La prophétie du roi déchu: Le seigneur oublié
Chapitre 22 : Apparitions
Aux aurores, le cor sonna dans les rues, l'appel aux armes fut lancée. Les guerriers orques et humains, se levèrent, prêts à recevoir les ordres. Lorsque Warda entendit le vacarme, il réveilla Ushhar et Garak, bien que cela s'avéra inutile, ses deux camarades étaient déjà prêts. En silence, ils quittèrent la maison sans réveiller leurs hôtes. Garak était imposant avec sa nouvelle armure, une cottes de maille en écailles robuste ornée de fourrure et de plumes, Warda le reconnaissait à peine sous ces atours. Ushhar quand à lui n'avait que de simples vêtements qui, certes étaient élégants, mais inadapté au combat. Il avait gardé néanmoins un cimeterre rustique, il avait dû récupéré lorsque les suivants de Warda avaient rejoins les orques. Il portait un sac à dos, transportant probablement des ustensiles qui s'avéreront indispensable pour le voyage.
_ Tous au Temple ! Hurlait le crieur. Nous allons accomplir la cérémonie de la croisade, tous au Temple !
_ Une cérémonie ? Demanda Garak au petit homme. Quand nous allons à la guerre, juste nous marchons, c'est tout.
_ Pas de question, ordre du Commandant Suprême !
Visiblement agacé par tant de manières, Garak suivit la horde. Il finit par retrouver sa propre tribu, Nurtag avait visiblement la gueule de bois, il avait dû abuser de la boisson. Brentark et Dourgen firent des accolades à leur meneur, Gartërn se contenta de les suivre.
Une fois rassemblés devant l'immense Temple, le Commandant Suprême Galro admira la foule face à lui. Étalens, hommes de l'ouest et orques le regardaient, les fanions des différentes nations flottaient aux vents. Un chœur de jeunes frères l'Ordre entama un chant, priant pour le salut des âmes des braves qui tomberont. L'orgue du temple joua ses notes de musiques sacrées, le sol trembla sous la puissance de son souffle. Quand l'instrument titanesque cessa, Galro prit la parole.
_ Guerriers de tout horizon, braves d'Étales et de contrées lointaines, anciens adversaires, je salut à tous la bravoure dont vous faites preuves aujourd'hui. J'avais supplié de l'aide, et Dieu dans son infinie miséricorde me l'a octroyé à travers vous. Merci ! Merci à chaque soldat d'accepter de rejoindre ce combat. Nous ne combattons pas pour des terres, nous ne combattons pas pour un trône. Non ! Nous combattons pour notre monde, pour les vies que nous chérissons, nous nous battons pour Natal ! Notre Ordre a été créé dans ce but précis, affronter les ténèbres quand elles sont les plus noires. L'heure est venue ! Les légions de l'Arbre noir marchent sur la Guiogne, et assiègent Sintraë. Nous leurs porterons secours, nous écraseront les fidèles de l'Obscur. Le danger est grand, mais la victoire est une nécessité absolue. Soyez tous bénis par le Cœur en ce jour. Recevez les saintes bénédictions, soyez pardonnés de tous vos péchés, l'heure n'est plus à l'amertume, l'heure est à l'héroïsme. En route ! En route vers le nord, allons accomplir notre serment, le jour est arrivé !
Les armées face à lui l'acclamèrent, et les osts de la lumière se mirent en marche. Alors que les bouchons s'entassaient à l'entrée des jardin, Galro commença à rentrer vers le Temple. Tilbar le rattrapa et lui demanda :
_ Qu'est-ce que tu fabrique ? Nous avons une guerre à mener !
_ Rien ne sert de se presser, j'ai une dernière affaire à régler. Je ne serais pas bien loin, guide les hommes, je n'en ai que pour un bref instant.
Dans le Temple, Galro rejoignit la chambre de Nardel. Celui-ci était dorénavant assis sur le rebord de son lit, le regard dans le vide. Lorsque son maître rentra dans sa chambre, il voulut se lever pour se prosterner, mais la force lui manqua. Galro le rattrapa et l'empêcha de tomber.
_ Cesses donc ces manières Nardel, intima l'ancien paladin. Je suis content que tu te soit rétabli, depuis combien de temps es tu levé ?
_ J'ai retrouvé des forces, répondit Nardel sur la défensive. Que dois-je accomplir pour votre grandeur ?
_ Juste t'asseoir et m'écouter, dit Galro sur un ton apaisant.
Le jeune homme se posa sur le bord de son lit, il tentait d'éviter de croiser le regard du Commandant. Quelque chose était brisé en lui, c'était clair. Galro s'en voulait de l'avoir mit dans un tel état. Il s'assit à son tour, regardant son subordonné, il était affaibli depuis qu'il s'était châtié lui-même. Pas seulement physiquement, mais aussi psychologiquement. D'un instinct paternel, il lui caressa les cheveux et lui dit en douceur :
_ Je suis désolé Nardel, je n'aurais pas dû te dire ces choses horribles.
_ Votre parole est divine, votre Flamboyance, je n'ai pas le droit de la remettre en question.
_ Pourtant... c'est toi qui avait raison.
Le jeune valet regarda surpris son maître, les yeux rouges et écarquillés. Hésitant, Nardel finit par demander :
_ Qu'avez-vous fait votre Splendeur ?
Galro rit, il lâcha Nardel et mit ses mains jointes sur ses propres jambes, pensif. Il répondit enfin :
_ Je vais épouser Mélénia.
Choqué par ces paroles, Nardel fixa le miroir face à lui. Il déglutit et demanda d'une voix tremblante :
_ Et... Votre femme... Ilada, elle attend un enfant de vous.
_ Oui. Je me suis laissé trompé par mes sentiments, reprit Galro en tournant son regard vers son plus fidèle ami. Tu avais juste, mon devoir dépasse ma simple personne, je dois être un modèle, je vais renoncer à elle.
Affligé, Nardel serra les pans de sa tunique, lâchant une larme, il se courba tant il avait mal à la gorge. Il avaiyt l'impression que cette décision de Galro était de sa faute.
_ C'est injuste ! Dit Nardel attristé.
_ C'est nécessaire, le reprit Galro.
_ Vous l'aimez ! Vous auriez pu être heureux, vous allez vraiment tout lâcher pour un trône ?
Galro marqua un silence tandis que Nardel le fixait dorénavant. Le jeune domestique pleurait dorénavant, il sentait le poids de la culpabilité, il se sentait fautif des malheurs de son maître. Il ne voulait pas en arriver là. Furieux, Nardel se jeta sur Galro, le frappant sur la poitrine, déversant le torrent de son chagrin sur lui.
_ Pourquoi renoncez-vous au Cœur ? S'énerva le jeune rouquin.
_ Je veux la protéger, et protéger le monde. Je veux que mon fils puisse marcher et sentir ses fleurs. Quitte... à l'abandonner.
Le chef militaire encercla Nardel de ses bras, le serrant contre lui, profitant de cet intimité pour lui montrer cette facette de tendresse qu'il ne dévoilait que dans de rares moments. L'adolescent se blottit, oubliant les étiquettes. D'une voix douce, Galro glissa à l'oreille de Nardel quelques mots.
_ Je te donne une dernière instruction, toi, mon plus fidèle agent de l'ombre. Je veux que tu veille sur Ilada, trouve une sage femme, elle quand elle donnera vie, fuis vers le nord. Retrouve Lanor Elma, c'est un haut elfe qui est un de mes acolytes. Il saura quoi faire, je veux qu'avec lui tu élèves mon miracle, loin des souffrances, loin de la folie des hommes.
Galro écarta son valet un bref instant pour lui faire face. Il était lui-même affligé par le chagrin, il savait qu'il renonçait à la paternité qu'il avait rêvé. Il plongea son regard dans les yeux humides de son fidèle serviteur et lui dit :
_ Je pars en guerre. Je vais probablement mourir en sauvant la Guiogne. Il est fort probable que je ne rentre pas. Soit fort, soit digne. Accomplie mon ultime volonté, parce que je sais quel est le lien qui nous unit, je sais que tu ferais tout pour moi. Tu n'es pas un simple valet, tu es celui qui verra mon enfant grandir. Soit le père que je ne serais jamais.
Il lâcha Nardel, se releva et tourna le dos. Le jeune garçon sentait le lourd poids des responsabilité dont le chargea Galro. Son Prophète, Sa Flamboyance... Celui qu'il aime partait combattre la Grande Némésis. L'ancien paladin repartit du Temple, mener ses hommes à la guerre, le cœur lourd. Le garçon pleura, car il avait à son tour brisé Galro.
Le commandant suprême rejoignit la tête du peloton au galop, à son arrivée Junar l'interpella, inquiet :
_ Où étiez-vous passé messire ? Nous pensions que vous nous aviez abandonné à peine le départ sonné.
_ J'avais une dernière affaire à régler, dit l'ancien Prophète. Rejoignez les rangs paladin phénix Junar. Économisez votre énergie, la route promet d'être longue. Nous allons en Sintraë, nous allons les libérer des sièges dont ils sont victimes.
Galro lança un regard en arrière, il vit les innombrables croisés, soldats et guerriers orques marcher en cadence. Ils venaient de sortir de la ville, dorénavant ils faisaient face au nord, un nuage noir les menaçaient au loin. Les soldats de l'Église entamèrent un chant religieux, louant la force du Cœur et du Phénix, que le grand Créateur les protège de sa main gardienne. Le rythme des tambours cadençait la marche, les troupes étaient galvanisées par les versets des saintes écritures. Galro venait de rassembler l'une des plus grandes armées sur tout Natal, rien ne pouvait les arrêter.
Warda chevauchait Jaron, le loup géant regardait avec méfiance les croisés de l'Ordre, qui lui renvoyèrent le même regard empli de dédains.
_ Nous avons vraiment rejoins ces vauriens ? Demanda le grand canidé à son chevaucheur.
_ Garde ton calme ! Ordonna Warda tout en scrutant la tête de la marche. Nous avons besoin d'eux, et eux de nous. Moi aussi j'ai de mauvais souvenirs, ils nous ont tout pris. Mais aujourd'hui nous devons nous serrer les coudes, nous combattons un ennemi plus puissant que les croisés eux-même.
La marque sur sa poitrine lui faisait mal, il sentait une présence indésirable à l'intérieur, l'écho d'une voix caverneuse. Les murmures d'un seigneur de l'ombre. Mais les deux consciences en lui l'écartaient, cette sensation d'être habité le troublait. Qui étaient-ils ? Pourquoi tout était si différent dorénavant ? Il prit le chevalier de chiffon, l'enfant qu'il avait amené en terre sainte lui avait donné avant son départ. Il était sale, couvert de sang et de poussière, mais sa présence était réconfortante. Il comptait pour les gens maintenant, il n'était plus un être nuisible, il était un guide. Les rescapés avaient rejoins pour la plupart la grande armée de Galro, car là où l'elfe noir allait, ils le suivaient. Cela le gonfla de fierté, mais avait peur pour chaque vie qui l'accompagnait. Beaucoup mourront, mais c'était un prix que ses fidèles avaient accepté de payer. Un homme à cheval lui toucha l'épaule et lui dit :
_ Ne t'inquiète pas Warddan, tout va bien se passer.
Avant que l'elfe ne puisse lever les yeux, l'homme l'avait doublé à vive allure malgré la densité de soldats. Il crut reconnaître la silhouette... Il se frotta les yeux, l'inconnu avait disparu.
Il se retourna et vit Ushhar, oud à la main, à bord d'une calèche de provisions. Il jouait un air de musique liée à sa contrée d'origine. L'homme du désert lui demanda :
_ Quelque chose te trouble ?
_ Non, mentit Warda. Juste... Ah laisse tomber ! J'avais cru voir quelqu'un.
Le nomade haussa des épaules et reprit son morceau. Bien que le guerrier sombre ne comprenait pas le sens de ses paroles, la chanson était réconfortante. Le soleil brillait à l'est, ils avaient encore une longue route.
La journée passa, une longue marche fut effectuée, le soleil couchant, Galro décida de sonner la halte. Ignorant les ordres, les orques continuèrent de marcher, Garak en tête. Le grand seigneur orque chevauchait un fauve des plaines, un Raas, cela intimidait le chef des croisés mais cela ne l'empêcha pas de l'interpeller :
_ Seigneur Orque ! Hurla Galro à l'intention de Garak. Nous faisons halte, pourquoi continuez-vous ?
Le grand orque massif tira sur ses rênes, stoppant son immense monture. Il fit fasse à Galro, sous son casque dans une pareille obscurité on l'aurait prit pour un démon. Sa troupe ne cessa pas pour autant de marcher, sous le regard médusé des croisés. Garak s'adressa au commandant suprême :
_ Vos hommes sont déjà fatigués ? Nous, peuples d'au-delà du sable, avons l'habitude des longs trajets. Nous pouvons continuer, reposez-vous si vous le souhaitez, nous, nous allons combattre.
_ Ce n'est pas comme ça que ça marche ! S'offusqua Galro en s'approchant du géant. Vous devez m'obéir ! Nous faisons halte !
Quand le futur roi d'Étale menaça le roi des orques, Nurtag s'interposa et dévoila ses énormes crocs.
_ Dois-je lui apprendre le respect Garak ? Demanda le colosse gris.
_ Non, je m'en charge !
Le bras droit de Garak s'écarta, et le meneur des orques se mit en face à face avec Galro. Si Warda était déjà imposant, la stature d'un orque adulte monté était une vision terrifiante. Le seigneur des hommes se sentit ridicule, rien que la main du sauvage pouvait lui broyer le crâne juste d'une simple pression.
_ Nous avons accepté de vous suivre, dit le chef de la horde, mais nous ne sommes pas vos soldats. Vous n'avez aucune autorité sur nous. Bien que nous réparons les erreurs du passé, nous n'avons aucune dette envers vous.
_ Vous avez idée au moins de qui est votre ennemi ? Demanda Galro avec une pointe colère dans sa voix. Partez seuls, et ils ne feront qu'une bouchée de vous !
Le seigneur orque ne réagit pas, il se contenta de s'écarter et de talonner sa monture, il reprit la marche, suivi de Nurtag qui grogna en direction des hommes. Warda commença à suivre les barbares, mais de nouveau, sa marque le brûla. Une vision : un bain de sang, sa bouche était inondée de sang, les orques massacrés à ses pieds. Une embuscade ! Il se pencha vers l'oreille de Jaron et dit :
_ Rattrape Garak, il faut que je l'avertisse !
_ Avertir de quoi ? Demanda Jaron.
_ J'ai... ah c'est dur à expliquer, je sens un truc pas net. Rattrape le !
Le loup géant accourut jusqu'au niveau de Garak et lui barra la route. Les clans orques s'interrompirent dans leur marche, et le chef orque interrogea l'elfe noir :
_ Pourquoi tu t'y met aussi ? Tu es fatigué ? Je te croyais plus endurant que ça !
_ Garak, tu prétends que nous sommes liés par le destin. Arrêtes ton convoie sur le champ, je t'en conjure !
Garak ordonna la halte et écouta attentivement.
_ Je sais que cela peut paraître étrange, reprit Warda, mais nous allons droit dans un piège en continuant. J'ignore comment je le sais, mais si tu continus, tu seras tué, ainsi que tous tes semblables.
Garak médita sur ses paroles, il regarda Gartërn qui acquiesça d'un signe de tête. Le grand orque se tourna vers ses frères et dit :
_ Nous allons nous reposer cette nuit, rejoignez les humains !
Les orques poussèrent des jurons, mais néanmoins obéirent. Alors que la horde rebroussait chemin, Garak se mit au niveau de Warda.
_ Tu es la personne la plus raisonnée que je connaisse. Dourgen est certes notre meilleur guide, mais toi, tu as quelque chose de plus grand. La nuit nous portera conseil, nous verrons si tu avais juste.
Alors que la nuit se faisait noire, les créatures sauvages retournèrent au camp des croisés, et instinctivement Warda regarda au nord. Deux silhouettes, un homme robuste et une femme l'épiaient. Ils disparurent dans les ténèbres.
Alors que les tentes furent dressées et les sacs de couchage installés, Warda rejoignit sa tribu orque ainsi qu'Ushhar qui cuisinait au centre d'un cercle. Une grande marmite bouillait, il en échappait une odeur appétissante. Les curieux s'approchèrent, épatés par la magie culinaire Éclad. Le marchand d'épice invita son camarade elfe noir à s'approcher pour s'asseoir, et continua de remuer son chaudron. Il avait une pile de citrons à côté de lui, d'un jaune vif éclatant.
_ Que nous prépare-tu cette fois-ci Ushhar ? Demanda Warda en le rejoignant.
_ Le festin des rois ! Ce plat était réservé à l'élite de mon pays, je connais la version plus humble aussi, mais je me suis dit que nous vivons probablement nos derniers jours, alors autant fêter ça !
L'odeur relevé du bouillon laissait deviner les ingrédients à l'elfe qui était devenu habitué à sa cuisine. Agneau, curcuma, légumes, kamoun, piment doux, gingembre, muscade... son nez s'était accoutumé à ces odeurs miraculeuses de son ami de voyage. Tandis que le mélange cuisait à feu doux, Ushhar se pencha au-dessus d'un immense plat remplit de grains aussi fins que du sable. Il coupa un citron en deux et aspergea de son jus acide le tas de grains, il ria en voyant la réaction de Warda et lui dit :
_ Pour cuir le grain. Le citron possède maintes vertus !
Il accompli le même rituel autant de fois qu'il eut de citron à portée. Il donna une louche à Warda et lui ordonna de mélanger les légumes et la viande.
_ Tu deviens dorénavant mon apprenti, s'exclama-t-il avec un rire décontracté.
Warda, durant son enfance, avait l'habitude d'éplucher les légumes avec Hélène. Il retrouva rapidement les réflexes de sa jeunesse, il goutta la sauce et commenta :
_ Il manque peut être un peu de cannelle.
Le vieil homme lui sourit et lui donna un petit sac, toutefois il le mit en garde.
_ Met seulement le nécessaire, cette épice est rare, il ne faut pas en abuser !
Attentif aux conseils du professeur, l'elfe noir en saisit juste une pincée et ajusta l'assaisonnement jusqu'à ce qu'il juge la préparation satisfaisante. Depuis qu'il mangeait les plats d'Ushhar, Warda se surprit à devenir gourmet. Bien loin des simples saveurs des asticots et autres cloportes. Quand le chef cuisinier finit de presser tous les citrons, il demanda au guerrier sombre de lui tendre une cuillère et goûta la sauce. Il sourit et dit avec admiration :
_ Tu rendrais jaloux ma femme si elle te voyait !
Il donna une tape derrière la tête de son ami, et les deux camarades rirent de bon cœur. L'homme de l'ouest saisit sa oud et dit :
_ En attendant que ça finisse de cuir, nous avons le temps de danser ! Yallah, tout le monde debout !
Les orques se levèrent, curieux de ce qui les attendait, et le musicien joua un air enjoué de son instrument. Instinctivement, Gartërn sortit un tam-tam et l'accompagna. Entraînés par la musique, les géants gris et l'elfe se mirent à danser sur la terre aride. Ushhar se mit à chanter, un air dynamique plein d'enthousiasme. Rapidement, attirés par la musique, les curieux rejoignirent la piste de danse, et des musiciens de tout horizon ajoutèrent leurs propres instruments. Ce qui aurait dû être une cacophonie était étrangement harmonieux, rythmé, envoûtant. Warda participait à une fête, pour la première fois de sa vie.
L'air entraînant n'échappa aux oreilles de Galro, malgré la distance. Mais lui-même n'était pas d'humeur festive. Il songeait à Nardel, Ilada et l'enfant qu'elle portait. Voilà un terrible fardeau qu'il avait donné à son serviteur. Il avait à peine touché son ragoût, Junar quand à lui semblait agacé par la musique.
_ Nous ne sommes pas à un festival ! S'écria t-il. Faites les taire !
_ Regagnez votre sang froid, dit Galro d'un ton calme. Laissez-les s'amuser, si cela leur permet de garder le moral.
_ Alors vous devriez les rejoindre, répondit Tilbar en ricanant. Vous faites une sale tête depuis notre départ. Vous devriez sincèrement vous détendre.
_ Comment le pourrais-je ? Nous allons affronter le Grand Ennemi. Je me sens responsable de chacun de vous.
Tilbar bouscula d'un coup d'épaule amical Galro tout en ouvrant une bouteille de Graïnbar.
_ Relâchez la pression messire ! Nous sommes assez grands pour prendre soin de nous, nous savons ce que nous risquons en vous rejoignant. Notre devoir n'est pas de nous tourner les pouces pendant que vous sauvez le monde ! Allez, santé !
Il servit une rasade dans deux gobelets, et en donna un à son maître. Fradel interrompit d'un air offusqué.
_ Nous devons garder l'esprit clair, Septième Paladin Phénix Tilbar. Certes vous avez le plus haut rang, mais vous devez montrer l'exemple !
_ Je le montre ! Répliqua Tilbar en se levant. Je sors le balais de vos culs ! Debout paladin phénix Fradel !
Il sécha d'un trait sa boisson et jeta dans les herbes son gobelet vide. Il se jeta sur Fradel et le tira par la main, ce dernier se montra réticent mais Tilbar insista :
_ Levez-vous ! C'est un ordre !
Contraint, le paladin phénix se dressa et fut saisit d'une main aux hanches, l'autre par la poigne de Tilbar. D'un ton menaçant, presque moqueur, l'ancien général dit à voix basse :
_ Ne pas danser sur une pareille musique serait un sacrilège, vous ne croyez pas ?
_ Mais … !
Sans prêter attention aux manifestations retords de son partenaire, Tilbar engagea un tango qui fit tirer des grimaces de la plupart des chevaliers ecclésiastiques, mais le bras droit de Galro s'écria devant cette foule grincheuse :
_ Ne me foutez pas la honte ! Dansez vous aussi ! Allez, tout le monde !
Contraints par le rang, à contre gré, les gardiens de la foi se levèrent, et se mirent en duo pour se joindre à un bal ridicule. Galro continuait de broyer du noir, et fut interrompit dans ses pensées par son maître d'armes.
_ Vous aussi, votre Grandeur !
_ Mais je ne permet... Ahh !
De force, il fut contraint de se lever, faisant face à Tilbar. D'un air moqueur, ce dernier lui demanda :
_ Vous voulez être mon cavalier ce soir ?
_ Quel culot ! S'exclama Galro.
_ Je prend ça pour un oui, voyons ce que vous avez retenu de vos leçons de danse ! En avant ! Musiciens !
Les joueurs d'instruments accompagnèrent l'air lointain d'Ushhar, les paladins participaient tous à ce bal improvisé. Les croisés de l'Ordre se mirent eux aussi à festoyer, à chanter et à danser. Bien qu’inattendu, Galro fut contraint d'accepter que l'insistance de son Septième avait un bon effet sur le moral des troupes. Même les plus retords finirent par prendre du plaisir. Même le Commandant Suprême finit par s'amuser, aussi ridicule soit leur représentation.
Il semblait que la bonne humeur ait contaminé même les croisés de l'Ordre, cela réjouit Warda. Ushhar s'interrompit, mais l'élan qu'il avait donné permis de compenser son absence. Il trempa son doigt dans la sauce et déclara :
_ Le repas est prêt ! Amenez-vous !
Les orques approchèrent leurs bols, et l'Éclad les servit un à un. Ajustant équilibre entre légumes, viande et graine, il veilla personnellement à ce que chacun ait sa part. Warda fut le dernier à demander sa ration, il demanda :
_ Quel est donc ce plat Ushhar ?
_ Le couscous royale. Tu m'en diras des nouvelles !
Lorsque Nurtag goutta le premier, sa réaction fut surprenante. D'abord il grimaça, à la limite des larmes, et finit par s'écrier :
_ Mais quel est ce maléfice ? Que sont ces saveurs ? C'est fort à s'arracher la gueule, mais j'en redemande !
_ C'est mieux que le cactus ! Ria Warda en goûtant à son tour le repas des rois. Il fut tout autant surpris que Nurtag, d'abord la puissance du piment, puis la douceur de la cannelle, le kamoun envahit son palais, la douceur du grain légèrement acidulé, la tendresse de l'agneau... Une harmonie de saveur exotique. Il n'avait jamais goûté, même chez les elfes, un plat si justement affiné. Ushhar savoura à son tour le délicieux plat, il avait un visage radieux.
_ Tu comprend dorénavant notre philosophie, Warda. Nous Éclads, sommes comme ce couscous. Puissants, doux, tendres, harmonieux.
Alors que le clan de Garak savourait ce repas, le reste de l'armée dansait et chantait, tout en se surpassant dans l'élaboration de plats traditionnelles des différentes contrées. Ainsi, les Cintrïlliens optèrent pour des omelettes aux haricots rouges et aux poivrons, les Étalens plutôt des ragoûts de gibier à l'Ypocras, les Nardeinois firent des magrets de canard. Des artistes se mirent à accomplir des numéros pour amuser les troupes, tels que la danse du feu, du jonglage, de la comédie. Ce qui devait être une expédition vers une mort certaine s'était changé en fête. Warda fut amusé, à vrai dire jamais il n'avait connu pareille joie, mais il déchanta quand il aperçu sur une colline qui les surplombait deux silhouettes. Un homme robuste et une femme en robe blanche. Ces gens lui étaient familiers. Sans un mot, il quitta le banquet, Garak hésita à le rejoindre mais Ushhar l'en empêcha.
_ Laisse-le, la Providence le guide.
Au loin, parmi les Croisés, Galro profita d'un moment d’inattention de Tilbar pour quitter le rassemblement, il avait besoin d'air frais. Puis, il aperçu Warda gravir une colline, seul. Inquiet, il l'appela, mais aucune réponse. Il ne voulait pas risquer de se faire voir par Tilbar, et laisser le messie des évadés de la guerre seul ne le rassurait pas. Il ne pouvait se résoudre à le laisser s'en aller, il le rejoignit en accourant derrière lui. Quand il arriva à son niveau, il tenta de le saisir à l'épaule.
_ Où vas-tu ?
Il sentit un courant électrique le traverser, Warda tourna sa tête en sa direction tandis que l'ancien paladin sentit un vertige l'envahir.
_ J'ai vu des gens nous épier, dit l'elfe noir. Je dois m'assurer que nous ne sommes pas en danger.
_ Des gens nous épier ? Demanda Galro, des espions tu crois ?
_ Je l'ignore.
Galro suivit le regard de Warda qui se dirigea vers la colline, un homme et une femme les attendaient. Galro retourna de force son rival et lui dit :
_ Nous ne devrions pas aller seuls, c'est peut être un maléfice de l'Archi Némésis.
_ Je ne crois pas, rassura Warda en marchant.
Voyant qu'il l'ignorait complètement, Galro fut contraint de suivre son éternel adversaire à contrecœur. La musique se fit distante, les deux inconnus tournèrent les talons et plongèrent dans d'opaques ténèbres. Peu enclin à les suivre, Galro tenta de raisonner Warda, en vain. Mais étrangement, il se sentit aussi happé par ce néant qui les appelait. Ils avaient la tête qui tournait, les deux entités les attendaient dans l'ombre. Instinctivement, Galro dégaina sa Dyaladuil, prêt à réagir au moindre danger. Ils entrèrent dans les ténèbres, puis... l'âtre d'un feu les éclairait. Une faible lueur, rougeoyante, puis le bois d'une chaumière les entourait. Ils étaient dans une maison, une odeur de soupe saturait les narines. Les êtres mystérieux n'étaient toujours pas là. Warda reconnut l'endroit en voyant la tête de Drake. C'était sa maison.
_ Où sommes nous ? Demanda Galro en regardant autour de lui.
_ Chez moi, répondit Warda en frottant les dents du trophée. Mais cela ne se peut, elle a brûlé, il y a longtemps.
_ C'est vrai ! Répondit une voix chaleureuse et rustique. Mais elle existe encore dans ton cœur.
À l'entrée de la demeure, un grand homme au ventre rond les toisaient. Il était massif, barbu, il avait deux énormes mains rustres. Warda écarquilla les yeux à sa vue. Il dit lentement :
_ Tu... Tu... Père ?
Galro fut interloqué, tandis que Warda se jeta dans les bras de l'homme chaleureux. Il émanait de cette personne une aura bienfaitrice, un profond sentiment d'amour. Les retrouvailles entre Warda et Raon se serrèrent, Warda lâcha une larme, ému.
_ Je t'ai vu mourir, Raon.
_ C'est la cas, Raon est bien mort.
Hélène apparut elle aussi, nimbée d'une lueur d'argent, son visage n'était pas aussi doux que celui dans les souvenirs de l'elfe noir. Elle avait une expression souveraine, plus froide, dominatrice. Réalisant ce qu'il se passait, Warda s'écarta de son père et regarda les deux individus ressemblant à ses parents.
_ Qui sont-ils ? Demanda Galro à Warda.
_ Je l'ignore, répondit sincèrement le guerrier sombre. Je pensais, mais ce ne sont pas mes parents.
Le couple se mit côte à côte, faisant face à Warda et Galro. Raon fut le premier à prendre parole :
_ Tu as raison Warddan, nous ne sommes pas tes parents, mais c'est toi qui nous a donné ce visage. Assis toi mon grand, je sais que tu as un appétit d'ogre, un peu de soupe ?
Hélène s'approcha de la marmite, tenant deux bols, versant le contenu du récipient. Obéissant, Warda se mit sur une chaise, Galro l'imita, posant son épée sur le côté. Il s'adressa à son compagnon :
_ Je suis en train de rêver ? C'est cela ton ancienne demeure ?
_ Est-ce toi ou moi qui rêvons, je l'ignore moi-même. Écoutons ce qu'ils ont à nous dire.
Raon s'assit, face aux deux hommes, il avait une expression joyeuse, il donna une légère accolade à Warda et s'écria :
_ Tu es devenu grand et fort, je suis admiratif. Si jamais j'avais su que j'aurais un si beau garçon... Je suis fier de toi !
_ Qui es tu ? Demanda Warda d'abord en s'adressant à Raon. Non, qui êtes vous ?
Hélène se tourna vers son fils, son regard était sévère. Le guerrier sombre nota ses deux oreilles pointus, attribut étrange dont il ne se rappelait pas. Raon prit une grande inspiration et finit par avouer :
_ Nous ne sommes personnes. Nous sommes tout le monde. Nous sommes plusieurs. Nous sommes un. Mais le plus important, c'est ce que nous sommes pour toi. Tu as du remarqué ta marque.
Warda se souvint de sa marque sur la poitrine. Une étrange sensation l'envahit, la présence des deux entités se faisait plus forte, une aura l'envahit.
_ Quelle marque ? s'enquit Galro.
_ Je l'ai découvert en prenant mon bain, répondit sincèrement Warda. C'est donc vous ?
_ Oui, commença Raon, et non. Aussi que cela puisse paraître surprenant, cette marque est autant de ton fait que du notre. Tu es aligné sur nos valeurs, et nous nous manifestons à travers toi. Tu es choisi, car tu as choisi d'être élu.
_ Qu'est-ce que cela signifie ? Demanda Galro en se levant face à Raon. Arrêtez de tourner autour du pot ! Révélez-vous !
Le forgeron garda son calme, et sans un mot, Galro sentit une pression, aussi douce que toute puissante, l'écraser. Une sensation étrange de se faire remettre en place sans pour autant que le ton soit levé. Comme si, simplement par sa présence, Galro se sentit contraint de se rasseoir face au humble paysan. Il n'était pas naturel, en face de lui ce n'était guère un simple mortel. C'était une manifestation d'une entité bien plus grande.
_ Vous comprenez mieux pourquoi je ne montre pas mon visage maintenant ? Demanda Raon. Je ne vous ai pas invité, mais dorénavant vous allez aussi en faire partie.
_ Faire partie de quoi ? Demanda Warda à son père.
_ Au grand dessein, répondit Hélène qui se manifesta. Vous deux avez été choisis, vous êtes nos champions. Vous incarnerez notre lumière sur terre.
Sans aucune raison apparente, la jambe de Warda se mit à saigner abondamment, et ce dernier hurla de douleur. À cette vue, la mine de Raon s'obscurcit.
_ Nous manquons de temps. Écoutez moi bien tous les deux, quand vous rejoindrez Sintraë, vous serez attaqués par les sbires de Kaös. Dans les plus noires ténèbres, au sein de la tanière la plus obscure, un menteur vous attend. Tuez le sans lui laisser le temps de parler ! Tout ce qu'il diras ne fera que vous distraire de votre objectif.
_ Une puissante magie le protégera, annonça Hélène. Jamais vous devrez vous quitter, toi, fils de paladin, tu devras guider notre fils. Je sais ce que vous ressentez l'un envers l'autre, mais vous devez unir vos forces, je ne permettrais pas l'échec !
Le ton autoritaire de la femme surpris Warda, elle était très différente de sa mère. Raon joignit les deux mains de Warda dans la paume des siennes et lui dit :
_ Surtout fais la paix avec toi-même, fais la paix avec ceux que tu aimes. Ton cœur te guidera, ne te laisse pas ronger par la rancœur.
Une nouvelle présence se manifesta dans la marque, un vent glacé venant de dehors dansa sur leurs visages. Galro regarda incrédule la jambe de Warda se détacher de son corps. Un rugissement tonitruant résonna dans le lointain. Un cri empli de rage.
_ Ne le laisse pas sonder ton esprit, reprit Raon en posant son front sur celui de Warda. Tu dois être une forteresse, n'oublie pas ceux que tu as aimé, rattache toi à l'amour ! Il te donnera de la force ! Maintenant pars ! Avant qu'il n'arrive !
_ Qui donc ? Demanda Galro alors qu'une bête sauvage grognait dehors, prête à rentrer avec fureur.
_ Partez ! Ordonna Hélène en les expulsant avec une vague psychique vers les ténèbres.
Une déflagration de flamme emporta les deux individus alors que Galro et Warda furent attirés vers le néant.
Lorsque les deux hommes se réveillèrent, ils se rendirent compte qu'ils étaient étalés par terre, face au ciel étoilé, émergeant du sommeil. Tous les deux avaient terriblement mal au crâne, aussi quand ils se redressèrent, ils avaient des vertiges. Warda constata avec joie qu'il avait toujours sa jambe en place, tandis que Galro réussi à retrouver son épée égarée dans l'herbe, titubant comme un ivrogne.
_ Qu'est-ce que c'était que ça ? Demanda Galro en panique. Qui étaient ces gens ?
_ Nous avons fait le même rêve ? Retourna Warda. Comment tu as fait ?
_ Tu es possédé ! Et tu m'as infecté !
Le Commandant s'avança dans les fourrés et vomit le contenu de son estomac. Il était encore sujet aux vertiges. Warda tenta de se relever, mais il manquait de force dans ses appuies. Il finit par rétorquer :
_ Je te rappel que c'est toi qui m'a attrapé ! Je n'ai rien à voir avec tout ça ! Heeuur....
En fin de compte, Warda eut aussi la nausée et finit par délivrer son repas sur l'herbe sèche. Il leva les yeux, Galro fonçait vers lui avant de le saisir par la main.
_ Tu viens avec moi !
_ Je croyais que j'étais possédé, se moqua Warda alors que le chef religieux l'emmena de force. Où tu m'amènes ?
_ Tu as entendu tes parents ?! Nous ne nous séparons plus ! Je t'emmène avec moi !
Avec élan, Galro trimballa Warda, rejoignant son camp. À la vue de l'elfe noir, les paladins dégainèrent instinctivement les épées, mais Galro leur ordonna de baisser les armes.
_ Messire ? Demanda un paladin. Vous avez ramené l'elfe noir chez nous ?
_ J'ai mes raisons, nous garderons le guerrier sombre à mes côtés. C'est un atout majeur.
Les silence régna dans l'assemblée, Galro se dirigea vers sa tente et lâcha l'elfe devant son abris.
_ Tu dors ici ! Ordonna le guerrier spirituel.
_ Non ! Je ne suis pas à ton service. Je retourne auprès des miens.
_ Silence démon ! Tu dors ici, point barre !
_ Non mais je rêve ! S'écria Warda en s'adressant au ciel. Tu me prend pour ton toutou ou quoi ?
_ Déjà tu t'adresses à moi comme il se doit, pour toi je ne suis pas « Tu » je suis Commandant Suprême Galro !
Face à la dispute, Tilbar se mit une main sur le visage, affligé par le spectacle. Le reste des paladins garda le silence, partagé entre corriger le nouvel « invité » ou laisser le Commandant Suprême asseoir son autorité. Les deux opposés se faisaient face, s'insultant d'avantage que réellement argumenter. Galro prit par le col le guerrier sombre et approcha son visage de celui du démon.
_ Ces choses que nous avons vu ont peut être des révélations que nous ignorons, j'ignore ce qu'il nous attend si nous nous séparons.
Sans plus de cérémonie, Warda le projeta à terre, faisant tomber sur le dos l'homme d'Église. Les paladins commencèrent à se lever, mais Tilbar s'interposa.
_ Laissez les régler leurs différents entre hommes.
_ Vous voulez vraiment laisser notre prophète à la portée d'un monstre ? S'offusqua Junar. Laissez-moi éviscérer cette vermine.
_ Et bafouer l'honneur de notre bien aimé Commadant. Laissez-le gérer, c'est mon apprenti, il est assez grand.
Furieux, Galro se releva, essuyant d'un revers de main ses lèvres. Il avait le goût du fer. Il se dressa, et réalisa que malgré tout, Warda le dominait de sa stature. Cela ne le fit pas reculer pour autant.
_ Je suis le seigneur de l'Église ! Le meneur de cette croisade ! Tu me dois obéissance !
Warda cracha par terre, et le provoqua :
_ Les hommes d'Église, je les tue. Tu dois bien être au courant.
De fureur, Galro le chargea, tentant de le plaquer. Mais la résistance fut bien plus grande que prévu, l'elfe noir le jeta par terre comme un vulgaire sac de pommes de terre. Au milieu de la poussière, le guide spirituel mit quelque seconde à réaliser qu'il était au sol. Sans plus le calculer, le guerrier sombre prit le chemin pour rejoindre les orques, mais le chef des paladins lui bondit dessus par derrière, les deux hommes roulèrent sur la pente sur plusieurs mètres. Se relevant, les deux adversaires se faisaient face. Warda demanda :
_ Pourquoi tu insiste autant ? Je ne te suivrai pas comme un chien !
_ La prophétie, tu l'as entendu, tout comme moi. C'est un message de Dieu en personne !
_ Dieu ? Qui est ce Dieu ? Je n'en ai rien à cirer ! Il a ordonné l'éradication de mon espèce !
_ Je me moque de ton manque de foi, répondit Galro. Tout ce qui m'importe, c'est de m'assurer que la prophétie se réalise. Un grand ennemi nous attend, tu dois être à mes côtés !
_ J'emmerde les prophéties !
Sur ces paroles, Galro s'avança et le frappa en plein visage. L'elfe se frotta le bord des lèvres du bout du pouce et lança un regard noir à l'homme en face de lui.
_ Tu es au courant que tu m'as frappé, je peux devenir incontrôlable.
_ Silence chien !
Galro tenta de lui donner un coup de pied en plein ventre, mais il le saisit avec aisance et l'envoya voler. Encore sonné, Galro se fit retourner comme un chiffon, et la puissante poigne du guerrier noir le souleva du sol. Warda était immense pour les standards humains, il était clair qu'en combat à mains nues il l'écraserait.
_ Tu vas descendre de tes grands chevaux, espèce de prétentieux !
Sans réfléchir, Galro lui asséna un coup de boule et profita de la diversion pour le plaquer au sol. Il le frappa à plusieurs reprises de ses poings, dans un élan frénétique. Warda se protégea le visage autant qu'il pu, et sous l'assaut du chevalier, il sentit des tambours de la rage commencer à résonner en lui. Il devait l'arrêter dans sa folie !
Tilbar saisit l'une de mains de son apprenti, stoppant net sa rage. Galro tenta de se libérer, mais le regard froid de son subordonné le fit cesser.
_ Tu as assez merdé aujourd'hui, lui dit Tilbar. Laisse le.
Toujours en colère, Galro se résigna toutefois et laissa seul Warda. L'elfe noir ne put que voir le dirigeant militaire rejoindre sa tente, il sentait sa propre colère diminuer. Le borgne regarda Warda et s'excusa.
_ Je suis navré que ça en soit arrivé là, il est très nerveux. J'ai entendu une histoire de prophétie, je sais que mon apprenti est nerveux depuis...
Il garda le silence. Warda se leva, essuyant son nez couvert de sang. Il dirigea son regard vers le Septième paladin phénix et lui demanda :
_ Depuis quoi ?
_ Ah, la croisade de Léondia. Il faisait des rêves récurrents, depuis ça le travaille. Il est devenu superstitieux. Il croit être investi de visions.
Comprenant la raison des agissements de son ennemi, Warda ne commenta pas d'avantage. Il se tourna et rejoignit Garak et sa tribu. Il était bouleversé, Galro n'en était pas à sa première vision prophétique. Qu'est-ce qui a pu le transformer ainsi ? De retour auprès de ses semblables, le feu était éteint depuis longtemps, les orques dormaient paisiblement, sauf Garak. Il se leva en le voyant, et l'inspecta sous la lune.
_ Tu es allé à la bataille avant nous ? Demanda l'orque. On dirait que tu as affronté un ours.
_ Non, juste un gamin pourri gâté. J'ai pas voulut le frapper, j'aurais pu le tuer sur le coup.
Il lança un regard haineux vers le campement des croisés. Même de leurs côtés, ils arrivaient toujours à le traiter comme une vermine. Garak vu le visage de son acolyte et l'invita à le suivre.
_ Tu devrais calmer ta colère, conserve la pour nos ennemis. Viens, nous allons nous coucher.
Warda regagna son lit, cette fois ci il ne rêva pas.