Prophétie sibylline inéluctable

Chapitre 2 : Rencontre au hasard, entraînement martial et recherche

4160 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/12/2023 18:35

2.Rencontre au hasard, entraînement martial et recherche



« Quel est ce dieu étranger qui siège au sein de l’homme ? C’est son instinct du mal » Chabbat 105 b



Au royaume des Syls, dans le village de Mite,

Maria Ivanovna et Serge Pavlovich recherchent la maison de Chiron, l'entraîneur des héros. Ils le cherchent depuis plusieurs minutes, mais ils ne l'ont pas encore trouvé. Ils discernent les maisons bien entretenues des villageois, maisons faites de pierres et de briques beiges et brunes avec un toit vert forêt, toutes semblables les unes aux autres, et une masure, mais aucune demeure digne d'un entraîneur. Après une heure à regarder toujours le même paysage, les mêmes charmantes maisons bien ordonnées, les champs de blé et de seigle à l'infini, les troupeaux de vaches, de moutons et de poules qui paissent ou se disputent dans leur enclos, Maria affirme, exaspérée de chercher le centaure :

— Serge Pavlovich, j'ignore absolument où peut vivre ce mystérieux entraîneur.

— Bonne question, Maria Ivanovna. À la frontière du monde civilisé, à l'extérieur des murs du village ? Je ne sais plus quel endroit vous suggérer...

— À la limite du monde civilisé... Allons-y ! Mais dans quel type de maison peut bien vivre un centaure ? Pas dans un étable quand même ?

— Je ne pense pas... mais ce n'est certainement pas dans une demeure avec une inscription dans le style « Entraîneur des héros ». Une maison modeste pour un quadrupède... Après ce que sous-entend la modestie est une bonne question...

Les deux jeunes courent jusqu'à l'extérieur du village et, devant la porte fortifiée faite d'un alliage d'or, de bronze, d'émeraude et de jaspe, ils rencontrent David Benadam et son amie, Marianne Weidmann, qui murmurent entre eux des vagues paroles que personne ne captent.

Les Rus s'échangent un regard interrogateur, ne sachant pas s'il faut rencontrer ces nouveaux venus ou les ignorer. Mais avant qu'ils n'aient le temps de s'éclipser, David Benadam, remarquant Maria Ivanovna, les interpelle :

— Vous, les deux jeunes là-bas, n'êtes-vous pas impudents pour être seuls en ces temps difficiles ? Mademoiselle, se tournant vers la Russe, j'ignore votre nom, mais je vous ai vue dans l'une de mes visions. Sinon, qui cherchez-vous ici, dans ce village perdu ?

— Attendez ! réfléchit Maria Ivanovna. Vous me dites que je vous suis connue à partir d'une vision. Savez-vous mon nom ?

— Je l'ignore. Mon Ange ne m'a rien dit sur votre identité, mais je suis honnête.

La Russe hésite à le croire, mais ne laisse rien paraître.

— Nous cherchons Chiron, répond simplement Maria.

— Nous aussi ! s'exclame Marianne, étonnée. Étonnement qui se lisait sur son visage.

— Mais, comment est-il possible que nous recherchons le même entraîneur ? interroge Serge Pavlovich.

— Pour quelle raison le cherchez-vous ? réplique Maria, soupçonneuse, ignorant la question de son compatriote.

— Pour demander au Centaure de nous entraîner comme des héros. Je ne fais que suivre le conseil de mon père, répond honnêtement David.

— Nous aussi sommes venus pour un entraînement ! s'exclament les deux Rus à l'unisson.

— À la différence, complète Maria Ivanovna, que je suis le conseil de ma fée.

Les deux Rus, méfiants, sont conscients qu'ils ne peuvent faire fi des deux Francs. Ces derniers se défient également des Rus, mais ils savent qu'ils ne peuvent les ignorer. Maria, discernant Myriam à ses côtés, lui sourit et la fée lui murmure :

— Maria, tu viens de rencontrer tous les individus de la Prophétie. Fais le bon choix mon enfant. Bonne chance et fie-toi à ton nez.

Et la fée s'envole immédiatement, ne laissant pas le temps à sa protégée de l'interroger.


Les quatre jeunes sortent à l'extérieur du village pour se rendre à la limite du monde civilisé. Ils discernent un sentier isolé des autres qui se confond avec la forêt et les plantes environnantes. Ils suivent, intrigués, ce petit chemin difficilement discernable depuis longtemps oublié et envahi par les mauvaises herbes. Ainsi, après deux heures de marche forcée, ils arrivent, essoufflés, devant une grande maison blanchie à la chaux, au toit bleu ciel en excellent état et bien entretenue. Deux jardins, protégés par une clôture de fer et d'or haute de deux mètres décorée d'arabesques compliquées et délicates, donnent un air délicat et accueillant à la demeure. Des arbres centenaires qui protègent la maison d'être facilement repérée de loin accueillent les jeunes. Maria Ivanovna, Serge Pavlovich, David et Marianne s'arrêtent net devant la clôture et se demandent s'ils frapperont à la porte de la mystérieuse maison. Avant même de se décider de leur action, ils entendent un bruit derrière eux, un bruit de sabots contre le sentier. Les adolescents se retournent, inquiets et intrigués, leurs yeux s'écarquillent de peur en voyant la créature. Cette dernière est mi-humaine, mi-animale, le bas du corps est celui d'un cheval à la robe brune et le haut du corps celui d'un homme de cinquante-cinq ans, les bras musclés visibles malgré sa chemise vert chasseur. Sa barbe brune parsemée de quelques poils argentés longue de quinze centimètres, ses cheveux bruns avec des mèches argentés proche des tempes, ses yeux noirs et sages d'un être qui a vu beaucoup d'atrocité, de succès et d'échecs dans sa vie et dans sa carrière, ne semble pas hostile aux jeunes. Par-dessus sa chemise, il porte un caftan richement décoré de toutes les nuances de la nature, du vert forêt jusqu'au vert pâle des jeunes pousses, en passant par les couleurs automnales des feuilles, très bigarré qui arbore les médailles honorifiques de l'entraîneur mythique. Le mystérieux individu inspire à la fois respect, bienveillance, puissance, sagesse et intelligence aux jeunes. Le centaure leur demande, d'une voix grave :

— Pour quelle raison êtes-vous ici, les jeunes, en ces temps particuliers et dangereux si loin de votre pays le Royaume des Rus et le Royaume des Francs ?

Les adolescents sont interloqués de la question de Chiron, surtout de sa rapide localisation de leur royaume natal en un coup d'œil.

— ...

— Le chat à manger votre langue, jeunes gens. Répondez-moi, les taquine le Centaure. Sachez que j'ai l'autre chat à fouetter que de rester toute ma journée à l'extérieur.

— Nous vous cherchons pour que vous deveniez notre entraîneur, affirme David d'une voix rassurante, immédiatement approuvé d'un geste de la tête par les trois autres.

— Vous êtes les enfants de la Prophétie, s'exclame, le visage illuminé, le Centaure. Je sais que vous quatre, pour le meilleur et le pire, êtes prédestinés à de grandes actions dans la vie. Venez à l'entrainement ! Je vais vous préparer des chambres d'invités.

Il débarre la porte d'entrée à l'aide d'une clé d'or, accueille les adolescents à s'assoir dans le salon pour qu'il leur explique l'entraînement sévère auquel ils auront à se soumettre dans les prochains mois.



À Viy, dans le Royaume des Syls, alors que les jeunes recherchent Chiron dans le village de Mite.

Carlo DelPonte, le vieux vampire de plus de sept cent ans, chef de l'immonde secte, toujours vêtu d'un complet noir, d'une chemise blanche et de souliers noirs, est un grand homme, élégant et plutôt maigre. Ses yeux sombres brûlent d'impatience, il fait les cent pas dans son petit cabinet. Passant sa main gauche qui arbore fièrement une alliance d'argent — scrupuleux de ne jamais porter de l'or sur lui — dans ses cheveux de jais, pour tromper son agacement de l'attente de la visite d'un sbire messager qui s'éternise, il prend une petite fiole de sang pour la vider d'un trait — ce sang qui le fige à l'âge de quarante ans depuis quelques années déjà. Lorsqu'il entend des bruits de pas feutrés d'un de ses sbires entrer dans la pièce, il lui aboie, sans même se retourner :

— Dites-moi les nouvelles, bonnes ou mauvaises, du Royaume des Francs sur ce David Benadam et sa famille ! Ne me cachez rien ! De toute façon, vous ne pouvez rien me dissimuler trop longtemps. Alors, parlez !

Le pauvre agent, un grand gaillard de quarante ans, qui sert d'héraut et de porte-parole, sursaute et bredouille, n'osant pas relever sa tête :

— Disons que... Je ne... vous apporte pas... de bonnes nouvelles... Nous avons perdu sa trace depuis quelques jours... Mais nous savons que sa famille n'est plus dans le Royaume des Francs... Ils sont partis Dieu sait où...

Le vampire, qui a une ouïe bien aiguisée, explose et lui hurle, complètement enragé, faisant trembler le pauvre sbire qui se couche au sol :

— Écoutez-moi bien, espèce d'incapables et d'imbéciles ! Volez... Plutôt courez... auprès d'Americ De la Rova, de Jean Amer, d'Ahmed BenSherifa, de Baruch BarDavid, de Johann Bethovich et d'Andreï Witgatski pour leur rapporter fidèlement mes paroles. Dites leur qu'ils ont un mois au plus pour géolocaliser les Benadam, surtout David et Samuel. S'ils échouent dans leur mission, je m'occupe personnellement de leur punition. Punition qui sera des plus cruelles ! En plus qu'ils auront le droit à une sanction disciplinaire sévère ! Le travail est le travail, on ne badine pas avec mes ordres, compris ?

L'héraut, se relevant, opine du chef à son attention et s'éclipse rapidement. Le vampire, après quelques minutes, le temps que sa colère retombe, appelle, de sa voix puissante qui résonne dans toute la pièce :

— Mademoiselle Médée De Larochefort, veuillez vous pointer immédiatement dans mon cabinet.

L'interpellée, son intendante, une grande femme d'un mètre quatre-vingt-dix, apparaît dans le cadre de porte. Vêtue d'une chemise blanche et d'une jupe à carreaux rouges et noirs, des bas blancs et des talons hauts noirs qui accentuent son élégance naturelle, la trentenaire semble plus jeune que son âge. Ses yeux bleus et sa belle chevelure blonde en cascade sur ses épaules recouverte d'un fichu bleu lui donnent un air angélique. Seul son regard calculateur trahit sa perfide nature.

— Entrez, mademoiselle ! lui hurle-t-il en la voyant droite comme un piquet, sans bouger du seuil.

— Oui, monsieur DelPonte, lui affirme-t-elle de sa belle voix enchanteresse en cliquetant sur le plancher avec ses talons hauts, irritant les oreilles du juge.

Une fois la porte refermée, le vieux vampire continue son discours à sa confidente.

— J'ai l'impression, sauf si mon vieux flair me trompe, que les jeunes de la Prophétie seront chez Chiron, le Centaure. Envoyez nos espions observer le terrain et dites leur qu'il me rapporte leurs mouvements et leurs attitudes psychologiques. Il faut détecter les points faibles. Retrouvez les familles et observez-les. Tous les maillons faibles nous seront utiles pour les bloquer et les tuer. Une fois que nous sommes certain de l'identité et de la disposition des jeunes, je verrai comment nous agirons. La guerre est avant tout psychologique, mentale...

L'être pluricentenaire se frotte les mains de joie, anticipant sa victoire sur les jeunes de la Prophétie.

— ... Transmettez immédiatement l'ordre à mon fidèle espion.

— Très bien, monsieur DelPonte. Je m'exécute.

Elle fait une référence jusqu'au sol à son supérieur et s'éclipse rapidement pour ne pas le fâcher. À l'extérieur, dans une forêt où peu d'hommes passent en ces temps, elle appelle, à l'aide d'un sombre rituel occulte, un sinistre esprit, un certain Romano Pagani, son fidèle serviteur et dévoué attaché depuis plusieurs générations, qui a pour mission d'informer Amédée Rossignol, le professeur de littérature classique au Lycée Jeanne D'Arc* dans la ville Vercher, au Royaume des Francs, de sa mission. Le professeur l'accepte et laisse son âme s'échapper de son corps sous la forme de luciole à la lumière éteinte jusqu'au village de Mite dans le Royaume des Syls.



Au Royaume des Rus, simultanément à la venue des quatre jeunes au village de Mite,

Ivan Petrovich Romanov, le père de Maria, devenu vampire, se métamorphose en chauve-souris, s'étonnant lui-même de son envie de traquer sa fille, de savoir où elle est, de la géolocaliser. Il s'envole et murmure pour lui-même :

— Quel étrange sentiment, quelle étrange sensation en ma poitrine ? Ô mon cœur, pourquoi ai-je mal ? Pourquoi cette sourde sensation bizarre et obsessionnelle se meut dans ma poitrine ? Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi cette curiosité soudaine ? Je dois partir maintenant. Je dois trouver la réponse à mon obsession. Je ne peux plus attendre.

Il s'envole à son laboratoire et rencontre son collègue Marc de la Fontaine. Les vampires se saluent respectueusement et Ivan Petrovich demande à l'autre :

— Marc, pouvez-vous m'aider à retrouver mon unique fille, ma Maria. Depuis que je suis l'un des vôtre, je ne m'inquiète pas tant pour ma fille comme un père, mais pour une obscure raison, je veux savoir où elle est... Surtout si elle peut être la fille de la Prophétie... Il ne m'est aucunement clair comment elle n'est pas entrée à la maison ce fameux jour.

— Très bien, commente son collègue. Pour ce faire, suivez votre flair, suivez votre ouïe. Fiez-vous à vos sens, à votre nez, à vos oreilles et à votre intuition. Mais, avant de partir, voulez-vous venir prendre un verre avec moi ?

— Un verre d'alcool ? l'interroge-t-il, méfiant.

— Non, un verre de sang d'un alcoolique aux soins intensifs.

— Non, merci, sans moi. Je préfère rester sobre, décline sèchement le scientifique, pris d'une envie de vomir en entendant la provenance du précieux liquide vital.

Ce dernier s'envole rapidement et suit les sons, les odeurs et son intuition pour retrouver sa fille. Il vole ainsi pendant plusieurs heures pour arriver dans le village de Mite. Se reposant sur une branche de frêne, il renifle l'air à droite et à gauche. Une vague odeur familière flotte subtilement dans l'air, quasiment imperceptible pour ses sens de vampire. Il hume l'air pour la millième fois, incertain de ce qui arrive à son nez. Il se demande si l'odeur est celle de sa fille ou non. Il emprunte néanmoins la piste, intrigué. L'odeur imperceptible se trouve mêlée avec d'autres odeurs de jeunes pousses et de sang frais et vivant qui coule dans les veines des hommes. Le vampire commence à baver, mais se retient de gaspiller sa salive en vain dans les airs. Il arrive ainsi jusqu'à la maison de Chiron. Il se perche sur l'un des chênes centenaires pour regarder à l'envers ce qui se passe au pied de l'arbre. Il remarque la présence de Serge Pavlovich, de David Benadam, de sa fille et de Marianne Weidmann qui s'exercent avec des armes sous le regard attentionné du Centaure. Ce dernier donne les instructions pour les entraînements. Les yeux d'Ivan Petrovich s'illuminent d'une lueur malsaine, s'envole pour revenir chez lui, ravi de savoir où est sa fille.



Royaume de Syls, à la demeure de Chiron, en soirée.

Serge Pavlovich ressent une sensation étrange en son cœur. Il ne parvient pas à décrire ce mal, mais il ne s'inquiète pas trop pour l'instant, se promettant de consulter un médecin demain. À la tombée de la nuit, dormant dans son lit, il se réveille soudainement pour constater qu'il n'est pas seul. Dans la pénombre que seule la pleine lune éclaire, il distingue faiblement une silhouette humaine qui le fixe de ses yeux brillants, yeux d'un rapace affamé, nulle autre que l'âme d'Amédée Rossignol qui analyse la situation. En rencontrant les yeux inhumainement froids de l'âme, le Franco-Russe a un frisson dans le dos et la sensation désagréable d'un froid qui le pénètre jusqu'à la moelle des os. Saisi d'un tremblement dans son corps, il se lève, recule de trois pas en direction de la porte, mais l'âme se déplace plus rapidement que lui et se trouve à quelques millimètres de son visage, lui bloquant toute possibilité de fuite. Le vivant pousse un hurlement de terreur, mais l'autre étouffe son cri en lui jetant ses draps sur le visage. L'âme lui murmure sérieusement :

— Mon garçon, tu es encore inconscient, mais tu es l'un des nôtre. Reconnais-le que tu ne veux pas que la Prophétie se réalise ?

— Arrêtez avec vos inepties ! s'offusque le jeune homme. Sortez immédiatement de ma chambre ! Je veux bien dormir tranquille sans être observé. J'ignore qui vous êtes. Aurez-vous la politesse élémentaire de vous décliner ?

— Très bien, au revoir... Vous n'avez pas besoin de savoir mon nom pour l'instant... Au plaisir de se revoir, mon ami.

Et l'âme s'évapore pour partir observer David Benadam, Marianne Weidmann et Maria Ivanovna.

Après sa mission d'observation, le professeur de littérature classique revient dans son corps, harassé. Sa fatigue ne provient pas tant du voyage de son âme que de son observation de David Benadam. Ce dernier est trop puissant et trop bien protégé. Mais au moins, il est parvenu à identifier avec certitude le jeune prédestiné à accomplir la Prophétie et son saboteur encore inconscient. Il ne lui manque qu'à observer les deux adolescentes et les familles des quatre jeunes.



Le surlendemain matin, à la demeure de Chiron.

Maria Ivanovna se réveille et se prépare pour l'exercice de la semaine : le maniement des épées, des sabres, des poignards et des couteaux de cuisine dignes des bouchers. Chacun des jeunes revêt son armure. Sur la sienne, les armes de sa famille, champ uni sinople avec un aigle bicéphale blanc couronné tenant les insignes de royauté dans chaque patte. Marianne Weidmann a pour arme champ uni argent avec un saule sinople et un aigle azur et Serge Pavlovich a pour arme champ uni sinople avec un aigle couronné or encadré de deux fleurs de lys argentés. Pour les exercices, les femmes s'affrontent et les hommes s'affrontent sous le regard de Chiron qui les dirige et les conseille.


Au troisième jour d'entraînement, Maria Ivanovna et Marianne remarquent que les exercices entre les deux garçons s'exacerbent, à un tel point que les deux jeunes se sont presque entretués, forçant Chiron à intervenir deux fois pour les séparer et les interdisant de s'exercer ensemble. Depuis les exercices se font en couple, les compatriotes ensemble, c'est-à-dire les Francs entre eux et les Rus entre eux. Les deux adolescentes s'étonnent de constater la haine qui brille dans le regard des garçons en se voyant à un mètre de distance. Et l'hostilité est réciproque entre eux. Lorsque chacune demande à son compatriote la raison, ils répondent énigmatiquement :

— Nous sommes conscients que l'autre n'est pas dans le même camp que nous. Nous sommes ennemis. Nous nous opposons.

Maria Ivanovna et Marianne, intriguées et effrayées, presque médusées, comprennent qu'elles doivent être attentives pour choisir leur allié. Maria saisit mieux les propos de sa fée, mais elle est perplexe, lequel est honnête et lequel est menteur entre les deux hommes ? ... Mais elle est consciente qu'elle devra rapidement choisir entre faire confiance à son compatriote ou prêter foi aux mots du Franc. Marianne aussi observe la situation entre les deux garçons pour déterminer avec lequel elle s'alliera judicieusement.

Le soir de cette troisième journée d'entraînement, l'âme d'Amédée Rossignol qui observait depuis cinq jours et cinq nuits les deux filles, essayant de déterminer laquelle est la fille alliée de David Benadam et laquelle est la perfide vipère, abandonne vite cette mission pour se concentrer sur la famille de chacune des filles et de David Benadam. Il se promet de revenir sur les deux adolescentes plus tard.


Alors que l'âme d'Amédée Rossignol observe les Romanov dans le salon, il sursaute en entendant une voix caverneuse derrière son dos. Se retournant, il discerne les yeux remplis de colère d'Ivan Petrovich d'un peu trop près, le forçant à reculer de quelques pas. Le Rus lui ordonne :

— Quittez immédiatement ma maison, âme perdue ! Sale espion ! Je ne vous vois pas, mais je ressens votre vibration, votre présence et votre odeur fétide ! Ne lorgnez pas ma femme, espèce de pervers !

— Loin de moi l'idée de jeter mon dévolu sur votre femme ! s'offusque-t-il. J'ai déjà la mienne.

— Alors que faites-vous ici ? l'interroge-t-il, le regard brillant d'une lueur maligne et cruelle. Répondez-moi !

L'âme tremble néanmoins et part se cacher dans la cuisine, rapidement suivi du père de Maria. Le professeur de littérature soupire et affirme d'une voix qui se voulait forte et certaine, mais il échoue.

— Je vais vous répondre... Je suis en mission spéciale... Travail secret exigé par mon supérieur... Je ne peux vous dire plus...

— D'accord, réplique le vampire en le fixant froidement comme un aigle sa proie, laissant apparaître ses deux crocs vampiriques qui brillent sous la lumière artificielle. Mais je ne veux qu'une réponse à une question simple. Recherchez-vous ma fille, Maria Ivanovna ?

L'âme déglutit avec difficulté sa salive de nervosité, n'appréciant aucunement d'être ainsi observée par une paire de yeux trop insistants et froids. Il sue à grosse goutte, ses mains tremblent de peur. Il se ressaisit en toussant et affirme dans un souffle :

— Oui... Et je l'ai repérée.

Le regard d'Ivan Petrovich se durcit et il lui affirme froidement, malgré la colère évidente qui couve dans ses yeux :

— Ne pensez pas mettre la main sur ma fille. Sinon, vous devez m'affronter... Et vous savez que je gagnerais toujours... Réfléchissez bien à vos prochains pas, étranger.

— Très bien, Ivan Petrovich. Au revoir.

Et l'âme déguerpit, regagnant son corps et ignorant que le père de Maria Ivanovna le suive depuis une distance qui l'empêche d'être détecté par l'autre. Le scientifique, sourire carnassier, les yeux brillants d'une soif de connaissance et du précieux liquide, revient à tire-d'aile chez lui. Il a une idée du traitement qu'il réservera au professeur s'il est trop curieux ou désireux de s'approcher de sa fille.



Le surlendemain, à Viy, dans le Royaume des Syls, dans le cabinet de Carlo DelPonte.

Le vieux vampire attend avec impatience des nouvelles de ses agents. Il prépare des mets et des boissons rafraîchissantes pour ses invités et pour passer le temps. Americ De la Rova, Jean Amer, Ahmed BenSherifa, Baruch BarDavid, Johann Bethovich et Andreï Witgatski arrivent en même temps au bureau de leur chef tant redouté. Son regard inquisiteur suffit aux sbires de prendre la parole à l'unisson :

— Chef, avec tout le respect que nous vous devons, nous avons un bon aperçu des forces ennemies et des maillons faibles. David Benadam est l'Élu de la Prophétie et Serge Pavlovich est le saboteur, le tentateur. Il est notre joueur le plus fiable... Par contre nous ignorons la fille. Nous avons une petite idée, mais aucune certitude pour l'instant. Sinon, la famille de Romanov est entièrement de notre côté, à l'exception d'une tante de Maria Ivanovna, Anastasia Petrovna. Pour les Benadam, nous pensons que Samuel pourrait être de notre côté, mais aucune certitude pour l'instant. Il faut encore observer leurs dispositions.

Le supérieur continue à les fixer et leur annonce froidement :

— Très bien, messieurs. Mais vous devez continuer à analyser la situation, surtout pour la famille de David Benadam et les deux adolescentes. Dès que la situation s'éclaircira pour les filles, informez-moi immédiatement. Aussi, soyez en contact avec Serge Pavlovich. Ce dernier a pour mission de détecter la fille de la Prophétie et de l'attirer, avec son discours et ses mots, de son côté. Ainsi, il aura une séparation du couple de la Prophétie, un affaiblissement des forces et un serpent proche de l'Élu. Exécutez immédiatement mon plan, je vous attends dans quelques semaines.

Tous les agents opinent du chef, soulagés que Carlo DelPonte n'ait pas crié, et s'effacent rapidement du bureau. Le vampire s'assoit confortablement dans son fauteuil, sourire aux lèvres, murmure pour lui-même :

— Excellent ! Tout fonctionne comme prévu... Maintenant, il suffit de connaître la fille de la Prophétie et les dispositions psychologiques de Samuel Benadam.




À suivre.



* Priez de ne voir qu'une coïncidence avec les lycées du même nom.

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