Les sentiments au fond de tes beaux yeux - Tome 1 : La magie de Noël
Chapitre 3 : Eden ****
Alors que nous marchons dans les rues sombres, je me sens pourtant en parfaite sécurité et j’ai besoin de le remercier encore une fois :
- Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi, tu es vraiment gentil, je ne pourrai jamais assez te remercier, dis-je.
- Pas de soucis Hestia, vraiment. Et puis je connais vaguement le type alors j’irai m’expliquer avec lui lorsque je retournerai à la fête.
Je lui lance un regard inquiet et il me répond silencieusement par un sourire rassurant. Honnêtement, je ne crois pas que j’aie du soucis à me faire, Eden est grand et vraiment costaud encore une fois.
- Alors… tu es sur le campus ? reprend-il pour faire la conversation.
- Oui, en faculté de droit…
- Comme mon coloc ! répond-il joyeusement.
- Ah bon ? Je le connais peut-être ? demande-je poliment.
Je sais pourtant que c’est peine perdue, je ne m’intéresse pas une seconde à mes camarades en amphithéâtre.
- Tu es en quelle année ? demande-t-il.
- Première.
- Laisse tomber, mon coloc est en master de droit des affaires cette année, répond-il en riant.
Je l’observe encore, je suis plutôt très impressionnée. Ce master est l’un des plus compliqués à obtenir, seuls les meilleurs éléments y parviennent.
- Vraiment ? C’est impressionnant…, souffle-je.
- Ouai il parait ! répond-il joyeusement.
Il me sourit encore et ma curiosité prend le dessus :
- Et toi alors ? demande-je. Tu es à la fac aussi ?
- Oui, en troisième année de sport. J’ai redoublé ma première année parce que je ne foutais rien niveau cours, mais j’ai vite compris qu’il fallait assurer un minimum sur le papier pour se faire repérer, pas seulement dans mon sport de prédilection, répond-il.
- Et quel est-il ?
- Le rugby… J’essaie de me faire repérer pour devenir pro, c’est plutôt sur la bonne voie puisque je suis passé capitaine cette année et qu’on a pas mal de match nationaux de prévu… mais un bon dossier motive les repéreurs, ça fait plus sérieux, précise-t-il. J’ai encore un peu de mal avec certains cours de biochimie mais je me débrouille.
- Je pourrais peut-être t’aider… ? J’ai longuement hésité entre médecine, biologie et droit, j’ai passé toute ma vie à étudier ces domaines et j’estime que je me débrouille. En tout cas, je suis calée en biochimie ! m’enthousiasme-je.
- Tu me fais trop rire petit oiseau. Ce n’est pas parce que je t’ai sauvé la mise ce soir que tu me dois une reconnaissance éternelle ! s’amuse-t-il.
- Un peu si, réponds-je en souriant.
- Tu as donc passé ta vie le nez dans des bouquins ? Tu es quoi ? Une sorte de petit génie toi aussi ? demande-t-il gentiment.
- Non… Enfin, je me débrouille…
- C’est ce que dise tous les génies…, me taquine-t-il.
Je ris nerveusement en rougissant et il me lance un regard heureux, sans doute ravi de me voir détendue alors qu’il s’inquiétait de me faire peur. Je réalise alors l’évidence :
- Mais … tu es en sport… tu ne loges pas dans le bâtiment L ? m’étonne-je. Surtout en tant que capitaine, tu n’as pas une bourse d’office pour y habiter ?
- Si, mais je n’habite pas sur le campus. Mon coloc est en fait mon meilleur ami et il a un appart juste à côté du bâtiment L… Il m’a proposé d’habiter avec lui lorsque j’ai adopté mon chien puisque je ne pouvais pas le prendre en logement étudiant.
- Tu as un chien ?! m’exclame-je avec entrain.
- Ouai… ça fait un peu plus de trois ans, je l’ai récupéré en refuge le jour de mes dix-huit ans.
- Si tôt ? C’était un rêve pour toi d’avoir un chien… ?
Il éclate de rire avant de s’expliquer :
- J’ai toujours aimé les chiens et je savais que je voudrais en prendre un après mes études, mais j’ai une histoire particulière avec lui. Lorsque j’étais encore au lycée, je suis tombé sur lui dans la rue… Il avait à peine un an et était maigre à faire peur, il ne se laissait pas approcher et attaquait quiconque tentait la chose, il terrorisait plus ou moins le quartier depuis quelques jours. Les habitants voulaient appeler la police pour le faire abattre, ils étaient inquiets pour leur sécurité alors que le pauvre loulou était juste terrifié… alors je m’en suis occupé. J’ai séché les cours l’après-midi même pour aller le chercher, ça a été compliqué, il m’a mordu plusieurs fois mais je n’ai rien lâché jusqu’à réussir à lui mettre une laisse pour le ramener chez moi. Je lui ai donné à boire, à manger et il a littéralement changé de comportement. Dès qu’il a compris que je ne lui voulais pas de mal, ce n’était plus le même. Il a passé le reste de l’après-midi collé à moi, il ne voulait plus me lâcher d’une semelle…
- Mais… tu viens de me dire que tu l’avais adopté en refuge ? demande-je sans comprendre.
- Et bien, quand mes parents sont rentrés le soir, qu’ils m’ont trouvé avec un chien inconnu qui m’avait défoncé le bras et qui les grognait dès qu’ils mettaient un pied chez eux… Bon, ça ne s’est pas bien passé. Ils ont refusé tout net de le garder et m’ont forcé à l’emmener en refuge. Je les ai harcelé pour qu’on l’adopte, j’allais le voir tous les week-end, je suis devenu bénévole là-bas simplement pour pouvoir m’occuper de lui et heureusement… Parce qu'il ne se nourrissait presque pas, il attaquait toute personne qui avait le malheur d’ouvrir son box sauf moi.
- Et tes parents ont fini par craquer ?
- Non. Depuis que j’ai quinze ans, je les tanne pour avoir un tatouage tous les ans à mon anniversaire, ce qu’ils refusaient tout net. Ensuite je les ai tanné pour adopter mon loulou mais sans réussite…
- Et c’est finalement le chien qui a gagné ? m’amuse-je.
- Pas vraiment, le jour de mes dix-huit ans, je suis allé l'adopter et je me suis fait faire le tatouage dans la foulée ! répond-il joyeusement en me désignant son avant-bras.
J’éclate de rire en constatant son tatouage, une tête de loup visiblement.
- Et ils l’ont accepté par la force des choses…, conclus-je.
- Non, ils m’ont dit que ce chien ne mettrait pas un pied chez eux, que je devais le ramener immédiatement.
- Et ?
- Et je me suis barré de chez mes parents ! répond-il comme si c’était évident.
Je l’observe un peu mieux tandis que nous marchons toujours. Ce mec est un phénomène, je le trouve sincèrement génial.
- Tu as un sacré caractère, une sacrée force de décision…, commente-je en souriant.
- Il parait ! dit-il en souriant. En tout cas je suis allé toquer chez Hunter et je lui ai demandé s’il acceptait de m’accueillir chez lui puisque je savais que la fac ne voudrait jamais d’un chien.
- Ton meilleur ami ?
- Dans le mille, il a accepté puisqu’il avait une seconde chambre et on vit tous les trois depuis.
- C’est sympa de sa part. Et ton chien alors ? Ça se passe mieux avec les humains ? demande-je avec curiosité.
- Non mais j’ai réussi à le canaliser avec le temps, je peux le promener sans qu’il n’agresse qui que ce soit, chien ou humain, mais personne ne peut le toucher ou l’approcher de trop près sinon… Bon, il a un sacré tempérament mais c’est le chien le plus incroyable de la terre…
- Et avec ton coloc, ça se passe bien quand même ?
- Ouai, Hunter est particulier, il a besoin de son espace et il dégage une aura… on a pas envie de l’emmerder quoi. Mon loulou l'a compris tout de suite, ils se sont respectés mutuellement, ils se sont laissé de l’espace et avec le temps ils se sont apprivoisés. Hunter est la seule autre personne qui peut l'approcher, ils sont même extrêmement proches maintenant, c’est lui qui gère quand je suis en déplacement pour le rugby et heureusement. Ils sont comme ma famille ces deux idiots !
Nous arrivons devant ma porte, mais je n’ai même pas envie de rentrer, notre conversation me passionne, je trouve la vie de ce garçon trépidante et touchante alors je m’arrête mais je poursuis mes questions :
- Et le refuge t’a laissé l’adopter alors que tu étais étudiant ? m’étonne-je.
- Honnêtement, c’était l’euthanasie ou moi. Et puis, je venais m’en occuper tous les week-end alors ils ont préféré lui laisser une chance d’être heureux malgré ma situation bancale.
- Et ils ont eu raison ! souligne-je.
- Oui, ils étaient tellement contents pour lui lorsque je suis retourné les voir quelques mois plus tard… Je voulais leur donner des nouvelles, leur dire qu’on avait un logement stable, que son éducation progressait, tout ça… Certains en avait les larmes aux yeux vu d’où il revenait ! rit-il.
- C’est une magnifique histoire, dis-je avec émotion. Tu es décidément une personne magnifique Eden, tu ne viens pas en aide qu’aux pauvres filles en détresse.
- Arrête ! Je vais finir par prendre la grosse tête ! répond-il en époussetant son épaule.
Deux filles sortent de leur chambre à ce moment-là et se taisent subitement lorsqu’elles aperçoivent Eden, ouvrant de grands yeux avant de pouffer comme des dindes en lui lançant des regards de biches. Il leur offre un sourire qui les renverse totalement et elles s’éloignent en gloussant un peu plus.
- Je crois que tu as un ticket avec mes voisines, plaisante-je.
- Être capitaine de l’équipe de rugby a ses avantages, réplique-t-il avec humour en bombant le torse.
- Comment veux-tu qu’elles le sachent ? Je pense que tu leur as simplement tapé dans l’œil, m’amuse-je.
Il affiche un faux air outré :
- Tout le monde le sait ! Tu n’imagines pas la quantité d’étudiants qui viennent voir nos matchs tous les samedis !
- Ah bon ? demande-je.
- Vraiment oui, c’est un peu l’évènement de la semaine, le match est à 18h, et à partir de 20h, c’est la fête au bâtiment L pour fêter la victoire ou absorber la défaite…
- C’est donc pour ça que les fêtes du bâtiment L sont si cotées ! Il y en a chaque semaine ! m’exclame-je en le réalisant.
- Exactement, mais je parie que tu es un petit rat de bibliothèque très peu au fait des activités étudiantes, m’embête-t-il en me poussant du doigt.
- Je plaide coupable, admets-je en grimaçant.
- Le comble pour une future avocate, répond-il.
Nous rions tous les deux et je réalise soudain que je suis en train de le retenir alors qu’il doit être attendu comme le Messi à la soirée des sportifs.
- Oh mon dieu Eden ! Je suis désolée de t’avoir retenu si longtemps alors qu’ils doivent tous t’attendre là-bas ! m’exclame-je.
- Il n’y a pas de soucis ! Ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur un petit oiseau tombé du nid, me taquine-t-il.
- L’oiseau est arrivé à bon port, encore merci, va vite profiter de ta soirée !
Il n’est pas pressé de partir, il prend encore le temps de discuter quelques minutes avec moi pour comprendre pourquoi je suis en première année alors que j’ai la vingtaine et comme toutes les personnes à qui je raconte cette histoire, il est évidemment plié en deux en apprenant que j’ai fait tourner en bourrique des médecins. Il s’en va finalement un petit quart d’heure plus tard, après s’être assuré que je suis bien enfermée à double-tour.
Je me glisse dans mon lit pour regarder un film, me sentant bizarrement très bien malgré ce qu’il m’est arrivé ce soir. Je crois que je n’aurais pas pu mieux tomber que sur Eden, car outre le fait qu’il m’ait sauvé, il possède un côté si solaire et sympathique que je crois qu’il a réussi à écarter le traumatisme de mes pensées.
Je ne ressasse pas ce qu’il s’est passé, je me sens détendue et sereine, j’ai même le sentiment d’avoir passé une bonne soirée et je pense beaucoup à tout ce qu’il m’a raconté, plus particulièrement son chien. Je regrette de ne pas lui avoir demandé à quoi il ressemblait ou son prénom, ces informations ne m’auraient pas apporté grand-chose mais je ne sais pas, c’est comme si je m’étais un peu attachée à lui en apprenant son histoire…
C’est sur ces pensées que je m’endors, en rêvant de cette histoire toute la nuit.
*
Le lendemain matin, je me réveille en compagnie de Julia qui a visiblement rejoint son lit dans la nuit. Dès qu’elle émerge, elle me raconte sa soirée et je passe sous silence ce qu’il m’est arrivé hier soir, même lorsqu’elle me rapporte avec animation que le capitaine de l’équipe de rugby a remis un type à sa place. Elle est toute excitée, comme si c’était le scoop brûlant de toute l’université et je fais celle qui ne sait rien puisque je ne veux pas qu’elle s’en veuille à mourir en apprenant que c’est moi qui suis à l’origine de cette histoire. En revanche, je suis curieuse :
- Tu savais que les soirées aux bâtiment L avaient lieu tous les samedi soir pour célébrer les matchs de l’équipe ? demande-je.
- Non… ? Tu m’intéresses ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.
- Et bien, visiblement tu as passé une bonne soirée avec tes nouvelles amies mais si tu veux vraiment rejoindre cette … « sphère de gens », alors tu n’as qu’à aller regarder le match et suivre le public dans la foulée qui t’emmènera jusqu’au bâtiment L faire la fête, dis-je.
- Quoi ?! Mais comment tu sais ça ?! s’exclame-t-elle.
Aïe. Effectivement, pour que je sois au courant d’une chose pareille et pas elle, je suis louche. Mais heureusement, je réfléchis vite :
- J’ai entendu des types en parler lorsque je lisais à la soirée, réplique-je.
- Sérieux Hestia… c’est une information de dingue… Tu imagines le réseau que je pourrais me faire si je rejoins cette sphère comme tu dis ! couine-t-elle.
Je lève les yeux au ciel :
- Oh toi et tes soirées mondaines… Il faudrait faire étudier ce besoin compulsif de faire partie des gens « populaires », la taquine-je.
- Je veux devenir journaliste ! Le réseau est primordial Hestia ! se défend-elle. Lorsque je serai sur le marché, j’aurai besoin de tous ces contacts, c’est vraiment important !
- Je sais bien…, soupire-je.
- C’est sûr que tu n’auras pas ce problème, les gens viendront à toi naturellement pour que tu les sortes de leur panade !
- Oui, et heureusement ! m’exclame-je.
- Oui, sinon ce n’était pas gagné ! rit-elle. Enfin, moi, il faut impérativement que je connaisse du monde de tous les horizons.
- Je sais bien Julia, en tout cas… de rien pour l’info, grommèle-je en levant un sourcil.
Elle saute sur mon lit pour me prendre dans ses bras en me remerciant affectueusement, ce qui me fait évidemment rire puisqu’elle fait exprès d’en faire des caisses.