Le parfum du mensonge

Chapitre 5 : Le monstre aux mâchoires rouillées

752 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/07/2025 11:23

La berline noire sentait la clope froide, le cuir usé et la trahison en gants blancs. J’étais coincée entre deux types qui sentaient le savon bon marché et l’envie de me briser une côte. On roulait en silence. Pas de musique. Juste le vrombissement d’un moteur qu’on savait trop bien entretenu pour être honnête.


Quand la voiture s’est arrêtée, je savais déjà qu’on n’était plus en ville. Trop calme. Trop noir. Et l’air… l’air avait ce goût métallique des lieux où on n’entend que les cris étouffés et les deals conclus à huis clos.

On m’a sortie du véhicule sans douceur. Un coup dans le dos pour me faire avancer. Classique.


— Avance !


Je grognai à peine.

— C’est bon, pas besoin de me masser le rein, je suis déjà détendue.


L’entrepôt s’ouvrait devant moi comme un monstre aux mâchoires rouillées. Au milieu : une chaise. Vide. Mais tout autour, des silhouettes. Trop nombreuses, trop armées. Le genre de comité d’accueil qui n’offre ni café ni échappatoire.

Je fus forcée de m’asseoir. Deux mains sur mes épaules, une pression claire : reste sage.


Et lui est arrivé.


Costume blanc. Cheveux gris bien coiffés. Regard d’aigle. Le genre de type qui sent la vieille école, le whisky cher et les exécutions proprement rangées dans des dossiers classés "accidentels".

— Alors c’est vous, le lieutenant Tsukino, dit-il en souriant. Vous avez vraiment le don de chercher les ennuis là où il faut.


Je haussai un sourcil.

— C’est un don, oui. Et vous, vous êtes quoi ? L’ennui incarné ou juste le vieux con qui signe les contrats de sang ?


Il rit. Ses hommes aussi, à moitié. Pas sûrs de savoir s’ils devaient.

Puis il fit un geste.


Et elle arriva.


Fleur de Lotus.


Encadrée. Belle. Fragile. Les poignets liés. Le regard bas, mais pas brisé. Pas encore.


Je me redressai, mais les bras derrière moi se firent plus lourds. Je ne bougeai pas. Pas maintenant.

L’homme se rapprocha, les mains jointes dans le dos.


— Voyez-vous, je déteste que des gens comme vous fourrent leur nez là où il ne faut pas. On vous a offert un service. En échange de votre silence. Mais non… il a fallu que votre curiosité cherche des réponses. Des questions futiles, lieutenant. Pourquoi ?


— Parce qu’il y a toujours une vérité planquée sous le mensonge. Et moi, j’aime les creuser. Même les plus sales.


Il sourit, lentement, puis son visage se durcit.

— Et si je vous disais que vous ne passerez pas la nuit seule… que me répondez-vous ?


Je lui servis mon plus beau rictus.


— Serait-ce une invitation ? Parce que franchement, vous n’êtes pas mon genre. Trop vieux, trop arrogant… et surtout...


CLAC.


La gifle me coupa la parole. Ma joue brûla. Le goût du sang dans ma bouche m’arracha un soupir amusé.

— …surtout trop prévisible, soufflai-je.


Il s’énerva.


— Votre comportement, votre arrogance… tout en vous m’exaspère. Mais continuez à plaisanter, lieutenant. Le temps joue contre vous.

Je le fixai, le regard planté dans le sien.


— Peut-être. Mais mon temps vaut plus que votre vie. Et ça, vous le sentez, pas vrai ?

Il rit. De ces rires courts et vides.


Puis il fit un signe.

— Apportez la fille.


Fleur de Lotus. fut traînée plus près. Il se pencha vers moi.


— Savez-vous pourquoi on l’appelle "Fleur de Lotus" ? Si douce… si rare… mais si fragile. Ce serait dommage qu’elle fane, vous ne trouvez pas ?


Je ne répondis pas. Je le fixais toujours. Si je parlais maintenant, j’allais faire une connerie. Une que Fleur de Lotus. paierait.


— Oh ? Vous me semblez bien calme d’un seul coup, lieutenant. Qu’est-ce qu’il se passe ? Elle vous a coupé la langue ? Ou serait-ce cette… marchandise… qui vous fait perdre la tête ?


Il se redressa, satisfait. Et leva la main.

— Emmenez-la.


Deux hommes me tirèrent de la chaise. Luka fut entraînée dans la direction opposée, les yeux pleins de panique. Je tendis légèrement la main vers elle. Pas assez pour qu’ils le remarquent. Mais assez pour qu’elle le voie.


Je suis là. Je viens. Tiens encore.


Puis on me poussa dans l’ombre.



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