La prophétie du roi déchu: Le seigneur oublié

Chapitre 8 : L'affrontement des deux légions

9114 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/01/2025 08:08

Chapitre 8: L’affrontement des deux légions 








Lorsque l’aube se leva, un serviteur réveilla Taläsna. Il était trempé de sueur sous ses draps, il avait encore fait cet horrible cauchemar, avec l’homme au masque de fer. On l’aida à mettre son armure d’argent, son casque à l’effigie d’homme fauve aux crocs d’ivoires, et sortit de sa tente. Ils étaient là depuis deux jours, aujourd’hui ils devaient finaliser les préparatifs. Tout devait être parfait. Alors que les oiseaux étaient encore profondément endormis, le camp était aussi actif qu’une fourmilière géante, les archers prirent chacun leurs sacs respectifs, remplis de flèches, et s’en allèrent rejoindre leurs postes. Les soldats aiguisèrent une dernière fois leurs lames, silencieusement, tous semblaient méditer en regardant leurs reflets sur l’acier des armes. On entendait parfois quelques ordres, mais dans l’ensemble, le calme régnait. Sur la falaise, les nains finirent d’installer leurs canons, leurs plus grandes forces, ainsi qu’une pyramide de boulets et de nombreux sacs de poudre à leurs côtés. Ils étaient installés sur une falaise divisée en deux par une vallée, faisant face à une immense forêt, c’était un poste idéal pour mener une bataille. Ils étaient protégés par une forteresse naturelle, un poste idéal pour tous les archers et l’artillerie, et il y avait suffisamment de place en bas pour accueillir tous les fantassins de l’alliance, et qui ne pouvaient être encerclés grâce à la forme conique de la vallée. Ce fut ici même qu’ils affrontèrent et triomphèrent des Enfërs dans le passée, et les repoussèrent jusqu’à la mer. En contrebas, les guerriers plantaient les derniers pieux, d’habitude les elfes sylvains n’aimaient pas couper les arbres, mais ce jour-là, ils firent une exception, l’enjeu était beaucoup trop important pour se laisser guider par ses sentiments et ses croyances. Les nains aussi firent abstraction de leurs croyances, ils ne crachèrent pas aux pieds des elfes malgré les démangeaisons, car ils savaient que ce jour-là marquera la fin de nombreuses vies, et ils décidèrent de respecter ce dernier jour. Alors que Taläsna observait la scène avec un certain effroi en songeant à la bataille à venir, il entendit une voix derrière lui:

_ Bien le bonjour messire Taläsna.

Il se retourna et vit Endellën, portant un carquois en bandoulière dont les empennages argentés apparaissaient derrière son épaule droite. Elle portait une armure légère brillante, composée d’une plaque de fer aux gravures argentées au niveau de la poitrine, ainsi qu’une cotte de maille et qu’une épaulière gauche en forme d’aile. À sa ceinture étaient accrochés sa dague et son sabre dans le dos de manière à ne pas la gêner pour tirer à l’arc. Bien que lourdement armée, elle était toujours séduisante et d’une beauté incroyable, et à travers ses yeux dorés on devinait une flamme assassine, déterminée à protéger cette terre. Le roi elfe enleva son casque et sentit l’air frais sur son visage. De son regard émanait une longue et lente pluie de chagrin.

_ Merci dame Endellën, lui répondit le souverain. Bien qu’aujourd’hui ne soit pas un bon jour. 

La femme elfe s’avança vers la falaise, en réalité nivelé en plusieurs étages pour ainsi dire, formant comme un escalier géant. La forêt était si silencieuse que l’on pouvait entendre le moindre oiseau s’envoler. 

_ Cette pression dans la poitrine, cette sensation douloureuse dans mon cœur, est-ce de la peur sire Taläsna ? Demanda t'elle en regardant les arbres immobiles dans le lointain.

_ Oui, répondit le seigneur sylvain. Nous avons tous cette peur. La peur de la mort. Aujourd’hui, nous allons affronter les légions de Kaös, et d’ici, nous pouvons sentir sa volonté démoniaque. C’est cette aura destructrice qui nous gèle le sang en ce jour, mais aussi c’est cette peur qui nous donnera la force de le combattre.

La jeune elfe se retourna vers Taläsna qui regardait l’horizon. Bien que déterminée, elle était aussi terrifiée. Tout était si calme, si paisible, et pourtant, elle savait que dans peu de temps, le chaos allait déferler telle une marée sur eux. Elle s’approcha lentement du roi elfe et lui attrapa délicatement la main. 

_ C’est ma première bataille, avoua-t-elle. J’ignore si je serai à la hauteur.

_ Ce qui compte, ce n’est pas d’être à la hauteur. Répondit Taläsna. Ce qui compte, c’est empêcher cette vague de haine d’avancer sur nos terres, protéger les gens que nous aimons. 

Les soldats descendirent dans la vallée, armes à la main, nul ne parlait. Le cliquetis des armures sonnaient sinistrement, et leurs pas étaient lourds, accompagnés du martèlement du tambour. Les légions dorées de Guiogne s’avancèrent en premières lignes, des milliers de piques s’hérissaient au-dessus de leurs têtes. Les hallebardiers nains prirent possession des flancs, tandis que les fantassins remplirent le centre de la formation. Les épéistes elfes se mirent aux derniers rangs de l’infanterie, aux côtés de l’infanterie lourde naine. Des fanions de toutes les nations de l’Alliance naissaient au milieu des rangs, dressés vers le ciel. Les soldats chargés de la communication s’installèrent aux postes désignés, chargés de drapeaux de différentes couleurs. De la pois fut donnée aux archers, des torches enflammées postées devant aux. Les trébuchets furent rapidement montés, postés derrière les archers, ainsi que de nombreuses jarres de forme ronde en terre cuite, remplies de graisse inflammable. Ils regardèrent encore l’horizon un long moment, angoissés par le calme. 

_ Je te protégerai, dit Taläsna à Endellën. 

La femme se retourna vers lui, plongeant son regard brillant dans le sien. Ils s’approchèrent l’un de l’autre, quand soudainement, une nuée noire de tous les oiseaux de la forêt s’envola vers le nord. Taläsna savait ce que cela voulait dire. Ils s’écartèrent l’un de l’autre, juste au moment où tous les autres nobles les rejoignirent. Zuanlanor observa attentivement la nuée d’oiseaux qui disparaissait derrière eux. 

_ Ils sont proches, déclara-t-il froidement. Ils tenteront d’être discrets dans un premier temps, et passeront à l’assaut sans prévenir. Rejoignez vos postes. Que Daös nous vienne en aide.

Ils dégainèrent tous une dernière fois et joignirent leurs lames en cercle dans une silencieuse cérémonie. Puis, le roi nain monta sur son béhémoth, et escorté par ses cavaliers béliers, il descendit la montagne pour rejoindre les fantassins. Les archimages, quant à eux, vinrent aux côtés des canonniers, et activèrent leurs Dêalvisials respectives, scrutant à travers les yeux des Sentinels postés dans la forêt. Les mages d’élites des haut-elfes se mirent en position autour des canons et joignirent leurs forces, créant ainsi un écran devant eux capable de faire voir aux artilleurs à travers les arbres. Nelassa était à la tête des archers, étant désigné pour les diriger. Alors que le roi de Sintraë rejoignit les cavaliers de vouivres, un jeune homme le rejoignit. 

_ Père, s’écria-t-il. Laissez-moi vous rejoindre. 

Le chevaucheur de vouivre regarda son fils du haut de sa monture, un reptile au écailles noires sur le long de son corps et de deux tâches blanches au niveau des yeux, et orné d’une rangée d’épines sur son dos, dont celles qui se situaient au niveau de la selle furent coupées. Le roi des chevaucheur céleste lui répondit:

_ Fils, tu n’es pas encore assez mûre pour nous rejoindre, et ta vouivre est trop jeune. Joins toi aux cavaliers terrestres, là est ta place en ce jour.

_ Père, que deviendrai-je si vous veniez à mourir ?

Le seigneur détourna son regard vers le sud, où l’horizon semblait devenir menaçant, et lui dit:

_ Alors Shu Ukite, tu régneras à ma place, et tu devras prendre la responsabilité de sauver notre terre. C’est pour cette raison, fils, que je refuse de te voir à mes côtés. Si tu venais à périr, notre monde touchera alors à sa fin. 

Sur ses dernières paroles, le roi des cavaliers vouivres fit claquer ses rênes et sa monture rejoignit le ciel, ainsi que ses vingt fidèles serviteurs. Shu Ukite serra les poing en voyant son père disparaître au milieu des nuages, et joignit la cavalerie en dégageant un aura de tristesse autour de lui.

_ C’est dur de voir son père partir seul au combat, dit Zuanlanor à Taläsna. Je crois que vous êtes bien placé pour le savoir.

Sur ces paroles, le seigneur sylvain mit son casque sur la tête, fit venir sa monture et rejoignit la cavalerie qui s’apprêtait à descendre dans les bois. Alors qui disparaissait dans les bois, Zuanlanor dit ces paroles que Taläsna n’entendit jamais:

_ Bonne chance, sire sylvain.



Endellën rejoignit son père, qui lui-même semblait méditer en regardant l’orée des bois. Dans ses yeux on pouvait distinguer un ouragan, sa mâchoire crispée semblait retenir les crocs d’un fauve. Tout en fixant la forêt, il dit à sa fille:

_ Soit forte.

Elle garda le silence, elle savait que même si elle était Arc d’argent, ce serait son père qui serait le meilleure archer dans la bataille, car il avait une expérience guerrière qu’elle n’avait pas. Elle savait aussi que seul son père serait en mesure de la protéger. À son tour, elle fixa l’orée du bois, l’arc à la main. Tout était si silencieux. Zuanlanor était assis sur un trône, son front trempé de sueur. Son regard était fixé sur ses troupes en contrebas. La bataille était sur le point de commencer, la tension était palpable. Tout était si silencieux. Taläsna tenta de calmer sa monture d’une caresse. Les cavaliers restaient de marbre face à ce courant froid qui caressait leurs peaux. Shu Ukite était nerveux, ses mains tremblaient en tenant les rênes de son cheval. 

_ Reste en arrière, lui dit Taläsna. 

_ Je veux me battre, lui répondit le jeune homme.

_ Je t’en prie.

Le ton de Taläsna était aussi froid que le vent qui les gelait depuis une heure, chargée de tristesse. Le jeune homme obéit sans dire un mot. « Lindilla, pensa Taläsna. Je suis prêt à tout pour te voir sourire une dernière fois. ». Derrière son masque noir d’homme-fauve, des larmes coulaient le long de ses joues. Tout était si silencieux. Au-dessus des nuages, le roi de Sintraë regardait la forêt en contrebas, le reflet du soleil sur les armures de l’alliance arrivait jusqu’à lui, et au fond de son âme, il sentit une déchirure en se rappelant de son enfant.

_ Soit prudent mon fils, se murmura-t-il.

Tout était si silencieux. Guldörr assis sur son béhémoth regarda les ténèbres des bois, sentant la présence malveillante en jaillir. Il regarda ses légions et s’écria:

_ Mes frères, aujourd’hui la terre va crouler sous le poids des armes. Mes frères, aujourd’hui le sang coulera hors de nos veines. Mes frères, aujourd’hui nous mourrons ! Aujourd’hui, les Enfërs se déchaîneront sur nous, mais nous leur résisteront ! Aujourd’hui mes frères, nous affronterons les ténèbres ! Aujourd’hui mes frères, nous nous battrons ! Aujourd’hui mes frères, Natal nous sauverons !

Tous les soldats lâchèrent un cri sur les paroles du souverain nain. Ils brandirent les armes en l’air en hurlant à la gloire et à l’honneur. 

_ Oui mes frères, criez ! Hurla le roi nain. Oui ! Faites leurs savoir que nous sommes là, et que nous les attendions ! Oui mes frères, faites leur peur ! Qu’ils sachent que nous sommes là, et que nous les tuerons tous, jusqu’au dernier !

Tous les guerriers, nains, hommes, elfes, hurlèrent en montrant les armes, frappant sur les boucliers, frappant avec leurs pieds, lançant une menace aux ennemis invisibles. 



Dans les bois, une Sentinelle contourna un arbre, son œil violet fixé à travers la forêt. Là, elle s’arrêta, fixa une immense ombre qui se reflétait sur son corps lisse. Une flèche vola et transperça son œil.



Alors que toute l’armée de l’Alliance était prête à accueillir les légions de Kaös, un souffle profond et froid jailli des sous-bois, transportant avec lui des murmures sinistres. Alors que le courage était à son apogée, il s’effondra lorsqu’ils sentirent l’haleine du mal sur leurs visages. Une expression de terreur les figea instantanément, une douleur paralysante s’empara de leurs cœurs. Guldörr cacha ses émotions, il ne devait pas faillir devant ses hommes. 

_ Venez ! Hurla-t-il pour encourager ses soldats. Venez !

Malgré sa prestance, tout le monde resta immobile comme du marbre, et silencieux comme une tombe. Une nouvelle rafale jaillit des arbres, encore plus froide que la précédente. Puis, un coup de tonnerre sortant de la terre.

_ Ils sont là ! S’écria Neëndel. J’ai perdu le contact avec une de mes Sentinelles.

Il se concentra et envoya ses pensées par télépathie à l’un des mages debout aux côtés de Zuanlanor. 

_ L’ennemi est là, dit le magicien. Que faisons-nous ?

_ Envoyez les positions aux canonniers nains, lui répondit le souverain. Envoyez les positions ennemies aux ingénieurs des trébuchets aussi. Qu’ils tirent les premiers.

_ Bien messire.

Le mage se concentra et envoya à son tour le message aux différents mages postés aux côtés des armes de siège. Une fois le message transmis par télépathie, les destinataires transmirent par orale les coordonnées aux ingénieurs qui orientèrent l’artillerie dans la direction indiquée. Les manieurs de trébuchets ouvrirent les jarres, enflammèrent leur contenu et attendirent le signal pour tirer. « Où se situe l’ennemi à présent ? Demanda Zuanlanor à Neëndel par télépathie. », « Face à nous, ils ne tarderont pas à être à portée de tir. », « Ainsi ils nous chargent de front. Ils espèrent nous prendre par le nombre. Nous devons exploiter notre avantage du terrain. Les arbres les ralentissent. Envoyez le signal à tous les mages deux secondes avant de tirer, puis envoyez-les dans les abysses. ». Tout était silencieux. Puis, de nouveau, le sol trembla. Il trembla encore, et encore, tel un géant caché au pas militaire. Puis, Neëndel envoya le message télépathique à tous ses acolytes qui hurlèrent:

_ Tirez !

La corde qui retenait le poids du trébuchet fut lâchée, le balancier bascula, et les immenses œuvres de guerre lancèrent leurs projectiles vers le ciel avant de retomber entre les arbres. Ce fut ensuite au tour des canonniers nains de faire cracher les flammes des longs tubes d’acier qui envoyèrent des boulets de plomb qui se fracassèrent dans de terribles explosions. Guldörr leva sa hache et hurla:

_ Formation bouclier !

Les soldats en tête dressèrent les écus, et au même instant, une pluie de flèches noires leurs tomba dessus. Après avoir paré tous les projectiles, le nain s’écria:

_ Arquebusiers en formation !

D’entre les soldats jaillirent des nains aux longues arquebuses, ils se dressèrent en trois rang devant l’infanterie et se mirent en formation de tir: ceux de devant se mirent à genoux tandis que ceux derrières restèrent debout. De nouveaux coups de tonnerre résonnèrent et des explosions frappèrent entre les arbres. L’incendie gagnait petit à petit toute la forêt, et d’entre les arbres jaillirent des milliers de soldats noirs, courant entre les flammes, vers l’Alliance. 

_ En joue ! Ordonna le chef de la mousqueterie. 

Les fusils se levèrent vers leurs cibles, le cliquetis du mécanisme résonna à l’intérieur. Alors que les bêtes en noire fondaient sur eux, brandissant leurs armes terrifiantes, quand leurs yeux rouges fendus d’une pupille reptilienne jaillissaient de sous leurs casques, le chef donna l’ordre:

_ Feu !

Le claquement des armes retentit, une gerbe de flamme et une rafale de plomb s’abattit sur les rangs ennemis, dont du sang noir et des étincelles d’or jailli de leurs armures ténébreuses. Les deux premières rangées de fusilleurs nains se baissèrent ce qui laissa la place à la troisième rangée de tirer à son tour, fauchant au passage d’innombrables ennemis. 

_ Fusilleurs, replis ! Ordonna le commandant. 

Les nains disparurent derrière les rangs de l’infanterie qui dressèrent leurs piques vers les rangs ennemis.

_ Archers ! Tirez ! Ordonna Nelassa.

Une pluie noire de flèche s’envola et décimèrent les guerriers noirs qui tombèrent avant de se faire piétiner par ceux de derrière. Les survivants des projectiles meurtriers chargèrent et, dans l’excitation de la bataille, ne virent pas les pieux dissimulés dans la boue, et trébuchèrent avant de s’empaler dessus. Après leurs morts, les guerriers noirs marchèrent sur leurs carcasses et fondirent sur leurs proies en s’empalant sur les rangées de lances. Là, le corps à corps commença. Les légions de l’Arbre noir utilisèrent leurs propres corps pour bloquer les lances des piquiers Guiogniens pour permettre à leurs alliés de les attaquer. 

_ Ils lancent un assaut suicide ! S’exclama Guldörr en voyant le massacre. Piquiers ! Replis !

Les légions de piquiers furent contraint d’abandonner leurs postes croulant sous le nombre incalculable d’ennemis. Ce fut au tour des guerriers nains et humains de se joindre à la mêlée, tranchant et fracassant les armures noires. Les serviteurs démoniaques lâchaient des cris de bêtes lorsqu’ils se faisaient blesser, et rugissaient lorsqu’ils frappaient. 

_ Des orques noirs ! S’écria un soldat. Ce sont des orques noirs !

Bien que avantagées par le nombre, les créatures des Enfërs se faisaient décimer par centaines sous le poids des haches, des épées et des masses. 

_ Visez les bois ! Ordonna Nelassa. Enflammez !

L’ordre fut répété à tous les archers qui trempèrent leurs flèches dans le goudron et les allumèrent dans les flammes des torches disposées devant eux et envoyèrent une salve dans la forêt d’où surgit de nouveaux hurlements de douleur.

_ Tirez ! Hurla un mage aux trébuchets qui envoyèrent une nouvelle salve de boulets enflammés. 

_ Tirez ! Hurla un mage aux canonniers dont les armes lourdes déchaînèrent de nouveau une furie de pièces de métal dans les rangs de l’ennemi, dont les corps furent réduits en charpie à l’impact.

Lorsque les jarres remplies de flammes s’écrasèrent de nouveau dans le bois, des immondes créatures en feu sortirent de la forêt en hurlant avant de mourir calcinées. 

_ Il y en a combien là-dedans ? S’écria Endellën.

_ Tirez dans les bois, ordonna Nelassa. Tirez à volonté !

Les archers trempèrent leurs flèches de nouveau dans le goudron et envoyèrent des salves brillantes sans répit dans l’orée embrasée. Alors que d’innombrables créatures assaillaient les guerriers sous les ordres de Guldörr, Zuanlanor regardait les légions noires qui ne semblaient pas diminuer lors de cet assaut incessant. 

_ Il faut les débusquer des bois, dit-il. Envoyez les cavaliers !

Le magicien haut-elfe se concentra et contacta Taläsna qui était encore caché dans la forêt. Pendant la transmission du message, le roi sylvain reçut les positions. Lorsque le seigneur sylvain fini par recevoir les ordres, il se retourna vers ses chevaliers et leurs hurla:

_ Chargeons à la gloire de Natal !

Il dégaina son sabre à la lame noire et le brandit devant lui. Alors tous les chevaliers sylvains et haut-elfes brandirent les Guanduils et partirent au galop, suivis de tous les autres cavaliers elfes sylvestres aux masques terrifiants. Accompagné par les cavaliers de sa propre fratrie, Shu Ukite le suivi, ainsi que les chevaliers guiogniens. Les sabots frappaient le sol dans un roulement de tonnerre, se dirigeant vers leurs destinés, au milieu de la fumée et des flammes, ils jaillirent sur l’ennemi embusqué qui s’apprêtait à partir à l’assaut. Pris par surprise, les orques noirs ne résistèrent pas sous le poids des armes elfiques, guiogniennes et sintraënnienne. À l’aide de Jindaïlyu, Taläsna transperça et trancha la chair de ces monstres dans un terrible crissement d’acier. Son armure argentée fut très vite recouverte du sang noir de ses victimes. Le jeune Sintraënnien frappa un monstre à son tour, mais un autre ennemi confondu dans la masse la masse ténébreuse le matraqua à la tête d’un coup de marteau et le fit tomber de son destrier. Alors qu’il allait se faire massacrer, Taläsna entendit ses cris de secours et vint à sa rescousse. D’un vif mouvement il décapita un soldat de l’Arbre noir et repoussa ses autres assaillants par un sortilège de foudre qui les transperça dans une lumière aveuglante. Le voyant en difficulté, ses chevaliers en armure d’or vinrent à son aide, retenant les créatures à l’aide de leurs Guanduils et de leurs katanas. Taläsna descendit de sa monture, récupéra l’enfant à terre et le fit enfourcher son cheval. Lorsqu’il remonta en selle, il talonna sa monture et fuis à travers les bois.

_ Sire Taläsna ! S’exclama le jeune homme presque inconscient, du sang coulant de son front et son casque défoncé. 

_ Silence ! Je te ramène immédiatement !

Alors qu’il était au triple galop, un arbre tomba devant lui dans un fracas terrifiant ce qui fit cabrer le cheval sur ses pattes arrières. Taläsna se retourna en voyant la terrible bataille, et deux ombres surgirent dans son champ de vision. Des orques chevauchant d’horribles créatures dont les chairs noires étaient recouvertes d’une armure en plaque le prirent en traque.

_ Des Zhaargs ! S’écria l’elfe.

Taläsna prit de l’élan et fit bondir son destrier par-dessus le tronc enflammé, poursuivi par les deux monstres aux allures cadavériques. Il tenta de les semer en zigzaguant entre les arbres, mais ces démons mutants, nés de la Volonté de Kaös, furent créés dans le but de rattraper les cavaliers et les dévorer, par conséquent ils étaient aussi beaucoup plus rapides et agiles qu’un cheval. Par contre, ils étaient totalement dépourvus d’organe sensorielle mis à part le toucher, l’ouïe et le goût, d’où l’utilité du cavalier qui le guidait. Tout en esquivant un tir de trébuchet, Taläsna se fit rattraper par l’une des créatures qui fit claquer ses dents à deux centimètres de la tête du jeune homme. Le cavalier tenta d’asséner un coup de massue à Taläsna qui lui trancha le bras d’un vif geste, puis le seigneur elfe infligea une blessure à une patte de la créature qui tomba sur elle-même lorsque son tendon fut coupé net. 

_ Tiens bon jeune prince ! Cria le seigneur sylvestre.

Il regardait fixement devant lui, tout en entendant les pas de course de la créature qui était juste derrière lui. Tentant de le distancer, contourna un arbre et sauta par-dessus un rocher, lorsqu’un orque vint devant lui, armé d’une hache. Taläsna le tua d’un geste, mais ne vit pas le second soldat noir qui trancha la patte de son cheval. En tombant de sa monture, Taläsna roula sur lui-même et se fracassa le dos contre un rocher. En se relevant, il transperça le ventre de son assaillant et remonta sa lame à travers ses entrailles, puis le décapita d’un vif geste. Il chercha du regard le jeune garçon lorsqu’il vit derrière lui son cheval estropié en train de se faire dévorer par le monstre cauchemardesque. Le cavalier sur son dos était mort d’une flèche dans le cœur, la créature ne pouvait plus le repérer. Le garçon inconscient était juste sous la monture de Taläsna qui hennissait de douleur tandis que ses entrailles étaient broyées entre les crocs du Zhaarg. Le roi elfe s’approcha lentement vers la créature, veillant à être silencieux. Alors que la bête avalait la tête de sa proie, Taläsna était assez proche pour la tuer quand soudainement une flèche lui transperça l’épaule gauche, lui arrachant un cri de douleur. L’attention du monstre se détourna de son festin pour se focaliser sur Taläsna. Le Zhaarg bondit sur lui, écrasant sous son énorme patte griffue dont les serres transpercèrent l’armure. Il lui rugit au visage, l’éclaboussant de salive et du sang de son propre cheval. Enragé, Taläsna saisit de son bras libre Jindaïlyu et transperça la chair dénudée de peau de la créature qui bondit en arrière. Lorsque Taläsna se releva, la bête hargneuse chargea de nouveau, et l’elfe évita sa mâchoire de justesse en sautant sur le côté. La Dyaladuil était toujours dans la patte de l’animal, le roi elfe n’avait aucune arme. Désespéré, il tenta de ramasser la hache de l’orque, mais au contact de l’acier noir, la paume de ses mains se mirent à fumer et une intense douleur l’envahi. Il lâcha la hache aussitôt, elle était sûrement enchantée, comme toutes les armes inferniennes, inutilisables par leurs ennemis. Il sauta encore sur le côté, évitant la mâchoire qui se referma sur un tronc d’arbre. Il rechercha une arme du regard, et trouva sous le jeune homme le sabre dont il était armé. « Bon sang ! » S’écria-t-il intérieurement. Il sauta de nouveau, évitant un coup de patte, et plongea droit vers le garçon toujours évanoui. Au moment où le Zhaarg sauta au-dessus de Taläsna, il s’empara de l’épée et transperça le ventre de la créature. Tout comme le reste du corps, il était dénudé de peau, et sous les puissants muscles gesticulaient ses tripes lorsqu’il ouvrit les entrailles en le découpant à l’intérieur. De douleur, la créature se leva et tomba sur le dos, et Taläsna profita du revers de situation pour monter sur son corps et continuer à remuer la lame dans la plaie. Son sang noir jaillissait de cette entaille, et lorsque l’acier perça l’estomac, un jet de suc gastriques en sortit et se répandit dans ses entrailles, arrachant à la monstruosité un cri perçant de souffrance. L’elfe sortit la lame du bouillon morbide et transperça la poitrine du monstre, un nouveau jet de sang l’aspergea. Alors que le Zhaarg gesticulait de douleur, il attrapa Jindaïlyu qui était encore coincée dans la patte, et tout en tranchant les chaires sur son passage, il la fit ressortir puis infligea le coup de grâce en lui transperçant la tête par sous la gueule. Il mourut sur le champ, son corps encore parsemé de spasmes, avant de totalement s’immobiliser, les dents des deux parties de la mâchoire plantées dans les gencives opposées. Lorsque Taläsna retira sa lame, il se retourna vers le garçon. Il avança jusqu’à lui, souleva le cadavre du cheval tout en tirant le prince de Sintraë. Lorsqu’il parvint à le dégager, il passa par-dessus lui et lui retira le casque. La blessure était moins importante que ce à quoi il s' attendait, juste une légère plaie au niveau du crâne, il n’aurait pas de séquelle. 

_ Shu Ukite, m’entends-tu ? Demanda Taläsna. 

_ Oui, messire, répondit le jeune homme encore sonné. 

_ Je vais te sauver. Tu peux tenir debout ?

_ Je…

Avant qu’il n’ait pu répondre, Taläsna le souleva par sous le bras et ils s’avancèrent vers l’orée du bois. Pendant qu’ils marchaient, les crissements d’acier et les fracas des lames résonnaient autour d’eux, ainsi que les cris de rage et de douleur, la chute des corps et des boulets de canons faisaient trembler la terre. 

_ Tiens mon sabre, ordonna Taläsna.

Alors qu’il força la main du jeune homme à s’agripper à la garde de son épée, le roi elfe récita sa formule et une lueur brillante sortit de sa Dyaladuil, ainsi que des jets de fumées de leurs plaies. La douleur était atroce, tandis que les chairs se rattachaient et se reliaient par contusion à l’intérieur de leurs corps. Il tenta de se concentrer et de capter un flux de magilith en provenance du nord. « Venez à mon aide ! » dit-il mentalement au flux de magilith qu’il rencontra. « Nous sommes deux blessés, envoyez des secours ! »

Le mage aux côtés de Zuanlanor rouvrit les yeux et déclara:

_ Messire Taläsna est en danger avec le prince de Sintraë dans la partie ouest de la forêt.

_ Envoyez nos cavaliers les plus proches, qu’ils rentrent directement à la base. 

_ Il semblerait qu’ils étaient pris en chasse par des Zhaargs, et que sire Taläsna ait tué deux d’entre eux. 

« Ainsi l’ennemi avait tout prévu. Pensa le roi haut-elfe. Comment pouvait-il savoir que nous enverrions la cavalerie dans ce secteur ? ». Alors qu’il méditait, des cris de terreur résonnèrent en contrebas. 

D’entre les rangs orques, des monstres gigantesques en surgirent. Des bêtes difformes recouvertes de plaques noires et armées de cimeterres et de masses de guerre fauchant plusieurs soldats d’un seul coup. 

_ Des trolls ! Hurla un nain qui se fit écraser par l’une de ces immondes bêtes.

Le rempart jusqu’ici inébranlable de l’armée de l’alliance céda subitement suite à l’assaut des trolls. Alors que certains d’entre-eux avaient des bras aux muscles disproportionnellement développés, d’autres étaient recouverts d’une peau extrêmement solide et portaient des archers sur leurs dos, ainsi qu’un marteau gigantesque. 

_ Des mutants ! S’écria Gurldörr en voyant ces immondes bêtes. Des trolls transformés par les maléfices de Kaös en personne. Hallebardiers ! Piquiers ! En avant ! Empalez-les ! Frappez les au ventre et aux jambes !

Alors que les rangées de soldats armées de piques s’avancèrent, de nouveaux serviteurs sortirent de la mêlée. Des monstres deux fois plus grands qu’un homme équipés d’une solide armure noire maniant des épées à deux mains semblaient insensibles aux coups portés, et frappèrent dans les rangs guiogniens sans pitié. 

_ Zheinanders ! Hurla un soldat. 

Alors que les Zheinanders s’avançaient en marchant sur les tas de cadavres fraîchement démembrés, l’infanterie lourde naine vint à la rescousse des lanciers et frappèrent de toutes leurs forces sur ces nouveaux opposants. Guldörr saisit sa hache et hurla:

_ Tout le monde ! Chargez !

Alors, tous les membres de l’armée de Natal parti à l’assaut, s’entassant dans la mêlée. Le roi nain ainsi que ses cavaliers béliers se décalèrent sur le flanc est, et chargèrent dans cette même direction les rangs orques. Les cornes du béhémoths renversèrent et transpercèrent de nombreux démons, et écrasa un Zheinander sous son poids, jusqu’à percuter un troll noir qui tomba à la renverse. Le monstre se releva, mais il reçut un javelot en pleine gorge avant de pouvoir attraper son arme. 

_ Un de moins ! S’écria Guldörr qui en avait un panier rempli juste sur le flanc de son animal. Il en attrapa un second qu‘il envoya sur un orque qui fut percé de part en part. Alors qu‘il s‘avança vers un autre troll, Zuanlanor bondit de son siège pour mieux voir le spectacle macabre.

_ Il nous a envoyé toute son armée ! S’écria-t-il. Comment peuvent-ils être si nombreux et puissants !

Il se retourna vers son mage serviteur et lui dit:

_ Envoyez les cavaliers célestes, il faut les faire reculer !

_ Oui messire.

Pendant que le mage se connectait au flux de magilith provenant du ciel, Taläsna marchait entre les débris et les cadavres, soutenant sur son épaule le jeune Shu Ukite. Alors, surgirent dans le brouillard de guerre des dizaines de guerriers orques noirs. Ils étaient pris au piège. Taläsna jeta le prince à terre et se mit en garde face à ces nouveaux ennemis. Deux d’entre-eux chargèrent, et Taläsna les tua chacun à leurs tours d’un coup de sabre dans la poitrine. Un troisième l’attaqua par le flanc droit, mais le roi lui infligea une terrible blessure au bras avant qu’il n’ait pu agir et lui trancha la gorge. Puis, cinq autres soldats sombres l’encerclèrent. Ils frappèrent à tour de rôle, ratant à chaque fois l’agile elfe qui tua deux en les tailladant au ventre. Puis, en se retournant, il reçut un coup de la hampe d’une hallebarde en plein visage, lui fracassant le masque de fauve. Face contre terre, il eut juste le temps de rouler sur lui-même pour éviter le coup de grâce. En se relevant, il trancha l’estomac de son assaillant, mais ne vit pas le coup de massue qu’il reçut sur le casque. Il sentit juste une sensation de vide sous son corps lorsque son corps tomba sur le sol, incapable de se relever. Alors que le monstre qui l’avait attaqué souleva sa masse, un reflet d’argent passa au travers sa tête et la moitié de son crâne tomba sur par terre. Un chevalier en armure d’or l’aida à se relever et le fit monter sur son cheval. Alors qu’ils chevauchaient vers le camp, l’ouragan de la bataille était sur le point d’atteindre son apogée.

Un mage qui était en selle avec un cavalier vouivre reçu le message provenant de la terre et le transmit.

_ Alors c’est à nous, dit le roi à sa monture. Cavaliers célestes ! 

Ce dernier souffla dans un puissant cor, fabriqué à partir d'une corne de vouivre.



En entendant l’ordre, les chevaucheurs de vouivres firent un arc de cercle entre les nuages et descendirent en piquet droit vers la gigantesque masse sombre grouillante. Ils s’apprêtèrent à attaquer quand soudainement, un cor à la sonorité caverneuse sonna dans les bois et une centaine de créatures démoniaques s’envolèrent d’entre les arbres, interceptant ainsi les guerriers de Sintraë. 

_ Des dragons noirs ! Hurla le roi tout en faisant exécuter à sa monture une pirouette acrobatique afin d’éviter les mâchoires d’un des monstres.

Venant de toutes parts, les Sintraënniens étaient assaillis comme par un essaim de frelons. Ils usèrent de l’arc et du feu de leurs montures afin de se débarrasser de cette engeance, mais occire ces bêtes était tâche difficile, et nombreuses furent les pertes dans leurs rangs. Le seigneur des chevaucheurs célestes transperça le fond de la gueule d’une de ces immondes créatures avec une flèche dont la pointe pénétra le cervelet. Il se retourna et tira un second coup dans une aile de ténèbres. Sa vouivre plongea et percuta l’une de ces bêtes démoniaque, la griffa, la mordit, réduisant de ses crocs et griffes sa chaire en charpie, et lorsqu’elle lâcha prise, elle cracha une gerbe de flamme sur le monstre agonisant en chute libre. 

_ Mourez démons ! Hurla le Sintraënnien tout en décochant ses flèches à une vive allure. 

Voyant les chevaucheurs de vouivre en difficultés, Zuanlanor perdit tout espoir. Il avait espéré pouvoir surprendre Kaös en l’attaquant de front, mais il en était rien. Tout semblait avoir été minutieusement calculé, une attaque en nombre dans un premier temps et donner le sentiment de supériorité à ses ennemis, le forcer à attaquer dans les bois avec la cavalerie pour les massacrer par les Zhaargs, puis l’apparition subite de trolls et autres mutants au sein de la mêlée, renversant ainsi la situation, la riposte des dragons contre les vouivres avorta le dernier assaut. Quelle allait être sa prochaine action ? D’entre les arbres surgirent les chevaliers elfes, transportant avec eux Taläsna et Shu Ukite. Tous deux étaient blessés grièvement, mais le roi sylvain avait dû user de Jindaïlyu afin de soigner ses blessures, car il semblait toujours en état de marcher. 

_ Sire Taläsna ! S’exclama le roi haut-elfe tout en se levant. Je suis heureux de vous savoir en vie.

_ Donnez l’ordre de replis ! Dit le seigneur sylvain. Nos troupes se font décimer, les légions noires sont encore plus nombreuses que ce que l’on pouvait s’imaginer. 

_ Se replier signifie se faire écraser ! Répondit Zuanlanor. Ils profiteront que nous tournions le dos pour nous massacrer ! 

_ C’est en restant ici que nous nous ferons massacrer ! Cria Taläsna en s’essuyant le sang qui recouvrait ses yeux.

Tous deux restèrent silencieux un moment, puis le seigneur sylvain tomba à genoux, flageolant, incapable de se relever. 

_ Vous êtes épuisé messire, lui dit Zuanlanor. Votre Dyaladuil a exténué votre magilith pour soigner vos blessures. Prenez une place sous une tente, nous veillerons sur vous.

Les gardes haut-elfes portèrent le seigneur en armure argenté jusqu’au camp tandis que la bataille faisait toujours rage. Alors que les armées infërniennes prenaient le dessus, cinq nouveaux dragons jaillirent des sous-bois, quatre noirs et un de cristal. Zuanlanor savait parfaitement que c’était là véritablement le plus grand atout de cette armée, et que la balance avait définitivement penché en faveur du dieu noir. Les Spectres.



Alors que le seigneur de Sintraë tua un autre monstre ailé, cinq nouveaux jaillirent des sous-bois, dont l’un d’entre eux brillait de mille éclats dans la lueur des flammes.

_ Amenez-vous ! 

Alors qu’il plongeait vers ses nouveaux ennemis, il aperçut les étranges silhouettes enrobées dans des manteaux de ténèbres chevaucher ces hideuses créatures. Il encocha une flèche et tira droit sur la tête du dragon noir mais elle ricocha sur une plaque de fer. L’évitant de justesse par une vrille spectaculaire, la vouivre de Sintraë se releva et pris l’un des bêtes en chasse. Lorsqu’elle le rattrapa, elle lui cracha une gerbe de flamme, mais une lueur bleutée apparut et la dissipa en une auréole illuminée, givrant la moustache du souverain au passage. Le cavalier de cette créature arborait à la place du visage un masque de fer semblable à un loup. Voyant cet individu, le chevaucheur céleste encocha une flèche, mais juste au moment de tirer, un autre dragon percuta sa monture, et les deux créatures luttèrent l’une contre l’autre durant leur chute libre avant de se défaire. Ce chevalier-là portait un masque terrifiant d’une bête à deux longues cornes et une mâchoire d’acier tranchante. Lorsque leurs regards se croisèrent, le guerrier fantôme lança un rugissement cauchemardesque, faisant jaillir de sous son masque toute sa rage jusqu’au visage du Sinträennien. 

_ Bon sang ! Vociféra le roi tout en faisant descendre sa monture en piquet. 

Rapidement, le monstre furieux le prit en chasse, n’abandonnant jamais sa proie. Le seigneur tourna la tête et vit son assaillant faire jaillir une épée de son fourreau, une arme aberrante à une telle altitude. Contre toute attente, une lueur rougeoyante en jailli de la garde et une bourrasque enflammée vola en leur direction. Évitant l’attaque magique, le roi de Sintraë prit de la hauteur, dans le but de se cacher dans les nuages. Plus ils montaient, plus le froid était intense. Du givre commença à piquer ses joues, et l’air dont il avait si besoin se raréfiait. Une voix cauchemardesque rempli de haine résonna dans son dos:

_ Tu ne m’échapperas pas mortel !

Lorsqu’il fit retourner sa monture, il évita de justesse la gueule de la bête qui brassa la volupté immaculée de ses ailes noires. Profitant de son angle de tir, le seigneur Sïntraennien envoya une nouvelle flèche en direction du dragon noir, mais elle rebondit une fois de plus sur son armure. Devant cette échec, il alla se cacher dans le manteau blanc afin de semer le Spectre. Une ombre apparut au-dessus de sa tête, et aussitôt il fit stopper sa vouivre qui esquiva le plongeon de son adversaire. 

_ Tu es tenace ! Avoua le roi de Sintraë. 

À son tour, il plongea vers lui, puis lorsqu’il le rattrapa, la monture ténébreuse se retourna et les deux bêtes recommencèrent à se griffer et à se mordre dans une bataille sans merci. Lorsqu’ils se lâchèrent, le Spectre se tourna vers son opposant et lui hurla:

_ Je suis la Colère ! Nul ne peut me résister ! Ton sang coulera et ton cadavre sera consumé par ma haine !

Une boule de feu sortit de son épée en direction du roi de Sintraë qui l’esquiva en faisant un piquet en arrière. Le voyant toujours le poursuivre, le cavalier vouivre fit déployer les ailes de sa créature ce qui les firent percuter de nouveau. Les deux montures s’enroulèrent l’une autour de l’autre et se lacérèrent. mutuellement avec sauvagerie. Ils se séparèrent de nouveau, tous deux gravement blessés. La vouivre Sintraënnienne avait une entaille au niveau de la gorge, limitant sa respiration, ainsi que de nombreuses plaies sur l’ensemble de son corps. Mais le démon ailé avait un œil crevé, dont du sang noir s’en échappait abondement. Il n’avait plus qu’une option. Il redressa les rênes de sa monture et l’amena de nouveau à travers les nuages.

En-dessous de la bataille céleste, Shu Ukite reprit connaissance et se leva à la vue de son père affrontant un dragon noir. Il accourut jusqu’aux rebords de la falaise, en hurlant à son père de fuir. La monture du souverain disparu à travers un épais manteau sombre de nuage noir qui remplaça la fine pellicule duveteuse blanche, cachant ainsi le soleil. Alors qu’il était entièrement focalisé sur son père, il ne vit pas un dragon noir fondre sur lui. Alors qu’il s’apprêta à envelopper sa victime dans une bourrasque enflammée, un rayon d’une luminosité incroyable le traversa de part en part, brûlant son estomac, ses poumons et ses entrailles. Alors que la carcasse calcinée tomba sur un trébuchet, le jeune homme se retourna et vit Zuanlanor tenant sa lance d’or, dont la pointe laissait encore échapper une aura de magilith. 

_ Ne restons pas là, dit-il. Sire Taläsna avait raison. Il faut organiser la retraite. Que tout le monde parte au nord, nous irons au château de Guiogne. 

Alors que le garçon se retourna, il vit à travers les noirs nuages des éclats rougeoyants. 

Des gerbes de flammes éclataient en tout sens, les deux montures volantes opposées s’envoyant de terribles bourrasques enflammées. Lorsqu’ils pénétrèrent dans le royaume où nul nuage n’osait monter, le roi de Sintraë était sur le bord de l’asphyxie, mais il ne renonça pas un seul instant. Dans un halo ensoleillé, les deux créatures se percutèrent une dernière fois, et plongèrent toutes deux dans les ténèbres. Lors de cet ultime affrontement, le dragon noir profita de la longueur de son cou pour attraper la gorge de sa proie et l’égorger à cou de dents. Lorsqu’il lui brisa la nuque d’un puissant coup de mâchoire, il lâcha prise et laissa sa victime tomber dans le vide.

_ Père ! Hurla Shu Ukite en voyant la monture du roi descendre d’entre les nuages, inerte.

À ce moment-là, le seigneur Sintraënnien comprit que c’était la fin. Sa monture morte, il ne tarderait pas à la rejoindre. Il regarda le ciel et vit la Colère envoyer sa bête à sa poursuite. Longtemps, il avait régné sur Sintraë, un merveilleux royaume riche de cultures, de traditions et de codes. Il avait durant toutes ces années un homme d’honneur, jamais il n’avait reculé face au danger. Il avait mené son royaume à la prospérité, et défendu les codes par l’épée et la parole. Il savait qu’il était un homme de bien. Il n’avait plus peur. Il accueillait sa mort à bras ouvert, car le temps pour lui était venu de donner le flambeau aux générations futures. En regardant le ciel, il n’avait plus l’impression de tomber, mais juste de flotter, lentement, et de descendre doucement, tout comme un flocon de neige. Une masse sombre fondit sur lui et une immense lumière aveuglante l’enveloppa.

Alors que le dragon de son père chutait, le Spectre de la Colère le poursuivit et envoya de sa lame une gigantesque flamme qui calcina le cadavre et son père à la fois. 

_ Père ! Hurla le prince du royaume des montagnes en voyant la lumière rougeoyante absorber le Sintraënnien. 

Le dragon noir cracha un jet de feu sur sa victime déjà morte, et à tour de rôles, ils incendièrent leurs proies jusqu’à ce qu’elles tombent au milieu des bois. Lorsqu’ils en finirent, les cinq dragons noirs montèrent dans le ciel et se dirigèrent vers la falaise. 

_ Ils viennent vers nous ! Hurla Nelassa. Partez !

Le roi haut-elfe ordonna alors à tous les soldats présents de partir en retraite, monta sur son cheval et commença à fuir avec son armée. Taläsna encore exténué monta sur la monture d’un chevalier et commença lui aussi à battre en retraite. Alors que les Spectres s’approchaient dangereusement, les derniers archers présents se joignirent à Nelassa qui fit face aux dragons noirs.

_ Père ! Hurla Endëllen en prenant le bras de son père. Il faut fuir, il n’y a plus aucun espoir !

_ Comment fuir si vous êtes poursuivis ? Il faut un sacrifice ! Pars devant !

_ Père…

_ Vas-t-en !

La jeune archère regarda une dernière fois son père, il avait le regard d’un guerrier prêt à mourir, celui d‘un homme sachant que sa seule issue était la fin. Elle lâcha sa main, regrettant de ne pas pouvoir le serrer dans ses bras une dernière fois, et emporta avec elle Zhu Ukite qui pleurait encore en tendant la main vers la direction où le souverain céleste était tombé. Alors que tous disparurent vers le nord, la vague de ténèbres s'avança vers Nelassa, Guldörr et les derniers survivants.

Les derniers guerriers aux côtés de Guldörr tombèrent, il n’avait plus que ses vaillants cavaliers béliers et Haches d’or à ses côtés. Alors qu’il s’apprêtait à faire charger son béhémoth, les orques l’encerclèrent et empalèrent la créature à l’aide d’hallebarde, de bardiches et de lances. Ils firent tomber le béhémoth mourant, et lorsque le roi nain se retrouva à terre, il ramassa sa hache et frappa en tout sens. Du sang noir éclaboussa sur son visage et entra dans sa bouche, il avait un goût infecte, amer et acide. Il résista face à l’assaut incessant de créatures, massacrant les orques qui se dressaient face à lui. Mais une à une, les Haches d’or tombèrent, noyés sous la marée noire d’armes et de soldats. À son tour, Guldörr fut immobilisé par les Inferniens qui l’engloutirent sous le nombre. Sa main était encore tendue vers le ciel tandis que les coups de haches, de masses, de cimeterres et de bardiches pleuvaient sur son corps. Dans un rugissement sauvage, les créatures maléfiques savourèrent leur victoire, leurs lames ensanglantées. Quant Nelassa et ses derniers combattants s’apprêtèrent à tirer sur les Spectres, ils furent tous engloutis dans une vague de flammes. Les canonniers furent emportés par les serres des dragons noirs qui les déchiquetèrent en plein ciel, et les derniers mages massacrés sans montrer résistance. Alors que la forêt était nimbée de flammes et la terre recouverte de cadavres, Neëndel fut trainé par les cheveux face contre terre, incapable de résister. Ils se retrouvèrent les deux Archimages côtes à côtes, retenus par les orques malveillants de Kaös, et furent menés jusqu’au rebord de la falaise. Là, les cinq montures des Spectres se posèrent, et les chevaliers aux masques en descendirent, leurs manteaux flottant dans le vent. Le chevalier au masque de plaques d’acier s’approcha et dit d‘une voix terrifiante, qui se séparaient en un millier d‘échos:

_ Nous sommes les serviteurs de Kaös ! Vos vies vous seront arrachées en ce jour, mortels, au nom de notre dieu.

Il tendit sa main vers son dragon de cristal qui s’illumina d’une aura de magilith qui condensa jusqu’à prendre l’apparence d’une épée dans la paume de sa main. Il fit un signe à l’un des orques qui jeta à ses pieds un elfe calciné. Lorsque le chevalier lui donna un coup de pied dans le ventre, il gémit.

_ Sire Nelassa ! Hurla Neëndel.

Lorsque l’elfe sylvain se releva avec difficulté sur les genoux, ils virent que son visage était brûlé sur une grande surface, et sa chair mise à nue, dévoilant une partie de ses dents. De son dernier œil valide, il fixa le spectre et lui dit:

_ Je te connais, tu es la Mort, tu es le meurtrier du père de Taläsna. 

_ C’est vrai, mortel, je suis la Mort, quand à ce Taläsna, il est vrai que le dernier seigneur elfe que j’ai tué ne cessait de répéter son nom alors que je l’ai éviscéré. 

_ Démon ! Hurla Nelassa qui reçut le revers de métal du gant de la Mort en plein visage, ce qui le renversa. 

Alors qu’il tentait de se relever, la Mort saisit la lame de son arme et en fit sortir une importante quantité de magilith.

_ Zalsenraseth Tyrazalgan *!

La forme de l’épée changea, se distordant et explosant en étincelles de magilith avant de se matérialiser sous la forme d’une immense faux de cristal translucide aux allures sinistres. 

_ Vous vous êtes battus bravement, avoua le Spectre, et pour cette raison j' accorde l’honneur de mourir de mes propres mains.

Il s’approcha de Nelassa en le tenant sous la gorge par la lame incurvée de cristal, et en ultime résistance, il lui cracha dessus avant d’avoir la tête tranchée sur le champ. Neëndel ne put retenir un cri d’effroi au moment où la Mort exécuta le seigneur sylvain, et lorsqu’il s’approcha d’eux, il se mit à genoux face au chevalier sombre. 

_ Ayez pitié de nous ! Nous nous soumettons !

_ Se soumettre est votre seule option, mortels. Vous ne pouvez nous résister, cette bataille en est la preuve. Nous nous sommes bien mieux préparés et plus puissants que lors de notre dernière rencontre. La vie est un champ, où vous êtes le blé sur lequel vous poussez, jusqu’à l’heure de la récolte. Je suis le faucheur, et l’heure de la récolte à sonné.

Alors que Neëndel leva la tête, une immense fente le traversa du haut du crâne jusqu’au menton, et son corps tomba sur le sol. Le second Archimages se débattit en voyant son camarade mourir, mais à son tour, la faux trancha sa chair, et ce fut une mort immédiate. Lorsque les orques le débarrassèrent des corps devant lui, la Mort leva ses deux fentes noires, en direction du nord. Les flammes se reflétaient sur son masque, contrastant avec les perles de sang déposées sur ses plaques de fer. 

_ La Guiogne tombera, dit-il solennellement tandis que les flammes s’élevaient vers les ténèbres célestes.



*Zalsenraseth Tyrazalgan ! : Change de visage Milliers de visages. 

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