Ange déchu

Chapitre 10 : Quand tout s'effondre

1205 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/12/2025 20:27

Les cours venaient de se terminer. Les couloirs grouillaient de voix, de pas précipités, de rires. Moi, je n’entendais rien. J’étais adossé à un mur, la tête ailleurs. Mon cœur tapait contre ma poitrine comme s’il cherchait à fuir avant moi.


Quand elle sortit de la salle, j’eus du mal à respirer pendant une seconde.


— Hanae ! Attends.


Elle s’arrêta, un peu surprise.


— Oui ? Tu voulais me dire un truc ?


— Viens. C’est rien de grave. J’veux juste te parler… à l’écart.


Elle hocha doucement la tête, comme toujours sans poser de questions. On traversa la cour jusqu’à ce vieux coin à l’arrière, entre deux murs, là où personne ne passe vraiment. Il faisait un peu frais. Le ciel s’était couvert à nouveau, la lumière était douce.


Un silence s’installa.


— Alors… de quoi tu voulais me parler ? demanda-t-elle en s’asseyant sur une marche, tirant ses genoux contre elle.


Je la rejoignis et m’assis à côté.


— Tu… t’es déjà tombée amoureuse ?


Elle cligna plusieurs fois des yeux, prise de court.


— Hein ? C’est quoi cette question ?


— Je sais pas… J’me posais la question. Tu penses quoi de l’amour ?


Elle sembla réfléchir, regardant devant elle.


— Bah… je sais pas. Beau sûrement. Du moins dans les livres, les films… ça a l’air d’être quelque chose de fantastique. Qui fait aussi mal. Mais en vrai, je sais pas trop.


Elle me regarda.


— Pourquoi tu me poses cette question ?


— Comme ça…


— Mmh… tu serais pas amoureux par hasard ? demanda-t-elle avec un petit sourire en coin.


Je sentis mon cœur battre un peu plus vite, puis lâchai :


— C’est le cas.


La surprise se lisait dans ses yeux et son sourire vacilla.


— Alors c’est qui ? demanda-t-elle plus doucement.


Toi, évidemment.


— Et toi, t’es déjà tombée amoureuse ?


Elle détourna les yeux et finit par secouer la tête.


— Pourquoi ?


— Parce que je peux pas me le permettre.


Je fronçai les sourcils. Elle enchaîna, le regard dans le vide.


— Parce que… tomber amoureuse, c’est donner une partie de soi à quelqu’un qu’on aime. C’est rêver d’avenir, de projets… tout ce que j’ai pas. J’veux dire… avec ce que j’ai, ce que je suis… tomber amoureuse, c’est compliqué. Je me voile pas la face, je sais que ma maladie ne me maintiendra pas en vie indéfiniment. Et j’ai pas envie de refiler ce poids à quelqu’un. Ça serait mal.


Ses mots me transpercèrent. C’est vraiment comme ça qu’elle voyait les choses. Même si, quelque part, elle avait raison, je ne voulais pas la laisser abandonner aussi facilement.


— Pourtant… t’as le droit d’aimer, dis-je doucement.


— Peut-être. Mais est-ce que j’ai le droit d’être aimée… ?


Elle ne me laissa pas le temps de répondre et continua.


— Bien sûr que non. Même si je tombais amoureuse, qu’est-ce que j’ai à offrir, hein ? Une vie pleine d’angoisses ? D’incertitudes ? De crises ? Tu penses vraiment que quelqu’un voudrait de ça ? Un fardeau pareil ?


Je fronçai les sourcils, me levai puis m’accroupis en face d’elle. Son visage paraissait calme, mais ses doigts tremblaient légèrement sur son genou.


— Tu n’es pas un fardeau. Je t’interdis de dire ça.


Elle baissa la tête.


— Tu es une très belle personne, aussi bien physiquement que moralement. Et c’est pas à cause d’une stupide maladie que tu dois renoncer à ton bonheur. Comme tout le monde, tu as le droit d’aimer. C’est pas interdit.


Elle me fixa, le visage triste.


— Mais m’aimer ne ferait que faire souffrir…


— Et alors ? Tu sais, parfois, il y a des risques qu’on peut pas s’empêcher de prendre…


Elle me regarda, étonnée par mon sérieux. Je continuai.


— Moi je t’aime. Je t’aime énormément.


Elle écarquilla les yeux, surprise.


Et là, sans réfléchir, je me penchai et posai mes lèvres sur les siennes.


Ses lèvres étaient douces, légèrement tremblantes. Je sentis son souffle se bloquer et son corps se crisper.


Elle resta figée.


Et puis—


— OHHHHHHHHHHHH !!!


Cette voix…

Je me retournai.


Sanshiro. Avec quelques gars de notre classe. Riant comme des hyènes.


— C’est pas vrai… t’as vraiment osé le faire mec ?! Et moi qui étais sûr que tu te dégonflerais !


Je fronçai les sourcils.


— Qu’est-ce que tu fous là ?! Je t’avais dit que…


Mais il s’avança.


— Félicitations. Pari réussi. Bravo mon pote. Tiens, je t’rends ton argent ! 30 000 yens bien mérités !


— Putain, arrête.


Hanae nous regardait, immobile, sans rien comprendre.


— Oui ! Kyoshi avait parié qu’il pourrait sortir avec toi et t’embrasser. Dingue qu’il ait tenu aussi longtemps, hein ?! s’empressa-t-il d’expliquer.


— C’était… un pari… ?


Plus les secondes passaient, plus je voyais à quel point elle était déboussolée. Et moi, incapable de trouver les mots. Elle baissa les yeux puis releva son regard vers moi.


— C’est vrai, Kyoshi ?


Je n’arrivais pas à répondre.


— RÉPONDS-MOI !


Je détournai les yeux.


— C’est vrai.


— Tout ça… depuis le début… c’était un pari… dit-elle en tremblant, choquée.


Je voulus expliquer mais aucun mot ne sortait. Elle se leva, prête à partir, mais je la retins par le bras.


— Attends ! Je peux tout expliquer, je…


— NE ME TOUCHE PAS ! hurla-t-elle en se dégageant, les yeux pleins de larmes. Tu m’as utilisée… Je t’ai donné ma confiance… Je me suis confiée à toi… J’pensais avoir enfin trouvé un ami… Mais toi… toi, pendant tout ce temps… tu m’utilisais juste ?!


Elle tremblait de tout son corps, pleurant à chaudes larmes.


— Non ! C’était au début, mais ensuite j’ai tout arrêté ! Je voulais t’en parler, je te le jure !


— JE TE DÉTESTE ! M’adresse plus jamais la parole ! cria-t-elle avant de s’enfuir en courant.


— Bon, bah tu les prends tes 30 000 yens ou pas ?


Je serrai les poings.


— Putain, t’es con ou quoi ?! Je t’avais dit que j’arrêtais tout !


— Tu devrais plutôt me remercier. À moins que tu voulais plus de temps pour jouer avec elle ?


Instinctivement, mon poing s’écrasa sur sa joue, l’envoyant presque au tapis. Ses potes voulurent répliquer mais mon regard les dissuada.


— Tu peux garder l’argent. J’en veux pas.


Sur ces mots, je me lançai à la poursuite d’Hanae, scrutant à gauche et à droite.


Putain, où est-elle ?


Je continuai à chercher quand je l’aperçus, étalée au sol près de la sortie du lycée.


— HANAE !!


Je courus vers elle et me mis à genoux. Elle était inconsciente.


— Hanae ? Hanae, réveille-toi ! Réveille-toi !


Je commençai à m’affoler. Elle ne bougeait plus. Je sortis mon téléphone en vitesse et appelai une ambulance.


— Tiens bon… je t’en prie… t’as pas le droit de me lâcher comme ça !​

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