La prophétie du roi déchu: Le seigneur oublié

Chapitre 21 : L'allié inattendu

8724 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/07/2025 09:47

Chapitre 21 : L'allié inattendu



Quand Galro rentra, les réfugiés furieux s'approchèrent de son carrosse, et fort heureusement pour lui que les Croisés les retinrent à une bonne distance, car ces derniers se mirent à envoyer des projectiles dans sa direction. Tilbar regarda le spectacle affligeant, sans commenter, les bras croisés. Alors que la diligence se dirigeait vers la porte principale, Galro fit une remarque à Tilbar pour le pousser à réagir.

_ Quoi ?!

_ Je n'ai rien dit, répondit Tilbar d'un air suffisant.

_ Tu n'as rien dit mais tu me juge du regard, dit à voix basse Galro agacé.

_ Parce que tu es assez malin pour comprendre.

Sans plus de réponse, Galro se remit à l'aise dans son siège. Son cœur battait à tout rompre, mais au moins, il avait ce qu'il voulait. Vingt milles soldats de l'armée royale l'avaient suivi, il en avait le commandement absolue. Avec une telle force il pouvait renverser un royaume. Mais son adversaire n'était nul autre que le grand Éradicateur. Vaincre ses légions de démons ne serait pas une tâche aisée.



Mais restait une tâche difficile : les rescapés des terres de l'ouest réclamaient leur sauveur, mais relâcher Warda pourrait être vu comme un blasphème. Comment concilier l'Ordre et l'elfe noir. Le guerrier sombre représente une Némésis pour ses semblables, il est fort probable que son autorité serait remis en cause s'il venait à le rendre au peuple venu du désert. S'il ne le relâchait pas, au vu de leur nombre, il ne risquait pas de se faire renverser mais néanmoins ils pourraient créer un chaos qui n'était pas tolérable au vu de la guerre à venir. Dans les deux cas il craignait le pire. « Pourquoi dois-je toujours être tiraillé par les dilemmes ? » se dit Galro en regardant par la fenêtre alors qu'on leur ouvrait les portes. Il pouvait entendre depuis la fenêtre la clameur de mécontentement des ouailles de Warda. Il pouvait faire verser leur sang, ce serait facile, mais quel exemple donnerait-il s'il venait à le faire ? Lui qui avait juré de sauver Natal. Il s'interdit de porter la main sur ces misérables, ce n' était pas noble d'écraser les faibles, encore plus dans ces circonstances.



La calèche arriva aux jardins, après un trajet à travers toute la capitale religieuse. Il fut accueilli par l'ensemble de ses paladins et paladins phénix, dans un salut militaire, Fradel était en tête du cortège. Bien que normalement ce devait être le rôle d'un domestique, le paladin phénix insista pour ouvrir la porte du carrosse de son maître. Lorsque Galro en sorti, il sentait les regards pesaient sur lui. Ils lui accordaient toute leur confiance, ils savaient que le porteur des textes sacrés donnerait tout pour eux. Il ne devait pas les décevoir. À sa suite, les armées royales se mirent aux garde à vous, avec discipline et puissance.

_ Vous avez réussi à ce que je vois, commenta Fradel en scrutant les rangs des soldats. Bien joué votre Flamboyance.

_ Je ne le suis plus, du moins pour le moment.

Le paladin phénix se retourna raide vers son Prophète. Incapable de parler, Tilbar lui tapota l'épaule avec un regard lourd de sens. Bien que les mots ne furent pas prononcés, Fradel savait que Galro avait dû acheter les grâces de sa majesté chèrement. Il posa son poing sur le cœur, en salut, il pris conscience des sacrifices de son meneur et voulut rendre honneur à l'homme qui allait sauver le monde.



Lorsque Galro arriva devant la foule de paladins, il éleva suffisamment la voix pour être entendu de tous :

_ Rompez, en ce jour le roi Thurnang a hérité de mon titre de Prophète. Dorénavant vous m’appellerez Commandant Suprême Galro. Je mènerais nos légions à la guerre contre la grande Némésis. Demain, nous irons au nord, nous allons d'abord libérer la Sintraë du siège des enfants de l'Arbre noir. Ensuite, sans interruption aucune, nous irons jusqu'en Guiogne, nous allons écraser les légions de Kaös, une bonne fois pour toute !



Galro dégaina Grandal d'un geste théâtrale, brandissant la lame de Dieu vers le ciel. Les paladins le joignirent dans son geste, les Croisés et soldats royaux frappèrent sur leurs boucliers pour acclamer le sauveur de l'humanité. Galvanisés, les troupes de Galro se sentaient invincibles, l'espoir était revenu. Alors que l'euphorie avait envahit les rangs, un cor sonna.



Un cor... Orque.



Le silence frappa le Temple, Galro tourna son regard vers l'Ouest. Une armée immense, la poussière masquait la progression d'une légion encore plus grande que la leur. Le sol tremblait. Inquiet, le Commandant suprême monta sur l'une des tours de guet et demanda à la sentinelle de lui passer sa longue vue. Il scruta l'horizon. Des étendards blancs , une main noire sanglante était le blason de cette nouvelle armée. Il reconnu les silhouettes imposantes de ses guerriers : des orques. Est-ce que le dieu noir avait tout prévu ? Ils allaient subir une attaque préventive pour les empêcher de porter secours aux Guiogniens ? Face à une armée aussi grande, ils n'avaient aucune chance. Tilbar rejoignit Galro et lui demanda les instructions.

_ Préparez-vous à subir un siège, barricadez les portes !

Rapidement, les soldats se mirent en position, les rangs disciplinés des guerriers de l'Ordre et de la couronne se coordonnèrent pour faire face à ce nouvel adversaire. Galro organisa les défenses, il avait déjà subit un siège, il savait comment s'y prendre. Bien que leur ennemi était bien plus primitif que les nains, la force intrinsèque de chaque guerrier était bien supérieure à celle de plusieurs soldats réunis. Montant en haut des remparts, il aperçu un orque massif, recouvert d'une épaisse cotte de mailles, ornée de fourrures et de plumes, se diriger aux pieds de cette dernière. Il portait un drapeau enroulé. Il le brandit bien haut et le planta dans le sol.



Il était blanc.



Celui qui semblait être le meneur de cette ost gigantesque prit la parole, sa voix était puissante et son articulation claire :

_ Je suis Garak, héritier de Thaarg, chef suprême des orques. Nous venons en paix ! Amenez moi votre champion !

Abasourdi, Junar qui se tenait aux côtés de Galro tourna son regard vers son Commandant. Le sauveur de l'humanité se sentait écrasé par tous les regards. Le paladin phénix dit à son maître :

_ Messire, c'est peut être un piège. Ne vous y risquez pas !

L'orque semblait s'impatienter, il piétinait devant les murailles, il était effrayant. Même avec une Dyaladuil aussi puissante que Grandal, ferait-il le poids face à un pareil colosse ? Puis il se rappela du chevalier noir. Non, il n'avait pas peur. Un jour viendra...

_ Ouvrez les portes, dit Galro sûr de lui. Apprêtez moi un cheval !

_ Messire ! S'étrangla Junar stupéfait. Vous êtes devenus fou ? Nous avons mené une croisade contre eux il y a des années, regardez les maintenant ! Ils pourraient vous tuer !

_ S'ils le voulaient, ils nous auraient déjà écrasé depuis longtemps, ouvrez les portes ! C'est un ordre !

Face à l'autorité de son Commandant, Junar se soumis et fit donner un cheval à Galro. Le brave traversa les rangs de ses soldats jusqu'à la porte, son cœur battait dans sa poitrine. Peut être que c'était un piège, mais une voix intérieure lui indiquait que les orques n'étaient pas venus pour simplement la vengeance. Ce Garak semblait être animé d'une autre motivation. On lui ouvrit la porte, il passa ses battants, seul, puis il y arriva.



Face à la multitude.



La horde de barbare dépassait en taille tout ce à quoi pouvait s'attendre Galro. Il sentit en lui le trac. « Courage Galro » se dit il en repensant à Ilada. Il chevaucha jusqu'à arriver en face à face avec l'imposant géant. Bien que le Commandant suprême était sur un destrier, il arrivait à la même hauteur de tête que son interlocuteur. Celui qui se nommait Garak fit un pas vers lui. Les arbalétriers se mirent en joue, mais Galro leur fit signe de baisser les armes. L'orque ôta son casque, dévoilant ses tresses qui pendaient de son crâne. Son regard jaune était aussi perçant que celui d'un fauve. Ses crocs étaient semblables à des dagues, Galro se rendit compte de sa vulnérabilité. Garak entama le dialogue :

_ Tu dois être le chevalier qui a renoncé à la vengeance, dit-il simplement.

_ Tu as entendu parlé de moi ? Demanda Galro stupéfait.

_ Warda nous a parlé de ta terre sacrée. Nous y voilà. Où est-il ?

À cette question, Galro se sentit mal à l'aise. Il fixa dans les yeux le colosse et lui dit d'une voix calme :

_ À l'abri.

_ Rendez-le nous ! J'ai fais un serment !

Galro se retourna vers sa forteresse, la tension était grande. Il savait qu'à tout moment cela pouvait dégénérer. Il se montra aussi diplomate que possible.

_ Cela n'est pas en mon pouvoir, du moins pas maintenant. Nous nous apprêtons à partir en guerre.

_ Nous aussi, répondit Garak en croisant les bras. L'ombre venue du sud. Nous sentons sa présence, tout autant que vous. Mais nous ne repartirons pas sans Warda.

L'ancien Prophète se sentait pris en étaux. Il savait que s'il le libérait, son peuple perdrait confiance en lui. Galro déglutit, il savait que sa seule réponse possible ne plairait pas aux orques.

_ Je ne peux pas, dit honnêtement le futur roi. Je veille sur lui, évitons de faire couler le sang. Je vois bien que vous n'avez pas soif de combat, Ô grand Garak, mais je ne puis accéder à votre requête.

Le chef des orques resta droit, il racla de la gorge et cracha un mollard au sol. Galro pouvait sentir toute la frustration du géant. Du regard, le géant pointa la cité derrière le meneur des hommes.

_ Vous êtes le chef, non ? Vous commandez, eux obéissent, c'est facile. Relâchez-le ! Nous ne partirons pas sans Warda.

Les guerriers barbares se mettaient à grogner depuis les rangs arrières, la colère des peaux grises commençait à bouillir. Galro dépassait leur patience. Alors que les orques se mirent à taper de leurs lances sur le sol, Galro sentit la pression grimper.

_ Je ne peux pas ! Dit Galro suppliant à Garak. Retenez vos guerriers, je vous en conjure !

Le regard de Garak se fit insistant. Galro comprit alors que le sauvage face à lui était bien plus noble que n'importe quel seigneur féodale, et obstiné. Il libérerait Warda, coûte que coûte. Les hordes d'orques se mirent à chanter de manière menaçante, la confrontation était inévitable. Tout en reculant, Galro hurla à la multitude :

_ Je ne peux pas ! Je vous en prie, repartez avant que quelque chose de terrible soit commis !

D'un regard impitoyable, Garak montra son bouclier, son blason. Une main ensanglantée.

_ Nous n'avons pas choisis ce symbole au hasard, dit Garak. Tout comme Warda, nous ferons couler notre sang pour une cause plus grande que nous. Je me suis trompé, je pensais que tu étais le chevalier d'honneur dont m'a parlé mon camarade, je ne vois qu'un pleutre ! Rentre au sein de tes murailles, cela est mon ultime avertissement.

Garak se retourna, et rejoignis la foule de ses guerriers. Contre toutes attentes, les sauvages offrirent des armes aux réfugiés du désert, et Usharr fut choisit pour les mener. Le siège allait commencer. Galro repartit le plus rapidement possible vers la porte principale, qui s'ouvrit devant lui. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer en pleine panique, Tilbar apparut, tenant enchaîné le guerrier sombre. Galro fixa incrédule son subordonné, son ancien maître d'armes, alors que celui-ci s'avança. Il arriva au niveau de Galro, un regard sévère le transperça. Il tendit les chaînes à son maître.

_ Que fais-tu Tilbar ? Demanda Galro surpris. Tu vas être excommunié.

_ Soit l'objet de moqueries si tu le souhaites, répondit Tilbar en mettant les clés dans le creux de ses mains, mais ne déshonneur pas ton rang.

Un sourire fugace se dessina sur les lèvres de Tilbar. Il ajouta :

_ Tu es le Prophète, le grand Commandant suprême... mon élève. Tu es l'homme en qui j'ai placé toute ma confiance. Montre leurs l'exemple.

Galro saisit les chaînes de Warda, le guerrier sombre le regardait, il lui souriait discrètement. Derrière les murailles, les orques percutaient les tambours de guerre, l'assaut allait être menée. Galro lança un dernier regard à son serviteur, qui lui renvoya un clin d’œil. Galro s'avança face à la horde qui s'apprêtait à charger, et quand ils virent l'elfe noir, ils s'interrompirent, Garak leurs fit signe de cesser l'attaque. Galro descendit de sa monture, prit les menottes et libéra l'elfe noir. Warda se saisit les poignées douloureuse, puis scruta Galro.

_ Merci, dit-il.

_ Non, dit Galro ému. Toi, merci. Retrouve les tiens.

Warda s'éloigna des murailles, et rejoignit Garak. Les deux compères se serrèrent les mains, et se firent une accolade.

_ Tu en as mis du temps, s'amusa l'elfe noir en fixant dans les yeux le guerrier massif.

_ Les orques sont de vrais têtes de mules, ria Garak. Réunir tous ces clans n'a pas été une mince affaire. Mais sans toi je n'y serais jamais parvenu. Sans ton exemple, je n'aurais jamais eu la force. Merci de nous montrer la voie.

Un loup géant fonça et percuta Warda de toute sa masse. Jaron renversa l'elfe et se mit à le lécher abondamment. Alors qu'il aspergeait son visage de bave, le guerrier sombre tenta de le calmer et de le rassurer.

_ Tu es toujours en vie ! S'exclama le loup géant. Et en un seul morceau !

_ Tu m'as manqué Jaron ! Répondit Warda en tentant de se relever.

Devant ces retrouvailles, Galro s'éloigna et enfourcha sa monture. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer dans le fort, Warda l'interpella.

_ Où tu vas ? Demanda Warda.

_ Quelle question, à la guerre. Repartez ! Nous devons sauver le monde.

Galro se retourna vers les orques et virent qu'ils étaient plantés comme des clous, l'Éclad rejoignit Warda et les anciens ennemis se toisaient. Ne comprenant pas, Galro leurs dit :

_ Je vous ai rendu l'elfe noir, vous n'avez plus rien à nous réclamer.

_ Nous ne venons pas réclamer. Répondit Garak avec entrain.

_ Alors pourquoi restez-vous là ?

L'elfe noir regarda le nord. Bien qu'il avait été blessé, il n'avait pas oublié son amour pour Lindilla. Même si elle le rejetait, il voulait sauver son monde.

_ J'ai aussi des choses à protéger, répondit Warda. Je pars en guerre avec vous. J'ignore qui est ce Kaös, mais je ne le laisserait pas faire.

_ Séparés nous sommes faibles, ajouta Garak. Warda nous commandera, s'il veut partir avec vous, nous le suivrons.

Galro ne peut retenir un petit rire discret. La surprise fut totale, il ne s'attendait pas à un tel renversement de situation. Il se rapprocha des compères. Usharr se saisit d'une dague et montra la paume de sa main, avant de la couper. Garak suivi l'exemple, Warda quand à lui s'aida d'un croc de Jaron pour se faire une entaille. Devant ce rituel, Galro céda et se saisit de sa propre dague.

_ En ce jour, commença Garak, nous verserons le sang. Ensemble !

Ils serrèrent la poigne et des perles rubis tombèrent sur le sol. Galro s'entailla la main après avoir mis pied à terre et le rituel fut accomplit. Garak s'exclama :

_ Pour Natal !

Tous les membres du rituel le suivirent :

_ Pour Natal !



Lorsque Taläsna ouvrit les yeux, la lueur des braseros l'aveuglaient, puis il sentit de nouveau ses doigts, sa main, son bras, puis son corps. Sa vision était floue durant un certains intervalle de temps. Une serviette humide fut posée sur son front, il avait mal au crâne. Non, il avait mal partout. Il tenta de bouger mais le visage distinctif d'une femme envahit son champ de vision et l'immobilisa.

_ Il est encore trop tôt votre Altesse, dit la soigneuse.

Le souvenir des engeances mort-vivantes revinrent à lui, un flash, il voulut se redresser. Zuanlanor, Esleneus ! Mais la réalité de sa chair lui rappela qu'il n'était qu'un mortel, son corps était brisé. La voix du souverain haut elfe lui parvint, douce mais catégorique.

_ Cessez votre obstination, messire Taläsna ! Restez couché, restez vivant ! Nos hommes doivent affronter suffisamment de cadavres réanimés, un de plus n'est vraiment pas nécessaire.

L'elfe sylvain dirigea son regard vers la voix, il aperçut le souverain du soleil d'or. Le roi du peuple de l'Est était terriblement amoché. Une marque de brûlure l'avait calciné la moitié du visage, ses dents étaient apparentes.

_ Que... vous est-il arrivé votre majesté ? Demanda Taläsna à peine réveillé.

_ J'ai... été infecté...

L'haut elfe se tourna de manière à cacher sa joue droite.

_ Dranoss a dû recourir aux flammes purificatrices pour me sauver la vie. Cela a néanmoins marqué mon corps, souillé par la corruption du Mal. Mais ces cicatrices sont une nécessité.



Taläsna nota l'absence d'un bras, Zuanlanor avait été amputé. L'air était saturé d'encens, la douce odeur de l'herbe sèche brûlée. Des fidèles chantaient une prière au souverain des Dragons.

_ Où sommes nous ? Demanda Taläsna à la soigneuse.

_ Dans le plus saint des saints temples, dit la prêtresse. La Maison même de Daös. Ici la souillure du Destructeur ne peut pas nous atteindre.

De lourds pas retentirent, le sol tremblait. Une voix aussi puissante que paisible retentit, celle du capitaine de la garde.

_ Mes frères humains, elfes et nains, je vous ai réunis ici pour vous protéger de la folie extérieur. Nos braves affrontent la tempête, mais vous êtes le vrai cœur de cette cité. Priez, appelez l'amour en vous, vos suppliques ne sont pas vains. Daös gagne en puissance grâce à votre foi, le grand Dément abhorre nos valeurs et cela l'affaiblis. Encouragez vos parents, vos enfants, vos frères et vos sœurs partis combattre. Daös le bienfaiteur veillera sur chacun d'eux, guidant leur voies vers le salut, car Daös incarne la bravoure, l'amour et la vie. Il les protégera dans la tempête, la lumière de votre chœur brillera tel un phare au milieu des ténèbres de la guerre. Guidez leurs lames de vos chants sacrés, guidez leurs écu pour protéger le faible, guidez les de vos voix. Fidèles du grand Dragon Blanc, joignez vos mains et prions ensemble.



La carrure massive de Dranoss se pencha, posant un genoux à terre, et se mit à incanter ses prières. Zuanlanor se mit aussi à prier, Esleneus se joignit à la cérémonie. De nombreux fidèles, les survivants de l'odieuse attaque nécromantique, s'étaient réunis sous la chapelle. Il semblait que l'édifice sacrée était épargné par l'assaut majeur sur la cité. On pouvait entendre l'orage, la pluie, la tempête et la guerre gronder dehors. Les ouailles se prosternèrent devant la statue géante de Daös, dont le marbre pur baignait l'assemblé d'une aura apaisante. Taläsna admira la cérémonie depuis sa place, sans prononcer un mot. La prêtresse saisit un petit bol d'eau, y trempa le doigt, et l'appliqua sur le front de l'elfe.

_ Que la paix et l'amour de Daös vous touche, Natal graciera ceux qui donneront leur sang pour la défendre.

Cette tradition plurimillénaire était transmit à chaque apprenti suivant la voie de Daös. Elle symbolisait le miracle du pardon, la larme de Natal qui absous tous les péchés. Certaines histoire mentionnait que le miracle pouvait toucher les hommes voués à se racheter. La cérémonie de la larme accompagne tous les héros qui ont servit, mais ne seront plus aptes à accomplir le devoir. Taläsna savait ce que cela signifiait, il était brisé. Plus jamais il ne sera apte à porter l'épée. La soigneuse le laissa, elle se dirigea vers d'autres blessés. Zuanlanor fixa son camarade elfe, il soupira et cacha son bras meurtri.

_ Nous sommes dans le même bateau, messire Taläsna, j'ai sacrifié une partie de moi pour nous sortir de là. Je ne suis plus apte à manier Juzalial.

Il baissa son regard, bien qu'il transpirait de chagrin il n'était pas tant affligé de sa blessure, mais dorénavant les deux seigneurs le savaient, ils ne pouvaient plus mener les hommes au front. Pire, leurs armes magiques ne pouvaient plus servir la cause, perdre un tel atout pouvait marquer l'arrêt de mort des défenseurs. Ils n'avaient plus qu'un ressort pour sauver la cité : Dranoss. Bien qu'il ne possédait pas lui-même une dyaladuil, il était marqué de Daös. Ils avaient tous deux vu l'étendu de ses pouvoirs, comme les présages, les miracles et le feu blanc. Il était l'antithèse vivante de Kaös, sa simple présence suffisait à repousser les engeances des ténèbres. L'idée de l'envoyer combattre directement avait effleuré l'esprit de Taläsna, puis il réalisa de l'importance dont il revêtait. Il n'était pas un simple pion, il est une pièce maîtresse protégeant l'arrière garde. Sans lui, le temple de Daös aurait été déjà envahit depuis longtemps. Il comprit alors le risque énorme qu'il avait prit pour venir les secourir. Son respect envers le dragon n'en fut que plus grand.



Les pas lourds se dirigèrent vers lui, Taläsna se tourna et vit se mettre à genoux l'immense dragon. Bien qu'il le dominait de sa stature, son regard était empli de tendresse. Il inspira profondément, et dit d'une voix calme, le ton de ses paroles étaient aussi apaisante que celui d'un père dorlotant son enfant :

_ Je sais ce que vous ressentez, sire Taläsna, j'ai vu à travers vos yeux. Ce que vous avez vécu laissera une cicatrice en vous. Je n'ai pas le pouvoir de la ramener, mais je peux apaiser votre âme.

_ Comment ? Demanda Taläsna les yeux rouges. Par quel miracle pouvez-vous faire disparaître la douleur ?

_ Pas un miracle, répondit le gardien d'écailles. Juste par ma présence. Mais cela prendra du temps. Vous n'oublierez jamais cet amour, celui qui vous a permis de la sauver de ce tourment.

Taläsna se remémora quand il mit feu à sa bien aimée, il se plaqua une main sur le visage pour masquer son chagrin. Il avait perdu tant de gens qui comptaient sur lui. Il avait voulu apporter l'espoir, il n'a su que les guider vers une mort certaine. Puis, il sentit la présence de Dranoss dans son esprit. Ce qu'il prit pour une intrusion devint petit à petit réconfortant. L'antique créature ne chercha pas à masquer la douleur, mais à lever un voile dans ses souvenirs. Des souvenirs... heureux.



Lindilla, alors qu'elle était toute petite, avait apprise à marcher avec lui. Puis il lui enseigna la langue des elfes, plus tard la magie, et il revit Galro. Ce chérubin venu du sud pour recevoir l'enseignement des arcanes elfiques. Lorsque Galro, Taläsna et Lindilla était dans cet clairière, en plein hivers, pendant les cours théoriques sur le don surnaturel des elfes. L'émerveillement de voir ses deux apprentis grandir, croître, apprendre, puis s'épanouir. Il se souvint quand ils mangèrent des fraises ensemble au printemps.



Tout n'était pas que ténèbres, la lumière pouvait se cacher dans des petites choses insignifiantes, mais dont la douceur rappelait que Daös veillait à chaque moment. Il n'était ni démonstratif comme Kaös, ni interventionniste comme Fëalian, il était présent quand le monde avait besoin de lui.



C'était pour cela qu'il fallait se battre, pour que nouveaux bonheurs comme ceux-là puissent se reproduire. Même dans le désespoir le plus noir, il fallait lutter pour donner une chance au bonheur de jaillir là où on l'attendait le moins. Endellën avait eut certes une fin tragique, mais Taläsna se rendit alors compte que dans ce dernier acte, il lui avait ouvert les yeux, et qu'elle avait put trouver la joie là où les ténèbres étaient les plus épaisses. Cet acte d'absolution de Taläsna a été sa révélation. Et de savoir ça... le soulagea. Il rouvrit les yeux, il avait comprit, il pencha sa tête en direction de Dranoss et le remercia.

_ Voici le don que m'a accordé Daös, dit le dragon. Je ne suis pas le guerrier de sa lumière, j'en suis son porteur. Mon rôle n'est pas d'occire les ennemis, mais de sauver les vivants. Cessez de voir vos échecs, voyez ce que vous avez appris.



Galro rentra dans le fort, intact, à la surprise générale. Les Croisés, gardes royaux et civiles écarquillèrent les yeux à son retour. Junar s'approcha, fit le signe du Perchoir et s'inclina devant son maître.

_ Grand Commandant Suprême, je vois bien le miracle, mais expliquez-vous ! Comment avez-vous pu négocier avec ces bêtes sauvages que nous avons juré de combattre ?

Galro tourna la tête lentement vers son paladin phénix, puis posa sa paume sur sa tête. Il sourit et dit avec humilité :

_ Je n'ai pas négocié, je les ai écouté. Voilà ce que nous enseigne la voie du Cœur.

_ Ils vont repartir ? Demanda inquiet Fradel en venant proche de Galro.

_ Non, ils nous rejoignent.

Non loin, Tilbar eut un rictus de rire qui lui tordit la bouche. Les croisés n'en revenaient pas, ils allaient être alliés aux orques, ces barbares de l'ouest contre lesquels ils avaient mené maintes croisades. Lorsque Galro retira sa main, Junar se releva abasourdi parce qu'il venait d'entendre. Ignorant si ceci était une preuve de la sainteté de son maître, ou au contraire l'ultime blasphème, il demanda confus :

_ Quels sont vos ordres, Ô grand saint Galro ?

_ Ouvrez les portes, donnez leurs vivre, eau et gîtes. Ils ont effectué un voyage éprouvant pour venir à nous.

_ Et les espions de Kaös ? Les pièges dissimulés ?



Galro se tourna vers la grande porte. C'était un risque certes, mais il ne voulais plus jouer le jeu du Grand Ennemi.

_ Nous tenons probablement nos alliés les plus fidèles si nous les traitons bien, reprit le meneur des armées. Kaös nous a tendu ce piège pour cette raison précise, il cherche à nous diviser. Ne nous laissons pas berner par la méfiance, laissez-les rentrer.



À ces instructions, la grande porte fut ouverte, et les réfugiés comme les orques entrèrent dans le bastion. La vision de ces peaux grises déambulant parmi eux laissa la population suspicieuse, l'elfe noir les guidaient à travers la ville tel un héro de bataille. Lorsque Warda descendit de sa monture, les civiles des royaumes ravagés accoururent à ses pieds et se prosternèrent devant leur sauveur. L'enfant avec le chevalier de chiffon s'avança et l'elfe noir le prit aux bras, le soulevant au-dessus de lui triomphalement. Les éclats de rire résonnèrent, au loin Galro admira la scène. Il ne voyait plus un monstre, il voyait un messie. Il sourit sur le coup de l'émotion. Loin était l'époque où il le traquait, leur dernier duel remontait à plus de deux ans, mais c'était littéralement comme si des décennies s'étaient écoulées à ses yeux, tout avait changé. Warda était un ange noir, celui qui lutte contre sa propre nature pour sauver l'amour. Il retourna au temple, escorté de sa suite ecclésiastique.



Lorsque Warda fut amené à l'intérieur d'une demeure, il fut étonné par la taille de l'édifice. Il avait l'impression d'être dans un palais. Une cheminé brûlait des bûches, une marmite en ébullition bouillonnait au-dessus du feu. Jaron avait été envoyé dans une écurie après que l'elfe se soit porté garant de lui. Garak avait tenu à rejoindre Warda, ainsi qu'Usharr qui adressa une prière à la maison. La famille qui les logeait était composé d'un père, d'une mère et de cinq enfants, deux filles et trois garçons. Les habitants regardèrent d'abord avec suspicions les invités, mais tentèrent de se montrer pour autant courtois.

_ L'eau à l'étage est chaude, vous pouvez utiliser la bassine pour vous laver, dit la femme.

L'orque ne comprit pas immédiatement l'intérêt d'un tel rituel, mais Usharr s'approcha de Garak et lui dit :

_ Vous ne devez pas refuser un cadeau, ils vous accordent l'hygiène de la maison, le moins que vous puissiez faire c'est rendre hommage à ce bain. À vous l'honneur, sire orque.

_ Je vais vous guider, dit la femme. Suivez-moi.

Garak haussa les épaules et s'y contraint, montant difficilement les escaliers tant ils étaient étroits pour lui. Il se cogna même au plafond, ce qui décrocha un rire des enfants. Warda déposa Algazalm à coté de la cheminé, l'arme aux dimensions épiques attira l'attention des plus jeunes. L'homme regarda l'arme et dit d'un ton interrogateur en voyant la relique :

_ Je n'ai jamais vu une arme aussi démesurée. Que voulez-vous tuer avec ? Des vouivres ?

_ Elle a une sombre histoire, répondit Warda en s'asseyant sur une chaise grinçante. Je préfère éviter de la raconter.

_ Vous êtes unique, reprit le maître des lieux. Vous parlez, vous portez des vêtements, et vous avez sauvé tous ces gens. Si un jour j'avais raconté que j'abritais un elfe noir sous mon toit, on m'aurait excommunié en d'autres circonstances.

_ Pourtant c'est le risque que prit mon père quand il me recueillit, ainsi que ma mère, je ne serais pas le même elfe sans eux. Je serais certainement une bête sauvage j'imagine.

_ Votre histoire m'a touché, reprit Usharr. Je n'aurais jamais cru de la bouche d'un autre que toi, mais tu semble guidé par une grande destinée.

_ Je n'aime pas le destin, répondit Warda en enlevant ses gantelets. Le destin est l'excuse des faibles qui refusent de voir leurs fautes. Je veux faire mes propres choix.

L'hôte fixa les deux hommes en allumant sa pipe, il alluma le tabac et inspira une profonde bouffée. Il finit par dire :

_ J'ai entendu parler d'un paladin phénix qui a été tué au nord de l'Étale. Par un elfe noir.

Warda regarda l'homme, il décida de chasser de son esprit sa frustration et décida d'être honnête.

_ Oui, c'était moi.

_ Pourquoi ? Demanda le patriarche.

_ Laissez-le en paix, interrompit Usharr. Je comprend votre curiosité, mais pour lui c'est un souvenir douloureux.

Warda resta silencieux, fixant la flamme. La lueur d'or, la forêt, sa maison en flammes dans le lointain. Le visage implacable du chevalier blanc en pleine frénésie. Le festin des porcs, l'odeur du sang.



Il resserra le poing, puis commença a enlever son armure. Il n'était plus qu'en cottes de mailles, il fit glisser ses doigts dans l'entaille de son armure. La blessure que lui avait infligé Galro. L'hôte de la maison commença à s'impatienter et finit par s'écrier, sans pour autant lever la voix :

_ J'ai le droit de savoir qui j'héberge. Je vous rappel qu'un orque est en train de se baigner dans la bassine familiale et que l'assassin du père de notre Prophète, ou Commandant suprême des armées, ou je ne sais quoi, partagera mon couvert.

_ Il m'a lui-même raconté son histoire, reprit l'Éclad, je comprend votre inquiétude. J'avais moi-même des enfants à une époque, mais ils me furent pris...

_ Kaös ? Demanda le propriétaire des murs.

_ Non, répondit l'Éclad en croisant les bras, il fixait dorénavant l'âtre du feu. Des bandits, des vauriens. Tout ça pour quoi ? Quelque pièces !

_ Vous les avez vengé ? S'enquit le Grenthenalais.

_ Vengé ?

Usharr se mit à rire. Il se réajusta sur son siège, et vit le regard des enfants peser sur lui. Alors que le père était surpris de la réaction du nomade, Usharr reprit.

_ Vous les Étalens êtes instruits à la vengeance dès le plus jeune âge, la justice ou tout autre acte qui vise à renvoyer le mal sur autrui. Ceci ne correspond pas à notre mode de vie. J'ai enterré dignement ma femme et mes enfants dans le désert, et j'ai prié la clémence de toucher ces fous pour qu'ils changent. Mes prières ont été entendues, car j'ai appris des années plus tard que ces hommes étaient devenus des bénévoles en repentir. Dorénavant ce sont eux qui sauvent des vies face aux racailles.



Laissant dubitatifs les Étalens, le père reprit une bouffée de fumé de pipe. Il contempla le marchand du désert et dit simplement :

_ Vous les avez vraiment laissé partir ? Juste comme ça ?

_ À quoi bon verser d'avantage de sang ? La vie en Éclad tant que nous ne vivons pas en bord de mer est assez dur comme ça, les tuer ne m'aurait pas ramené mes enfants. Et vous ? Avez vous déjà vu ressusciter un homme à partir d'un cadavre ? Seuls les nécromanciens croient ces balivernes !



Sur ces paroles, le sage des sables se leva et saisit la pipe de son interlocuteur et la jeta dans les flammes. Furieux, le Grenthenalais cria de colère, mais Usharr lui dit :

_ Je vous sauve la vie. Le tabac tue, c'est l'un des péchés vicieux que l'on nous enseigne d'éviter. Grâce à moi, vous vivrez longtemps.

Aussi surpris qu'impuissant, le père regarda sa pipe alimenter le bûcher, bien qu'il sentait l'envie de fumer il ne put que reconnaître l'infini sagesse de son invité. La femme redescendit accompagné de l'orque, enroulé dans un tas épaisse de fourrures à défaut d'avoir des vêtements à sa taille. La matriarche dit à un son mari agacée :

_ Nous n'avons plus de savon !

_ Comment ça ? S'enquit l'homme de maison. Il était neuf !

_ Notre invité l'a mangé.

À ces paroles, Garak haussa les épaules, visiblement troublé de son expérience. Usharr en rit, et fouilla dans son sac. Il en sorti un cube finement ouvragé, avec un sceau à l'effigie de l'ibis.

_ Ne vous offusquez pas madame, monsieur, j'ai la solution à tout. Voilà de quoi vous dédommager, ce savon est de bien meilleur qualité que les vôtres, cela devrait compenser votre perte. Il n'a pas du tout saisir du concept de « bain ».

_ J'en suis navré, reprit Garak avec sincérité. Je pensais que c'était un bout de lard.

Warda se moqua gentiment de lui, il lui tapota dans le dos et lui dit qu'il lui expliquerait comment on prend des bains.

_ Quand je vivais dans les bois je me savonnais à coup de charbon, ce n'était pas le mieux mais c'était tout ce que j'avais.

_ Détrompez-vous jeune elfe noir, lui répondit Usharr, le charbon est un excellent remède contre la saleté. Regardez mes dents !

Il sourit et dévoila une belle rangée de dents blanches écarlates. Même l'elfe ne pouvait se venter d'avoir une aussi belle dentition. Alors que Warda demanda son secret, l'Éclad répondit :

_ Du charbon, tout simplement. Je me brosse les dents avec régulièrement, après chaque repas. Et je bénie mon hygiène de me préserver des fléaux inhérents à la vie.

_ Fascinant, dit Warda en se levant. Je vais prendre le prochain bain, ne vous inquiétez pas madame, je ne mange pas le savon.

Sous le regard vigilant de la femme de la maison, le guerrier sombre monta les marches jusqu'à l'étage, le bloc de savon d'Usharr en main. C'était la première fois qu'il voyait l'intérieur d'une maison à étage. Si le rez-de-chaussé était composé d'un immense salon, une cuisine et une salle à manger, l'étage était bien plus fonctionnel. Deux chambres, celle des parents et celle des enfants, un bureau et la salle de bain. La salle d'eau était garni d'un miroir, d'une bassine où les trois quart de l'eau fut renversé par terre, d'un paravent, et d'une petite table basse où les serviettes de la famille étaient entassées. Les hôtes devaient être immensément riches, jamais Warda n'avait vu pareil démonstration de fortune. Malgré le confort, son arbre en tour lui manquait. Non, c'était Lindilla qui lui manquait. Il se débarrassa de de sa maille, de sa ceinture et de son pantalon. Ses bottes étaient encore couverte de poussière, de boue et d'autres crasses. Il décida de faire l'entretient de son armure dans ce rare moment de répit. Mais priorité à lui-même, il plongea son corps nu dans le peu d'eau restante. La chaleur le plongea dans un intense moment de relaxation, le froid et l'humidité des cachots lui avait fait oublier ce qu'était un vrai repos. Il se saisit d'une serviette humide, et frotta sa peau. Au moment où il arriva à sa poitrine, il remarqua quelque chose. Il était habitué à voir les arabesques sur son épiderme, mais celle-là était nouvelle. Il se releva et s’ausculta en face du miroir. Une nouvelle glyphe couvrait son cœur. Ou du moins, il ne l'avait jamais remarqué. Un œil dont la pupille était un dragon enroulé sur lui-même, et une larme en coulait sous la forme d'une flamme. Quelle était sa signification ? Et comment était-elle apparut ? Il n'avait aucun souvenir de cette marque. Il posa sa main dessus, puis il eut un vertige.



Une présence. Non ! Deux. Deux êtres à la grandeur gigantesque dont l'aura enveloppait le monde. Des esprits omniprésents, il eut une vision accordée par ces entités. Il vit le chevalier noir de la montagne qu'il avait aperçut il y a deux ans, dans un trône au milieu d'une salle vide. Warda n'était pas seul, deux personnes l'escortaient. Ensemble, ils faisaient face à Lui, et ils reçurent une révélation à la signification mystique qui changerait leurs vies à jamais. Puis un autre flash.



Il était debout, au bord d'un lit, un jeune garçon aux cheveux blancs et aux yeux rouges était blottit dans ses couvertures. Warda prenait la parole et dit «  Aujourd’hui mon fils, l’heure est venue que tu apprennes quelle est l’histoire de nos ancêtres. Grâce à leur sacrifice, nous pouvons marcher sur cette terre et sentir ses fleurs. »

La vision cessa.



Il se rendit compte qu'il était allongé au sol, inerte, il se releva difficilement et regarda sa main. Il était convaincu de caresser des cheveux en cet instant précis. Bien qu'abasourdi, il se rappela qu'il prenait un bain juste avant, il devait finir sa toilette. Mais il resta troublé par ce rêve.



Pendant ce temps là, Usharr prit un instrument dans ses affaires, un petit oud richement décoré. Les enfants s'approchèrent, et l'homme du désert commença à jouer quelques notes.

_ Ceci est le chant de bénédiction de la nuit, écoutez attentivement, cette berceuse vous accompagnera toutes vos prochaines nuits.



Il inspira profondément et commença à chanter son hymne, la chanson traditionnelle était douce, délicate et envoûtante.

« Ôooo Nuit ! Ôoooo nuit !

Je plonge dans l'oubliiii !



Nous festoyons pour toi

Au moment où ton astre est roi,

Savourant les somptueuses épices

Cannelle, safran et réglisse



Nous te glorifions de nos songes

Emportés dans les royaumes du mensonge

Trompés par nos esprits engourdis,

Nous nous éloignons de la voie d'Adi



Ôooo Nuit ! Ôoooo nuit !

Je plonge dans l'oubliiii !



Accorde nous ton repos mérité,

Nous qui avons souffert la terrible vérité

Celle de la vacuité de nos actes passés,

Lors des rudes journée trépassées



Sous le ciel étoilé où brillent les diamants enchantés

Nous humbles voyageurs en route vers les lointaines contrées

Nous t'implorons de nous montrer la route de l'Élisée

Le chemin qui nous guidera à la terre sanctifiée



Ôooo Nuit ! Ôoooo nuit !

Je plonge dans l'oubliiii ... »



Le musicien s'interrompit en voyant Warda descendre les escaliers, vêtu d'une toge de lit qui lui allait juste. Voyant que les enfants étaient sur le point de sombrer dans le doux sommeil réparateur, Usharr déposa son oud. Le guerrier sombre s'assit aux côté de Garak, puis le nomade se leva à son tour.

_ Encore merci de votre accueil, Ô nobles hôtes.

Usharr monta à l'étage, et disparu.

La femme s'approcha de la marmite, humant le délicat parfum de la soupe.

_ Elle est bientôt prête, conclut-elle. Les enfants ! On s'active, préparez la table pour nos invités !



La famille s'activa, pendant que les deux camarades fixaient les flammes. Garak fut le premier à prendre la parole :

_ Tu n'étais pas obligé de rejoindre cette guerre.

_ Et toi ? Renvoya l'elfe noir. Je fais mes choix, je ne me laisse manipuler par aucun destin.

_ Tu as bien raison, reprit Garak avec un léger sourire, nous avons chacun nos raisons. Pour ma part, je veux réparer quelque chose de cassé. Je veux restaurer l'honneur de mon peuple. Et toi, qu'est-ce qui te motive ?

La vision de Lindilla ranima une flamme dans le cœur de Warda. Il voulait la voir, une dernière fois. Puis le rêve de cet enfant qu'il berçait. Cela le perturbait.

_ Moi aussi je veux réparer quelque chose de cassé. Il y a quelqu'un que je souhaite revoir, j'ai déjà affronté une armée une fois pour y parvenir, je recommencerais autant de fois qu'il le faudra pour y parvenir.

_ Je vois...

L'orque contemplait l'âtre, il y voyait son futur. Un futur auréolé de soleil, un avenir où son peuple n'aurait plus à vivre dans les coins les plus reclus du monde. Un monde en paix.

_ Est-ce une femme ? Demanda Garak en bousculant légèrement de l'épaule son camarade.

_ Garak ! Rétorqua Warda un peu intimidé.

_ Allez ! Lâche le bout de gras, c'est une femme, n'est-ce pas ?!

Pris au piège, Warda s'avoua vaincu et finit par l'avouer :

_ Oui, Lindilla. C'est compliqué, mais c'est en partie à cause d'elle que nous nous sommes retrouvé.

_ Comment ça ?

Les souvenirs refirent surface. D'abord le doux baiser dans les cachots de Taläsna, Lindilla était la première elfe à lui accorder toute sa confiance, elle avait vu au-delà de sa couleur de peau, elle avait vu le cœur caché à l'intérieur de la bête. Puis, Galaran lui revint, quand il l'avait fait venir à lui avec son chant.

_ J'ai sauvé sa vie, et elle a sauvé la mienne, mais quelqu'un nous a dupé... Le prince noir. Il a fait croire que j'ai assassiné les gardes pour...

Sa voix se tut, il était incapable d'aller plus loin. L'héritier de Thaarg regarda Warda, il ne comprenait pas. Le cœur de Warda était lourd. Il sentit une large paume de main s'appuyer sur son épaule. L'elfe leva les yeux vers son ami, il se sentit rassuré par la présence du géant gris.

_ Lindilla a cru que je l'ai manipulé pour compromettre son mariage. Elle a demandé à me faire exécuter.

Garak ne prononça pas un seul mot pendant plusieurs minutes. Il baissa les yeux et posa ses mains sur ses genoux. Il scruta le feu et finit par dire :

_ Je sais ce que c'est de se faire briser le cœur par celle en qui on croit le plus.

La révélation surpris Warda, et pesa lourdement sur ses épaules. Il tourna à son tour les yeux vers la cheminé, voyant danser les flammes.

_ Tu iras la revoir ? Demanda Garak.

Le guerrier sombre réfléchit, il hésita. Bien qu'elle était la femme pour qui il renverserait des légions entières, c'était elle aussi qui l'avait fait emmener en royaume des os. Certes, elle avait été manipulée par Galaran, mais c'était elle qui l'avait trahit. Serait-elle ne serait-ce qu'heureuse de le savoir toujours vivant ? Rien n'était moins sûr, si ça se trouvait elle était déjà mariée. Cette pensée... le fit bouillir de rage.

_ Je ne pense pas, finit par répondre Warda. Je ne suis qu'un démon.

_ Un démon ? Ria Garak en tapottant sur l'épaule de son interlocuteur, puis il réalisa la pesé des mots. Un démon ?

Warda garda le silence. Il était hanté par les fantômes de tous les hommes qu'il avait tué au cours de sa vie. Tous réclamaient vengeance. Le premier, le père de Galro, tenait sa tête dans ses bras, et le jugeait de ses crimes.

_ On m'a toujours appelé ainsi, reprit finalement Warda. Ce doit être vrai alors.

_ Balivernes ! As tu vu les exploits que tu as accompli ? Réalises tu ne serait-ce que de tout ce que tu as fait ? Tu n'es pas un démon, crois moi, bien au contraire !

_ Que penses-tu savoir de ce que j'ai accompli ?! Renvoya furieux Warda. Je suis sali du sang de mes victimes, toutes les nuits elles viennent me tourmenter, me hurler de rage dessus ! Je n'ai jamais de répit, je suis maudit !

Il montra son bras et sa peau, constellé de glyphes. Il les désigna bien.

_ Quand elles deviennent rouges, je deviens incontrôlable. Je peux sentir un tambour de guerre résonner en moi, un appel au carnage sans limite. Une fois que ma peur devient trop grande, je ne cesse de massacrer jusqu'à étancher ma soif de mort. J'ai tué maints innocents à cause de ça, je n'ai pas pu m'empêcher de les massacrer. Tu n'as aucune idée de l'horreur que de voir, mais d'être esclave de la volonté d'un sortilège antédiluvien.

Garak resta stoïque, mais garda un calme olympien. D'un seul coup, Warda sentit l'aura meurtrière de Garak peser sur lui. Il réalisa qu'il n'était pas humain non plus, l'orque dévoila à son tour son bras, il était couvert de cicatrices.

_ Des traces de mes combats. J'ai affronté des bêtes, des hommes... des orques. J'ai autant, voir plus, de sang sur mes mains que toi. Tu tue lorsque tu perd le contrôle, moi je dois lutter tous les jours de mon existence depuis ma naissance. Le meurtre est ma destinée, nous sommes une race guerrière. Ne te penses pas unique, bien plus que n'importe qui que tu as déjà connu je sais ce que c'est que de brandir une arme ne serait-ce que pour voir le soleil se lever une nouvelle fois. Rappelle toi de ce que nous avons mangé dans le désert. Tu aurais pu faire parti du festin si je n'avais pas vu en toi l'être que tu es vraiment.



Le poids des paroles de Garak écrasèrent l'animosité du guerrier sombre. Lui qui se pensait centre des malheurs du monde vit à travers son partenaire un reflet de lui-même, voir encore plus sombre. Il réalisa l'horreur du cannibalisme qu'il avait pratiqué pendant des jours dans le désert, voir des semaines. Il est vrai que s'il n'avait pas été mangé lui-même, ce n'est que par la volonté pure de Garak. En d'autres circonstances, ils l'auraient purement et simplement dévoré.



Puis Garak reprit son discours :

_ Tu es le seul qui, dans un désert, privé d'eau et de nourriture, a guidé tout un peuple vers les vertes prairies d'Étale. Tu ne l'as pas fait en attendant une récompense, ni même la moindre gratification, tu l'as fait car tu voulais laver tes mains du sang. Et tu sais quoi ? Tu y es arrivé ! Toi seul y es arrivé! Tu as de quoi être fier ! Tu n'es pas un démon, tu es un héro.



Ces paroles réconfortèrent Warda, il sentit son ego gonfler et réalisa enfin qu'il n'avait pas seulement arraché des vies, il en avait aussi sauvé. Il se rappela de l'histoire des bandits qui avaient massacré la famille d'Usharr, il était comme eux, en quête de rédemption. De véritable monstre il était devenu un exemple à suivre, cela le laissa perplexe. Il songea ensuite à ce que le chef orque avait dit plus tôt : Lui aussi avait été trahit par celle qu'il aime. Il lui demandera une autre fois de raconter cette histoire. Le choc des porcelaines et des couverts en fer retentit, la salle à manger s'apprêtait à accueillir les compagnons. Bien plus rapide et bien plus efficace que les deux précédents voyageurs, Usharr descendit, il avait une tunique à motifs floraux complexe, il était bien plus élégant qu'eux, voir il aurait pu rendre jaloux l'hôte. Il sentait bon, et sa barbe jusqu'à présent négligé était enfin taillée, lissée et sa moustache bouclait élégamment par-dessus ses lèvres. Un parfum poivré envahissait la pièce, avec une légère touche de menthe. Celui qui aurait paru pour un barbare semblait d'un seul coup plus raffiné qu'un bourgeois. Sa prestance ne manqua pas d'épater la galerie. Il regarda ses congénère et fini par demander :

_ Qu'avez-vous à me fixer comme ça ? Vous n'êtes pas habitué à voir un Éclad sous ses plus beaux atours ?

La famille et les deux non humains rirent de bon cœur, et après qu'Usharr remercia le Repas de les rassasier, il se pencha par-dessus la soupe trônant au centre de la table et se permit de s'adresser à la cuisinière.

_ Votre soupe a l'air fort onctueuse, le choix des légumes est bon et le sel bien dosé. Mais si vous me permettez, madame, je pourrais l'améliorer sans pour autant altérer la recette. Prenez ceci comme mon offrande envers votre famille.

_ Épatez-moi alors. On a jamais assez de surprise.

_ Je vous remercie.

L'Éclad sortit de ses poches une petite besace. L'odeur était forte, cela faillit faire éternuer l'un des jeunes garçons. Il en prit une minuscule pincée et la mélangea à la soupe. Il referma sa petite bourse et la tendit au propriétaire de la maison.

_ Un des nombreux bienfaits de mon ancienne patrie. Je vous l'offre, Ô hôte bienfaiteur.

La soupe prit une teinte bien plus orangée, l'intensité de ses couleur était bien plus vive. Les membres de la famille restèrent circonspects, mais la femme servit néanmoins le repas. Lorsque les bols furent remplis, les invités et les hôtes constatèrent qu'en plus des légumes, la soupe avait prit une nouvelle saveur. Piquante, relevée, et soudainement apaisante, le festin n'en fut que plus grandiose. Durant tout le dîner, les compères racontèrent leurs aventures, sous le regard attentif des enfants.





















Laisser un commentaire ?