Zoomorphic - Wolves & Wendigos

Chapitre 2 : II

14225 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/06/2023 08:12

Le vent était froid ce matin-là. Je l'avais senti dès l'instant où j'avais refermé la porte. En effet, il fut franchement cinglant - et pas qu'un peu - me donnant même des frissons. Je descendis alors avec beaucoup de prudence. Une fois en bas - j'ai d'ailleurs failli glisser sur la dernière marche -, je commençai immédiatement à m'échauffer. D'abord, ce furent de simples flexions des jambes dans mon pantalon de sport. Je me penchai très fortement, presque totalement même pour réveiller mes jambes. Je fis par la suite quelques bonds devant ma Coxy - et oui je l'adorais toujours - retombant lourdement sur mes pieds. D'un coup, je me mis sur mes gardes, une garde haute de regular - pour les néophytes en boxe, c'est une droitière - et j'enchainai un peu de shadow boxing. Je n'étais pas une grande fan de ça mais je n'avais pas le choix. Mon entraîneur le savait pertinemment et me servait de sparing partner car frapper dans le vent - comme je le faisais à ce moment là - me donnait un air idiot - et pas qu'un peu. J'enchainai rapidement mes différentes combinaisons de coups: jab, jab, crochet du droit, du gauche, uppercut, pas en arrière, esquive à gauche, enchaînement de jab du gauche, crochet du droit, jab, jab, uppercut... - bon je ne refais pas une finale de championnat. Malgré mon survêtement, je sentis aisément ma sueur s'écouler sur mes muscles déjà bien réchauffés. J'enchainai par encore quelques combinaisons rapides et je m'estimai enfin suffisamment échauffée. Je plaçai alors mes air pods dans mes oreilles et mon smartphone dans une pochette accrochée à mon bras avant de sélectionner un bon gros son de ma playlist de jogging. Dès que les premières notes de I Love Rock'n'roll de Joan Jett retentirent dans mes oreilles, je partis vers le fond de la rue. Je pris la première à droite sur un petit rythme léger avant de reprendre la première à droite. Encore une fois à droite et je repassai devant la maison avant de prendre un rythme plus soutenu. Je repris à droite mais cette fois, je descendis totalement la rue. Plusieurs croisement s'étaient offert à moi mais je ne tournai pas, préférant continuer jusque Stewart Street. Je savais que dans cette rue, il y avait un petit parc et je m'y engouffrai.

- Bonjour Madame, dis-je en passant à côté d'une femme âgée qui promenait son chien après avoir coupé ma musique.

- Bonjour Mademoiselle, fit la dame étonnée de me voir et semblant tirer son chihuahua - race de chiens à la con - au cas où je marcherai dessus.

Je coupais toujours ma musique quand je décidais de m'arrêter quelques instants. En effet, je ne voulais pas embêter les gens autour de moi et à cause du volume franchement fort pour mes oreilles - limite je suis sourde - je pouvais ne pas les entendre. Je fis trois fois le tour du petit parc et je m'arrêtai devant un banc en trottant sur place. Je regardai rapidement autour de moi et je frottai mes mains.

- Une série de vingt, dis-je avant de placer mes mains sur le bancs et de commencer les pompes.

Et une, et deux... - promis je ne fais pas les vingt - J'enchainai mes pompes en assurant ma respiration. Une fois les vingt pompes terminées, je fis des génuflexions en me servant du banc et je repartis. Je sentais déjà la sueur dégouliner sur mon visage et je pris ma serviette - autour de mon cou bien sûr - pour essuyer un peu mon visage. Je repris mon pas de course et je continuai vers le sud-est de la ville de Juneau, arrivant rapidement vers le port. Je passais surtout de plus en plus à côté des gens, ceux-ci commençant en effet à se rendre au travail - pas forcément dans la joie d'ailleurs - et je devais faire de plus en plus attention. Je passais même près d'un banc où il y avait un mec qui me regarda passer en dégageant une légère odeur de marijuana bien sentie. Étonnement, je continuai et je ralentis. Je ne savais pas pourquoi - franchement pas du tout même - mais j'eus une drôle d'impression. Je me retournai brusquement et bizarrement, le type n'était plus sur le banc.

- Putain, le froid me rend dingo, dis-je pour moi-même. J'ai eu l'impression qu'il me suivait...

Et étonnement, j'avais encore cette impression en me retournant. Je crois que tout le monde a déjà dû vivre ça au moins une fois dans sa vie - je suppose mais je ne mettrai pas ma main au feu - et c'était toujours dérangeant. Cette impression d'être observée et suivie ne me quitta pas pendant cinq minutes. En effet, ce fut uniquement quand j'arrivai sur les quais que cette impression me quitta. Je dus ralentir - m'arrêter en fait - car sur le quai, il y avait beaucoup de monde. Forcément, il y avait déjà des navettes pour les autres îles pas loin comme Shelter Island, Lincoln Island ou encore Eagle Harbor qui était assez loin en voiture. Les gens partaient travailler avec leurs petites malettes - haaaa le métro boulot dodo, l'horreur qui m'attendrait dans le futur - ou des sacs de voyages pour les personnes pouvant prendre des vacances hors saison. Je me penchai en avant, toussant un peu - fumeuse quand même malgré le sport - et je repris ma respiration assez difficilement. L'air était certes plus pur en Alaska mais surtout plus froid et je le sentis me brûler les narines.

- Fiou... C'était pas mal..., dis-je en entrecroisant mes doigts et les agitant en tout sens.

Les gens passaient près de moi avec de bonnes odeurs de café ou de viennoiseries. Je cherchai alors immédiatement la boulangerie - j'étais gourmande aussi - et je la vis. Je m'approchai d'elle rapidement, marchant plus lentement pour réhabituer mes muscles et je m'arrêtai au bout de trois mètres. Encore cette sensation glaciale qui me poussa à me retourner - pour ne rien voir en plus - et je réalisai que j'avais des perles de sueurs froides dans le dos.

- Je dois être paranoïaque... Il n'y a personne, dis-je avec hésitation quand même.

J'avançai à nouveau vers la boulangerie et je me demandais à quel point j'avais tort. Un joli carillon résonna quand je pénétrai à l'intérieur et une jeune fille, d'origine Inuit visiblement, me salua.

- Bonjour Mademoiselle, dit-elle poliment.

- Ma tenue et mon état ne posent pas de problèmes? demandai-je par acquis de conscience.

- Ne vous inquiétez pas, nous avons l'habitude que les personnes faisant de l'exercice finissent sur les quais. Entrez donc, me fit la native.

- Merci, dis-je toute contente en fonçant vers la vitrine. Houla... Je vais récupérer vite fait les calories...

- Ce serait dommage, fit la vendeuse en souriant.

- Je vais me laisser tenter par des beignets... Euh Papa aime ceux à la framboise, j'en prends trois et un au chocolat et un autre... Pistache ! lançai-je alors.

- Ha mon préféré, fit la vendeuse. Autre chose ? demanda-t-elle immédiatement.

- Je vais vous prendre une bouteille d'eau, dis-je alors. Plate s'il-vous-plaît.

- Voilà, fit-elle en tapant le compte. Cela vous fera neuf dollars tout rond s'il-vous-plaît.

- Tenez, dis-je en tendant un billet de dix et découvrant une boîte pour le personnel. Vous pouvez y mettre la monnaie.

- Ho merci et bonne dégustation, dit-elle alors.

- Merci, bonne journée ! dis-je en sortant tout en emmenant mes achats.

Ce fut en marche rapide, presque sportive, que je remontai les rues en un quart d'heure environ. Je ne voulais pas courir - et surtout faire des miettes dégueulasse ou une bouillie - avec mes achats. J'arrivai rapidement en haut de la ville et je revins dans notre rue. Je me hâtai donc de remonter les marches et, après avoir ouvert la porte, je me déchargeai de mes achats en les posant dans la cuisine. Je m'approchai alors du vieux percolateur - mon père est si moderne - pour préparer le café et le faire passer. Pendant qu'il passait - et resterait chaud - je partis dans ma chambre pour récupérer une serviette propre et je fonçai dans la salle de bain. Mais qu'est-ce qu'il pouvait y faire froid bon sang! Heureusement qu'une douche chaude se répandit rapidement sur moi. J'en profitai pour malaxer mon corps de savon, histoire de relaxer mes muscles. Je passais ensuite sur ma poitrine - franchement pas développée - et sur mon pubis - quant à lui pas franchement épilé - car l'hygiène restait importante après le sport. Cet endroit de mon anatomie était le seul que je n'épilais jamais - je taillais un peu les broussailles mais sans plus - tout simplement car j'aimais ce naturel. En me rafraîchissant, je me demandais si j'avais le temps de me faire un petit plaisir solitaire - ho ça va hein, c'est humain! - mais je ne m'y attelai nullement de peur d'être en retard, ce serait pour le soir - bah quoi... C'est chiant l'Alaska!. Je m'apprêtai à sortir de la douche car j'avais coupé l'eau depuis cinq bonnes minutes - et je commençais à geler debout - quand j'entendis la porte de la salle de bain s'ouvrir et comme je n'avais pas fermé le rideau - petit oubli - je me retrouvai totalement nue. Je vis soudainement la silhouette de mon père dans la pièce et mes mains saisirent ma serviette pour tenter de me cacher un maximum.

- Papa!!!! hurlai-je alors.

- Ho merde! fit-il en se retournant. Pardon... J'ai pas entendu la douche!

- Mais j'avais fermé le verrou!!! criai-je en m'enroulant.

- J'ai oublié de dire qu'il était cassé, marmonna Papa.

- Papa... Sors de la salle de bain ! criai-je.

- Oui évidemment...

Je le vis sortir de la pièce et je soupirai de consternation. Il n'y avait rien de pire que de se retrouver nue devant son père - sauf si il m'avait vue me faire du bien - et je nous maudissais tous. Que ce soit lui, moi ou cette fichue baraque ! Je sortis de la douche et de la salle de bain enroulée dans ma serviette et pieds nus.

- Je n'ai rien vu, m'assura Papa.

- Au moins je le sais maintenant qu'elle ne ferme pas, marmonnai-je. C'est libre...

J'avais dit cela en filant dans ma chambre et claquant ma porte franchement bruyamment - tellement que j'avais cru l'exploser - avant de m'asseoir sur mon lit avec colère.

- Garde ton calme Lynn, me murmurai-je à moi-même. Il ne l'a pas fait exprès, c'est un accident comme un autre. Cette baraque est merdique mais il vit seul, il n'a pas pensé qu'il devait le réparer... Tu ferais pareil...

Préférant tâcher de passer outre ce petit désagrément, je me mis à m'essuyer avec ma serviette avant de la jeter sur le lit. Nue, je me dirigeai vers mes tiroirs de sous-vêtements et je les ouvris.

- Alors... Alors..., marmonnai-je en laissant mes doigts sélectionner un string. Aujourd'hui, ce sera bleu nuit.

Je dépliai le string - ça ne prend pas longtemps - et je passai ma jambe gauche dans le trou puis la droite. Je tirai sur les bords pour remonter celui-ci et je me tortillai en ajustant la petite ficelle qui se glissa entre mes fesses - seule partie de mon anatomie que je trouvais assez canon - et j'attrapai le soutien-gorge qui faisait la paire. Je me tortillai un peu pour l'accrocher dans mon dos. Je réajustai également les baleines sous mes petits seins et je me mis en quête de chaussettes. Celles-ci furent bien moins mignonnes, bien hautes et bien épaisses pour me protéger du froid. Je les plaçais bien pour mettre mes petits orteils de la bonne manière et je me dirigeai vers le placard.

- Qu'est-ce que je vais mettre ? marmonnai-je avant d'attraper un t-shirt blanc à l'effigie de la Space Needle de Seattle.

Je l'enfilai en me regardant dans le miroir et je me rendis compte que ce t-shirt avec ce string, ça faisait mignon comme tenue. Je saisis un jean bleu foncé bien épais et je passai mes jambes à l'intérieur pour l'enfiler, avant de glisser le t-shirt à l'intérieur. Je finis par enfiler un chandail noir épais. Il valait mieux parce que les températures moyennes du mois d'octobre n'excédaient pas de beaucoup les six degrés. J'attrapai mon téléphone qui finit dans la poche arrière de mon jean et je saisis mon sac à dos pour le lycée et mes bottes avant de ressortir. La porte de la salle de bain était ouverte - mon père devait se doucher à la vitesse de l'éclair - et je partis vers l'escalier, mes affaires dans les bras. Sautant depuis la dernière marche, je déposai mes bottes et mon sac dans l'entrée, près d'une veste en daim épaisse que j'avais laissé à cet endroit la veille au soir et je me dirigeai vers la cuisine. Mon père était assis près de l'îlot et semblait franchement mal à l'aise.

- Je suis vraiment désolé ma puce, me lança mon père.

- Papa... T'as juste oublié de préciser pour le verrou, n'en fais pas un drame, certifiai-je alors rapidement.

- Mais cela a dû être gênant pour toi, rétorqua mon père dans un pseudo argument bizarre.

- T'es quand même mon père, j'ai juste été choquée..., grommelai-je alors. Tu n'as jamais rien fait de déplacé non? Alors c'est bon.

- D'accord... Tu es sortye ce matin? demanda-t-il en regardant la boîte de beignets.

- Ouais, entraînement matinal, je préfère conserver la forme, assurai-je alors. Sers toi, je t'en ai pris trois à la framboise.

- Dis-moi combien je te dois, me sortit mon père.

- J'ai pas le droit d'acheter des beignets à mon petit Papa ? demandai-je en approchant de la table.

- Si, c'est gentil ma puce, dit-il alors.

Il pourrait dire "ma grande" car avec ses "ma puce", cela me donnait l'impression d'être petite. Je me servis un gros mug de café pour manger mes beignets quand je le vis sortir son portefeuille.

- Euh... C'est combien une cantine de nos jours? demanda mon père en regardant ses billets.

Ça, c'était clairement le signe qu'il n'avait rien pour me préparer un sandwich. Je n'en étais guère surprise, il suffisait de voir l'intérieur de ses placards pour comprendre que l'équilibre de l'alimentation, ça lui passait au-dessus - c'était carrément lunaire je dirai même - mais il faudrait franchement qu'il corrige la sienne.

- Franchement, j'en sais rien, dis-je alors. Ça dépend des lycées.

- Tiens, prends un billet de vingt, dit-il en me le tendant.

- Merci P'pa! dis-je en le glissant dans ma poche, près de ma pièce d'identité.

Mon père n'était franchement pas causant le matin - et pas que le matin - alors, nous mangeâmes en silence. Soudain mon téléphone sonna et je le saisis pour découvrir un appel de Maman. Sans doute se souvenait elle que Papa était un boulet - ça devait déjà être comme ça quand ils étaient mariés - mais elle avait dû vouloir venir à ma rescousse.

- Ça va Maman ? Et Paul? demandai-je rapidement.

- Tout va bien mon ange, on a embarqué il y a trois heures, me confirma Maman. Tu es en route pour le lycée ?

- Non je prends mon petit-déjeuner avec Papa, dis-je en le regardant me faire des signes bizarres. Soit il te dit bonjour soit il fait un accident vasculaire cérébral...

Mon père me regarda en plissant les yeux de colère et mordit rageusement dans un beignet, faisant couler l'insert framboise sur la table en grommelant - une vraie catastrophe - et il dut frotter la table.

- Ha j'ai dû mal compter, réalisa Maman qui avait dû estimer le décalage horaire au pifomètre. Tu n'es pas trop stressée ?

- Franchement... Pas des masses, affirmai-je. Je sais que j'aurai le panneau nouvelle au-dessus de la tête.

- C'est certain, assura ma mère. C'est ton père qui t'emmène au lycée ?

Je regardai mon téléphone et je souris de mon impatience à lui dire la vérité.

- Papa m'a acheté une voiture ! dis-je alors.

- Hein? s'horrifia ma mère.

- Dis tout de suite que le moniteur m'a filé mon permis pour ne pas me revoir, marmonnai-je.

- Attends... Comment ça une voiture ?

- Oui, c'est une petite coccinelle verte toute belle... C'est une occasion bien sûr, dis-je en regardant Papa.

- Donc il l'a fait quand même, marmonna ma mère à l'autre bout du fil.

- T'étais contre? demandai-je vexée.

- Je lui avais dit d'attendre, de vérifier que tu saurais conduire sur les routes d'Alaska, certifia mère.

- Je ne suis pas un boulet Maman... Je ferai attention... Mais t'as pas vu la photo ?

- Chérie, je pensais que ton père te l'avait juste montrée..., avoua ma mère.

- Vive le concept, dis-je en riant.

- Oui bon, je suis claquée et paumée dans tout ce bordel, dit alors ma mère avec consternation.

- Je me doute que vous installer dans votre cabine n'a pas dû être très simple, dis-je alors avec certitude.

- Non, en plus c'est tout petit, dit-elle amusée.

- Ho la pauvre petite choupinette qui va être obligée d'être dans les bras de son chéri..., dis-je en riant. Je vais finir avec un petit frère.

- Lynn... C'est pas à l'ordre du jour et surtout, je suis un peu vieille..., avoua Maman.

- Ho tu sais, Hilary Swank a plus de quarante ans et elle est enceinte, dis-je alors avec un sourire.

- Tu veux parler à Paul? demanda-t-elle alors.

- Il est pas trop épuisé par toi? demandai-je avec mesquinerie.

- T'es franchement consternante... Paul? appela ma mère.

Je patientai un instant pendant que le téléphone passait de ma mère à lui - c'était logique car elle n'aimait pas le haut-parleur et nous laissait en privé.

- Salut Million Dollar Baby, fit Paul en évoquant un film de boxe de Clint Eastwood.

- Hello! T'as réussi à lâcher Maman? demandai-je en riant.

- J'ai juste à tendre le bras et je la touche obligatoirement... Je pensais que ce serait plus grand, avoua Paul de sa voix si douce.

- N'en profite pas trop! dis-je en riant.

- Promis, alors prête pour le lycée ? demanda-t-il.

- Faut bien, concédai-je quand même rapidement.

- Essaye de pas taper sur tout le monde, dit-il avec mesquinerie.

- Ha ha... Et je suis consternante..., marmonnai-je.

- Coupable, plaida Paul. Essaye de te faire des amis rapidement.

- Tu sais, ça ne sert pas à grand chose vu que c'est que pour une année, lui rappelai-je.

- Rien ne t'empêche de la rendre sympa, certifia Paul. N'en profite pas trop non plus.

- Tu me prends pour qui? demandai-je en riant.

- Pour Lynn Matthews et son caractère bien trempé, précisa Paul. Bonne rentrée Rocky, ne te fais pas remarquer. Je te passe ta mère.

- Crétin..., marmonnai-je en riant. M'man?

- Oui...

- Frappe dessus, dis-je en riant. Bon travaille bien et ne te laisse pas draguer par les riches clients!

- Promis, dit-elle après avoir rigolé. Sois sage et travaille bien... Et je t'en prie fais attention en voiture.

- T'inquiètes pas, je sais que c'est limité à cent quarante kilomètres heures ! dis-je avec fierté.

- Lynn...

- Ça va, je déconne... Je t'aime bisous!

- Bisous ma chérie! répondit ma mère avant de raccrocher.

Je regardai mon père attentivement et il souriait. Je rangeai mon téléphone.

- Quoi? demandai-je.

- Je suis content que ça se passe bien avec le compagnon de ta mère, avoua mon père. Elle le mérite.

- Ouais, mais c'est pas dur, Paul est franchement génial. Tu l'adorerais, certifiai-je. Au fait... Elle t'avait dit non?

- Pour la voiture ? demanda mon père. Oui mais ici, sans voiture, tu ne pourras pas faire grand chose, même si il y a des bus.

- Pas faux, dis-je en finissant mon café.

- Tu vas au lycée ? demanda-t-il.

- Je vais essayer Coxy! dis-je en riant.

- Prudence hein? Me fais pas regretter, me signifia Papa.

- J'y tiens à cette voiture, je ferai gaffe, assurai-je avec une véritable honnêteté.

Je me dirigeai alors vers mes bottes pour les enfiler - avec difficulté et en manquant de me péter la gueule - puis, j'avais mis ma veste avant de saisir mon sac à dos. Je regardai mon père et je lui fis un petit câlin.

- Bon j'y vais, dis-je en ouvrant la porte d'entrée après avoir attrapé mes clefs.

- Je vais te regarder conduire pour la première fois ta voiture, me fit mon père en me suivant.

Je descendis avec un certain empressement - logique - toutes les marches et je saisis la bâche qui couvrait Coxy. Qu'elle était belle ma petite coccinelle.

- Tu voudras que je t'installe un sac de sable dans le garage ? demanda alors mon père.

- Ouais!!! dis-je toute à ma joie. Car quand il va neiger énormément, je ne pourrai plus aller courir comme je le veux.

Mon père - toujours aussi gentil - me fit un clin d'œil et il était temps. Je me dirigeai vers la portière du côté conducteur et je forçai un peu dessus pour l'ouvrir - satanée portière - en manquant de glisser en arrière.

- Ouf..., grommelai-je après l'avoir ouverte. Elle est vraiment dure à ouvrir, dis-je en montant.

- Il faudra régler cela, fit mon père en s'approchant.

Je m'installai confortablement, réglant mon siège pour être dans une position optimale. Je réglai également immédiatement mes rétroviseurs comme j'avais appris à le faire avant d'attacher ma ceinture. Je vérifiai que mon sac à dos - préalablement jeté sans honte sur le siège voisin - ne risquait pas de se casser la gueule et je glissai ma clef dans le démarreur avec impatience. Un petit bruit de moteur qui galère plus tard, il démarra.

- Bonne journée ma puce, fit mon père.

- Toi aussi, gaffe aux ours ! lançai-je en appuyant sur l'accélérateur.

Je sentis immédiatement ma voiture reculer et je pus freiner in-extremis avant de percuter la porte du garage. Je regardai alors mon levier de vitesse et je me sentis idiote. Il était en marche arrière... Mais quelle cruche!

- Kerrelynn... Tu es sûre que je peux te laisser? demanda mon père.

- Lynn, marmonnai-je encore. J'ai manqué de vigilance, dis-je en replaçant le levier de vitesse dans le bon sens. J'y vais... Bisous!

Je mis mon clignotant après avoir prudemment quitté l'allée de garage de la maison de Papa et je tournai à gauche en donnant un petit coup de klaxon. Lui, il était franchement presque mort - un tuut de rachitique en somme - et il faudrait encore le vérifier. Je conduisis extrêmement prudemment, faisant attention à chaque passage piéton, chaque feu de signalisation, ralentissant à chaque virage par sécurité, n'oubliant aucun clignotant - que je mettais peut-être trop en avance mais bon - et regardant fixement la route. Je dus traverser la ville, mon nouveau lycée étant situé au mille six cent trente-neuf sur Glaciers Avenue. Glaciers Avenue était en effet tout à la sortie de la ville, près d'Aurora Harbor et j'étais franchement contente d'avoir ma propre voiture - je hais les transports en commun - pour m'y rendre. J'étais enfin arrivée sur l'avenue qui était ma destination et je saisis l'occasion pour observer mon lycée qui apparaissait dans ligne de vue. Et bien j'étais déçue - c'est plutôt clair - par son apparence, il semblait être constitué de préfabriqués assemblés à la façon d'un jeu de construction. En fait, c'était surtout un assemblage de béton en l'honneur des Crimson Bears, l'équipe locale. Je savais aussi que je ne devais pas m'attendre à un lycée gigantesque, il ne comptait que six cent élèves après tout. Je soupirai quand même de lassitude en m'engageant sur le parking.

- Allez une petite place..., dis-je alors en avançant. Trouvée!

Un petit coup de clignotant, une petite manœuvre extrêmement soigneuse et me voilà garée devant mon nouveau lycée. Je remis la boîte de vitesse au point mort, je serrai mon frein à main et je saisis mon sac avant de devoir encore - et toujours - me débattre avec cette fichue portière qui grinça bruyamment. Sortant de ma voiture et claquant cette portière de ma petite Coxy, je relevai la tête. Beaucoup de jeunes regardaient dans ma direction et je soupirai. Et oui, elle était là, cette pancarte de merde qui signait NOUVELLE ÉLÈVE en majuscules et en lettres dorées. C'était sans doute ma voiture qui m'avait trahie. Je préférai ne pas traîner et je fonçai vers l'entrée.

- C'est qui? demanda un garçon près de qui je passais.

- Franchement j'en sais rien..., avoua la fille à côté de lui.

- En tout cas, elle a oublié que la rentrée était en septembre cette conne, fit le garçon.

Je dois reconnaître - avec honte quand même... quoique - que je n'avais qu'une envie: m'arrêter et faire demi-tour pour lui botter le cul. Cependant, j'avais autre chose à faire - en plus de ne pas me faire virer avant même de mettre les pieds au lycée - et je devais me dépêcher. Je pénétrai dans un hall bondé où les élèves vaquaient à leurs occupations en râlant car ils avaient des devoirs, des interrogations écrites et tout plein de trucs du genre. Certains parlaient bien sûr de leurs weekends mais la plupart semblaient les passer dans des cabanes dans la forêt. Je vis ce que je cherchais - il m'avait suffit de lever les yeux en même temps - et je suivis donc le panneau indiquant BUREAU DES ÉLÈVES. J'arrivais alors dans un couloir qui servait également à se rendre vers les salles des professeurs et les bureaux de la direction. Au bout de ce couloir qui avait dû être rénové récemment, je vis un comptoir et je m'en approchai. Je regardai dans le couloir et, assis sur une chaise, il y avait un garçon plongé dans son manuel. Il semblait assez grand, pas trop maigre et surtout il avait une jolie coupe de cheveux blonds parfaitement dessinées - en somme, il était mignon - mais je ne pouvais voir son visage. Je reportai mon attention sur le comptoir et je perdis patience.

- Y a quelqu'un ? demandai-je.

- J'arrive, fit une dame âgée en approchant. Excuse-moi...

- Non ça va, dis-je poliment.

- Je peux te renseigner ? demanda la dame plutôt très âgée vue de près.

- Oui, je suis nouvelle, je commence aujourd'hui... Je devais passer à ce bureau, dis-je alors.

Je vis la femme chercher dans une pile de dossier et elle prit le seul qui était orange. C'était suspect, j'avais l'impression d'être différente.

- Kerrelynn Matthews ? demanda la dame.

- Oui, c'est cela mais je préfère Lynn... Enfin, c'est pas important.

- Je te souhaite la bienvenue au lycée Juneau-Douglas, me fit la dame. Voici ta carte d'étudiante...

- Merci Madame, dis-je en la prenant et la rangeant dans ma veste.

- Voici ton horaire, dit-elle en me le tendant. Et un plan du lycée, fit-elle en me donnant un dépliant.

- Je vous remercie... Je dois signer quelque chose ou..., demandai-je au cas où.

- Ho non, ton père s'est occupé de ton inscription... Malheureusement les inscriptions aux options sont déjà fermées donc...

- C'est pas grave, dis-je en le sachant déjà.

- Et on a tout prévu... Max? appela la dame.

Je regardai vers les portes au fond de son espace quand j'entendis des pas près de moi. Je tournai doucement la tête et là, je vis le dénommé Max. C'était le garçon qui attendait - et de près, il était franchement canon, tout à fait mon genre même - et il me regarda avec un sourire gentil.

- Merci Esther, fit-il à la dame. Content de te connaître.

- Lynn, dis-je poliment en souriant.

- Je le sais déjà, me dit-il poliment. Je suis chargé de te faire découvrir le lycée.

- Ha, dis-je un peu étonnée en le regardant fixement.

Je le regardai avec méfiance, il correspondait à pas mal de mes critères niveau mec - en tout cas physique - mais c'était rare qu'un mec se porte volontaire pour ça, sauf avec des arrières pensées dans la tête.

- Je sais lire dans les pensées tu sais? me demanda Max.

- Hein? répondis-je étonnée.

- Tu te dis que je fais ça pour découvrir les nouvelles élèves et me mettre sur les dossiers, assura Max en riant. Je comprends que tu penses cela mais je suis président du comité des élèves en plus de capitaine du club de baseball. Normalement, justement pour éviter ce genre de choses, il y a une fille mais elle est en retard.

- D'accord..., dis-je étonnée mais amusée du raisonnement.

- Max! appela une voix féminine qui arrivait en courant.

- Ha ben quand on parle du loup, assura Max.

Je me tournai pour découvrir une fille plus petite que moi, pliys fluette encore mais blonde comme les blés. Elle était très chaudement vêtue et avait même déjà un bonnet sur la tête. Je me demandais si elle portait plusieurs exemplaires quand il faisait encore plus froid.

- Merde je suis en retard... Excuse-moi Kerrelynn, fit-elle en me regardant.

- Lynn suffira, dis-je poliment.

- Gisèle, dit-elle alors. Je suis la présidente du journal. Je devais te faire visiter et t'accompagner en cours.

- C'est ce que j'avais cru comprendre, dis-je en regardant Max par le côté.

- Excuse-moi du retard mais ma mère m'a retenue par rapport à une conférence de presse, me sortit alors Gisèle comme excuse.

- Une conférence de presse? demandai-je alors quelque peu ébahie du propos.

- Ma mère est la vice-gouverneur de l'Alaska, assura Gisèle. Bref... Je te souhaite la bienvenue.

Et là, Gisèle me serra dans ses bras dans un geste sympathique. Elle me relâcha et enleva son bonnet.

- Pfiou... Il fait froid dehors, dit-elle en replaçant ses cheveux. Tu viens de loin?

- Je suis de Seattle, pas très chaud non plus, dis-je en souriant.

- Ho c'est une jolie ville, m'assura Max. Très sympa.

- Ouais..., dis-je en cherchant la véracité.

- Dois-je relire dans tes pensées ? fit-il en provoquant mon rire.

- Non c'est bon..., dis-je quand même très amusée.

- Max est quelqu'un de sympa, assura Gisèle. Et si tu veux savoir, c'est pas mon mec. Je dis ça honnêtement. Il fait plein de choses pour les élèves, filles ou garçons. Ils veillent sur eux, ils les guident... Je le soupçonne de s'entraîner pour devenir Gouverneur ou Président.

- Président Lexington... Ça sonne vraiment bien, fit Max en riant. Mais c'est vrai. D'ailleurs si tu subis des insultes, des remontrances, si quelqu'un fait quoique ce soit de déplacé ou si t'as juste besoin de parler, je suis là.

- Tu prends ton statut à cœur, dis-je avec honnêteté et amusée. C'est cool. Ce n'est pas partout pareil.

- Je sais mais beaucoup ont voté pour moi alors je trouve cela normal de faire le maximum pour mériter ces votes, assura Max.

- Et il les mérite, assura Gisèle. On va t'emmener en cours.

- Je dois aller..., dis-je en regardant la feuille.

- Littérature salle douze, assura rapidement Gisèle.

- Euh... Oui, dis-je après avoir vérifié et la regardant étonnée.

- Ne sois pas surprise, c'est pour cela que nous avons été choisis pour t'accueillir... Parce que nous avons les mêmes horaires ou au moins tu auras toujours l'un de nous deux en classe, me précisa Max.

- Ha oui, c'est très bien organisé, compris je.

- Viens, on t'emmène, assura Gisèle.

Pendant une courte marche, je fis connaissance avec eux deux. Elle était enfant unique mais lui avait une grande sœur de dix-neuf ans et un petit frère de treize. Naturellement, je parlais surtout de moi mais je les trouvais franchement gentils - en plus d'être extrêmement mignon dans le cas de Max - et j'appréciais franchement l'accueil.

- D'accord, c'est super cool comme raison pour venir ici, dit alors Gisèle.

- C'est une sacrée preuve de maturité, c'est intéressant, assura Max.

Je regardai celui-ci et j'aurai juré y voir un petit compliment. Je n'étais pas en train de craquer - les coups de foudre très peu pour moi - mais je me dis quand même que si l'occasion se présentait, je n'allais pas me priver de me trouver un mec, en tout cas il marquait des points. Peut-être l'année serait quand même intéressante.

- Et donc tu es chez ton père ? demanda Gisèle.

- Oui, c'est Duke Matthews, dis-je poliment.

- C'est un mec en or. Papa lui offre souvent un café pendant ses rondes, assura Max en attirant mon regard. Il tient la scierie dans la forêt.

- Ho c'est chouette ça... Donc c'est familial de prendre soin de son entourage ? Amusant, dis-je en souriant poliment.

- C'est clair que ça fait vivre, assura Gisèle. On y est.

Rien ne distinguait réellement la classe d'une autre, à part le numéro qui changeait de porte en porte - Non? Sérieux ? Je sais affirmation idiote - toutes en bois marron clair et avec une petite vitre en son centre. Naturellement, celle-ci était ouverte et Max entra en premier.

- Bonjour Madame, dit-il poliment. Excusez nous du retard nous devions...

- Passer récupérer la nouvelle élève, je sais, fit la voix légèrement perchée d'une dame visiblement âgée.

- Viens, me fit Gisèle en entrant. Bonjour Madame.

- Gisèle, fit-elle avant de me voir entrer. Bonjour.

- Bonjour Madame, dis-je alors en entrant et l'observant.

La professeur était sans doute suffisamment âgée pour être en retraite mais l'amour du métier - je suppose - la poussait à continuer. Elle était très petite, un mètre cinquante tout au plus, et portait un pantalon de toile marron ainsi qu'un pull gris surmonté d'un petit gilet blanc. Elle avait les cheveux totalement gris, assez long aussi et portait des lunettes avec de grands verres qui accentuaient des yeux noisettes qui me semblaient très doux.

- Entre donc, ne sois pas timide, viens, fit-elle en me faisant signe d'approcher.

Pendant que mes deux guides prenaient place au milieu d'une quinzaine d'élèves, dont seuls trois semblaient issus de minorités ethniques, je rejoignis la professeure en observant les élèves. Max s'était assis un côté d'un garçon qui aurait clairement pû être le fils de Sylvester Stallone tant il était barraqué. Gisèle s'était installée à une table de trois occupée par une seule fille, clairement une native. Il y avait peu de places libres à part les rangs de tables uniques à gauche. Toute la classe était en effet rangée en table de trois sur trois rangées.

- Je suis Joséphine Armell, ta professeure de littérature et également d'anglais, précisa la femme âgée en souriant. Ne t'inquiètes pas, on ira doucement le temps que tu nous rattrapes.

- D'accord, dis-je en souriant un peu gênée.

- Cette année nous voyons les auteurs américains du vingtième siècle, le premier semestre sera consacré aux hommes et le second aux femmes, dit-elle en me précisant un détail important.

- D'accord...

- Présente toi un peu, histoire de faire connaissance, me demanda la professeure avec un sourire si doux que je ne pouvais pas franchement refuser.

Je regardai fixement la classe et je vis Gisèle me faire des signes d'encouragement. Je soupirai un peu avant de quand même me plier à l'exercice.

- Bonjour, je m'appelle Kerrelynn Matthews, mais je préfère Lynn, dis-je immédiatement. Je suis la fille du Garde Forestier Duke Matthews... Euh... Je viens de Seattle... Je suppose que personne ne me connait parce que je ne venais qu'en vacances...

- Tu as des loisirs Lynn? me demanda ma professeure.

- J'aime beaucoup lire..., dis-je alors. Euh... J'aime bien le rock en général et en dehors de ça j'adore Miley Cyrus... Je fais de la boxe aussi...

Je ralentis dans ma présentation quand je vis Max lever la main poliment. J'étais un peu étonnée mais je me demandais quand même ce qu'il voulait.

- Oui? dis-je alors.

- Quand tu dis que tu fais de la boxe, c'est juste un loisir? demanda Max. Ou peut-être par autodéfense ?

- Non, c'est vraiment sérieux, j'ai même fait de la compétition, dis-je alors.

- C'est vrai? demanda une fille au fond de la classe.

- Oui, je vous invite à regarder la compétition de l'état de Washington, je l'ai gagnée il y a deux ans, j'ai fini seconde les deux années suivantes...

Et là - le cerveau d'un adolescent étant connecté à son téléphone - je les vis tous fouiller sur Google.

- Ho putain la classe! fit un garçon au fond de la pièce.

- Georges... On évite la vulgarité, le réprimanda notre professeur.

- Faut pas l'embêter ! lança le grand gaillard extrêmement musclé à côté de Max. Moi c'est Aaron !

- Enchantée, dis-je en souriant. Promis je ne tape pas les inconnus... Sauf en de rares occasions.

- C'est génial, faudra apprendre des trucs aux filles, lança Gisèle.

- Je ne peux pas, dis-je simplement.

- Bah pourquoi ? demanda la fille native juste à côté. Elena, ajouta-t-elle en se présentant.

- Je pourrais perdre ma licence, je n'ai pas le droit de me battre non plus, ajoutai-je.

- Ho... C'est con! lança Gisèle.

- À part en état de légitime défense évidemment et encore je devrai le prouver, insistai-je.

- Et tu t'es installée définitivement à Juneau? demanda alors Max.

Je fus un peu surprise de la question - était-ce un intérêt ou juste de la curiosité - et je le regardai un peu perplexe. Après tout, je pouvais répondre.

- Normalement ce n'est que pour une année scolaire, dis-je alors. Je devrai repartir dès la fin de l'année. Mais je suis sérieuse en classe Madame, je suivrai les cours avec intérêt.

- Tu es très mature pour ton âge, me fit la professeure. D'ailleurs, nous commençons à étudier Krakauer.

- Voyage au bout de la solitude ? demandai-je heureuse de ce choix. J'adore.

- Et bien je t'invite à prendre place, me fit la professeure en indiquant la classe d'un grand geste de la main.

Gisèle leva le bras et m'indiqua le siège à côté d'elle. Elle semblait contente - et vachement même - d'avoir une nouvelle condisciple. Ce fut également avec plaisir que je me dirigeai vers le siège voisin de Gisèle pour m'installer. Je sortis rapide de quoi noter.

- Comme tu n'as pas de livre Lynn, suis avec Gisèle, me conseilla la professeure.

- Bien Madame, dis-je en répondant poliment.

- Bien... Au dernier cours, nous avions parlé de l'origine de cette histoire, précisa la professeure. Tu sais comment ça a commencé ?

- Oui, répondis-je rapidement. C'est un couple qui avait trouvé une page extraite d'une œuvre de... De Gogol je crois, sur laquelle avait été écrit un SOS et ils auraient ensuite été alertés par une odeur de décomposition...

- Parfaitement, me fit la professeure. Déjà étudié à Seattle peut-être ?

- Non, lu uniquement... Et j'ai vu le film, avouai-je.

- Comme beaucoup... Bon continuons alors... Max? appela la professeure.

- Oui? répliqua ce dernier.

- Veux-tu bien lire la dernière lettre rédigée par Chris? demanda la professeure.

- Oui, fit-il en se levant avec son exemplaire dans les mains. "Voici une copie de mes notes de fin d’année. Du côté des résultats, tout s’est passé pour le mieux et j’ai obtenu un total élevé.

Merci pour les photos, pour le nécessaire de rasage et pour la carte de Paris. Il semble que votre voyage là-bas vous ait vraiment plu. Vous avez dû bien vous amuser.J’ai donné sa photo à Lloyd. Il vous en est très reconnaissant car il n’avait pas de photo de lui en train de recevoir son diplôme.

Il ne se passe pas grand-chose d’autre ici, mais il commence à faire chaud et humide. Saluez tout le monde pour moi."

- Merci Max, fit la professeure en poussant ce dernier à s'asseoir.

J'avais trouvé que Max avait une belle voix quand il lisait le passage - il y avait même mis de l'émotion - et je me dis alors qu'il devait être un élève sérieux. Je regardai la professeure notant le mot "décision" au tableau.

- Dans ce livre, Chris avait pris sa décision bien avant d'entrer à l'Université, précisa la professeure. Il n'avait suivi les cours que pour une seule raison... Laquelle ?

Gisèle leva la main comme Max d'ailleurs ainsi que d'autres. Visiblement, ils avaient tous lu le livre pour le cours et visiblement ils avaient bossé.

- Aaron? demanda la professeure.

- Satisfaire ses parents, proposa Aaron.

- Exactement, précisa la professeure avant de regarder vers Max. Max, que désirait réellement Chris?

- Chris rêvait de grands espaces, répondit Max. Il ne désirait rien de vraiment matériel, il voulait voir du pays, découvrir l'Alaska cher à Jack London son auteur préféré. Il a brûlé ses papiers d'identité et ses possessions dans ce seul but.

- Excellent, fit la professeure en notant au tableau.

Désireuse de suivre, je notais absolument tout ce qu'écrivait la professeure ainsi que les propos de chacun - mais en résumé parce que je ne suis pas dactylographe - pour compléter. Pendant que je notais, j'entendis la porte de la classe s'ouvrir et je relevai immédiatement la tête. Dans l'encadrement de la porte se trouvait un garçon. Il était grand et avait un look assez rock: de grosses rangers, un jean troué avec des chaînes accrochées aux poches, un t-shirt à l'effigie de Black Sabbath et une chemise à carreaux rouge et noir ouverte, une grosse veste en cuir - le genre perfecto - posée sur les épaules et couvrant des cheveux noirs avec une capuche en tissus - sans doute cousue à la veste. Il était arrivé comme une fleur, visiblement à moitié endormi comme l'attestaient les cernes sous ses yeux verts. Se moquant royalement d'interrompre le cours, il alla s'asseoir sur un siège libre.

- Bonjour Blaine, fit la professeure en le regardant. Je te remercie de nous gratifier de ta présence.

- J'ai raté quelque chose ? demanda celui-ci d'une voix de gorge assez profonde et clairement sur un ton blasé.

- La politesse aurait voulu que tu t'excuses, précisa la professeure. Tu as déjà eu deux retenues pour tes retards le mois dernier...

- C'est mon premier retard de la semaine, dit-il alors.

Et un petit rire enveloppa la classe, moi également. Il avait de l'humour pour quelqu'un dans sa situation. Il était évident - c'est pareil partout - qu'il était l'élève à problèmes du lycée. Il y en a dans tous les lycées des élèves comme lui clairement destinés à devenir de bons gros piliers de bars sans avenir - et c'était même certain à mes yeux. Je le regardai attentivement en attendant la suite.

- Blaine... Tu as des capacités, prends exemple sur Max, assura la professeure me poussant à regarder ce dernier.

Lui, il avait grimacé en fermant les yeux. Visiblement, il devait souvent être cité en exemple vis à vis de ce Blaine.

- On sait, Monsieur Perfection est un exemple, dit-il en réponse.

- Blaine... Suis le cours sans interruption mais je t'en prie, viens à l'heure. Tu as raté l'arrivée d'une nouvelle élève, lui assura le professeur me poussant à me retourner à nouveau.

Blaine eut l'air étonné et tourna la tête vers la classe avant de me fixer. Je levai la main juste par politesse - histoire de le saluer quoi - et il me détailla en ouvrant à peine la bouche. Je ne sais pas pourquoi - bon j'avais un doute - mais il semblait faire comme bien des gros porcs : estimer si j'étais baisable ou pas. Je le regardai fixement et j'attendis un commentaire, un bonjour ou autre chose.

- Lynn, dis-je alors.

- Content pour toi, dit-il en s'installant non pas pour suivre le cours mais pour clairement piquer un roupillon.

- Ne perturbe pas la classe d'accord ? demanda la professeure. Merci Blaine.

Je le regardai étonnée d'un tel comportement. Visiblement, cela devait être récurrent - vu les retenues - et tant qu'il ne perturbait pas le cours, il pouvait ne rien faire. Je réalisai rapidement qu'un bruit provenait de lui - comme il n'y avait qu'une allée entre nous en fait - et c'était de la musique. Fan de bons sons, je reconnus Lost de Linkin Park et je trouvai franchement déplacé d'écouter de la musique en classe. Je regardai vers Gisèle et elle avait l'air franchement navrée.

- Il est bizarre lui, dis-je alors tout bas en notant ce que la professeure écrivait.

- Si tu savais... Je te déconseille de t'en approcher, dit-elle.

- T'inquiètes, je sais me défendre, dis-je en souriant.

- Non mais je suis sérieuse..., dit-elle tout bas.

- Comment ça ?

- Blaine n'est revenu qu'en septembre après six mois en centre de redressement, dit-elle doucement.

Je la regardai étonnée et je me suis retournée pour regarder le cas social de la classe. Je fus sidérée par ce que je vis à cet instant là. Blaine avait la main dans un petit sachet blanc refermable et y prenait un petit comprimé. Il le porta à ses lèvres et je vis qu'il me remarqua. Il se contenta de hausser les épaules et de s'enfiler le comprimé - un ecstasy ou de la MDMA selon moi - comme si c'était normal. Ce mec se shootait en classe. Gratiné.

- Trafic de drogues ? demandai-je tout bas en reportant mon attention sur Gisèle.

- Euh..., hésita Gisèle en me regardant.

Je vis que la professeure nous observait et je replongeai immédiatement sur mes notes. Puis, elle questionna des élèves sur le livre.

- Il a fait quoi ? demandai-je alors tout bas.

Gisèle se mordit la lèvre et prit son stylo pour écrire sur son cahier. Et là - alors que je m'attendais à du vol à l'étalage - apparurent peu à peu les quatre plus horribles lettres possible. Gisèle venait d'écrire le mot "VIOL" et l'avait souligné plusieurs fois. Je clignai des yeux en voyant ces lettres - profondément choquantes d'ailleurs - et je demandai par écrit - pour être discrète - si c'était sûr. Gisèle écrit en-dessous qu'une fille du lycée aurait disparu de la circulation après une fête, qu'il aurait été embarqué par la police et envoyé en maison de redressement alors que cette fille déménageait sans laisser de traces avec sa famille. Elle nota surtout que c'était ce qui circulait et ce qui aurait fuité en fait. J'étais abasourdie que l'on puisse laisser un violeur dans un lycée. Je dus batailler avec mon esprit pour me concentrer sur le cours. Pourtant, je me demandais la véracité de cette histoire et à un moment, j'ai tourné la tête vers lui. Il me fixait et je me sentis en danger - franchement d'ailleurs - et j'avais presque envie de fuir. Son regard était franchement différent, presque totalement inhumain - comme qui dirait cruel - et j'avais l'impression d'être une proie. Je déglutis et mon esprit me joua des tours. J'eus presque l'impression que ses yeux brillaient d'une lueur démoniaque, presque rougeâtre - mais ça devait être le soleil ça. Et puis d'un coup, il posa sa tête sur ses bras comme pour faire un somme.

- N'aie pas peur, me fit Gisèle tout bas. Maintenant on fait attention... À part ceux qui lui achètent des trucs.

- Il deale en plus ? demandai-je tout bas.

- Oui... On ne sait pas comment mais il peut presque avoir tout ce qu'il veut, précisa Gisèle. Je touche à rien mais j'en connais.

- Ok... Il est en probation au moins ? demandai-je par acquis de conscience.

- J'en sais rien, me dit-elle.

Sur cette étrange conclusion -clairement pas rassurante d'ailleurs - le cours continua tranquillement. Ainsi se passa mon premier cours et ce fut dans le calme car le dénommé Blaine avait quand même le respect de fermer sa gueule. Quand la sonnerie retentit, la professeure nous conseilla de lire quelques chapitres du livre et je commençai à ranger mes affaires.

- Tu veux manger avec nous? demanda Gisèle.

- Oui, ce serait sympa, insista Elena.

- T'es la bienvenue, me fit alors Max qui attendait ses amis.

- Mais tu ne nous tapes pas pour obtenir notre repas, me lança Aaron.

Je regardai celui-ci attentivement - sachant que deux filles comme moi n'égaleraient qu'à peine sa carrure - et je me mis à rire.

- Promis, je ferai un effort, avouai-je avec un clin d'œil.

Cela fit bien rire la petite bande et, mon sac sur l'épaule, j'avançai vers la sortie. Un petit coup d'œil sur ma droite - juste avant de sortir de la classe - m'indiqua que Blaine semblait clairement dormir. J'attendis un peu avant de parler à la bande.

- Franchement ce mec est louche, dis-je alors à ma voisine.

Celle-ci me regarda et jeta un coup d'œil à Max - suspect le coup d'œil, je précise - et je sentis un malaise.

- C'est franchement normal qu'il soit encore au lycée ? demandai-je.

- Ça fait partie de sa probation, me répondit Max.

Je le regardai étonnée de ce propos, peut-être étaient ils amis après tout. Cela m'aurait franchement étonnée - ils sont clairement différents - mais je me demandais pourquoi.

- En tout cas il fait flipper, dis-je quand même.

J'entendis alors des pas rapides derrière moi et je me figeai, réalisant que le sujet de ma conversation arrivait dans le couloir.

- Blaine! appela Max me surprenant.

- Quoi encore? demanda la voix assez particulière du concerné qui débarquait.

Je me retournai brusquement, étonnée qu'ils se parlent.

- Papa veut te parler ce soir, lança alors Max me faisant complètement devenir immobile.

- Je suppose que j'ai encore fait un truc... Dis lui d'aller se faire foutre, assura Blaine.

Je regardai celui-ci choquée du propos et il tourna la tête vers moi. Sans doute se rendait il compte que quelqu'un d'inconnu était planté devant ses yeux - après être redescendu de sa session de planage. Max s'approcha de lui rapidement.

- Bon sang Blaine, arrête tes conneries, fit Max.

D'un coup, il fut bousculé par Blaine sans aucun ménagement provoquant un petit cri réprobateur de la part de Gisèle. Soudain, Aaron s'interposa et plaça sa grosse - énorme je dirai même - main sur le torse de Blaine pour le calmer. Ce dernier - franchement provocateur d'ailleurs - pencha doucement sa tête sur le côté avec un sourire absolument diabolique.

- Tu comptes jouer au gentil chien chien pour Monsieur Perfection ? demanda Blaine sans se démonter le moins du monde. Enlève ta main où je t'arrache les doigts. Clair?

Je me disais alors qu'il était assez con - très très con - de jouer la provocation avec un garçon du gabarit d'Aaron et pourtant - me choquant et m'effrayant - ce fut bien Aaron qui obéit.

- Arrête, tu fais n'importe quoi, assura Max. Je transmets juste le message... Tu pourrais éviter les ennuis.

- T'as peur que je foute la trouille à la nouvelle ? demanda-t-il en me regardant. Elle flippe déjà.

Je fus un peu surprise de réaliser qu'il m'avait entendue et je m'en voulu presque d'avoir parlé si fort. Et son regard était pénétrant, du genre à faire paniquer - surtout maintenant que je sais que ce sale con est un violeur.

- Je sais me défendre, dis-je alors avec confiance en moi.

- C'est bien mieux... Si t'as besoin de comprimé ou de blanche, demande mon numéro, on peut s'arranger pour le paiement, m'assura Blaine.

- Va te faire mettre, répondis-je par instinct.

Ça c'était une mauvaise idée - non tu crois? - et il s'apprêtait clairement à me foncer dessus. J'avais lâché mon sac prête à me mettre en garde quand d'un coup, le dos de Max se plaça entre nous.

- Ne la touche pas Blaine, fit alors Max d'une voix assez dure.

- Tu sors les crocs ? Marrant... Dégage de mon chemin, fit-il en s'éloignant.

Je regardai le dos de Max en ramassant mon sac. C'était gentil de sa part - chevaleresque et surtout plaisant - et c'était rare qu'un garçon s'interpose comme ça.

- Merci mais je l'aurai défoncé, dis-je quand même.

- On ne sait jamais avec Blaine, assura Aaron. Il ne rigole pas.

- Mais... C'est ton frère ? insistai-je auprès de Max.

- Pas vraiment...

- Ho... Enfant illégitime ? compris je - logique non?

- Non, fit Max avec un sourire en coin. Sa mère et la mienne étaient sœurs mais il n'a plus de parents. Les miens l'ont recueilli... On n'en parle pas vraiment.

- Ha ok... T'as pas la vie facile, dis-je en souriant.

- Excuse le, il est...

- Taré ? Je confirme. Un vrai connard.

Sur ce bon mot de ma personne - bon ok cette insulte - nous prîmes tous les cinq la direction du réfectoire. J'avais la dalle et j'étais impatiente de faire la file. Je patientai juste derrière Max qui me parlait un peu du lycée - histoire d'oublier le connard sans doute.

- Et pour manger tu me déconseilles un truc? demandai-je en arrivant.

- Ne prends pas les crudités, c'est industriel, précisa Max. C'est un peu obligé.

- Je comprends... Ils sont bons les cannellonis ? demandai-je.

- Excellents, dès qu'il y en a je prends, confirma Max en le faisant d'ailleurs.

Je regardai quand même les prix et je me rendis compte que cela restait abordable pour un lycée. Six dollars pour les cannellonis, deux pour les desserts mais les boissons étaient également à deux - Arf cher - et les petits snacks restaient à trois dollars maximum. Je pris donc également les cannellonis, sans oublier mon petit pot de Parmesan.

- Ho y a de la gelée, j'adore ça, dis-je amusée.

Je me hissai sur la pointe des pieds car je ne voulais nullement de celles à l'avant - gelée fraise ou pomme, très peu pour moi - par contre je voulais une qui était derrière - pamplemousse miam miam. Et j'eus bien des difficultés à la récupérer. Tellement qu'en réalité, je percutai deux verrines de gelées à l'avant qui commencèrent à glisser vers le sol. J'allais devoir payer pour celles-là aussi et j'allais me ridiculiser. Tout à coup, une main saisi non seulement la gelée fraise qui dégringolait mais également celle aux pommes. Max avait bougé si rapidement la main qu'il avait saisi les deux. Je regardai cela totalement choquée et franchement impressionnée.

- Wahou... Comment t'as fait ça ? demandai-je surprise.

- Ha... Euh... Simple réflexe, dit-il simplement en les reposant.

- Simple réflexe... T'es pas humain, dis-je en riant.

- Il a toujours eu d'excellents réflexes, il les a entraîné longtemps, fit Aaron derrière moi attirant mon regard. Juste de l'entraînement.

- Non mais merci je m'en doutes, dis-je en riant. C'est pas un Alien. Ou un vampire, ajoutai-je encore.

- Juste un sportif, fit Aaron avec sérieux.

Note pour plus tard: Aaron n'avait pas d'humour. Je regardai vers Max qui me fixa. Je réalisai alors que ses pupilles étaient différentes de la moyenne, j'aurais juré y voir un reflet lumineux - sans doute les lampes. Je continuai d'avancer et je payai avant de rejoindre tout le monde à table. Les discussions allaient bon train et je mangeais en très bonne compagnie. Je finis par regarder la salle de réfectoire et je me rendis compte qu'effectivement nous étions peu d'élèves en fait. La plupart devaient préférer manger en extérieur. Et là, je repérai Blaine, tout seul dans son coin ou presque. Certes il mangeait seul mais plusieurs élèves allaient le voir. Je repérai discrètement le petit manège, ils posaient des trucs sur la table et en récupéraient d'autres. J'assistai donc à un petit trafic, il faudrait appeler Johnny Depp - Twenty One Jump Street pour les incultes - rapidement pour démanteler ce trafic. Comme Max était assis en face de moi et qu'Aaron comme Elena s'étaient éloignés pour récupérer des glaces - une glace en Alaska ! - je mis les pieds dans le plat.

- C'est normal qu'il soit dehors? demandai-je à Max en indiquant Blaine.

- Je n'ai pas le droit de parler de ça, juridiquement parlant, précisa Max.

- Ho d'accord... C'est pas rassurant mais je ne pose pas de question, avouai-je.

- Je te remercie, me fit Max poliment.

- Parlons cours alors... C'est quoi ce cours d'éducation sociétale ? demandai-je alors en regardant mon horaire.

- Ho c'est... Comment je développe cela... Un peu comme éducation civique, précisa Gisèle. Avec un soupçon d'art ménager.

- C'est bizarre non? demandai-je quand même.

- Disons que notre lycée met en avant la lutte contre les discriminations, les grossesses adolescentes, les débordements..., expliqua Max. Nous sommes un peu en reclus.

- Et vous voyez quoi là-dedans ? demandai-je.

- L'année dernière, c'était beaucoup des questions sur les droits civiques, précisa Gisèle. Pour montrer que tout le monde à les mêmes droits. On a aussi dû apprendre à gérer des potagers parce que ça pousse mal dans le coin.

- Ouais c'est un cours de survie un peu..., marmonnai-je. Ça peut être cool.

- Par contre, moi j'ai entraînement de baseball, avoua Max. Donc tu n'auras que Gisèle dans ta classe.

- Ha dommage, dis-je soudainement.

Je vis la surprise sur le visage de Max et je réalisai le double sens de ma phrase.

- Je te trouve sympa, précisai-je. Te fais pas de films.

- Je n'ai rien dit, dit il amusé.

Les autres revinrent et nous finîmes notre repas. Puis, vint le moment fatidique d'aller en cours. Je suivis donc Gisèle avec quelques inquiétudes.

- Et cette année ? Vous avez fait quoi pour l'instant ? demandai-je.

- Nous avons appris comment mettre en place une association, précisa Gisèle. Le professeur doit maintenant nous mettre en mode vie familiale.

- Ha ben ça je comprends... La connerie de l'œuf, dis-je en riant.

J'avais toujours trouvé ce concept complètement con. En quoi s'occuper d'un œuf pouvait ressembler à s'occuper d'un enfant. Heureusement d'ailleurs, la dernière fois que j'avais eu un cours comme ça, j'aurais pu appeler mon fils Omelette - je me suis assise dessus comme un conne. Nous entrâmes dans la classe et je me dirigeai vers un professeur d'une trentaine d'années avec une petite barbe noire et des cheveux très courts, vêtu d'une chemise sur un jean - un petit côté Ezra de Pretty Little Liars - et visiblement très gentil.

- Tu dois être la nouvelle élève ? me dit-il alors d'une voix extrêmement posée et douce.

- Oui, Lynn Matthews, Monsieur, confirmai-je donc.

- Lynn ? s'étonna le gentil professeur en prenant sa feuille de présence. On avait écrit Kerrelynn.

- Oui, c'est bien cela mais je préfère Lynn, assurai-je encore et encore.

- Pas de soucis pour moi, je m'appelle James Sparks, se présenta alors Monsieur Sparks poliment. Ce cours doit te surprendre je suppose.

- Un peu mais j'ai compris que cela ressemblait à l'éducation civique, précisai-je quand même.

- C'est bien cela, tu peux t'installer où tu veux pour l'instant, me certifia le professeur.

Ni une, ni deux - il ne fallait pas me le dire deux fous - je filai m'asseoir à côté de ma nouvelle amie Gisèle.

- Il est gentil, dis-je doucement à ma voisine.

- Et franchement canon, assura ma voisine - une petite coquine.

Je ne jugeais pas son propos. Elle ne serait ni la première ni la dernière lycéenne à craquer sur un professeur. Ce dernier était d'ailleurs encore assez jeune - même pas trente ans à mon avis - et je supposais que Gisèle n'était pas la seule.

- Pas mon genre mais mignon, dis-je en souriant.

- Ben dis donc, t'es difficile, c'est quoi ton genre? demanda Gisèle.

- J'en ai pas vraiment, mes deux ex etaient diamétralement opposés, mais c'est un peu le feeling en fait, avouai-je en y repensant.

L'un était boxeur et l'autre pas du tout mais à part quelques baisers, il n'y avait pas eu grand chose. J'étais sans doute une sorte de pansexuelle sans être pour autant apte à craquer sur une fille - quoique l'on ne sait jamais.

- Ok, me fit Gisèle. Je note.

Mademoiselle doit aimer jouer les Emma de Jane Austen, à marier tout le monde. Je m'en moquais un peu pour l'instant - pourquoi se trouver un mec pour un CDD? Je commençai à préparer mes affaires pour le cours quand je réalisai que Blaine arrivait dans la classe - à l'heure - et en silence, il prit place. Je regardai vers lui, inquiète désormais de sa présence et des sensations malsaines qu'il émettait. Heureusement qu'il ne faisait pas partie du comité des élèves, j'aurais peut-être eu affaire à lui - Hallelujah ce n'était pas le cas. Le professeur regarda l'heure et se rendit près de la porte qu'il referma.

- Bien, nous allons commencer. J'espère que tout le monde a souhaité la bienvenue à Lynn, dit-il alors.

Je souris en grimaçant avant d'être alertée par un soupire las du cas social de service - au temps pour moi, il pouvait aller se faire foutre de toute façon. Le professeur reçut donc toute mon attention.

- Comme vous le savez tous, ce cours sert à faire entrer dans vos petites têtes que la vie n'est pas toujours aussi simple que les fictions le font croire, commença le professeur par une étrange introduction. Évidemment, l'année dernière vous avez tous eu des cours sur la prévention des maladies et surtout la contraception.

Je regardai vers Gisèle qui me confirma avant d'ajouter quelques mots à voix basse.

- J'étais toute gênée quand Monsieur Sparks nous en a parlé, murmura Gisèle en souriant bêtement à l'évocation de son petit chouchou du corps professoral.

- Tu m'étonnes... Moi c'est ma mère qui m'en a gratifié, c'était déjà gênant, assurai-je avant d'écouter le professeur.

- Souvent, les écoles font en sorte de vous enseigner les responsabilités, continua donc Monsieur Sparks. Dans ce cours, je vous rassure de suite, il n'y aura pas de surveillance du petit œuf.

Je vis le professeur s'approcher de son bureau et y récupérer une grande affiche. Avec soins, il s'approcha de son tableau pour y accrocher la fameuse affiche. Et donc - c'est assez logique - s'offrit à nous la fiche descriptive d'un bébé éducatif, une sorte de bébé Reborn rempli de technologies modernes. Cela allait être franchement chiant d'entendre ce genre de poupées chialer.

- Notre cher lycée a décidé d'investir dans un mode d'éducation plus clair au vu du nombre grandissant de grossesses adolescentes dans l'état, précisa le professeur. Dans environ un mois, vous recevrez un de ces bébés plus vrais que nature. Naturellement, au vu du prix assez exorbitant de ces petites merveilles, il est hors de question d'en avoir un par personne. J'ai donc décidé que vous formerez des binômes.

- Mets toi avec moi, me supplia Gisèle.

- Je ne connais personne d'autres, dis-je alors pour lui dire que j'acceptais.

- Ne commencez pas à choisir vos binômes à la seconde, le hasard en décidera, fit le professeur provoquant un petit mécontentement dans la classe. Je sais... Vous préféreriez vous mettre avec une personne avec qui vous avez une affinité mais comme dans la vie réelle, les couples sont parfois mal assortis. De même, il existe des couples homoparentaux et seul un tirage au sort permettrait de créer réellement une représentativité du monde réel.

Il se trompait lourdement - Gisèle voulait le faire avec moi - mais peut-être avait-il pensé à cela en premier. Il sortit donc un saladier rempli de papiers de sous son bureau.

- Je vais demander à une main innocente de venir tirer les binômes, fit-il amusé. Un volontaire ?

Moi, je ne levais pas la main par contre, je vis quand même Blaine la lever. Ne le connaissant pas beaucoup, j'aurais quand même juré que c'était uniquement pour voir nos mines déconfites.

- Lui? Innocent ? Bien sûr..., marmonna Gisèle qui avait levé la main.

- C'est clair, dis-je amusée.

- Lynn, viens ici, me fit le professeur.

Merci de me foutre la honte - j'aime pas être au centre de l'attention. Je me levais quand même et je rejoignis le professeur.

- Un par un, dit-il avec un sourire franchement amusé.

- Je m'excuse d'avance si j'écorche vos noms et prénoms, dis-je en plongeant la main dans le saladier.

Désireuse de faire cela correctement, je mélangeais avant. Je regardai la classe et je vis Blaine regarder son téléphone - ce con voulait dire que je prenais trop de temps.

- Alors..., dis-je en prenant le premier papier et le dépliant. Hunhamm Hannah...

Je vis une fille blonde un peu ronde assez timide, avec de grosses lunettes et des vêtements informes lever la main.

- Qui sera avec Hannah? demanda le professeur en me regardant.

- Ce sera..., dis-je en tirant le second et faisant comme la première fois. Barnett Gisèle.

Ma copine leva la main et je me dis que c'était dommage. Je tirai encore un binome, mixte cette fois et puis soudain je pris le cinquième papier.

- Bon ben c'est moi, Lynn Matthews, dis-je en le montrant au professeur.

- Maintenant choisis ton binôme, fit-il en m'indiquant le saladier.

Bon, il restait beaucoup de monde, j'avais de la chance. Il y avait peu de probabilité que je tire quelqu'un de désagréable. Je pris donc un papier que je dépliai avant de fermer les yeux.

- Mu... Muldoon Blaine, dis-je en me maudissant.

Gisèle me regarda horrifiée, sans doute autant que moi. Je tournai la tête vers le cas social dont le nom était celui du mec qui avait fait une queue de poisson à Papa - quand on a du cul...

- Vivement la conception, lança Blaine me choquant.

- Blaine, tu es prié de garder tes commentaires stupides, merci, fit le professeur Sparks. C'est clair?

- Oui Monsieur, fit Blaine en me regardant avec un regard démoniaque.

Je sentais venir l'horreur. Un véritable cauchemar et cela devait se sentir à ma façon d'expédier le tirage.

- Bien, maintenant que tous les binômes sont faits, je vais distribuer une fiche de mise en condition, fit le professeur. Formez vos binômes.

J'en avais déjà marre moi de mon binôme à la noix. Je pris quand même mon sac avant d'approcher du crétin de service. J'attendais qu'il déplace son sac.

- Hey, dis-je en tapant dans la chaise avec le bout de mon pied. Vire ton sac.

- Du caractère, dit-il amusé en le déplaçant. Comblée ?

- Va chier, dis-je en m'asseyant. Fais juste ce que demande le professeur et évite de me faire chier.

Blaine posa sa tête sur sa main et me fixa amusé. Pendant que le professeur distribuait la fiche explicative, je le vis s'enfiler un autre cacheton.

- T'es sérieux là ? demandai-je tout bas.

- Ho... Pardon, je manque de politesse, fit-il avec un sourire narquois avant de me tendre le sachet.

- Range ça putain! m'énervai-je.

- MDMA sans additifs, faut juste boire de l'eau, me fit alors Blaine. Parfait en soirée.

- T'es complètement taré, marmonnai-je.

- Encore une qui touche à rien, fit-il en soupirant. C'est chiant.

- J'ai pas dit ça, avouai-je sans franchement savoir pourquoi.

J'avais déjà essayé un ecstasy et même un joint, mon ex qui était boxeur m'avait fait essayer tout en sécurité pour éviter les soucis. Je n'avais pas trouvé mon état trop déplorable mais je n'en prenais pas en général, trop de risques de contrôle sanguin dans les compétitions - automatique si on va en finale.

- Et voilà pour vous, fit le professeur.

Il nous donna donc une feuille pour deux. Je le regardai attentivement et je pris la feuille pour écrire au moins nos noms.

- Muldoon c'est bien deux O? demandai-je.

- Oui, fit-il en faisant le minimum pour se montrer sympathique.

- Alors je suis née un quinze novembre... Et toi? demandai-je en attendant.

- Vingt-quatre décembre, précisa Blaine.

- Sérieux ? demandai-je.

- Dieu a de l'humour, marmonna Blaine. Tu veux une pièce d'identité où tu écris sans faire ta chieuse?

- Je t'emmerde, marmonnai-je en écrivant. Bon... Super... Imaginez votre rencontre.

- Facile, fit Blaine.

Je tournai la tête vers lui, croisant un regard plutôt bizarre. C'était comme si il voyait à travers moi, un peu comme Max. Une pupille étrange - peut-être génétique en fait - qui me fixait comme si il pouvait voir autre chose que la situation. Ou alors c'était son comprimé qui faisait de l'effet - ça c'était bien plus probable.

- Je t'écoute..., marmonnai-je.

- Je suis chauffeur routier, toi serveuse, je t'ai défoncée dans les chiottes pendant ta pause. Je suis repassé six mois plus tard et t'étais enceinte jusqu'aux yeux, développa Blaine.

- Tu es d'un romantisme effrayant, marmonnai-je consternée.

- Et tu comptais noter quoi Mademoiselle Je sais tout ? Coup de foudre à la fac? demanda Blaine. Je m'appelle pas Hardin.

- Une simple soirée d'amis communs, discussion, rencards...

- Ben écris, pfff c'est chiant, marmonna Blaine.

- Mets y du tien bordel, ça me fait autant chier que toi, marmonnai-je. Sexe?

- Souvent, dit-il avec un sourire en coin. Ou il veut la taille?

- Du bébé..., dis-je en me rendant compte qu'il était franchement insupportable.

- Ha ça, on s'en moque, quand on a un enfant on l'aime, dit-il simplement.

Je le regardai fixement, enfin rassurée qu'il puisse tenir un propos absolument normal. Je notais donc "sans importance" avant de me figer en voyant la question suivante.

- Euh...

- Quoi? demanda Blaine lassé.

- Ils demandent si il y a soutien des grands-parents, marmonnai-je en le regardant.

- Je vois... Ce connard de Max a ouvert sa grande gueule, dit-il gonflé.

- L'insulte pas! le réprimandai-je sèchement pour s'en prendre à ce garçon gentil. J'ai cru que vous étiez frères.

- Moi et Max? Frères ? Moi frère avec ce sportif premier de la classe et puceau, qui croit à la rencontre avec LA fille? Elle est où la caméra cachée ? répliqua Blaine.

Je le regardai totalement choquée de ce qu'il venait de dire. Il balançait comme ça - comme une fleur - que Max était puceau alors que cela ne me regardait pas.

- T'es pas gêné, marmonnai-je.

- Bah quoi? Je serai lui, j'en profiterai pour en baiser un maximum, m'avoua Blaine.

- Visiblement il respecte les filles lui, dis-je pour encore défendre Max.

- Visiblement, il ne sera plus puceau d'ici la fin de l'année, fit-il mesquin. T'es du genre chaude au pieu? Une salope?

- Je t'emmerde! dis-je alors un peu fort.

Je me rendis compte de ce que j'avais fait - par instinct seulement - quand je vis le professeur s'approcher de notre table et poser ses mains à plats dessus.

- Puis-je savoir ce que tu as encore fait? demanda-t-il immédiatement à Blaine.

- Pourquoi je serai le coupable ? demanda Blaine.

- Blaine, nous sommes au lycée, tu es prié de te tenir où je devrais prévenir Alma d'accord ? lui fit le professeur Sparks.

- C'est pas ma tutrice, répondit Blaine en souriant.

- Oui, mais elle te fera comprendre, suis-je clair? Lynn, que s'est-il passé ? me demanda le professeur. A-t-il dit quelque chose ? Fait quelque chose ?

Je regardai fixement le professeur et puis Blaine qui visiblement n'en avait rien à foutre. Alors, je n'allais pas me priver.

- Blaine a laissé entendre que j'étais une salope, avouai-je au professeur qui observa attentivement Blaine.

- C'était pas une insulte, dit-il doucement en souriant.

- Passe me voir à la fin du cours, je te convierai à une retenue et je le dirai à Alma, précisa le professeur. Il recommence, dis le moi.

Je hochai la tête immédiatement - me rendant soudainement compte que lui faire payer n'était pas forcément une bonne idée - avant de voir le professeur s'éloigner.

- Merci bien, me fit Blaine en me regardant méchamment.

- Tu la mérites, affirmai-je fièrement.

- Je m'en branle de la retenue, fit-il alors. J'ai l'habitude.

- Et qu'est-ce qui te fait chier alors? demandai-je surprise de son propos.

- Il va le dire à ma tante, dit-il en cassant un stylo dans sa main - sans doute pour me faire peur.

- Mais... J'ai cru que ce n'était pas ta tutrice, avouai-je perdue.

- Alma est ma seconde tante, la plus jeune, pas la mère de Max, expliqua Blaine. La seule qui accepte de voir ma gueule avec plaisir.

- Le Professeur Sparks et ta tante...

- Sa sœur, dit alors Blaine. La raison pour laquelle elle n'est pas ma tutrice.

- Je n'ai pas de problème avec ça, dis-je sans raison.

Blaine me regarda fixement et se pencha vers moi.

- Tu crois franchement que j'en ai quelque choses

à foutre? demanda Blaine. Écris et oublie moi.

C'était si gentiment demandé. Je complétai donc tout ce que je pouvais compléter sur la fiche sans avoir besoin de me soucier de lui. Cette fiche demandait plein de choses pour se mettre en contexte, comme le milieu de vie et tout ça.

- Il ne reste qu'une chose...

- C'est pas encore fini cette connerie ? demanda Blaine.

- Tu veux exercer quoi comme métier ? demandai-je sans me soucier de lui.

- Mécanicien, dit-il simplement.

- Ok, dis-je en écrivant. Moi j'ai mis coach sportif.

- Tant mieux pour toi, marmonna Blaine.

- Votre attention, nous interrompit le professeur. Je vais ramasser les fiches et vous pouvez rentrer chez vous. La semaine prochaine, je vous expliquerai les fonctions des bébés. Blaine...

- Ouais on lui dira ! se vexa Blaine.

Je pus enfin me tirer de ce merdier et je rejoignis Gisèle dès l'instant où j'avais finis de ranger mes fournitures.

- Quel enfer! dis-je alors.

- J'ai vu ça, Hannah est cool, je comprends qu'elle soit une amie de Max, précisa Gisèle.

- Ouais mais ce que je comprends pas c'est pourquoi il est si différent, il a été élevé par les mêmes parents au final, marmonnai-je en sortant de la classe avec Gisèle.

- C'est comme ça, fit-elle en haussant les épaules.

Après tout, toutes les familles avaient leur brebis galeuse. J'avais survécu à mon premier jour de cours et ce fut en compagnie de Gisèle que je rejoignis le parking. Soudain, quand j'eusse passé la porte, je vis Max qui attendait.

- Alors ton premier jour? demanda-t-il avec sollicitude.

- Compliqué, mais passable, avouai-je alors.

- Je crois deviner, fit-il visiblement navré. Je suis désolé.

- T'excuse pas... Vous avez des voitures? demandai-je.

- Seulement Max, avoua Gisèle. Moi j'ai pas encore le permis... Ce sera ma cinquième tentative.

- Moi j'ai un pick-up noir, fit Max. Je ramène Gisèle en général.

- C'est cool, moi j'ai une coccinelle... Vous voulez la voir? demandai-je avec fierté.

- Pourquoi pas, fit Max amusé.

Je les emmenai donc à ma voiture avec un grand plaisir avant de prendre une pose triomphale en me postant à côté.

- Euh... T'as eu un accident ? demanda Gisèle.

- Non, c'est une occasion, marmonnai-je. Elle est un peu abîmée mais je l'adore. C'est ma première voiture.

- D'où ta fierté, compris Max. J'étais pareil.

- Par contre elle a quelques défauts comme... Ça ! dis-je en me débattant avec la portière.

- Ha ouais... Compliqué, dit alors Max.

- Vous habitez où vous? demandai-je.

- Gisèle sur la huitième en centre-ville, moi sur Mills Steet, avoua Max.

- C'est plus loin que les quais non? demandai-je alors.

- Oui, c'est à l'écart de Juneau.

- Bon ben attention à vous sur la route, dis-je en mettant le contact.

Et là, le bruit caractéristique de ma coccinelle d'amour qui refusait de démarrer retentit une nouvelle fois sauf que - pour bien me faire chier - elle ne s'exécuta pas comme d'habitude.

- Un soucis? demanda Gisèle par la fenêtre de ma portière.

- Euh.. Je réessaye, dis-je en recommançant sans plus de résultats.

- Ouvre, je vais regarder, dit alors Max.

- Suffit de soulever, dis-je alors en riant.

- Ha ok, fit-il alors.

Je le vis s'exécuter et je sortis, suivie par Gisèle. Max regardait le moteur et je fis de même, ignorant où chercher - ou même encore quoi chercher d'ailleurs. Je fixai Max qui semblait pensif.

- Tu sais quoi chercher ? demandai-je.

- Je dirai que non, fit Gisèle en riant.

- Bah en fait... Je pensais pouvoir mais...

- Bon je vais appeler mon père, dis-je en sortant mon téléphone.

- Sinon ma tante Alma est garagiste ici à Juneau, à la sortie de la ville. Je peux essayer de l'appeler, me proposa Max.

- J'ai pas d'argent sur moi, avouai-je alors immédiatement.

- Je peux lui demander un service... Au pire je peux avancer et tu me rembourseras, me proposa Max.

- Si cela ne te gêne pas, concédai-je alors.

- Sinon je paye, ce sera mon cadeau de bienvenue, proposa Gisèle.

- Je ne peux pas accepter, marmonnai-je alors. Mais je t'adore, c'est gentil.

- Donc tu as des soucis au démarrage ? demanda bien Max avant de téléphoner.

- Oui, elle tousse comme on dit... Puis d'habitude elle démarre...

- Bon, alors Alma..., marmonna Max.

- Dégage du chemin, Mister Perfection, fit alors la voix de Blaine.

Je le vis se faire bousculer par Blaine qui regarda le moteur en ignorant la plainte de Max. Il plongea la main sur un câble qu'il enfonça quelque part plus fortement.

- Et voilà... C'est comme quand tu perdras ton pucelage, fit alors Blaine à Max. Faut la mettre bien au fond.

Je le regardai choquée et je me demandais surtout si la réparation était fiable. Visiblement il passait du temps avec cette Alma et il voulait être mécanicien donc... Je devais estimer la réparation fiable.

- Bon sang Blaine, tu pourrais être respectueux, il y a des filles, fit alors Max en nous montrant.

- Ha oui d'ailleurs, pour le paiement j'accepte en nature, dit-il avec un sourire mesquin. C'est toi qui paye non?

- Mais t'es un porc! fit Gisèle en colère.

- J'oublie pas les dettes! lança Blaine en partant.

Je le regardai, choquée de son comportement.

- Encore désolé, fit Max.

- Tu devrais le prévenir que je peux lui botter le cul, dis-je énervée en allant m'installer derrière le volant.

Je tournai la clef et ma petite Coxy d'amour - à qui je n'en voulais nullement - démarra à la seconde, sans aucun soucis. La répartition était efficace. J'entendis un gros moteur et une Plymouth Duster des années soixante-dix de couleur mauve passa devant ma Coxy. Blaine me regarda attentivement en ralentissant.

- Dis que je suis chez Alma! lança Blaine avant de partir en trombe.

- Papa va encore te priver de sortie ! lança Max en vain.

- Vous savez quoi? dis-je alors.

- Non vas-y, me proposa Gisèle.

- Je me rends compte que grâce à vous deux, je risque d'apprécier l'endroit mais toi, dis-je alors pour Max; je te plains mais à un niveau dont tu n'as pas idée.

- Merci... Il peut être gentil... Ça arrive..., dit alors Max en me laissant partir.

- Ha et ne l'écoute pas, vis comme tu le veux ! lançai-je à Max avant de partir.

Ainsi se termina ma première journée de cours, celle où j'avais rencontré ceux qui allaient bouleverser ma vie.



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