Les sentiments au fond de tes beaux yeux - Tome 1 : La magie de Noël

Chapitre 2 : La fête dégénère

5746 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/12/2025 19:19

Chapitre 2 : La fête dégénère ****


Nous sommes samedi, tous mes devoirs sont faits et je n’ai donc plus qu’à survivre à la fête prévue ce soir pour clore en beauté cette semaine. Julia m’a poussé à me maquiller un peu et a même pris le temps de me coiffer. J’ai enfilé ma robe la plus adaptée, elle est noire et très sobre, mais assez courte pour que je ne détonne pas au milieu des filles qui ne seront probablement pas très habillées selon elle.

Je glisse tout de même un livre dans mon sac à main, histoire de pouvoir me passer le temps si je m’ennuie car je ne suis pas très rassurée à l’idée de laisser Julia livrée à elle-même dès l’instant où les filles discuteront avec elle. Je m’inquiète sans doute trop, mais je préfère rester dans les parages le temps d’être sûre et certaine qu’elle ne se retrouvera pas toute seule. Puisque mon samedi soir est déjà gâché quoi qu’il arrive, alors autant rester un peu plus sur place au cas où mon amie ait besoin de moi.

Alors que nous marchons en direction de la fête, Julia est surexcitée :

-         Une heure et je te raccompagne ! Merci Hestia !

-         Ne t’inquiète pas pour moi, je me débrouillerai si j’ai envie de partir et que tu t’amuses… Et puis je ne vais pas rentrer tard je suppose, alors je ne craindrai rien sur le chemin du retour, assure-je.

-         C’est toi qui vois, un petit signe de la main de ta part et j’accoure ! réplique-t-elle.

-         C’est gentil, souris-je.

-         Non, c’est toi qui l’es, ça me touche que tu fasses ça pour moi. Et puis dans le fond, je suis sincèrement contente que tu y sois, j’adorerais passer une vraie soirée en ta compagnie sans que tu ne te sentes obligée de venir…, dit-elle pensivement.

-         On verra comment ça se passe, ce ne sera peut-être pas si terrible…, réponds-je en haussant les épaules.

-         Mais oui, tu rencontreras peut-être des gens sympas, il y aura de tous les horizons ce soir, pas que les sportifs.

Lorsque nous arrivons sur place, je dois dire que je m’attendais à pire.

 Il y a effectivement une quantité ahurissante de gens dans le jardin et au rez-de-chaussée, mais l’avantage est que non seulement je serai noyée dans la masse, mais en plus, je reconnais déjà quelques têtes de mes cours de droit. Des étudiants plutôt sérieux d’ailleurs, je suppose que les soirées sont tout simplement quelque chose de normal pour les étudiants quels qu’ils soient.

Nous nous calons dans un coin du salon et Julia nous sert deux verres :

-         Bois un peu, ça t’aidera à trouver la soirée supportable ! s’amuse-t-elle.

-         Sans doute…, marmonne-je en levant mon verre.

Nous discutons tranquillement de sujets divers et variés le temps que Julia se fasse remarquer par ses nouvelles amies, ce qui ne tarde pas puisqu’elles nous rejoignent au bout d’une petite demi-heure. Julia bavarde avec animation tandis que je les jauge pour décider si oui ou non je la sens en sécurité avec elles. Elles n’ont pas l’air de méchantes filles du tout, elles sont ouvertes et joviales, certaines tentant même de plaisanter avec moi, qui ne paie pourtant pas de mine.

Le seul point inquiétant arrive un petit moment plus tard, lorsque des garçons se mêlent à notre groupe et qu’elles se mettent toutes à rire comme des pintades. Je n’ai rien contre le fait qu’elles veuillent séduire ces hommes mais je m’inquiète un peu que leur séduction ne prenne le dessus sur leur envie de se lier d’amitié avec mon amie. Je crains qu’elles partent chacune à un bout de la maison avec un homme en laissant cette dernière livrée à elle-même et je décide donc de rester un peu malgré les signaux que m’envoie Julia pour me libérer.

-         Et toi ? Qu’est-ce que tu bois ?

Je mets quelques secondes à réaliser que l’homme sur ma gauche me parle et je tourne la tête vers lui en ouvrant de grands yeux, restant muette. Comme souvent, mon regard ne passe pas inaperçu :

-         Nom de dieu ! Je n’ai jamais vu des yeux comme les tiens… on dirait un rapace, souffle l’homme avec un visage impressionné.

-         Euh… merci. Et j’ai ce qu’il me faut, réponds-je en levant mon verre.

-         Laisse-moi t’en servir un autre, insiste-t-il.

-         Non, ça ira.

-         Tu es dans quelle fac ? continue-t-il.

-         Droit, et toi ?

-         Sport, je fais du basket. Droit… ? Ce n’est pas un repaire à intello ça ? demande-t-il.

-         Et bien, j’estime être une « intello » alors je ne saurais quoi répondre à ce que tu viens de dire…, marmonne-je.

Julia fait un pas vers nous pour intervenir :

-         Hestia est l’une des meilleures de sa promo, si ce n’est la meilleure, il faudra attendre officiellement les partiels pour le savoir.

Elle lâche l’information d’un ton presque menaçant, défiant mon soupirant de dire quoi que ce soit de déplacé histoire qu’elle le remette à sa place et je lui souris pour la remercier. Mais il ne se moque pas du tout, il est encore plus impressionné :

-         Belle et intelligente ? Les filles comme toi sont des trésors…, souligne-t-il.

J’ouvre sans doute des yeux un peu plus grands, ne sachant déjà plus quoi lui répondre mais il fait visiblement la conversation tout seul :

-         Je m’appelle Dan, et toi c’est donc… Hestia ? C’est vraiment un joli prénom…

-         Je te remercie, réponds-je en lui souriant.

-         Son prénom est aussi jolie qu’elle, reprend Julia. Il signifie papillon si tu veux tout savoir.

Dan lui lance un regard interrogatif, se demandant sans doute pourquoi elle continue d’intervenir dans notre conversation mais il ne peut pas deviner qu’elle le fait pour me soutenir et rester près de moi pour le virer au besoin. Il ne se démonte toujours pas et reprend :

-         Et bien je dois dire que je le trouve encore plus joli maintenant que je sais ce qu’il signifie. C’est peut-être un peu direct de ma part mais je te trouve très belle Hestia, ça te dirait de … discuter un peu avec moi ? En tête à tête je veux dire, précise-t-il en lançant un regard à Julia.

Je constate que « les futures amies » de cette dernière sont en train de s’installer avec un autre groupe pour faire un jeu stupide et puisque je ne me sens pas en danger immédiat avec Dan, je baisse ma garde :

-         Si tu veux, Julia allait jouer à un jeu…, réponds-je.

Je fais un mouvement vague vers les filles et Julia remarque seulement qu’elles sont parties, trop occupée à jouer les mères poules avec moi. Elle me remercie du regard et les rejoint joyeusement, se faisant accueillir avec entrain dans leur groupe sous mes yeux bienveillants.

-         Alors Hestia… tu as quelqu’un ? demande Dan.

-         Non, mais je ne cherche personne, précise-je.

-         Ah bon ? s’étonne-t-il.

-         Et bien oui Dan, toutes les filles ne rêvent pas de sortir avec quelqu’un ! le taquine-je en riant, sans doute un peu désinhibée par l’alcool.

-         C’est vrai… mais il me semble que vous cherchez toutes le prince charmant quand même… même celles qui ne cherchent pas activement…, rétorque-t-il en souriant.

Je l’observe quelques secondes avant de répondre, pour méditer ses paroles. Je ne me suis jamais vraiment posé la question du prince charmant ou non... Depuis la rentrée, je suis concentrée sur mes études et à l’orphelinat, j’avais clairement d’autres chats à fouetter surtout en considérant que Kai n’aurait de toute façon jamais laissé un garçon s’approcher de moi. Je n’ai jamais rencontré un homme qui me donne envie d’avoir un petit ami et je dois dire que Dan, bien que sympa pour l’instant, ne change pas la donne. Comme bien souvent, je choisis l’honnêteté, parce que je ne veux pas qu’il s’imagine quoi que ce soit de plus que de l’amitié entre nous.

-         En effet, mais je ne vois pas de prince charmant à cette soirée…, glisse-je d’une voix douce.

Il s’incline alors un peu :

-         Je vois, désolé pour le dérangement alors. J’ai tout de même été ravi de discuter avec toi, répond-il.

Il s’éloigne et je me retrouve toute bête. Je n’en reviens pas qu’il me laisse simplement parce que je viens de lui dire qu’il ne m’intéressait pas… comme si l’amitié était un concept inconnu. Les hommes sont décidemment bien décevants.

Julia est partie depuis trois minutes et je me retrouve déjà toute seule à ne pas savoir quoi faire… j’envisage de partir mais j’attendrais tout de même bien la fin de sa partie de jeu pour être sûre et certaine que les filles resteront avec elle…

Je me dirige donc vers un coin de la pièce pour me caler dans un fauteuil et je sors mon livre de mon sac avec un sourire satisfait, bien contente d’avoir pensé à le prendre.

*

Plongée dans ma lecture, je ne vois pas le temps passer, mais lorsque je relève le nez, je réalise que ça fait une heure et que Julia n’est plus au milieu du salon. Je la cherche un peu mais elle n’est visiblement même plus dans la pièce. Il est environ vingt-deux heures, une heure correcte pour rentrer chez nous alors je me lève et je pars à sa recherche pour vérifier qu’elle est entre de bonnes mains.

Je fouille les deux salons, la salle à manger puis la cuisine et c’est là que je l’aperçois. Elle discute tranquillement entre filles en grignotant des petits fours et ça me rassure complétement. Je lui adresse un petit signe pour lui dire que je m’en vais et elle me demande silencieusement si je souhaite qu’elle me raccompagne. Je secoue négativement la tête en tapotant ma montre pour lui indiquer qu’il est encore tôt et que je ne suis pas inquiète de rentrer seule. Après un pouce en l’air assorti de son plus beau sourire, je ris en repartant dans le couloir.

Cependant, je ne suis pas à la moitié du chemin que je me fais barrer la route par un grand type :

-         Où tu te sauves comme ça ? demande-t-il en riant.

Son rire ne me rassure pas vraiment, il m’a l’air drôlement alcoolisé alors qu’il est encore tôt, ce qui n’indique pas vraiment une personnalité qui m’inspire confiance.

-         Je rentre chez moi, réponds-je en essayant de le contourner.

Il me barre encore la route et je recule d’un pas en fronçant les sourcils tandis qu’il rit un peu plus :

-         Il est encore tôt jolie princesse… Tu rateras ta soirée si tu ne la passes pas avec moi…, soutient-il en vrillant ses yeux sur mon décolleté.

Je recule encore d’un petit pas :

-         Et bien je la raterai alors, réponds-je.

Il me tape déjà sur les nerfs mais mon refus passe complétement à la trappe puisqu’il continue :

-         Je t’ai vu lire dans le fauteuil… Putain quelle beauté, qu’est-ce que tu foutais le nez dans un livre au lieu d’emballer n’importe quel mec ? demande-t-il.

-         Tu m’as suivie ?!

C’est tout ce que j’arrive à répondre, c’est de toute façon l’information qui me saute au nez parce que je frémis de me dire que ce type m’a aperçu en train de lire et qu’il se retrouve comme par miracle dans le couloir avec moi quelques minutes après. Je suis une fille plutôt peureuse et le stress envahit rapidement mes veines. 

-         Putain ouai je t’ai suivi ! s’esclaffe-t-il. Tu te rends compte comme il est rare de tomber sur de vraies jolies filles dans ces soirées ? Des beautés pures… immaculées…

-         Mais qu’est-ce que tu racontes… ? souffle-je d’une voix choquée. Tu as sans doute un peu trop bu…

-         Non, je commence à peine, répond-il en riant grassement. Et ce que je raconte, c’est que tu es drôlement plus sexy que toutes les filles ici présentes. Tu as une beauté particulière princesse, tu es… bordel, tu me donnes envie de …

Il ne finit pas sa phrase, souriant bêtement et ça ne me dit rien qui vaille. Il est plutôt grand et costaud, je ne suis pas sûre d’arriver à le mettre au tapis même avec toute ma bonne volonté alors j’opte pour la stratégie puisque mon cœur commence à accélérer férocement :

-         J’ai un petit-ami, réponds-je d’une voix que j’espère ferme.

-         Je m’en moque putain ! se marre-t-il.

-         Pas sûr qu’il s’en moque ! couine-je.

-         Et qu’est-ce qu’il fera ? Il me cassera la gueule parce que j’ai roulé une pelle à sa copine…? rit-il plus encore.

Tous les signaux d’alarmes dans ma tête résonnent les uns après les autres et mon pouls monte encore. Je veux m’en aller, partir très vite et très loin de ce type qui dresse les poils de mes bras sous l’effroi. Je tente une échappée sur la droite mais il fait un mouvement vif pour m’empêcher de passer, me faisant couiner tandis que la moitié de son verre se renverse sur ma robe et que mon cœur atteint la vitesse de celui d’une souris.

-         Où tu te sauves poupée ? lâche-t-il d’un ton inquiétant.

-         Rejoindre mon petit-ami, m’obstine-je.

-         Mh… menteuse, dit-il alors en me sortant des yeux qui me glacent.

J’ai deux options, me sauver en courant ou hurler pour appeler Julia. Comme souvent, je prends la mauvaise décision parce que je ne veux pas gâcher la soirée de mon amie et encore moins la voir se battre avec un homme. Je fais donc volte-face pour me sauver aussi vite que mes jambes me le permettent au fond du couloir. L’homme derrière moi éclate de son rire soûl et j’ai l’impression de sortir de mon corps alors que je détale sans savoir où je vais.

Il y a une porte au fond du couloir, une porte qui me semble être une porte extérieure et je prie intérieurement pour que ce soit le cas puisque mon interlocuteur n’a pas encore esquissé un mouvement dans ma direction à cause de son rire sinistre et que j’ai espoir de le semer. Je passe donc la porte en quatrième vitesse, la claquant derrière moi alors que je me retrouve sur le côté du jardin. Je file à travers la pelouse en essayant de me calmer, me répétant que je ne suis pas seule puisque de nombreux fêtards peuplent le jardin et je me sens un poil plus en sécurité qu’au milieu du long couloir vide. Les larmes menacent dans mes yeux alors que je trottine en respirant à toute vitesse, le souffle court sous la panique.

Voilà pourquoi je ne sors pas, voilà pourquoi je serai toujours mieux chez moi qu’au milieu d’une bande de déglingués qui s’alcoolisent bien trop. C’est le genre de chose qui n’arrive jamais à Julia, les garçons flippants sont toujours pour ma poire, mais c’est aussi sans doute parce qu’elle est toujours entourée alors que je me retrouve souvent seule dans un monde peuplé d’hommes malsains.

Je m’enfile par le petit portail d’entrée du jardin pour filer dans la rue, complétement haletante mais me rassurant un peu puisque je ne vois pas cet homme répugnant me suivre lorsque je jette un coup d’œil rapide par-dessus mon épaule. Je continue ma course folle dans la rue, regrettant à mourir de ne pas être restée chez moi ce soir alors que Julia n’a eu besoin que d’une minute pour se lier d’amitié avec ces filles et que je n’ai servi à rien.

La rue est déserte, très sombre mais calme et je me sens presque invisible tandis que je file sur le bitume en rasant les murs. Je commence enfin à sérieusement me calmer alors que la musique disparait au loin et je traverse rapidement la route, m’éloignant encore un peu de ce type horrible.

J’entends ses pas dans mon dos une seconde avant que le drame ne se produise. Je n’ai même pas encore intégré l’information qu’il soit, que sa main se renferme sur mon bras pour me tirer sèchement en arrière afin de me retourner face à lui. Alors que je pivote et que je me retrouve face à ses traits excités, je réalise qu’il a de la force, que nous sommes au milieu d’une rue déserte et que l’éclat dans ses yeux me terrifie encore plus que tout à l’heure.

-         Quelle brillante idée tu as eu que de nous avoir éloigné des autres princesse…, lâche-t-il.

Mon cerveau tourne à cent à l’heure, je suis objectivement bien plus proche de la soirée que de chez moi mais mon esprit est focalisé sur le fait de me sauver jusqu’à la maison. Je n’ai pourtant aucune foutue chance de le semer, mon cœur démarre le sprint de sa vie tandis qu’aucun son ne sort de ma bouche sous le choc et qu’il ricane :

-          Je ne vois pas de petit-ami, j’aime autant te dire que ça arrange bien mes affaires vu les envies que j’ai.

J’écarquille les yeux, toujours incapable de crier alors que cet homme est en train de me dire la chose la plus terrifiante possible pour une femme. Je ne peux pas croire que ça m’arrive à moi, aussi bêtement que de cette façon, alors que je voulais simplement rendre service à une amie.

Je détaille ses yeux mauvais et je frémis de peur alors qu’il se lèche les lèvres avec appétit comme un foutu animal. J’ai l’impression que mon corps est figé, que je suis complétement sidérée, que je n’arriverais même pas à lutter pour mon intégrité physique et pourtant… Il lâche mon bras et l’adrénaline se répand si fort dans mes veines que la scène me parait surréaliste lorsque je me vois pivoter et partir en courant comme un vif argent. Je cours à en perdre haleine, comme si ma vie en dépendait, et elle en dépend finalement.

-         Je te rattraperai princesse, tu es foutue ! s’exclame-t-il sombrement dans mon dos.

Nouveau jet d’adrénaline dans mon corps lorsque je l’entends qui se met à courir au loin dans mon dos. Je survole la route, je vole même tout court et les larmes coulent enfin sur mes joues alors que je comprends que cette ordure me rattrapera bel et bien. Je n’arriverai jamais à courir assez vite le kilomètre qu’il me reste et même si c’était le cas, ce type m’attraperait assurément au moment où j’essaierais d’ouvrir ma porte. Mais je ne me laisserai pas bafouer sans essayer, c’est hors de question, alors je redouble de vitesse en essayant de toute ma volonté de dénouer ma gorge pour hurler de toutes mes forces.

Alors que je passe le coin d’un bâtiment en courant comme une dingue, je heurte violemment quelque chose. Je tombe presque à la renverse mais une main me rattrape au dernier moment et je suis tellement sonnée que je vois des étoiles danser devant mes yeux. J’ai une bouffée d’espoir, parce que je sais que je viens de rentrer dans quelqu’un et je me crois sauvée jusqu’à ce que mes yeux retrouvent la vue et que je découvre le torse d’un grand homme planté devant moi :

-         Bah alors petit oiseau ? On est tombé du nid ou quoi ? demande-t-il.

Mon cauchemar prend une autre tournure lorsque je comprends que je suis désormais coincée avec deux hommes dans cette rue sombre au lieu d’un seul. Des images effroyables envahissent mon esprit alors que j’ouvre des yeux immenses en relevant le nez pour regarder le visage de ce nouvel intru.

Il fronce les sourcils :

-         Ça va ? s’inquiète-t-il.

Mon cœur s’arrête alors que je croise enfin son regard. Ses yeux noisette sont chaleureux et réconfortants, ses sourcils crispés sous l’inquiétude de me voir dans cet état second et il y a quelque chose en lui qui me rassure instantanément. Il est pourtant grand, plutôt très costaud mais il y a définitivement quelque chose en lui. Son regard couleur miel sombre, ses cheveux légèrement ondulés couleur chocolat… un quelque chose qui me ressemble ? Je ne sais pas, mais un quelque chose qui m’inspire une confiance immédiate après l’allure de mon poursuivant et j’attrape sa veste sans réfléchir en essayant de lui parler :

-         Je … je … non ! m’étrangle-je.

Ses yeux s’agrandissent encore sous la surprise alors qu’il réalise que je pleure, que j’ai la gorge si nouée que ma voix tremble et je parierais qu’il entend mon cœur palpiter puisque ce dernier m’assourdit complétement.

Je m’agrippe à lui de toutes mes forces, terrifiée à l’idée qu’il me laisse là et s’en aille, comme s’il risquait de disparaitre et de m’abandonner aux griffes du tordu. Les pas de ce dernier résonnent alors au coin de la rue, je l’entends freiner des quatre fers pour éviter de nous rentrer dedans tandis que je suis incapable de détourner les yeux de mon potentiel sauveur. Et il me sauve.

Il relève la tête en fronçant un peu plus les sourcils, et dès que je suppose qu’il voie mon poursuivant, il comprend visiblement la situation parce qu’il passe un bras derrière mes épaules pour me tirer contre son torse.

-         On peut savoir ce qu’il se passe ici ?! aboie-t-il méchamment à mon agresseur.

J’en ferme les yeux de soulagement, me blottissant très clairement dans les bras d’un parfait inconnu alors que mes larmes redoublent sur mes joues et que je me mets à sangloter. Dès qu’il m’entend pleurer comme ça, il resserre sa prise sur mon dos pour me serrer contre lui et je ne réfléchis pas, j’enroule mes bras autour de son torse. J’essaie de le remercier par la pensée, je lui envoie toutes les ondes de soulagement possibles et inimaginables alors que je m’étrangle presque dans mes pleurs. J’entends à peine son échange avec mon tordu, je comprends en tout cas que mon sauveur est en train de le menacer de lui refaire le portrait s’il ne dégage pas dans les dix secondes et je respire enfin en reprenant le souffle qui me manque cruellement.

Les pas s’éloignent dans mon dos mais je reste blottie contre mon sauveur sans bouger une oreille, je m’accroche toujours férocement à lui le temps d’atterrir et de calmer mes émotions et il passe finalement ses deux bras dans mon dos pour me réconforter tranquillement.

Je reprends pieds quelques minutes plus tard, lorsque l’apaisement m’inonde enfin et que je réalise que je suis dans les bras de ce garçon qui ne m’a rien demandé. Je le lâche subitement pour reculer, rougissant furieusement tandis que je m’étrangle un peu plus :

-         Je suis désolée ! Profondément désolée mais ce type… ce type me … il me suivait… il voulait me faire du mal, je … je ne savais pas, j’ai eu si peur je ne voulais pas…, couine-je alors que mes larmes reprennent.

-         Hé ! Tout va bien petit oiseau, il est parti et je ne vais pas te laisser toute seule, répond-il rapidement.

Il me prend les mains puisque je recule toujours comme un robot et dès qu’il me tient, je m’apaise à nouveau. C’est comme s’il me donnait l’autorisation de le déranger encore un peu et bon sang, c’est bienvenu.

-         Je … merci, je ne sais même pas quoi te dire, j’ai eu tellement peur, sanglote-je encore.

-         Tout va bien, tu n’as plus rien à craindre je te le promets. Je m’appelle Eden, comment tu te sens ? Tu veux t’assoir une minute ? demande-t-il.

Je plonge une fois de plus dans ses yeux noisette et je me calme enfin définitivement face à la gentillesse profonde que j’y lis, retrouvant mes esprits pour de bon :

-         Je m’appelle Hestia, je … je ne me sens pas très bien pour être honnête. J’ai du mal à atterrir après ce… cette situation, réponds-je en essuyant mes larmes abondantes.

-         Tu veux t’assoir Hestia ? répète-t-il d’une voix douce.

-         Non je… j’aimerais juste rentrer chez moi, sanglote-je encore.

-         Ok. Tu habites par ici ? Tu as des amis dans le coin ? De la famille ? demande-t-il.

-         Non, j’habite sur le campus, je suis toute seule, enfin j’ai une amie dans une soirée à quelques rues d’ici mais… je veux juste rentrer chez moi…, gémis-je un peu plus.

-         La soirée au bâtiment L ? demande-t-il.

-         Oui, confirme-je en essuyant un peu mieux mes larmes.

-         C’est là que j’allais, tu veux que je t’y accompagne pour retrouver ton amie ? propose-t-il.

C’est presque une claque de gentillesse. Je n’en reviens pas d’être tombée sur le type le plus affreux de ma vie à quelques minutes d’intervalle de cet homme qui vient de devenir l’homme le plus incroyable du monde à mes yeux. Mes larmes tarissent enfin et je retrouve des constantes normales. Si je débarque dans cet état, Julia s’en voudra toute sa vie de m’avoir trainée à cette soirée, elle ne se le pardonnera jamais.

-         Non… je vais rentrer chez moi, dis-je d’une petite voix mal assurée.

Il m’observe une minute en silence, l’air concerné et embêté :

-         Je… ce n’est peut-être pas très délicat de ma part après ce qu’il vient de t’arriver mais… tu veux que je te raccompagne chez toi ? Je suppose que tu n’as sans doute pas la moindre envie de marcher avec un homme que tu ne connais pas mais je ne peux pas non plus te laisser dans cet état…

J’en ouvre la bouche sous le choc et il se justifie encore :

-         J’essaie d’évaluer à quel point ma présence peut t’affoler vu ce que tu viens de vivre… je ne sais pas trop quoi faire pour te rassurer… je ne vais rien te faire, j’espère que tu le sais…, continue-t-il d’une voix embêtée.

J’hallucine encore plus, je ne peux pas croire qu’il soit en train de s’inquiéter de me faire peur alors que ce garçon est mon foutu sauveur sur terre. Je lui donnais déjà le bon dieu sans confession mais ce qu’il vient de me sortir témoigne d’une telle empathie et d’une telle prévenance que j’ose à peine le croire. Et il poursuit :

-         Tu veux que j’appelle les flics ? Ou les pompiers ? Ou bien tu pourrais appeler des amies avec mon téléphone ?

-         Non ça va aller… Je vais rentrer…

-         Mais tu… tu vas avoir la trouille non ? Tu veux bien que je te raccompagne ou ça risque de te flipper encore plus ? continue-t-il.

Il a l’air tellement perdu, je vois qu’il essaie de me rassurer, qu’il veut s’occuper de moi tout en craignant de me faire peur, quel amour, je n’en reviens pas.

-         Je veux bien que tu me raccompagnes, murmure-je d’une petite voix.

-         Vraiment ? demande-t-il en retrouvant le sourire. 

J’hoche la tête en lui souriant faiblement et nous prenons la direction de chez moi.

Laisser un commentaire ?