, c’est sa mère, elle fait partie des responsables du village. Elle met de l’huile sur le feu. On a plusieurs fois réussi à calmer Hector sur sa rancune et quand on y arrivait, Régine faisait en sorte qu’Aziel s’énerve en sa présence, explique Jillian.

— Je vois…

 

Elle aperçoit Aziel derrière le blond, avec sa démarche de ballerine qui part à la guerre. Celui-ci a les yeux fixés sur la dorée et le blond, il n’entend pas ce qu’ils se disent, mais s’imagine le pire. Aéon se déporte un peu pour que Jillian le remarque, elle lui fait signe, tout en lui souriant, ce qui calme aussitôt le bicolore qui ralentit un peu son allure de bûcheron prêt à aller débiter un énorme tronc.

 

— Ça va ? demande-t-il tout en gratifiant le blond d’un regard froid.

— Jillian m’a aidée à déharnacher Fafnir, j’avais oublié une sangle.

— Merci, répond Aziel, son regard allant vers le blond.

 

Celui-ci répond d’un signe de ses doigts et s’en va rejoindre Hector qui l’attend devant le snack.

 

— Ulrick nous a préparé sa spécialité, on mange à la clinique, explique Aziel à la dorée.

 

Aéon accompagne le garçon, celui-ci surveillant mine de rien sa démarche.

 

— La prothèse ne te fait pas mal ?

— Non, ne t’en fais pas.

— J’ai commencé l’assemblage du modèle en trois dimensions, je vais avoir besoin de tes mensurations et de ton poids pour la simulation, explique le divalis.

— De ma forme animale, je suppose ?

— Ouais, tu penses y arriver ?

— Il le faut bien, réplique-t-elle.

 

La neige recouvre la place, Aéon a le pantalon trempé… Aziel ouvre la porte de la clinique et guide la jeune jusqu’à la cantine. En entrant, elle salue aussitôt Ulrick et Irina qui les attendent.

 

— Alors, jeune fille, ça va ? Il ne fait pas trop froid pour toi ? demande Ulrick en préparant leurs assiettes.

— J’ai le pied un peu gelé, mais ça va, la démonstration musicale de Jillian m’a réchauffée, plaisante la dorée.

— Il me fait rire quand il danse sur les bancs, plaisante Irina.

— Ou les lampadaires, réplique Aziel assis à côté d’Ulrick, Aéon à sa droite. 

— Ça te plaît quand même ? Ce n’est pas long sans ton chéri ? plaisante Ulrick.

 

Aziel monte les yeux au ciel et Aéon rit de gêne.

 

— La première partie est vite passée, à voir quand le froid sera plus mordant.

— Arrête-toi avant de tomber malade.

— Oui, chef ! plaisante-t-elle pour taquiner Aziel.

— J’ai une question plus importante, déclare soudain Ulrick. On vous marie quand ?

— Tu deviens énervant, Ulrick ! réplique Aziel assez sèchement.

 

Aziel a peur qu’avec ce genre de remarque, Aéon ne se détourne totalement de lui. Il a conscience qu’elle n’est pas intéressée, mais il a réfléchi aux paroles qu’il n’a pas su prononcer la dernière fois.

 

— Oh, ça va, Aziel, il ne faut pas non plus exagérer, vous êtes de la même espèce et vous êtes complices, rétorque Ulrick.

 

Irina s’étonne aux dires de l’homme, puis finalement, non. C’est même plutôt logique qu’elle soit, elle aussi, une cryptide.

 

— C’est à eux de décider de ce genre de chose, Ulrick, et ce n’est pas parce qu’ils sont complices, qu’ils sont forcément compatibles.

— Compatibles ? ricane l’homme.

— Oui, ils peuvent être très bons amis, mais ne pas avoir les mêmes attentes pour ce qui est d’une relation de couple, explique Irina.

— C’est du chipotage de jeunes ça ! Quand j’étais jeune, je ne tournais pas autour du pot, je me déclarais et je suis toujours avec ma femme.

— Parce que tu as eu de la chance, ils ne sont pas humains, ils doivent aussi avoir leurs façons de faire les choses.

 

Aéon se raidit de plus en plus, elle a l’impression qu’ils oublient qu’ils sont là. Elle les regarde avec une certaine gêne, puis ose se glisser dans la conversation.

 

— Irina a raison, je suis divalis, nous n’avons pas la même manière de faire, Aziel perdrait son temps avec moi.

— Pourquoi ? demandent les adultes.

— Pour commencer, les femelles ne savent plus avoir de petit et, même si cela pouvait s’arranger, certaines conditions liées à mon espèce font que je ne le ferais pas, de toute façon.

— Cela ne t’empêche pas de tomber amoureuse, l’important dans une relation, c’est de parler, dit Irina.

— Même en parlant, si lui veut des enfants, même s’il dit ne pas en être dérangé, son envie le rattrapera bien à un moment et, si je ne change pas d’avis, ce sera une frustration pour lui. Je considère avoir trop de contres pour considérer qu’une relation amoureuse puisse être possible sans que l’un des deux en souffre, répond Aéon.

  

Ulrick observe Aziel, qui se décompose. Il se demande si son pupille n’aurait pas tenté de draguer la jeune… Irina dévisage Aéon, grimace, puis argumente :

 

— Pourquoi en souffrirait-il ? Permets-moi de te dire que tu passes à côté de quelque chose qui pourrait te rendre heureuse, conclut la jeune femme.

 

Aéon détourne les yeux, son appétit coupé, comme celui d’Aziel. Il le sait, mais le bicolore peine à entendre les paroles de la jeune. Il ne sait plus quoi en penser, est-ce vraiment une perte de temps ? Pour qui ? Ce n’est pas directement lui qui semble la freiner, à moins qu’elle soit radicale et qu’elle ne pense même pas à ses propres sentiments en partant du principe qu’elle ne se mettra jamais en couple ?

C’est dans un silence de mort qu’Aziel va l’aider à remettre l’attelage en route pour le restant de la journée. Heureusement, elle a l’habitude de faussement sourire et de donner l’impression que tout va bien. En revanche, une fois revenue à la grange, une fois Fafnir harnaché, maintenant qu’elle doit de nouveau faire face à Aziel, son sourire est remplacé par une expression d’inquiétude.

Aziel est là, il caresse les créatures regroupées autour de lui, elle le rejoint, l’estomac dans les talons. Aéon a l’impression que le regard du divalis est redevenu aussi froid que les premiers jours. Elle se frotte les bras, le froid bien plus mordant que ce qu’elle n’aurait pensé.

 

— Tu as froid ? Tu veux ma veste ?

— Ça va aller, on va rentrer.

— Je suis de repos demain, l’avertit Aziel.

 

Il la regarde, puis l’attrape dans ses bras comme une enfant, ce qui est simple avec sa taille, et la glisse sur le dos du drake avant de se hisser à son tour.

 

— J’aimerais faire un tour en montagne avec Fafnir, tu viens avec moi ?

— Maintenant ?

— Demain, il fait trop froid, là.

 

Les trois autres viennent de monter sur leur monture sans harnachement puisqu’ils n’ont pas loin à aller.

 

— Ah ! J’ai les miches gelées ! crie Jillian.

— Tout le monde a froid, Jill, pas besoin de le clarifier, réplique Hector.

— Si, moi, ça me réchauffe de crier, continue le blond.

— N’importe quoi, c’est ton cerveau qui gèle, imbécile, rétorque le brun.

— Bonne soirée les jeunes, je pars avant d’avoir plus que les miches de geler, déclare Adrian, Valkyrie s’élançant dans la poudreuse.

 

Jillian se met à rire, tandis qu’Aéon, Aziel et Hector regardent le vieil homme disparaître avec des yeux ronds.

 

— Qu’as-tu encore ? réplique Hector, les trois prenant la même direction pour rejoindre leurs demeures.

— Adrian qui lâche ce genre de chose, c’est trop drôle !

— Juste pour toi…

— Je me les gèle ! grelotte Jillian en se frottant les bras.

— Tu vois que t’exciter ne sert à rien !

— C’est le début, je m’échauffe, ricane le jeune.

— Cela doit être animé à côté de chez lui, plaisante Aéon.

— À qui le dis-tu ! Il ne s’arrête jamais, une pile sur pattes ! Ce matin, il criait par la fenêtre pour s’assurer que j’étais réveillé, explique Hector.

— À savoir que la ferme d’Hector et la maison de Jillian doivent être séparées d’au moins dix mètres, intervient Aziel.

 

Aéon rit en regardant le blond qui s’agite sur son drake pour essayer de se réchauffer, celui-ci ne semblant pas dérangé par son cavalier.

 

— Au moins, il a un réveil personnalisé et avec ma superbe voix en prime, réplique Jillian.

— Tu parles, on dirait Rocky quand il crie après sa femme, rajoute le brun.

 

Jillian se met alors à crier les répliques du film en imitant la voix dudit personnage. Aziel secoue la tête tandis qu’Aéon s’en amuse. Ils se séparent à l’embouchure d’une rue, Aziel allant sur l’est de la vallée alors que les deux autres doivent remonter tout le village en amont pour rejoindre leur maison.

 

— Cela a l’air d’aller, dit Aéon à Aziel.

— De quoi ?

— Vous pouvez emprunter le même chemin sans vous insulter.

 

Aziel baisse les yeux sur la jeune devant lui, puis se concentre sur le chemin de terre recouvert de neige.

 

— C’est vrai…

— Je suis certaine que sans cette dispute, vous vous entendriez.

— Je n’en sais rien, s’attaquer à moi lui permet de refouler ce qu’il cache aux autres, explique Aziel.

— C’est-à-dire ?

— Il est attiré par les mecs, ce n’est pas du tout toléré, ici, à Ecolyne.

— Il te l’a dit ?

— Je le sais à son odeur, explique Aziel.

— Je ne l’ai pas sentie différente de celle d’Adrian ou de Jillian, répond Aéon, confuse.

— Celle qu’il émet quand il est attiré par un mec, rectifie Aziel.

— Tu penses qu’il serait rejeté juste pour ça ?

— Il suffit de voir comment réagissent les villageois quand des couples du même sexe viennent à Ecolyne.

— C’est ridicule, non ? demande Aéon en levant les yeux vers le bicolore.

— Tu ne trouves pas cela bizarre ?

— L’amour et l’instinct de reproduction n’ont rien à voir.

— C’est étrange que tu penses ainsi, puisque tu considères comme inutile une relation de couple, réplique Aziel.

— Les divalis ne sont pas des humains. Il est naturel pour notre espèce de vouloir s’imprégner et se reproduire, or, je ne peux faire ni l’un ni l’autre… Qui y a-t-il à gagner d’une femelle qui ne donnerait rien ?

— Ce n’est pas une histoire de gagner ou de donner quelque chose, mais de partage. Une personne qui t’aime réellement se fichera de ce genre de chose tant qu’elle peut être avec toi.

— Dans ce cas, qui y a-t-il à partager ?

— Nos sentiments…

 

Aéon baisse les yeux sur la crête de Fafnir, puis les remonte vers l’écurie qui leur fait face. Elle a très bien compris où veut en venir Aziel, mais elle est tout aussi bornée que ce dernier. Même s’il a été élevé par les humains, il n’en reste pas moins un divalis. Aéon part du principe qu’il n’est certainement pas le seul mâle avec Dagan. Elle sait que le rouge éprouve de la jalousie face à leur entente ; même s’il semble changer, leur compétitivité pourrait faire revenir ce comportement qu’elle n’a pas apprécié. Aziel pourrait, malgré l’attention qu’il lui porte, se laisser emporter par ses pulsions et en venir à de mêmes résultats. Cela pourrait être accentué si d’autres mâles s’ajoutaient au clan… Si cette envie de les retrouver n’était pas aussi forte, que l’idée d’être à nouveau seule ne la terrifiait pas, Aéon aurait fui depuis longtemps pour s’isoler loin de tout cela.


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