Prophétie sibylline inéluctable

Chapitre 3 : Surprenante enquête et autres nouvelles

5915 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/01/2024 18:55

3.Surprenante enquête et autres nouvelles



« Un homme se juge à trois choses : à sa boisson, à sa bourse, à sa colère » Erouvine 65 b

« Dès lors qu’un homme commet un péché une première fois puis une seconde fois, il croit la chose permise » Yoma 87 a




À Vavylone, dans le Royaume des Sems,

Samuel Benadam n'a pas oublié de faire son enquête sur la mort de sa sœur, Elizabeth, mais il ne sait pas par où commencer. Il réfléchit, assis confortablement sur un siège en bois dans le style de la Renaissance, se tenant la tête entre les mains, fixant le paysage qui se présente depuis la fenêtre entr'ouverte du salon : des passants aux vêtements les plus bariolés en discussion animée, discussion qui devient rapidement un brouhaha pour le médecin; des mères avec leurs enfants et leurs bébés entre les bras passent rapidement pour aller au marché; des vieilles femmes au seuil de leur porte médisent leur voisin et colportent des rumeurs aux premiers venus; des hommes, sérieux, discutent de leur travail ou s'entendent pour un rendez-vous d'affaires; des marchands ambulants vantent leurs marchandises, meubles, fruits, légumes ou vêtements. Bref, une journée ordinaire pour la grande ville des Sems.

Quelques minutes plus tard, soupirant, détournant ses yeux brun foncé de la fenêtre, relevant sa sombre crinière, étirant ses bras sur l'accoudoir du siège, tambourinant nerveusement l'accoudoir de ses élégants doigts, il interroge son épouse qui tricote un chandail pour lui :

— Débora, ma chérie, j'ignore absolument comment rétablir la justice et enquêter sur la mort de feue ma sœur. Plusieurs jours déjà j'y réfléchis, mais rien ne se présente à mon esprit. As-tu une idée ?

— Oui. D'abord, où avait travaillé ta sœur ? Il me semble, sauf erreur de ma part, qu'elle était scientifique de formation, spécialiste en biologie moléculaire au Centre International pour la Recherche sur les Molécules et autres Observations Inter-sidérales et Inter-galactique de la ville de Montclerc, ville éloignée de cinq cent kilomètres de Vercher, notre ville.

— Tu as raison, ma chérie ! La réponse se trouvera à Montclerc dans la maison de ma sœur. Il faut trouver un moyen de revenir dans le Royaume des Francs. Je vais observer la disposition des étoiles pour déterminer la journée et l'heure propice à notre retour.

L'épouse ne fait qu'opiner du chef. Samuel, ravi, attend le crépuscule. Il joue nerveusement avec son alliance d'or, impatient que le temps passe et surtout très inquiet des signes qu'il lira dans le ciel ce soir. Sur ces sombres pensées qu'il ne cesse de ruminer, il aide sa femme à préparer leur repas du soir. Après ce dernier, il part observer les étoiles, puisque la voûte céleste est dégagée, propice pour son activité.


Deux heures plus tard, le père de David revient dans la petite maison et annonce solennellement à sa femme :

— Débora, nous pourrons revenir au Royaume des Francs dans deux semaines au soir. D'ici-là, nous irons dans la ville de Viy, au Royaume des Rus, parce que j'ai l'impression que Vavylone sera bientôt victime d'un tremblement de terre sans précédent dans son histoire. Il vaut mieux la quitter. Dépêchons-nous ma chérie !

Débora hoche la tête pour signifier à son mari qu'elle a compris. Le couple plie leur bagage et sort de la ville quelques heures plus tard. Samuel, en passant pour une dernière fois dans la ville, regarde les belles maisons bien entretenues et ordonnées qui dorment comme leurs habitants et les quelques restaurants, cafés et auberges encore ouverts malgré l'heure tardive qui laissent briller une faible lumière derrière les sombres rideaux, devinant la présence d'une occupation animée et insouciante des hommes. Le médecin et astrologue lâche une larme en pensant que dans quelques heures, la ville n'existera plus de la surface de la Terre. Soudain, un chien aboie au loin, annonçant aux habitants le danger imminent, mais ils l'ignorent. L'astrologue et médecin murmure à son épouse :

— Dépêchons-nous ! L'évènement tant redouté arrivera bientôt. Courons pour sortir de cette ville en perdition !

Le couple, avec tous les bagages, accélèrent le pas jusqu'aux épaisses murailles de la ville, murailles faites d'un alliage d'or, d'argent, de bronze et de fer avec une lourde porte à battant toujours ouverte, vestige des temps anciens, vestige d'une époque de guerres et d'occupations. Essoufflé de la course, le mari constate :

— Nous irons à Aïcha le plus rapidement possible, sauf si nous rencontrons un génie bienveillant...

Personne ne remarque, perché sur une branche d'un vieux bouleau, une chauve-souris, nul autre qu'Americ De la Rova, servile serviteur de Carlo DelPonte. Il est récemment devenu vampire volontairement, pour mieux mener à bien ses missions. L'espion suit le couple, reconnaissant Samuel qui doit être analysé pour mieux connaître ses dispositions psychologiques.


Arrivant à Aïcha, petit village à mille kilomètres de Vavylone, cinq heures après leur départ de la ville, le couple entend une rumeur courir sur toutes les lèvres. Débora s'approche d'une vieille femme courbée par l'âge et lui demande poliment :

— Que disent les rumeurs ? Un évènement effroyable vient-il d'arriver ?

La vieille tourne ses yeux myopes vers la plus jeune et, apeurée, lui murmure :

— N'avez-vous pas entendu ce qui est arrivé à Vavylone ?

— Non, j'ignore de quoi vous parlez, répond-elle très intriguée. Nous étions en route pour Aïcha.

— Disons que la ville n'existe plus sur la terre. Soudain, un tremblement de terre a avalé la ville entière en moins d'une heure, s'écrie, alarmée, la vieille femme, agitant ses mains. Je crains pour notre village, se lamente-t-elle.

Débora, les yeux agrandis d'étonnement, demeure coi et revient aux côtés de son mari. Elle lui murmure :

— Chéri, tu as raison... La ville de Vavylone n'est plus, engloutie sous terre, ses habitants sont enterrés vivants sous la terre. Que Dieu ait pitié d'eux et abrège leur souffrance.

Samuel, tout aussi étonné que sa femme, affirme sérieusement :

— Heureusement, Débora que tu m'as écouté et que j'ai considéré pour véridiques les signes du ciel et de Dieu...

Un frisson parcourt l'échine du médecin.

— Sinon, nous serons déjà morts depuis quelques heures sous la terre... Quelle terrible et cruelle mort ! Dieu soit loué, nous sommes sauf. Il ne manque qu'à savoir si notre fils va bien, ce que je ne doute pas.

— La Prophétie se réalise, commente l'épouse dans un souffle. Que Dieu le Très-Haut nous soit clément en ces temps difficiles et protège notre fils bien-aimé de tout mal et de toute tentation, Amen.

— Trouvons une auberge qui veuille bien accueillir les étrangers que nous sommes, les seuls rescapés de la ville maudite et engloutie de Vavylone.

Le couple se dirige lentement, à petits pas, vers une auberge non loin des murailles. L'endroit semble accueillant avec sa belle façade blanchie au chaux, son toit gris pâle, le jardin bien entretenue où des pommiers et des poiriers ploient sous le poids de ses branches chargées de fruits. L'aubergiste les accepte sans les interroger plus que nécessaire.

Personne ne remarque l'espion perché dans un pommier analysant la situation. Americ De la Rova pense que la chance sourit bien à ce couple, pour échapper ainsi au danger. Mais, il se promet de mener à bien sa mission et de déterminer leurs dispositions psychologiques à être des collaborateurs avec eux. Sinon, il y a toujours la dernière et ultime solution en cas de résistance : la mort, se rappelle l'espion, sourire aux lèvres et yeux brillants à l'idée de lécher le sang encore palpitant du médecin.



Au village de Mite, chez Chiron,

Serge Pavlovich, depuis une semaine, est conscient d'être le Saboteur de la Prophétie, rongé de l'intérieur par son mal. Mais il a trouvé une mission à accomplir, repérer la Fille destinée à être aux côtés de son ennemi, David Benadam, avant qu'elle rejoint le bon camp et essayer de la détourner en se présentant comme son ami et comme l'Élu. Mais il ne sait pas trop comment trancher entre les deux jeunes femmes, laquelle est réellement prédestinée. Avant de suivre l'entraînement avec Chiron, il a été convaincu que sa compatriote, Maria Ivanovna, est l'Élue, mais maintenant il doute. Marianne Weidmann peut être une sérieuse candidate.

Le jeune homme s'assoit à l'écart des autres, tenant son armure entre ses mains. Pour être honnête avec lui-même, il n'a peur que d'un être : Chiron. Il craint que ce dernier ne le renvoie des entraînements, reconnaissant en lui le Traître, le Serpent tentateur. Fixant, son armure d'un air absent, il note un changement de couleur des armes sur celle-ci : le champ uni sinople avec un aigle couronné or encadré de deux fleurs de lys argentés devient un champ partitionné en chevron argent, le champ supérieur est gueule avec un aigle couronné argent et le champ inférieur est sinople avec deux fleurs de lys or. Serge Pavlovich ressent une montée d'anxiété dans ses veines, son cœur bat à la chamade, angoissé. Angoissé à l'idée que les autres voient ce changement soudain du blason familial et reconnaissent en lui l'anti-Élu. Promenant son regard de gauche à droite dans la cour arrière de la salle d'entraînement bien ordonnée, il note la présence d'un être qui l'épie dans un coin sombre, entre deux arbres.

Hésitant à interpeller l'inconnu, il s'approche doucement des arbres, écarquillant les yeux pour mieux discerner l'entité espionne, dégainant son épée. La mystérieuse entité se déplace rapidement, à la vitesse de la lumière, derrière son dos, effrayant le jeune homme. Déglutissant sa salive, des sueurs froides dans le dos, pensant affronter un griffon ou un monstre quelconque, il se retourne rapidement, épée devant lui, prêt à attaquer, pour reculer d'un pas, à quelques millimètres du visage d'un esprit. Nul autre que l'âme d'Amédée Rossignol. Cette dernière, sourire narquois, lui chuchote :

— Mon ami, vous vous êtes rendu à l'évidence de votre mal naturel. De votre mauvaise foi, n'est-ce pas ?

Opinant du chef, il affirme amèrement :

— Effectivement, vous avez raison. Je hais cette Prophétie, je hais le changement !

— Excellent, mon ami, susurre l'âme. Nos intérêts se rejoignent. Je vous propose une collaboration étroite avec nous...

Le Franco-Rus l'observe avec méfiance, guère convaincu de sa sincérité.

— ... Disons, continue l'âme, que vous pourrez observer attentivement laquelle des deux filles est l'Élue pour l'attirer de votre côté. Divide et impera, Diviser pour mieux régner, est notre devise.

— Qui est le « nous » ?

— Jeune homme, sourire carnassier au visage, yeux brillants d'une lueur malsaine et quelque peu démoniaque qui donne un frisson dans le dos du jeune homme, ne soyez pas trop curieux avant l'heure... Vous aurez toutes les informations en temps et lieu... Rien ne presse... Il y a un temps pour tout, un temps pour la guerre, un temps pour l'amour, un temps pour l'obéissance, un temps pour la révélation, un temps pour naître, un temps pour mourir... Vous saisissez, jeune homme.

— Oui, monsieur... déglutit-il avec difficulté en opinant du chef à l'attention de l'âme. Mais je dois vous reconnaître que je doute entre Maria Ivanovna Romanovna et Marianne Weidmann. J'ignore laquelle est la Fille de la Prophétie. Au début, en rencontrant Maria Ivanovna, j'étais certain que c'est elle, mais en voyant l'autre, je doute...

— Soyez fin observateur, lui conseille le professeur de littérature classique.

— ... D'accord, mais mon plus grand problème est ce changement des armes familiales qui ne passera pas inaperçu aux yeux de Chiron et des deux filles, gémit-il.

— Effectivement, c'est un problème, mais j'ai aussi la solution, affirme l'âme, sourire énigmatique au visage, intriguant le vivant.

— laquelle ?

— Mon vieux ami d'enfance.

Et il s'en va pour revenir immédiatement avec une autre entité à ses côtés. Cette dernière est grise, semblable au génie, aux yeux de feu perçants, créant un malaise chez le jeune homme en la voyant. Malaise accentué par l'ample robe bleue constellée d'étoiles d'or qui lui donne un air décharné et rachitique. La mystérieuse entité ouvre la bouche, laissant entrevoir une rangée de dents pointues comme ceux d'un lion ou d'un requin, effrayant le Franco-Rus, et lui clame :

— Messire, je peux, par un tour de mon art magique, conférer la même couleur à vos armes qu'avant, à une seule condition.

— Laquelle ? murmure-t-il, inquiet, dans un souffle.

L'entité le fixe intensément, tellement intensément qu'il baisse rapidement le regard, trop gêné du feu qui brûle dans les yeux de son interlocuteur. Ouvrant la bouche, un son rauque et animal en sort, avant de devenir plus articulé :

— Ce qui est le plus précieux en vous : votre âme !

Serge Pavlovich recule de deux pas, mais est vite acculé à l'arbre, paniqué de la signification réelle des paroles du monstre. Celui-ci s'approche rapidement de lui, continuant froidement son discours :

— Vous devez me laisser savourer votre âme et vous posséder... Vos yeux deviendront les miens... Je vous soufflerais les prochains pas à faire... Vous m'obéirais sans protestation, aveuglément. En échange, je peux espionner efficacement les filles, ne me voyant pas, pouvant me faufiler à travers la matière. Rien n'est un obstacle pour moi.

Il opine du chef, paniqué et résigné, donnant, par ce simple geste, son consentement à la possession de la sombre et étrange entité.

— Sinon, je suis un djinn et je m'appelle الظلام الجن [Jin Alzalam], ou Sombre Djinn, existant depuis plusieurs millénaires. J'ai vu plusieurs générations humaines se succéder. Vos vies éphémères me font rire, tellement fragiles... Revenons à vous, jeune homme : je suis magicien et, en vous possédant, je peux agir sur vos armes.

Soudain, le djinn possède le Franco-Rus. L'âme de ce dernier observe, étonnée, non loin de son corps, le changement à la fois de ses yeux, devenus brûlants, et des armes de famille. Rassuré pour les armes, il est maintenant inquiet pour son regard qui éveillera certainement un soupçon. Le professeur franc de littérature classique conseille à Serge Pavlovich :

— Des lentilles colorées régleront le problème pour vos yeux. Simple, n'est-ce pas ?

L'âme approuve d'un geste de la tête à son attention et s'en va pour ne pas être vu de Marianne, décidant d'espionner discrètement sa compatriote. Le corps possédé de Serge Pavlovich se dirige vers la demeure de Chiron, comme si rien ne s'était passé. Sombre Djinn analyse la situation et les forces des trois autres jeunes gens, évitant David Benadam à tout prix.



Simultanément à la rencontre de Sombre Djinn avec son compatriote, Maria Ivanovna, dans la forêt environnant la demeure de leur entraîneur, cueille des champignons et plantes comestibles. La beauté de la forêt émerveille les sens de la jeune femme : les élégants arbres qui s'élèvent jusqu'au ciel, les doux chants des oiseaux, les cris des écureuils qui se disputent des noisettes, un doux zéphyr qui apporte un peu de fraîcheur en cette belle journée ensoleillée, le bruit des feuilles sous ses pieds et, parfois, au loin, un chien de chasse qui aboie, un cerf, effrayé, qui pousse un cri et des cris de joie des chasseurs. La jeune femme profite de la brise bienfaitrice qui balaie son délicat visage, lui essuyant quelques gouttes de sueur sur son front. Soudain, elle entend, au loin, une douce chanson aux airs familiers. Les paroles deviennent de plus en plus claires, à mesure que sa fée Myriam s'approche d'elle, à savoir :

За тихой рекою

За тихой рекою, в берёзовой роще

Распустится первый весенний цветок

И я загадаю желание попроще

И перекрестившись взгляну на Восток.

 

Окрасится небо багряной зарёю

И вечное солнце над миром взойдёт

И белая птица взлетит над землёю

И Божие прощение с небес принесёт

И белая птица взлетит над землёю

И Божие прощение с небес принесёт.

 

И что-то большое откроется сердцу

Такое что жизнью моей не объять

И станет спокойно, и сладко как в детстве

Когда обнимала меня моя мать

И станет спокойно, и сладко как в детстве

Когда обнимала меня моя мать.

 

Молитва святая слезами прольётся

Христовой любовью исполнится грусть

И в это мгновение душа прикоснётся

К великой вселенной по имени Русь.


Traduction

La rivière tranquille

La rivière tranquille, Coule aux pieds des bouleaux

Là pousse la jonquille, Signe du renouveau

Je dirai un souhait ,En me tournant vers l’est

En affirmant ma foi D'un signe de croix.

 

Quand flamboiera le ciel Sous le dard du soleil

Embrasant l’horizon Révélant le monde

Alors des oiseaux purs Monteront vers l’azur,

Rapporteront des cieux Le pardon de Dieu.

Alors des oiseaux purs Monteront vers l’azur,

Rapporteront des cieux Le pardon de Dieu.

 

Quelque chose d’intense Submergera mon cœur

Qui aura la chance De vivre cette heure

Et tout s’apaisera Le calme règnera

Comme lorsque tout enfant Me berçait maman

Et tout s’apaisera Le calme règnera

Comme lorsque tout enfant Me berçait maman

 

La sainte prière Et mon âme triste

Deviendront lumière Par l'amour du Christ

Et ce bain de jouvence Ouvrira mon esprit

A l’univers immense Appelé Russie.*


La jeune verse une larme, émue par la force de la voix de sa fée qui chante et comprend son camp dans l'ultime bataille, décidant, en son cœur de convaincre David Benadam de l'écouter. Cette chanson lui rappelle affectueusement son enfance et à sa douce vie au Royaume des Rus, à Novigorod. Sanglotant légèrement, elle discerne sa rivale, Marianne, s'avancer en sa direction, alors que sa fée s'en va, lui souriant maternellement. Elle se dépêche de sécher ses larmes pour ne pas subir l'interrogation de l'autre femme. Se ressaisissant, la Rus se penche pour cueillir une plante aux propriétés curatives réputées : le moroznik. Plante qui guérit des maladies les plus incurables, surtout efficaces pour les problèmes psychologiques. Marianne se penche au-dessus de Maria et lui murmure sévèrement, moue dégoutée qui déforme ses délicats traits féminins :

— Maria Ivanovna, je sais que nous sommes à partir d'aujourd'hui ennemie. Nous sommes opposées et ne pensez pas séduire mon compatriote, David Benadam. Sinon, vous aurez affaire à moi, perfide serpent et tentatrice ! Je comprends votre jeu avec le moroznik ! Je ne suis pas aveugle ! Créature infernale !

— Et vous, Marianne Weidmann, je ne cherche aucunement à séduire votre compatriote. Je vois fort bien que mon compatriote est de plus en plus étrange ces derniers jours.

— Pour ce détail, je suis entièrement d'accord.

— Donc, il est sensé de l'éviter et d'essayer d'établir un contact poli et amical avec votre compatriote, n'est-ce pas mademoiselle ?

— Effectivement, réplique-t-elle amèrement, mécontente de concéder la justesse du raisonnement de sa rivale.

Les deux jeunes femmes se quittent, méfiance réciproque lisible dans leur regard. Maria Ivanovna termine sa cueillette et revient dans la maison de Chiron. Elle s'occupe de rendre la récolte forestière comestible pour tous les cinq habitants. Elle reçoit l'aide de leur entraîneur pour aller un peu plus vite.


Au moment où les deux jeunes femmes réalisent leur opposition, à Viy, dans le Royaume des Syls.

Carlo DelPonte, dans son bureau décisionnel comme il appelle affectueusement son cabinet, attend impatiemment la venue de son héraut, censé lui rapporter les résultats de l'espionnage d'Americ De la Rova, de Jean Amer, d'Ahmed BenSherifa, de Baruch BarDavid, de Johann Bethovich et d'Andreï Witgatski. Ses sombres yeux lancent des éclairs d'ennui. Il hurle à son intendante :

— Mademoiselle Médée De Larochefort, venez immédiatement !

— Oui, monsieur DelPonte, s'empresse de susurrer de sa voix de magicienne, affable et souriante, la trentenaire, rentrant dans la salle pour s'assoir en face de son supérieur.

— Excellent, mademoiselle. Ainsi, que savez-vous de la missions de nos fidèles collaborateurs ?

— J'ignore tout de leur mission, mais j'ai une information de première importance à vous communiquer, affirme-t-elle d'une voix blanche, intriguant le vampire qui la fixe intensément en buvant une fiole de sang.

— Parlez, mademoiselle, ordonne-t-il froidement.

— Ma cousine, Circé De Larochefort, qui habite à Aïcha dans le Royaume des Sems a entendu la rumeur selon laquelle la ville de Vavylone, la très grande et riche ville, est inexistante, engloutie dans un terrible tremblement de terre sans précédent dans l'histoire du royaume... Tous sont enterrés vivants, et très certainement morts... En moins d'une heure, se lamente-t-elle, lâchant quelques larmes.

Le juge blêmit, devenant encore plus pâle, comme s'il n'a pas bu la fiole de sang quelques secondes plus tôt. Cette fiole qui part en mille morceau, tombée des agiles et longs doigts de l'homme, sous l'effet de la forte émotion et de la conclusion à laquelle sa pensée est parvenue. Reprenant son souffle, il affirme, d'une voix cassée :

— La Prophétie, mademoiselle... Elle s'accomplit...

Cette dernière blêmit également.

— Mademoiselle, fuse la voix impérieuse du vampire, qui se ressaisit. Dites à mon fidèle serviteur de venir immédiatement dans mon cabinet, la situation est très sérieuse et dangereuse.

— Oui, monsieur DelPonte, s'incline l'intendante et s'éclipse rapidement.

Le vampire, très nerveux et agité, comme une mouche la veille d'une tempête, joue avec son alliance et ramasse les débris de la fiole.

Deux heures plus tard, un bruit de pas feutré devant la porte devient audible pour le pluricentenaire impatient. Il hurle :

— Entrez immédiatement, la situation est très urgente et nécessite votre présence.

La porte s'ouvre pour laisser apparaître un homme âgé de trente-sept ans aux cheveux brun clair et aux yeux bleus éteints, aucun signe de vie en lui tellement il est pâle, très calme et soigné, avançant d'un pas nonchalant, comme s'il ne craint pas le sombre dirigeant de la secte. Un vampire avec un caractère bien trempé, pense Carlo DelPonte, intrigué par cet homme qu'il ne connaît pas. Il se racle la gorge et l'interroge :

— Monsieur, veuillez vous décliner ? Je ne vous connais point.

Le mystérieux visiteur, sourire amère aux lèvres, yeux pétillants de colère, demeure debout face à son interlocuteur et lui éructe :

— Vous ignorez mon nom ! De quel village perdu dans le monde venez-vous pour être incapable de me reconnaître ?

Irrité, le dirigeant de la secte, n'appréciant aucunement l'insolence du nouveau venu, se lève de son siège et hurle :

— Pour qui vous prenez-vous pour être si arrogant ?

— Je suis le scientifique le plus renommé au monde pour mon invention et j'ai trouvé une information qui réduira à néant votre secte, monsieur Carlo DelPonte.

Des grosses gouttes de sueur se glissent dans le dos du pluricentenaire, angoissé à l'idée d'être découvert malgré son nom d'emprunt, mais aussi intrigué de la prétention du personnage.

— Mais qui êtes-vous ? implore le juge, attitude qu'il ne croirait jamais adopter de sa vie, lui habitué à commander et à être craint.

— Je suis Ivan Petrovich Romanov, scientifique à Novi, dans le Royaume des Rus, biologiste moléculaire au Laboratoire du Centre Interroyaumonde, l'inventeur du sang à la couleur de l'eau. Et j'ai trouvé le précieux métal d'Atlantide.

L'intérêt de son interlocuteur s'avive, son visage s'illumine de joie et sa colère retombe.

— Vous êtes le fameux Ivan Petrovich qui prétend posséder le mystérieux métal du royaume perdu, mais pourquoi être venu jusqu'à moi, un simple juge ? l'interroge Carlo DelPonte, prudent de ne pas trahir son pseudonyme.

— Charlie De la Poirot, vous n'êtes pas seulement un juge, affirme froidement le scientifique en le fixant intensément. Mais vous êtes aussi le très redoutable chef de la Faucheuse, Carlo DelPonte.

Étonné, le pluricentenaire camoufle mal son expression faciale pendant quelques secondes. Il lui murmure :

— Et pourquoi voulez-vous me rendre visite ? Comment êtes-vous parvenu jusqu'à moi ?

— Je détiens l'information de certains amis et connaissances, répond-il énigmatiquement, semant un malaise en l'esprit du vieil homme. Malaise palpable qui arrache un sourire amusé au scientifique. Carlo DelPonte est surtout troublé par une lueur malsaine dans son regard.

— Si vous le dites, mais montrez-moi ce précieux métal, lui ordonne-t-il sèchement.

Le scientifique s'approche et lui donne le métal tant convoité. métal de couleur dorée, très solide et brillant, reflétant toutes les couleurs de l'univers, aveuglant presque le vampire.

— Pour votre information, monsieur DelPonte, précise le Rus, ce métal à une propriété magique... Il nous sera très utile lors de l'ultime combat de la Prophétie...

Le vampire, émerveillé, fixe le métal, relève la tête et demande :

— Comment êtes-vous parvenu à le trouver ?

Sourire énigmatique aux lèvres, yeux enjoués, le biologiste répond poliment :

— Simple, je l'ai trouvé au cours d'une expédition à Vladivostok, en fouillant le sol, un nain m'a guidé, un certain Pavle Pavlovich.

— Puis-je le garder ? interroge-t-il, très avide de le posséder.

— Non, je ne peux que vous donner une partie.

Il fouille dans la poche interne de son veston et donne un éclat de la mystérieuse pierre. Il se dirige vers la sortie. Au moment où il dépose sa main sur la poignée de porte, Carlo DelPonte fond sur lui, le retournant et le tenant par le collet, lui murmure, lueur froide et inhumaine dans le regard. Regard qui donne un frisson au scientifique.

— Monsieur Ivan Petrovich, ne vous croyez pas plus malin que moi... Mes multiples années d'expériences auprès des hommes seront toujours supérieures à votre propre connaissance limitée de l'espèce humaine. D'ailleurs, je me demande aurez-vous déjà tué un homme par hasard ? l'interroge-t-il en le fixant intensément.

Le scientifique déglutit difficilement sa salive, évite d'observer son interlocuteur, regard fuyant, ses mains tremblent, et avoue :

— Malheureusement oui. Mais je ne peux être jugé...

— Inexact, monsieur le scientifique, à la condition que vous soyez prêt à tuer la fille de la Prophétie, même s'il est question de votre propre fille, le sang de votre sang, Maria Ivanovna.

Il hoche la tête pour signifier sa compréhension et reprend difficilement son souffle lorsque son interlocuteur le lâche. Il sort immédiatement du cabinet, très effrayé. Carlo DelPonte affiche un sourire affable en discernant, dans le cadre de porte, l'homme tant attendu : Americ De la Rova. Les deux hommes se saluent. Le sbire, en notant le regard insistant de son supérieur, ne se fait pas prier pour rapporter les nouvelles :

— Les Benadam sont en sécurité à Aïcha. Toujours rien à noter en faveur d'une collaboration. Il faudra encore patienter... Même s'il refuse refus absolument de collaboration, je peux toujours aisément résoudre son cas...

— Effectivement, mais laissez cette option pour la fin, uniquement si les autres options ne fonctionnent pas.

— Oui, c'est noté, chef.

Les deux hommes se quittent. L'agent retourne à Aïcha au Royaume des Sems; le chef s'envole à tir-d'aile dans la Grotte, sur l'Île maudite, réfléchissant à son prochain coup et à la manière de détourner la Prophétie à son avantage, voire de faire mourir David Benadam avant l'affrontement final tant craint.



Simultanément à la venue des Benadam à Aïcha, chez Chiron,

David continue ses entraînements militaires, très sérieux et bon élève qu'il est. Il s'assoit à l'ombre d'un arbre et salue sa compatriote. Cette dernière lui rend son salut également et lui demande, très inquiète :

— David, as-tu remarqué que Maria Ivanovna veut se rapprocher de toi ? Sincèrement, je doute qu'elle soit mauvaise, qu'elle veuille te séduire comme le Serpent biblique... Je veux te recommander prudence... Elle ne me semble pas honnête, mais perfide. Ne crois pas à ses paroles venimeuses.

Étonné, le jeune homme la fixe, discernant le Démon de Marianne à sa gauche le fixer intensément sous forme d'un serpent enroulé autour de sa main gauche.

— Comment peux-tu conclure ainsi à propos de Maria Ivanovna ? Pourtant, je discerne clairement ton Démon, l'Antique Serpent, à ta gauche; ton Ange n'est plus à tes côtés. Perfide Vipère ! Dégage de ma vue ! Ton Démon n'a pas été suffisamment discret pour que je ne le remarque pas. Arrière suppôt de Satan !

Au tour de Marianne d'être étonnée, mais elle demeure coi et s'en va.

Agathe et Ivan, la fée et l'elfe protecteurs du Franc, apparaissent soudain à sa droite. Le second lui annonce d'une voix forte :

— David, nous te donnons un cadeau, à savoir une armure et un recueil spécial... Saches que la guerre n'est pas uniquement affaire d'armes... il y a beaucoup plus, mon enfant.

Ému, il sourit.

— Merci infiniment, Agathe et Ivan, bredouille-t-il. Je vous serai toujours redevable.

— Il n'y a pas de quoi. Nous ne faisons que t'aider. Que Dieu te protège et te seconde. Bonne chance, mon enfant, conclut la fée, sourire maternelle aux lèvres.

Les deux entités surnaturelles reviennent dans leur pays, laissant leur protégé réfléchir au sens de leur parole et sur le récent dévoilement du camp de son amie et compatriote. Ce dernier constat porte un coup dur à son amitié, mais il ne peut se tromper d'alliée alors que le monde est en jeu. Il se promet, en son cœur de se confier et de s'allier avec Maria Ivanovna, mais il ignore que Marianne, en sa qualité d'ancienne amie, possède suffisamment de connaissance sur lui pour le nuire. David informe rapidement Chiron de l'attitude suspect de sa compatriote. L'entraîneur, le croyant sincère, expulse Marianne Weidmann et Serge Pavlovich de sa maison, ne désirant pas nourrir des serpents en son sein.



À Aïcha, au Royaume des Sems,

Samuel et Débora, après une semaine dans le village, se rendent à Viy, au Royaume des Rus. Ils sont, bien sûr, très discrets et passent inaperçus des vampires et des autres agents du Mal qui rôdent un peu partout dans les divers royaumes. Seul Americ De la Rova les suit, perplexe, très intrigué et incertain. Le couple reste une semaine à Viy, la quittant la veille d'un terrible tremblement de terre qui divise la ville en deux par un immense gouffre infranchissable et un feu se déclare à l'ouest de la ville, consumant toute la moitié de la ville. Tous les habitants périrent dans le feu.


Les parents de David arrivent à Merlin, village à deux mille kilomètres de la ville de Viy, au royaume des Liebes. De ce village, ils partent à Montclerc au royaume des Francs en passant par les villes de Marlin, Palin et Gironde, évitant des patrouilles de zombies et de vampires. En entrant dans le vestibule de la maison de sœur, Élizabeth, intacte depuis son assassinat à Vercher, Samuel hésite à continuer son enquête. Il ouvre une porte qui gémit sur ses gonds, arrivant dans la chambre. Il fouille la table de chevet de sa sœur pour trouver des papiers incompréhensibles avec des dessins et des cartes.

Élizabeth est scientifique, spécialiste en biologie moléculaire au Centre International pour la Recherche sur les Molécules et autres Observations Inter-sidérales et Inter-galactique de la ville, avec une renommée nationale, quasi internationale se souvient son frère. Il est perplexe, pourquoi sa sœur avait attiré l'attention de la Faucheuse Noire ? Qu'avait-elle découvert de si extraordinaire pour ainsi mettre en danger la secte ? Perplexe, ne comprenant rien, il continue à fouiller toutes les pièces. En entrant dans la salle qui constitue le bureau, en lisant attentivement les divers papiers et réflexions de sa sœur, une soudaine réalisation le frappe. Il comprend pourquoi sa sœur a été assassinée. Se tournant vers son épouse, le teint blanc comme linge de sa réalisation, les yeux agrandis de peur, il lui murmure :

— Je sais pourquoi ma sœur a attiré l'attention de l'immonde secte !

Débora lance un regard interrogateur et inquiet à son mari pour l'inciter à développer son idée.

— Elle a découvert...

— Vous deux retournez immédiatement ! ordonne une voix impérieuse et grinçante.

Le couple, sursautant de peur, discerne, dans le cadre de la porte, Americ De la Rova. Ce dernier s'avance rapidement vers Débora, la maîtrisant aisément et immobilisant son mari d'un coup de pied solide dans l'entrejambe, le forçant à reculer. Il éructe, lueur de folie dans le regard, à l'astrologue, tenant un couteau au cou de son épouse :

— Monsieur Benadam, médecin et astrologue, je vous conseillerais ne pas fourrer votre nez dans les affaires des autres, si vous ne voulez pas voir votre chère épouse morte sans crier gare. Elle n'aura même pas le temps de crier...

Samuel, paralysé devant la situation, ne sachant trop que faire, fixe l'arme et son épouse avant d'intervenir.

— Très bien, monsieur...

— Vous n'avez pas besoin de savoir mon nom... Sinon, affirme-t-il froidement en fixant le médecin avec insistance, je suis le meurtrier de votre sœur.

Il blêmit encore plus, se rappelant le cadavre de sa sœur.

— ... Je ne fouillerai plus dans les affaires de ma sœur. Je ne tâcherai pas de comprendre le mobile de son assassinat...

— Il est trop tard, monsieur Benadam... Vous aurez des monstres à vos trousses maintenant.

Et soudain, quatre vampires tiennent solidement le père de David, l'immobilisant. Americ De la Rova, sourire cruel au visage, égorge froidement Débora sous les yeux paniqués de son mari, buvant avidement son sang encore frais et palpitant. Le médecin, répugné, s'agite pour se libérer de l'emprise de ses ennemis, mais en vain. L'espion de Carlo DelPonte donne un signal aux autres de lâcher le pauvre mari. Il murmure à ce dernier :

— Et ne pensez même pas dire à quelqu'un votre conclusion... Sinon, vous connaissez les représailles... Vous êtes suivi, nous vous avons à l'œil...

Et les cinq vampires sortent de la maison sous forme d'une chauve-souris, laissant Samuel désemparé et désespéré de sa situation... Il sait que sa sœur a été tuée parce qu'elle a découvert un moyen d'anéantir la Grotte sans qu'il n'ait de perte humaine, à l'aide du mystérieux métal d'Atlantide combiné avec d'autres éléments. Sa sœur n'a pas encore compris ces divers éléments, mais elle a dessiné des plans très détaillés de la Grotte et de l'apparence du métal atlantidien. Samuel, éploré de la perte si cruelle de sa chère et tendre épouse, se promet de lutter toujours pour la vérité et la justice. Il sort de la maison de sa sœur, appelle des policiers, leur explique la mort de son épouse et se promène sans but dans la ville, perdu, rongé en son âme par la culpabilité.



À suivre.



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* La chanson За тихой рекою [La rivière tranquille] est réelle dans notre monde, chanson traditionnelle russe. Dans mon récit, c'est une chanson populaire pour endormir les enfants aux Royaume des Rus et des Liebes. À la différence que le dernier mot de la dernière strophe est remplacée au nom de chacun des Royaumes.

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