Cœur sur Papier

Chapitre 4 : Lettre d'un Soldat

849 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/04/2022 23:25

Mon bien-aimé,

Cela fait maintenant plusieurs mois que j’ai dû m’en aller, à mon plus grand regret. Peut-être même que ça fait plus d’un an que je vous ai laissés, mais je commence à perdre totalement la notion du temps dans cette guerre.

Comment vas-tu, dis-moi ? Comment se porte Thérèse ? Elle doit déjà avoir fêté son troisième anniversaire… Je ne peux que m’en vouloir encore et toujours d’avoir laissé notre petite puce… Mais vous le savez, dès que j’aurai une permission, je reviendrai vous voir. Notre petite vie à trois me manque plus fort que tout.

Cela fait bien trop longtemps que je n’ai pas reçu de lettre de votre part. Comment les hommes parviennent-ils à gérer le pays pendant que nous, les femmes, tentons de survivre, ici ? J’essaie d’imaginer que tout va bien pour vous et que vos efforts réussissent à garder notre nation belle et brave, c’est ce que nous désirons accomplir également, de notre côté.

Tu sais Ronan, mon aimé, quand je prends les armes, quand je me dois d’ôter, parce que la nation le désire, la vie à d’autres femmes, à d’autres mères… Je m’interroge, suis-je moi-même encore digne d’en être une ? Pourrai-je un jour, après avoir vécu tout cet enfer, devenir une bonne mère pour notre petite Thérèse ? Je l’espère de tout mon cœur.

Quand je peine à trouver le sommeil, que mon esprit est embrumé par le bruit incessant et assourdissant des pluies de tirs, par les visions macabres qui me poursuivent, je pense à vous. Je nous imagine tous les trois, chevauchant nos bicyclettes sur les jolis chemins de notre douce campagne. Est-elle toujours aussi belle quand le soleil pointe, comme Thérèse, le petit bout de son nez, tôt le matin ? Nous irons pique-niquer, nous mangerons de bonnes petites choses que tu nous auras concoctées tandis que j’aurai les mains toutes sales après avoir réparé nos bicyclettes ! Si le vent se lève, si vient la pluie, nous irons nous abriter sous un saule et nous nous raconterons plein d’histoires jusqu’à ce que se calme la tempête, puis nous rentrerons, trempés par les gouttes et débordants d’allégresse, dans notre petit chez-nous. Quelle belle journée cela serait alors.

Voilà l’espoir que je laisse naître en mon cœur en attendant que la guerre prenne fin. Notre petite Thérèse a-t-elle les cheveux qui ont poussé ? Ses jolis cheveux qui sont aussi doux qu’une caresse. Je ne cesse de regarder ce cliché de nous trois, c’est une des seules choses que j’aie, que je possède, qui conserve encore mon esprit sain. Oh, non, ce n’est pas le cas de toutes ici, malheureusement. Mais je me raccroche à vous, je sais que vous m’attendez ; et ces sourires que vous m’envoyez à travers cette petite image que je conserve contre mon cœur, vous pourrez alors me les donner directement quand je serai rentrée.

Mon bien aimé, soyons forts ensemble. Je n’ai pas pu sécher toutes tes larmes avant de partir au combat, mais une fois à tes côtés, nous pourrons panser nos plaies. Tu panseras les miennes, je panserai les tiennes.

J’en ai déjà fait maintes fois le serment, mais tu le sais, je veux rester à tes côtés pour découvrir tout ce que la vie peut encore nous offrir.

Tu me manques Ronan. Et je sais que tu sais, à travers mes autres lettres, combien le quotidien est dur ici, mais j’espère que le vôtre est un peu plus vivable.

Je fais tout ça pour que Thérèse puisse grandir dans un pays qui connaît la paix.

Je t’aime ma petite Thérèse,

Je t’aime Ronan

                                                                                                                                                                          Suzie

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