Ange déchu

Chapitre 3 : Un pari risqué

1225 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/10/2025 21:34

Lorsqu'il revint s'asseoir à côté de moi, j’eus deux explications à proposer. Soit il était complètement fou, soit personne ne lui avait rien dit à mon sujet. La deuxième possibilité semblait la plus plausible. Mais je ne comprenais pas ce qui avait pu empêcher les gens de le faire. Eux qui, d’habitude, s’empressent de tout révéler…

Malgré tout, j’étais heureuse de le retrouver à mes côtés. Je n’en demandais pas plus. Parce que je savais que je ne pourrais jamais avoir plus, de toute façon. Alors ce simple geste de sa part, c’était déjà un bonheur. J’eus donc un sourire à son égard, alors que son visage restait impassible et froid. Mais peu importe. Ce qui comptait, c’était qu’il soit là. C’est tout.


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Durant la suite des cours, je réfléchissais vaguement à ce que je pourrais faire pour que cette fille tombe amoureuse de moi. Ça ne devrait pas être difficile. Après tout, tout le monde l’évite. Je pense que des sentiments naîtront plus facilement pour la seule personne qui s’intéresserait un tant soit peu à elle, donc moi. Et puis je suis assez beau, elle devrait tomber sous mon charme comme la majorité des filles. Ça sera du gâteau.


À ce moment-là, je l’ignorais encore, mais je me trompais lourdement.


Une fois l’heure du repas annoncée par la sonnerie, je refusai toutes les invitations qu’on me fit avec une seule et unique phrase :


— Non, je vais manger avec Hanae.


Il y eut un silence de mort, puis les gens — surtout les filles — commencèrent à protester.


Hanae, elle, me regarda sans oser y croire.


— Tu ne peux pas manger avec elle !

— Non, viens plutôt avec nous !

— Tu sais, on ne t’a pas dit pour Hanae mais…


Je coupai court :


— On m’a dit.


Nouveau silence.


Les gens se regardaient entre eux. Hanae, elle, ne regardait que moi.

Et moi… j’attendais juste que tout le monde dégage pour mettre mon plan à exécution : draguer cette fille et gagner 30 000 yens. Bref, un nouveau loisir qui m’occuperait un temps.

Devant mon regard décidé, la foule se dissipa et je me retrouvai seul avec Hanae, toujours assise à sa table.


Je me tournai vers elle. Elle continuait de me fixer, se demandant sûrement si je n’étais pas juste une illusion. Puis, dans un murmure, elle demanda :


— Tu es sûr ?


Je hochai la tête.


Elle resta encore quelques secondes immobile. Puis ses yeux s’illuminèrent et un sourire naquit sur son visage.


— Alors allons manger dehors, d’accord ?


J’acceptai. Après tout, il faisait beau. Je m’attendais à ce qu’elle m’emmène vers un banc à l’extérieur, mais à la place, elle me fit grimper les étages du lycée. Elle sortit une échelle d’un placard, ouvrit une trappe au plafond, puis y plaça l’échelle.


— Monte en premier.


Je le fis. Elle en fit autant, puis elle récupéra l’échelle et referma la trappe. Ni vu ni connu.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes sur le toit. Elle avait emmené un sac avec elle. Elle l’ouvrit et sortit un repas froid, sûrement acheté dans une supérette. Elle retira l'emballage et commença à manger, mais s’arrêta en remarquant que je n’avais pas bougé.


— Kyoshi, tu ne manges pas ?

— Je n’ai pas de repas.

— Ah… pardon. Tu aurais dû le dire, on serait allé à la cantine.


J’haussai les épaules. Ça m’était égal, de toute façon je ne mangeais jamais beaucoup. Elle regarda sa nourriture, puis releva les yeux vers moi.


— Je t’en proposerais bien, mais…


Je savais ce qu’elle pensait. Je ne répondis rien et m’assis simplement près d'elle, regardant le ciel.


— Kyoshi… ?

— Oui ?


Elle continua timidement :


— Tu… tu n’as pas peur ?

— Peur de quoi ?

— Tu sais… pour ma maladie ?

— Oui.

— Et… tu n’as pas peur de tomber malade toi aussi, par ma faute ?


Je soupirai. C’était trop bête. Il n’y avait absolument aucune raison d’avoir peur. Ce n’est pas comme si elle avait la varicelle.

Je secouai la tête négativement.


À nouveau, elle me sourit. Je pouvais deviner facilement que c’était rare qu’on soit aussi proche d’elle. La bêtise des gens me fatiguait…


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Je mangeai le reste de mon repas doucement, regardant du coin de l’œil Kyoshi qui restait silencieux. Je ne sais pas pourquoi il se montre aussi gentil avec moi. Chacun de ses gestes indiquait qu’il me traitait comme une personne normale, et ça ne m’était pas arrivé depuis tellement longtemps… Pour les autres, j’étais la fille qui portait la mort.

Kyoshi, lui, semblait ne pas y prêter attention.

C’était peu… mais ça me rendait tellement heureuse. Ces choses si simples me remplissaient de bonheur…


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Après ce repas silencieux, on redescendit dans le lycée. Marchant côte à côte, elle paraissait encore plus petite. Elle gardait la tête un peu baissée, sans rien dire, mais je voyais bien qu’elle voulait parler. Moi, les mains dans les poches, je marchais à côté d’elle, pas du tout effrayé. Je faisais même exprès de frôler son bras avec le mien. Après tout, mon but n’était pas seulement de ne pas l’éviter, mais surtout de la draguer.

Seulement, pas habituée au contact, chaque fois que nos bras se touchaient, elle s’écartait. La peur des autres avait créé chez elle une peur d’elle-même.


— Tu n’es pas contagieuse, tu sais, dis-je d’un ton blasé.


Et pour le prouver, je pris doucement son bras entre mes doigts. Elle sursauta, recula brutalement, mais je recommençai, plus fermement cette fois. Ses yeux s’agrandirent de panique.


— A-arrête… Kyoshi.


Mais je n’obéis pas. Je pris son autre bras aussi, juste pour lui montrer qu’elle ne me faisait pas peur.


Elle se débattit, sa respiration devint plus courte, plus sifflante. Comme si l’air lui manquait.


— Ne fais pas ça, arrête, souffla-t-elle d’une voix tremblante.


Elle tremblait pour de vrai.


Puis soudain, elle hurla :


— ARRÊTE !!


Je lâchai prise, stupéfait. Elle se dégagea d’un geste brusque, recula de quelques pas, l’air effaré. Son regard était affolé et blessé.


— Tu ne comprends pas… tu peux pas comprendre...


Je ne dis rien.


— Ce n’est pas juste une maladie. Mes crises, elles sont violentes. Il y a déjà eu des moments où j’ai perdu connaissance. Où j’ai vraiment failli y rester. C’est effrayant. Si les autres ont choisi de m’éviter, ce n’est pas pour rien. Je ne serai qu’un poids pour toi alors… arrête. Tu as déjà beaucoup fait en t’asseyant et en passant la pause avec moi.


Après ses mots, elle s’enfuit dans le couloir.

Je restai là, debout, aussi droit qu’un piquet.


Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit si effrayée.

Ça n’allait peut-être pas être si facile que ça finalement… de l’embrasser.​

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