Divalis : l'éveil

Chapitre 32 : se faire comprendre.

3360 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/03/2024 21:30

Chapitre 32 : comment se faire comprendre

 

Lorsque Aziel ne va pas à la clinique, il travaille sur la prothèse d’Aéon. Cette dernière, de son côté, s’entraîne à passer d’une forme à l’autre pour aller dans la montagne avec Buntar et Vlase. Celle-ci est rassurée de voir qu’en un mois, elle n’a pas beaucoup perdu de son endurance ni de sa vitesse et qu’elle se débrouille assez bien avec la prothèse.

Aziel l’a accompagnée le premier jour, mais par la suite, il a préféré s’écarter pour la laisser avec les siens. Dagan peut à nouveau se déplacer, bien qu’il doive tout de même faire attention. De ce fait, le rouge ne s’éloigne pas plus que cela des abords du bois et de la demeure d’Aziel. Doit-il avouer que même si Aéon ne l’a pas chassé, il ne se sent pas spécialement à l’aise avec elle ou les autres ? Abysse, quant à elle, joue un peu à l’extérieur, mais le froid de plus en plus mordant fait qu’elle retourne vite se réchauffer.

Elle s’allonge dans le fauteuil, la tête posée sur les genoux d’Aziel à regarder ce qu’il fait.

Enfin, il a terminé ! Les griffes, les phalanges et les métatarses ont un squelette métallique complémenté des moteurs hydrauliques pour que la prothèse réagisse avec les gestes et l’appui qu’Aéon mettra dessus. Il lance la simulation du programme pour vérifier que cela semble correct, mais les derniers ajustements devront se faire sur la porteuse directement.

Abysse, intriguée par l’animation qui se joue, se redresse tout en penchant la tête.

 

— C’est ce qui va remplacer la patte de maman ?

— C’est bien ça, elle va pouvoir marcher et courir comme avant, répond Aziel.

— Et comment ça va tenir ? demande Abysse en le regardant.

— Il y a une partie qui s’emboîte pour être attachée au reste de sa patte, explique le bicolore.

 

Aziel s’étire tout en regardant vers la montagne, Abysse l’imite, puis s’assoit face à lui. Il la dévisage en souriant tout en lui caressant la tête. Il baisse son regard sur son ordinateur, la Fondation lui revenant en tête, il s’y connecte pour vérifier ses messages privés.

Il y était retourné entre-temps et avait informé certaines personnes du rétablissement d’Aéon, le fameux vampire y compris.

Ces derniers jours, celui-ci insiste pour parler directement avec Aéon. Celle-ci a répondu à quelques-unes de ses questions, mais le trouvant trop intrusif sur la manière dont elle devrait régir les individus de son espèce, elle a préféré l’ignorer. Il refuse également de leur permettre de discuter avec Kiria, la demi-divalis.

En parlant de divalis, la communauté a par ailleurs découvert ce qu’ils supposent en être un, du côté de la Géorgie. Il ne serait pas seul mais, en revanche, il est difficile de le localiser car celui-ci serait en déplacement constant.

Aéon, Vlase et Buntar font leur retour, la dorée caresse Abysse qui la rejoint et celles-ci se rendent dans la salle de bains afin qu’Aéon reprenne sa forme humaine. Exténuée, elle revient dans le salon où elle s’assoit à côté d’Aziel, qui se décale pour lui laisser la place.

 

— Tu retrouves tes anciennes habitudes ?

— Je n’ai pas trop perdu, mais il est difficile de manœuvrer avec une tige qui ne plie pas, explique la dorée en riant.

— J’ai fini le prototype, la simulation est correcte, je devrais l’avoir d’ici à la fin du mois, l’informe Aziel.

— C’est gentil, répond Aéon avec une certaine gêne.

 

Aziel lui sourit et sans trop savoir ce qu’il lui prend, remonte la main vers le visage d’Aéon, qui tressaille quand elle sent ses doigts lui effleurer la joue. L’intensité de son regard ainsi que son geste la crispe et elle en détourne la tête en baissant les yeux. Elle porte la main à son cœur qu’elle sent battre avec force et appuie mine de rien sur son estomac qui se tord dans son ventre.

Aziel reprend immédiatement ses distances, il entend son cœur battre, mais surtout, il sent l’odeur qu’elle émet. À son tour, il détourne les yeux en passant son bras derrière sa nuque, qu’il se masse d’inconfort.

Abysse est allée ennuyer Buntar, mais Vlase, lui, a les yeux sur le duo qu’il observe avec un certain intérêt et une bonne dose de confusion également.

Aéon a baissé le regard, son cœur bat vite et son odeur indique un malaise. Elle est soumise à Aziel, pourtant, celui-ci ne montre aucun signe de dominance pour qu’elle en vienne à ce résultat. Il s’est affaissé quand Aéon a regardé ailleurs et les pulsions qu’il a transmises ont été brèves.

Le renard est dubitatif, était-ce un début de parade qu’il a désamorcé ? Elle n’est pourtant pas en chaleur ? Le regard rivé sur eux, le renard continue à les observer, et maintenant, ils s’ignorent. Serait-ce à cause de cette éducation humaine qu’ils ont reçue ?

Aziel, sentant le regard du canidé sur eux, se tourne vers lui.

 

— Quoi ?

— Ce que tu viens de faire, quand tu l’as touchée, qu’est-ce que cela veut dire ?

 

Aziel reste béat face à sa question. Il observe brièvement Aéon qui, à son tour, le regarde. L’attention du divalis bicolore revient sur le renard et il se gratte la tête sans savoir quoi lui répondre.

 

— C’est pour… être gentil, balbutie Aziel.

 

Vlase plisse les yeux. Un câlin, en soi ? Pourtant, que ce soit Aéon, Aziel ou même Dagan, comparés à Buntar, Abysse ou lui-même, les divalis ne sont pas des plus démonstratifs. Il n’en comprend peut-être pas la subtilité, mais il est certain que ce geste d’Aziel n’avait rien d’anodin.

 

— Tu n’as pas la même odeur quand tu caresses le museau d’Abysse, donc tu ne fais pas ça avec les mêmes intentions, dit Vlase, un brin narquois.

— Je voulais me montrer délicat, enfin, j’essaie, répond Aziel troublé, ses yeux allant brièvement vers Aéon.

 

Vlase penche une oreille, quelque peu déconcerté par les informations contradictoires envoyées par Aziel et Aéon. La gestuelle et les paroles ne suivent pas leurs effluves.

Celles d’Aziel indiquent l’intérêt qu’il porte à Aéon, en contrepartie, il ressent et est conscient du stress qui la prend. Si Aéon a effectivement le cœur qui se hâte et une position qui indique son malaise, les phéromones qu’elle émet, elles, annoncent qu’elle n’est pas non plus indifférente à Aziel. Et c’est là que vient la confusion de Vlase, si les deux semblent attirés par l’autre, pourquoi se fuient-ils ?

 

— Délicat… Donc, ça n’a rien à voir avec une tentative de séduction ?

 

Aziel écarquille les yeux… Il y a aussi de cela. L’approcher sans être intrusif. L’observer dans ses réactions. Définir s’il peut aller de l’avant ou s’il doit reculer et surtout éviter de la faire fuir. Aziel ne peut nier la vérité, il apprécie fortement la divalis et il aimerait le lui faire comprendre.

 

— Ce n’était pas mon idée, répond Aziel.

— Je vois, conclut Vlase d’un sourire.

 

Aziel se gratte nerveusement la tête tout en baissant les yeux vers Aéon, qui fuit son regard.

Dagan, dans son coin, est agacé par cette proximité entre Aziel et Aéon, qu’il déprécie fortement. Il plaque ses oreilles sur son crâne et se redresse pour se rapprocher d’eux.

La tension qui se dégage de lui éveille tout de suite l’instinct d’Aziel, qui se transforme subitement en déchirant ses vêtements pour s’opposer au divalis rouge. Buntar et Abysse se cachent immédiatement derrière Vlase tandis qu’Aéon se raidit davantage, prête à intervenir.

 

— Ne rêve pas, elle n’a aucune envie d’assumer son rôle d’alpha ! Elle ne s’imprégnera pas, elle n’a pas assez de caractère pour ça ! réplique Dagan.

— D’où tu te permets de lui dire ce qu’elle devrait faire ? Elle est l’alpha, non ? C’est à elle de décider de ce genre de chose et certainement pas à nous ! gronde Aziel.

— C’est avec ce genre de pensée que les nôtres ont disparu ! Les femelles n’ont pas les épaules pour être cheffes ! Regarde ou cela nous a menés ! Nous devons notre survie à un gros coup de chance ! rétorque Dagan.

 

Aéon se tend, c’est à elle de se défendre, pas à Aziel. Cela semble dérisoire, mais en prenant sa défense, il se place également comme un prétendant. Dans ce cas, s’ils viennent à se battre, elle serait alors un gain, chose que la dorée refuse de laisser faire !

 

— Tu as fini de te plaindre ou tu comptes menacer davantage les membres du clan ?

 

Dagan exhibe les crocs, tout comme Aziel, appuyé par Vlase qui se place à ses côtés. Pour l’instant, ses ceux-là sont ce qu’il y a de plus proches d’un chef, ils agissent donc de la même façon, afin de rappeler à Dagan la sienne. Si en contrepartie Vlase et Aziel ne se cherchent pas, c’est simplement parce qu’ils ne cherchent pas à dominer l’autre, pour l’instant.

 

— De quoi tu te mêles, Vlase ? Tu as brisé tes mœurs pour accepter deux femelles d’une espèce différente, et regarde où cela t’a mené. Tu as perdu ta meute et elles ne te donneront pas de descendance, ajoute Dagan.

 

Aéon se crispe aux paroles du rouge, puisqu’elle pense réellement être responsable de la tragédie qui a touché la meute de Vlase… Le renard hérisse les poils de son cou et de son dos en une longue crête.

 

— Si Aéon n’avait pas été là, il n’y aurait eu aucun survivant, réfute Vlase.

 

Aziel, ne parvenant plus à garder son calme, saute sur le divalis rouge. Celui-ci, surpris, se dresse sur ses pattes arrière, mais pas assez rapidement. Un coup de mâchoire dans la tête le fait se plier vers la gauche tandis qu’Aziel met son poids sur lui pour le basculer sur le flanc. Dagan n’a pas le temps de se redresser, il a une patte sur la tête et une autre sur sa hanche qui le maintient face contre terre !

Dagan gronde pour finalement cesser toute résistance, Aziel le libère, le rouge se hâtant d’aller s’allonger près de la baie vitrée. Ni Vlase ni Aziel ne semblent d’accord sur le fait qu’un alpha se doit d’être endurci et d’agir comme un leader pour les siens. Ils ne veulent pas reconnaître qu’Aéon n’en a pas les épaules ! Il est le plus vieux, il est celui qui les guidera le mieux, ce n’est qu’une question de logique, alors pourquoi ne l’accepte-t-il pas ? Le rouge sait de quoi il parle, il a vu ses parents mourir, il a vu Aérin repartir et ne jamais revenir. Tout ce qu’il veut, c’est que cela n’arrive plus et, pour ça, il faut que l’un d’entre eux se décide à prendre les commandes, à manipuler les esprits s’il le faut pour qu’ils arrêtent de s’écraser face aux humains.

Aéon observe le bicolore qui reprend son souffle et surtout son calme. Vlase est déjà retombé en pression, il se canalise plus facilement que le divalis bicolore. Aziel s’ébroue et remonte sur le canapé, Abysse l’y rejoignant, elle-même suivie par Aéon. Vlase et Buntar s’allongent sur l’autre.

 

— Tu gagnerais l’esprit de ruche, d’accord, mais à quoi te servirait-il, Dagan ? Qu’en ferais-tu ? Comment guiderais-tu notre meute ? demande Aziel.

— Cela nous protégerait, rétorque le rouge.

— À nous quatre, cinq en comptant le possible autre divalis ? Comment ferions-nous face à autant d’humains ? En quoi il t’aiderait à nous en défendre ? Aéon a raison de penser que l’esprit de ruche n’est pas une arme. Il est une réponse à la folie qui nous habite, rien de plus, répond Aziel.

 

Dagan détourne les yeux tout en marmonnant :

 

— Sans chef, une meute ne peut pas tourner correctement…

— Parce que tu trouves que nous sommes en difficulté ? Qu’attends-tu d’un chef ? Qu’il te dise ce que tu dois faire de ta journée ? Qu’il te morde quand il est énervé ? Qu’il te félicite quand tu as fait ce qu’il te demandait contre ton gré ? Tu te sens à ce point menacé par les humains pour te dire qu’un pouvoir qui ne saura d’aucune utilité puisse être la solution ?

 

Dagan dévisage Aziel, ne trouvant plus ses mots, il ouvre la bouche, puis la referme. La tension de son corps se volatilise et le rouge préfère s’en aller à l’extérieur, sa robe se détachant de l’épais manteau blanc.

Aéon, quant à elle, s’excuse d’avoir besoin de s’allonger quelques minutes et s’isole dans la chambre d’Aziel. Tandis qu’elle s’en va, Vlase remonte son regard vers le bicolore, qui constate seulement l’état de ses vêtements.

 

— Profites-en pour lui parler, tu ne vas pas rester nu, plaisante Vlase.

— Elle a besoin de calme, je peux attendre un peu.

— Il serait peut-être temps d’être franc tous les deux, dit le renard en se levant, puis il va ensuite à l’extérieur.

 

Dagan n’est pas allé bien loin, le froid lui fait mal à la patte… Il se retourne sur Vlase dont il entend le bruit des pattes s’enfoncer dans la poudreuse. Il s’assoit tout en soupirant, regardant en face de lui tandis que le canidé vient en faire de même.

 

— Qu’est-ce qu’il a de plus que moi ? réplique Dagan.

— Tu n’en as pas une petite idée ? rétorque Vlase avec dédain.

— Il a juste eu la chance d’être au bon endroit au bon moment. Il a des connaissances que je n’ai pas, mais ça ne fait pas de moi un mauvais partenaire.

— Ce qui fait de toi un piètre partenaire, Dagan, c’est le fait que tu sois juste intéressé par l’esprit de ruche.

— En quoi ? Je reconnais en avoir eu un trop grand espoir, mais moi aussi je peux me tenir devant un membre plus faible pour le protéger ! Vous aussi, vous dominez, vous aussi, vous faites preuve de force pour affirmer vos pensées. Pourquoi vos idées seraient-elles meilleures que les miennes ?

— Parce que de nous quatre, tu es le seul à penser ainsi, répond Vlase.

— Je ne fais que m’affirmer, je n’ai jamais été inutilement agressif. Même si ce n’est pas pour lui faire des avances, tu l’as déjà retournée et soumise parce que cela t’amuse de l’embarrasser. Il t’est déjà arrivé de la chevaucher quand nous voyageons. Tu n’avais peut-être pas l’intention de t’accoupler, mais tu le faisais, même si elle n’aimait pas, dit Dagan.

— Je ne me suis jamais montré violent, je ne l’ai jamais mordue quand elle claquait les dents pour me faire reculer. Je ne lui reproche pas de fuir au lieu de me confronter et, si tu y as pris garde, elle ose enfin le faire, ajoute Vlase.

— Et toi ? Aziel t’a retourné et sans raison, dit Dagan d’un ton sec.

— Voilà pourquoi tu ne pourras pas faire un bon chef, Dagan. Tu ne comprends même pas nos codes les plus simples. Tu penses vraiment que si son comportement avait été exagéré, je l’aurais aussi facilement accepté ? N’as-tu donc pas compris ce qu’il s’est passé ce jour-là ?

— Il t’a soumis, répond simplement le rouge.

— Il n’a fait que répondre à ma provocation. Je reste un mâle et un lisii. Pour moi, accepter un autre mâle n’est pas dans ma nature, et il ne m’a pas blessé non plus, répond Vlase.

 

Dagan tique… De toute façon, ils sont tous contre lui ! Ils trouveront toutes les excuses pour le mettre en faute. Il soupire et frémit à cause du froid, Vlase se redresse et fait demi-tour tout en l’attendant. Le rouge lève ses yeux en l’air et suit le renard pour retourner au chaud.

Dans la chambre, Aéon est assise contre l’armature du lit, les jambes allongées sur le matelas à serrer le coussin contre elle. Elle remonte les yeux vers le visage d’Aziel, qui vient d’entrer dans la pièce. Il va jusqu’à son armoire où il change d’apparence pour se rhabiller. Aéon en détourne immédiatement les yeux.

Une fois revêtu, Aziel vient s’asseoir sur le rebord du matelas à côté d’Aéon. Elle le regarde, mais avec une expression de chien battu. Le bicolore souffle doucement pour se décharger un peu de son stress. Lui qui a pourtant du répondant se retrouve chaque fois incapable de choisir ses mots face à elle. Il doit lui parler, d’accord, mais de quoi ? Est-il est franc-jeu, est-ce qu’il lui dit tout, au risque qu’elle préfère le fuir et qu’il en vienne à nouveau à être seul ?

 

— Aéon… Je sais ce que tu en penses, mais… je m’attache de plus en plus à toi.

— Aziel, tu te fais du mal pour rien. Je ne veux pas m’imprégner, je ne changerai pas d’avis.

— Mes sentiments vont au-delà de cette envie.

— Notre relation actuelle ne te suffit pas ? Je… Tu finiras par avoir envie de plus et je pense qu’au bout d’un moment, la frustration deviendra un problème, dit Aéon en serrant l’oreiller : Nous sommes cryptides, nos instincts sont là… Imagine que nous y cédions, que je le regrette et que je t’en veuille par la suite ? Je n’ai pas envie de ça.

 

Le bicolore se glisse dans le dos de la dorée et s’y blottit en la serrant contre lui, celle-ci ne le repoussant pas.

 

— Si tu n’es pas dérangée par notre proximité, cela me suffit amplement, marmonne Aziel.

 


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