La prophétie du roi déchu: Le seigneur oublié
Chapitre 17: l’Exploit de Galro
Taläsna accouru au milieu de la foule, et découvrit les corps enveloppés de draps ramenés depuis le champ de bataille. Grâce au sacrifice de nombreuses vies et à la bravoure des Guiogniens, le premier niveau avait été repris à l’ennemi. Mais les pertes furent terribles, pour finalement une prise éphémère. On pouvait entendre le tonnerre de l’orage et des canons dehors, les survivants de l'assaut s’étaient réunis dans un bastion pour panser les blessures, et rendre hommage aux morts. Alors que le seigneur sylvain inspectait les corps, il retourna un soldat et demanda:
_ Aviez-vous vu le prince de Sintraë ?
Taläsna avait été informé de la disparition du prince suite à l’attaque lancée plus tôt. Il connaissait l’intrépidité du jeune garçon, il craignait le pire. Le soldat se retourna, dévoilant sa mâchoire brisée. Il était incapable de parler, mais secoua la tête. Dans la panique, l’elfe sylvain chercha son protégé parmis les blessés, et ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes de recherches infructueuse qu’il tomba sur un groupe de prêtres en train de faire l’extrême onction à un homme défiguré, le crâne enfoncé. Bien que terriblement affligé, le mourant était encore conscient. À l’approche du roi elfe, il leva la main vers lui, le suppliant de venir. Avec horreur, Taläsna se rapprocha et le reconnut. Shu Ukite. Du moins, ce qu’il en restait. Il était couvert de sang, son corps était brisé. Son crâne fendu le rendait méconnaissable. Taläsna lui saisit les doigts, et se pencha.
_ Il n’y a plus rien à faire pour lui, lui dit le prêtre de Daös. Même s’il venait à être sauvé, même par vos pouvoirs miraculeux, sa vie n’en serait que plus misérable.
_ J’ai échoué, dit avec amertume le souverain des bois. J’ai échoué à protéger votre père, et maintenant j’échoue à vous sauver.
Le prince des montagnes aux vouivres lâcha une larme, et toussa du sang. Ses mouvements étaient erratiques, faibles, mais il avait encore la force de pleurer. La douleur envahit la poitrine de Taläsna, il avait beau avoir livré de nombreuses batailles et vu de nombreux camarades mourir, la fin d’une vie était encore pour lui une terrible souffrance. Les prêtres finirent la prière qui lui permettrait de rejoindre ses ancêtres, et celui qui guidait la cérémonie se saisit d’une miséricorde. À la vue de la dague, Taläsna repoussa la main du soigneur et lui dit:
_ Laissez faire, je m’en occupe.
Le spirituel regarda un instant le guerrier en armure d’argent, puis rengaina sa lame. Il se contenta de dire:
_ Puisse Daös vous donner le courage.
Puis les hommes de foi s’éloignèrent, allant accompagner d’autres mourant à finir leur existence. L’elfe fixa le jeune Sintraënnien un moment, n’osant prononcer parole. Voilà le prix à payer pour la victoire, la vie de ses soldats. Le souverain caressa le front de la victime qui commençait à s’étouffer dans son propre sang. Il commençait à fredonner une chanson douce, celle qu’il chantait à sa sœur pour l’endormir quand elle était petite. C’était une belle chanson, elle parlait de l’amour de Faëlian envers le peuple des elfes. Il était question du bonheur qu’éprouve la mère face à son enfant, du frère envers sa soeur, de l’homme envers la femme. Il était mention du soleil qui chassait les ténèbres de la nuit chaque matin. Pendant qu’il dorlotait la tête du prince, il se saisit discrètement de sa dague. Alors qu’il finit sa chanson, il lâcha une dernière larme, Shu Ukite était tombé inconscient. Il profita de ce moment précis pour viser le cœur, et le tua d’un éclair. Le jeune homme lâcha un dernier soupir, puis ce fut fini.
Endellen assista à la scène, elle resta silencieuse tout du long. Elle laissa Taläsna faire son deuil. Après un moment qui parut une éternité, le roi demanda à l’archère sans se retourner le rapport des combats.
_ Nous avons regagné le premier mur, expliqua l’Arc d’Argent. Mais le moral est en chute libre, dans les casernes on recense des suicides. Les troupes préfèrent mourir que de se battre.
_ On ne peut pas leur en vouloir, répondit le seigneur elfique. Nous deux savons ce que c’est que d’affronter Kaös. J’ai déjà livré bataille, mais jamais je n’ai vu pareilles horreurs…
Il lâcha finalement le jeune sintraënnien et le recouvrit d’un linceul. Il fit le signe de Fëalian et se leva. Il lança un regard dur envers Endellen et lui demanda:
_ Vous avez bien versé le sang ?
Il n’eut comme réponse qu’une longue gêne de la guerrière. Elle se saisit son avant bras, et baissa la tête. Elle se sentait honteuse. Le souverain la contourna sans plus de cérémonie et rejoignit les blessés. Le seigneur elfique commença à prodiguer des soins aux soldats, aux côtés des prêtres. Le jeune elfe finit par s’approcher du roi et dit timidement:
_ Je ne pensais pas que ça ressemblait à ça la guerre…
_ Et vous pensiez que ça ressemblait à quoi ? Demanda Taläsna en bandant un bras cassé.
_ Je l’ignore à vrai dire, répondit la femme aux yeux d’or. Je pensais que tuer l’ennemi me soulagerait, mais…
Elle s’interrompit, elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, les croques morts s’occupaient de la dépouille de Shu Ukite. Taläsna était toujours affairé à recoudre les plaies.
_ Tout ce que j'obtiens, c’est plus de souffrance.
Le noble elfe sylvain se releva, il en avait fini avec ce blessé. Il tapota l’épaule de sa camarade d’armes et dit:
_ C’est ça la guerre.
Le guerrier à la longue tresse commença à rejoindre un autre estropié, mais la jeune femme l’interrompit.
_ Pourquoi se battre alors ?
Ses yeux étaient en larmes, sa bouche était affublée d’une terrible grimace de chagrin. Elle tenait à peine debout. Son visage était marqué des brûlures de la pluie, sa peau était encore irritée par l’acide. Le roi s’arrêta momentanément et se retourna. Lui-même était recouvert de cicatrices, et de tristesse. Il répondit en ces mots:
_ Nous nous battons parce que se rendre signifie notre fin. Nous nous battons parce que si nous ne le faisons pas tout Natal tombera. Notre ennemi ne connaît ni honneur, ni pitié, ni compassion. Se battre, c’est survivre.
Bien loin de là, en Étale, dans des cachots humides, Warda patientait dans la pénombre, à peine éclairé par une bougie. Il ignorait s’il était chanceux ou non, mais il ne reçut aucune visite. Peut être que Galro avait menti, c’était une possibilité. Puis, alors qu’il s’apprêtait à s’endormir, les bruits de cliquetis dans la serrure retentit. La porte s’ouvrit vers un couloir sombre, sans aucune lumière. Un homme encapuchonné le regardait fixement. Grâce à la faible lueur Warda reconnut Galro.
_ Désolé de ne pas être venu plus tôt, dit l’ancien adversaire. C’est le moment.
Il éteignit la bougie de ses doigts et s’approcha vers Warda. D’une manière dont il ignorait tout, le Prophète semblait capable de se passer de lumière, ce qui était impossible même pour un être tel qu’un elfe noir. Les menottes furent défaites et Galro donna sa main au guerrier sombre.
_ Je ne vois rien, décréta le prisonnier.
_ Ne t’en fais pas, j’ai reçu un don il y a des années, je vais te guider. Tu ne dois faire aucun bruit.
Warda avait bien appris la discrétion, durant toutes ces années, traqué par l’Église, il avait dû redoubler de talent pour ne faire aucun bruit. Les deux rivaux progressèrent dans le couloir ténébreux. Warda tenta de discerner son environnement en vain, et tandis qu’il était précédé par Galro, il fini par lui demander:
_ À qui sont destinées ces geôles ?
_ Soit plus discret ! Répliqua Galro sur ses gardes. Ils pourraient nous entendre !
_ Qui ? Insista l’elfe noir.
Un moment de silence régna, et lorsque Warda resserra son emprise, Galro finit par céder.
_ Des elfes noirs, tes semblables. L’Église les capture depuis des décennies pour en faire des agents de l’ombre, des éclaireurs ou des assassins.
_ Je croyais que vous nous exterminiez ? Demanda Warda.
_ Je pensais aussi, répondit Galro tout en guidant son prisonnier. Mais le paladin phénix Datral m’a montré le dessous des activités de mon culte. En devenant Prophète, j’ai compris alors la vérité. Nous ne vous chassions pas pour vous exterminer…
Galro s’arrêta subitement, et fit face à sa némésis. Il le fixa droit dans les yeux, bien que Warda était incapable de faire de même dans de pareilles ténèbres.
_ Nous vous traquions pour vous dresser.
Le guerrier sombre resta silencieux, mais finit par demander au bout de quelques secondes.
_ Pourquoi faire ?
_ Regarde toi, répondit le Prophète. Vous êtes des assassins nés. Vous êtes taillés pour ce travail. Furtifs, surpuissants, agiles, vous nous dépassez dans tous les domaines. Mais la sauvagerie de tes semblables nous confère un avantage, nous pouvons les manipuler aisément…
_ Et personne ne peut vous soupçonner d’utiliser des démons pour faire votre sale travail, reprit Warda. Ce sont vous les vrais monstres !
_ Plus doucement ! s’écria à voix basse Galro en invitant son partenaire à baisser d’un ton. Oui, je me confesse, j’ai ordonné la capture des tiens, mais mon but est très différent de mes prédécesseurs. Je ne veux pas les utiliser, je veux les sauver !
_ Les sauver de quoi ? Demanda curieux l’elfe noir.
_ De votre malédiction, répondit l’ancien paladin. J’ai déjà vu vos marques à l’action, elles vous plongent dans une frénésie meurtrière, toi encore plus que quiconque doit connaître les ravages d’un tel sortilège sur la psychée de ses porteurs.
Warda se tut, il avait raison, il avait déjà ressenti maintes fois sous l’effet du stress la pulsion carnassière des marques sur sa peau. Après que l’elfe eut récupéré son calme, Galro reprit la marche.
_ Mais je connais une solution pour y remédier. Un remède !
_ Comment ? demanda Warda stupéfait d’un tel miracle. Tu peux arrêter la soif de carnage ?
_ Tu verras bien assez tôt, dit Galro. Attention à la marche !
Le pied de Warda buta contre un obstacle, et grâce à l’avertissement de son guide il évita de tomber face la première. Ils gravirent un escalier qui semblait monter pendant une éternité. Afin quand ils arrivèrent au sommet, Galro ouvrit la porte. La salle de torture. Elle était poussiéreuse et étrangement calme. Le sang séché sur les instruments de torture piquaient le nez. Découvrant cette pièce pour la première fois, Warda demanda:
_ Que faites-vous ici ?
_ Tu ne veux pas le savoir, répondit sincèrement le Prophète. Moi-même j’ai honte de cet endroit.
Les deux hommes traversèrent les couloirs du temple, et grâce à sa vision améliorée, le Prophète esquiva les gardes avec aisance. Il avait l’impression d’être un voleur dans sa propre demeure. Alors ils finirent par atteindre la tour nord. Quand ils la gravirent, il était plus facile pour Warda de voir à travers les meurtrières, les rayons de la lune les traversaient. Galro se saisit d’une clé. Il tourna dans la serrure et ouvrit délicatement la chambre d’Ilada. Au moment où Galro entra, la femme elfe noire se jeta dans ses bras.
_ Tu m’avais manqué ! S’écria t-elle.
Warda entra à son tour, ce qui provoqua un mouvement de recul de la future mère qui s’accrocha davantage à Galro. Cela prit quelques secondes, mais lorsque leurs regards se croisèrent, les deux elfes noirs se reconnurent.
_ D’où tu l’as ramené ? Demanda Ilada à son amant.
Galro souria pour masquer son inquiétude et dit en montrant de la main son invité.
_ C’est Warda, je t’ai déjà parlé de lui. C’est …
_ L’assassin de son père, reprit Warda avec un ton neutre.
L’ambiance se refroidit. Galro était mal à l’aise, mais tenta d'égayer la situation. Il referma la porte derrière le guerrier sombre et invita les deux elfes noirs à s’asseoir, ce que firent ni l’un ni l’autre. Ils se toisaient comme deux rivaux. La tension était palpable.
_ Tu n’es pas heureuse de voir un autre elfe noir ? demanda Galro à Ilada.
_ Nous nous sommes déjà rencontrés, répondit Warda. La mine d’Aleyss.
Pendant un moment tenta de se remémorer, et se rappela de la croisade des montagnes. Effectivement, Ilada y avait été envoyée en éclaireuse, elle a dû y rencontrer Warda à ce moment-là. Le guerrier sombre croisa ses bras, visiblement sur ses gardes. Inquiète, Ilada se tourna vers le père de son enfant et lui demanda sans quitter son pair des yeux:
_ Pourquoi tu l’as ramené ici ? Tu sais qui il est ?
_ C’est l’assassin de mon père, certes, mais j’ai vu qu’il avait du bon en lui.
_ Je ne te parle pas de ça ! S’écria la femme furieuse, mais toujours immobile. Il porte Son odeur. Il est à l’origine de la malédiction !
_ Comment ça ? Demanda Galro circonspect. Quelle odeur ?
_ Son odeur, reprit Warda qui restait calme malgré les accusations. Je ne voulais pas y croire, et je n’y crois toujours pas, mais Galaran m’a dit que j’étais son frère. Mon père doit être celui qui nous a maudit.
_ Attendez deux minutes, des choses m’échappent ! Galro se frotta les yeux avec ses doigts et tenta de réfléchir à ce qui se passait. Galaran est ton frère, mais qui est Galaran ?
_ Le fils de Raldir, répondit Warda toujours stoïque, et moi aussi je le suis.
Fouillant dans ses plus vieux souvenirs, Galro se rappela de la fête du printemps elfique, le vieux conteur encapuchonné. Il avait raconté l’histoire d’une prophétie du roi déchu. Et Taläsna lui avait ensuite parlé de Raldir, l’ancien roi elfe. Il recolla les morceaux du puzzle, mais resta coi. Il pointa du doigt Warda et demanda:
_ Tu es le fils de Raldir ? Du Roi Raldir ? Celui qui a créé les elfes noirs ?
_ Un orque m’a montré un portrait de mon ancêtre, reprit Warda après un instant. Je lui ressemble, c’est vrai, mais mon père se nommait Raon, je refuse d’avoir un lien quelconque avec ce seigneur de pacotille.
_ Ce n’est pas à toi de décider qui est ton père, répondit sèchement Ilada qui se tenait le ventre. Elle finit par s’asseoir sur le lit, l’enfant qu’elle portait avait encore grandi en elle.
Galro se mit à ses côtés, tentant de la rassurer de sa présence. Mais lorsqu’il la frôla, elle le rejeta. Ne comprenant pas sa réaction, Galro s’éloigna un peu. Il tourna la tête vers le guerrier elfe noir et lui dit:
_ Tu aimais peut être ces humains, mais ce n’étaient pas tes parents. Tu ne veux pas en apprendre plus sur tes origines ?
_ Je préfère l’ignorance, avoua Warda. J’avais une famille, et les Croisés me l’ont prise.
_ Mais tu as peut-être des réponses en toi ! Reprit Galro. Tu comprends ce que cela implique ? Tu peux libérer tes semblables de la malédiction. Dans mes cachots se terrent des milliers des tiens, incapables de gérer leurs émotions ! Tu as changé ma vision des choses, Warda ! Tu m’as prouvé que vous n’étiez pas que des bêtes, regarde la prouesse que j’ai accomplie !
Il montra Ilada sur le lit, elle lui lança un regard glacial. Cette réaction n’était pas prévue, mais Galro ne se décontenança pas.
_ Elle lit, elle peint, elle apprend. Et maintenant, elle porte mon enfant en elle, car oui, j’aime Ilada. Elle n’est pas une prisonnière, elle est mon plus grand espoir !
Sur ces paroles, Ilada regarda Galro, l’inquiétude se lisait dans ses yeux. Elle balada sa vision de droite à gauche et demanda à son amant:
_ Où est Nardel ? Je ne l’ai pas vu depuis hier soir.
La mine de Galro se déconfit, il n’osait dire la vérité, pourtant fallait qu’elle sorte. Il se rapprocha de sa femme et lui saisit le bout des doigts délicatement, et lui répondit avec une voix empreinte de chagrin:
_ Nardel… n’est pas la personne que je croyais être. Il… Il est …
Son hésitation dura un moment, mais il eut le courage de reprendre:
_ … C’est un homme affligé par ses propres émotions. Notre monde n’est pas fait pour lui. Je lui ai fait du mal, et maintenant je m’en veux. J’espère qu’il me pardonnera un jour.
_ Que lui as tu fait ? Demanda Ilada avec une pointe d’amertume.
_ Je l’ai forcé à se punir pour ce qu’il est, répondit sincèrement le Prophète. Sa nature va à l’encontre des préceptes de l’Église, j’espérai juste le changer, pas le détruire…
_ Et moi aussi je devrais changer de nature ? Demanda Ilada dont la colère grandissait. Ou vas-tu me forcer à me punir ? Tu as déjà commencé à me changer, c’est vrai, c’est pour ça ce médaillon ?
Elle commença à saisir le collier autour de son cou, Galro lui posa délicatement une main dessus et voulut se montrer doux.
_ Oui, tu commence à changer. Pour le meilleur ! Regarde ta sérénité depuis que tu le portes, tu ne ressens plus les pulsions meurtrières de ton peuple. Mais je veux que tu reste toi-même, pour nous deux !
Il tenta de l’embrasser, mais Ilada interposa sa main entre Galro et sa bouche, elle fixait son mari avec dégoût. Warda regardait la scène surpris, puis finit par parler.
_ Le collier sert à stopper la malédiction ? Comment est-ce possible ?
Le Prophète se releva, et s’approcha de Warda, tentant de croiser son regard malgré la stature imposante de l’elfe noir. Il commença à expliquer l’origine et le fonctionnement du collier.
_ C’est un des nombreux dons que j'ai reçus ce jour-là, après notre affrontement sur la montagne de Léondia. Un chevalier noir m’a donné le pouvoir de la vision dans les ténèbres, le livre sacré de mon Ordre et… ce pendentif. Il est capable d’annuler la magie qui frappe son porteur, il désagrège les sortilèges. C’est comme si il détrammait la consistance des incantations à l'égard du porteur. Grandall a faillit me tuer quand je suis rentré au temple, lorsque j’ai renversé Daërdillon. Mais le collier a repoussé la Dyaladuil, comme si c’était la main de Dieu en personne qui m’avait protégé. Je l’ai ensuite confié à deux mages elfes qualifiés, Nilleth et Alnor, qui ont modifié son enchantement. Dorénavant, il annule purement et simplement les magies de support qui affectent le porteur, malédiction comprise.
La révélation de Galro eut le mérite de faire relâcher la tension de son interlocuteur, qui bien qu’il souhaitait le masquer, était stupéfait de ce miracle. Mais Ilada avait toujours une sombre mine, elle se leva en tenant son enfant et s’adressa à Galro:
_ Et maintenant que tu sais que ça marche, on va se marier ? Comme tu l’avais promis ?
Galro ne laissa pas transparaitre ses émotions, mais il était brisé. Il se retourna lentement vers sa fiancée, il se sentait misérable. Il dit simplement ces mots:
_ Assieds-toi Ilada.
Elle obéit, puis Galro la rejoignit. Il avait les yeux rouges de chagrin, la femme sentait une boule se former dans sa gorge.
_ Nardel m’a dit que si je voulais sauver le monde, je devais faire quelque chose qui me rebutait. J’étais furieux contre lui, mais je suis forcé d’admettre qu’il avait raison. Je suis désolé.
Ilada retint son souffle, se plaçant une main sur le torse. Galro, affligé, lui dit la vérité.
_ Nous n’allons pas nous marier. Je ne pourrais jamais te sortir d’ici. Je vais épouser la princesse d’Étale.
D’abord régna le silence, put la femme elfe noire craqua, elle se mit à pleurer. Elle gifla Galro qui ne réagit pas. Elle vociféra:
_ Nardel avait raison, tout ce que tu veux c’est savoir si ce collier marche ! Voilà la preuve maintenant, j’ai envie de t’étrangler mais je n’ai plus la force de le faire.
Elle se couvrit le visage de ses deux mains, devant le regard impuissant de Galro qui ne comprenait pas. Il leva les mains face à lui, en signe d’apaisement, il voulut s’expliquer.
_ J’ignore ce que t’as dit Nardel, mais tu es la personne la plus importante à mes yeux. J’ai besoin de toi. Mais… Je dois conclure une alliance avec le roi d’Étale, c’est le seul moyen ! Je ne veux pas le faire, mais je dois le faire.
La femme continua de pleurer, quand Galro tourna son regard vers Warda, celui-ci semblait de marbre face à la situation. Il se contenta de dire au Prophète:
_ C’est cela que tu souhaitais me montrer ?
Se sentant honteux, Galro voulut rassurer les deux elfes noirs, mais les pleurs de sa fiancée le brisèrent en deux. Warda détourna les yeux, et dit de manière gêné:
_ Ramène moi à ma cellule, j’en ai assez vu.
Toujours perdu, et déstabilisé, l’ancien chevalier se dirigea vers la porte et invita le guerrier sombre à le suivre. Lui qui souhaitait rendre de l’espoir à Warda avait lamentablement échoué. Dans les ténèbres complètes, Galro escorta son prisonnier jusqu’à sa cellule. Après l’avoir rattaché, allumé une bougie et quitté le cachot, Galro rejoignit sa chambre. Face à lui, le tableau des chevaliers fondateurs le dominait. Il se mit à genoux, et supplia leur pardon jusqu’aux aurores.