Les sentiments au fond de tes beaux yeux - Tome 1 : La magie de Noël
Chapitre 4 : Le loup ****
La semaine suivante, je suis moins concentrée sur mes cours.
Ça ne change absolument rien, car je reste une élève avec des facilités et une bonne mémoire, en fait, ça me fait même du bien de moins potasser. J’ai déjà couvert pratiquement tout le programme de ma première année sur mon temps libre alors je suppose que je peux relâcher mon attention.
Je pense constamment au match de samedi, à Eden et même à son chien alors que je ne le connais même pas. Je ne sais pas pourquoi il m’a marqué à ce point, pourquoi je l’apprécie à ce point mais je sens au fond de moi que ce type pourrait être un ami, un vrai ami, pas un copain comme ça. J’ai la conviction qu’il pourrait faire partie des gens sur qui je pourrais sincèrement compter et que j’aimerais profondément. Je n’ai pas un rapport tout à fait classique aux relations, je le sais bien, l’orphelinat a laissé des marques en moi et j’ai toujours eu cette impression de ne pas chercher à me faire des amis mais à me reconstituer une famille.
C’était déjà le cas avec Kai, je me suis attachée à lui profondément, malgré son sale caractère, son impulsivité et ses comportements très limites. Je passais l’éponge sur tout ce qu’il faisait, il était absolument détesté par tout le monde sauf par moi et je sais que c’était la chose la plus importante pour lui. J’étais son repère, son oasis de paix… il m’offrait souvent un autre Kai quand nous étions tous les deux, un Kai profondément gentil et respectueux, presque docile, à l’opposé même du Kai en société.
En tout cas, je ne l’ai jamais lâché jusqu’à ce qu’il ait dix-huit ans et se retrouve aussi sec en prison. Il n’a pas pu me dire où il était incarcéré puisqu’en état d’arrestation et j’ai eu beau appeler toutes les prisons des environs, aucune ne m’a donné d’information puisque je ne suis pas de sa famille.
Les gens ne m’intéressent pas trop globalement, sauf quelques élus qui rentrent dans mon cœur pour toujours. J’y compte Kai, Julia et je suis bien tentée de dire qu’aussi bizarre cela soit-il, Eden m’a l’air déjà bien intégré dedans alors que je ne l’ai vu qu’une heure maximum dans ma vie.
Heureusement pour moi, ça fait bien longtemps que je ne juge plus mes comportements bizarres, et c’est donc avec une petite assurance que je me plante vers Julia le samedi suivant, alors qu’elle se maquille sur son bureau.
- Tu vas aller au match ? demande-je.
- Oui pourquoi ? s’étonne-t-elle.
- Pour savoir… tu vas y aller seule ? continue-je.
- Oui… c’est le plus pratique pour se faire de nouveaux amis… pourquoi ? insiste-t-elle.
- Comme ça…
Je fais quelques pas dans notre chambre en ne sachant pas exactement quoi faire. J’étais tentée d’aller au match, et si Julia n’y était pas allée alors il y a fort à parier que j’irais, mais la perspective de devoir m’expliquer est trop compliquée.
Je marche jusqu’à ma fenêtre pour observer le campus arboré en contre-bas, complétement perdue dans mes pensées.
En fait, je suis même carrément déçue et contrariée. Je réalise que j’ai attendu toute la semaine d’être samedi simplement pour me rendre à ce match et j’envisage de tout dire à Julia pour pouvoir y aller quand même mais je n’y arrive pas. Je sais qu’elle vrillera en apprenant ce qu’il m’est arrivé, elle est tellement protectrice... J’étais tellement contente de penser un peu à autre chose qu’aux cours, si heureuse de me dire que j’allais me faire un ami, avoir une vie sociale un peu plus étoffée… J’aime bien la compagnie, je ne suis pas fondamentalement solitaire… J’adore habiter avec une colocataire par exemple… Le vrai problème est que je ne supporte pas les trois quarts des gens qui me côtoient, je n’arrive pas à créer de liens avec eux, je les trouve toujours « trop » pour moi. Pourtant, Eden me semble faire partie des gens « trop » alors il faut croire que c’est plus compliqué que ça, que je ferais bien de m’ouvrir un peu et d’arrêter de repousser tout le monde.
La journée avance et je commence à envisager de me rendre au match sans rien dire à Julia, en espérant simplement ne pas tomber sur elle là-bas. Après tout, le stade est immense et mon amie facilement repérable avec ses cheveux blonds et ses habits souvent colorés. Quant à moi, je me fonds parfaitement dans le décor avec mes cheveux chocolat et mes habits toujours sombres… Je suppose que ça se tente, je n’arrive de toute façon pas à envisager de ne pas y assister. Même si je ne parlais pas à Eden, je sais que ça me ferait plaisir de l’encourager depuis les gradins, je sais que j’ai envie de le faire pour le remercier d’être une si belle personne, j’ai envie de le voir jouer et gagner le match, de célébrer intérieurement la victoire de mon sauveur qui le rapprochera sans doute de son rêve de devenir professionnel. Je ressens une bienveillance sans limite à son égard et je suppose qu’il est vrai de dire que lorsque l’on sème le bien, on le récolte en retour.
*
Il est dix-sept heures trente lorsque le miracle se produit.
Alors que je lis et que Julia se vernit les ongles, les nouvelles copines de cette dernière passent à l’improviste pour nous inviter à une soirée entre filles. Je manque de tomber de mon lit tant je ne crois pas à ma chance, et après avoir décliné leur – gentille – invitation, j’attends qu’elles partent toutes ensemble pour foncer à la salle de bain me doucher et me changer.
Je ne sais pas trop comment il convient de s’habiller pour un match, alors je mets une jupe en similicuir, mes chaussettes hautes et mes boots avant d’enfiler ma veste pilou-pilou noire. Julia s’amuse souvent de mon look en me traitant de gothique romantique ratée. Je ne peux pas lui donner entièrement tort puisque la quasi-totalité de mes habits sont noirs, majoritairement des robes et des jupes et que je les porte avec mes grosses boots en cuir mais je suis loin d’être gothique. C’est simplement mon style.
Je détache ma queue de cheval pour faire un peu plus apprêtée, laissant retomber mes longues ondulations épaisses qui atteignent pratiquement mon nombril puis j’attrape mes clés et je file en quatrième vitesse dans le campus, direction le stade.
*
J’arrive un peu en retard, et lorsque je grimpe le petit escalier en métal, je constate vite qu’il n’y a plus de places assises dans les gradins. Je marche donc tout droit jusqu’à la grosse barrière blanche, qui surplombe le terrain d’un ou deux mètres environ. C’est une place de choix, je suis au plus près, j’ai une vue imprenable et les passionnés sont tous placés le long de cette barrière pour se pencher en avant en beuglant de toutes leurs forces leurs commentaires aux joueurs. Je m’appuie donc contre la barrière moi aussi, bien tranquille toute seule au lieu d’être serrée contre des gens que je ne connais pas dans les gradins.
L’ambiance me submerge, le stade est électrisé, les supporters sont tous branchés sur du dix milles volts. Les cris, les applaudissements, les chants et les cornes de brumes me vrillent si fort les oreilles que j’ai l’impression d’être dans une autre dimension alors que mes yeux suivent le ballon sur le stade suréclairé.
Eden brille, il est littéralement adulé par la foule, chacune de ses actions sont acclamées par le public et il joue vraiment bien de ce que j’en comprend peu à peu, il se démarque complétement des autres. Je me surprends à être à cent pour cent happée par ce match, par ce sport, par cette ambiance… Je retiens mon souffle lorsque le ballon approche nos poteaux de buts, mon cœur accélère lorsque ce sont nos joueurs qui sont près de marquer, j’éclate de joie lorsque nous mettons des points, je vibre avec la même intensité que la foule survoltée derrière moi. Je crie, j’applaudis, j’encourage Eden de toutes mes forces même si je sais qu’il ne m’entend pas et alors que je pensais simplement être heureuse de le voir jouer, je passe vraiment un très bon moment.
A la fin du match, je saute de joie lorsque notre équipe remporte la victoire et j’observe avec des yeux brillants Eden qui court le long du terrain en agitant les bras tandis que la foule l’acclame dans une explosion de bruit.
Alors qu’il passe devant moi, il me repère et un immense sourire éclate sur ses lèvres. Il se détache de ses équipiers pour foncer vers moi, sautant agilement après la barrière pour venir à mon niveau :
- Petit oiseau ! Mais qu’est-ce que tu fais là ?! s’exclame-t-il.
Il me prend dans ses bras naturellement et je le serre brièvement :
- Félicitation ! Je n’ai pas pu résister à l’envie de venir après ce que tu m’as dit la semaine dernière ! piaille-je.
Il me relâche avec les yeux excités :
- Tu viens à la fête ? demande-t-il.
- Je ne sais pas trop, je voulais simplement venir te supporter, réponds-je.
- Viens ça sera chouette ! m’encourage-t-il.
- Je… je ne sais pas…
Les filles dans les gradins derrière moi sifflent si fort de le voir perché au bord du terrain que je souris en me bouchant les oreilles, le voyant éclater de rire devant moi :
- Allez, viens ! insiste-t-il.
- Je ne me sens pas trop de retourner dans ce bâtiment, explique-je. Il est à dix minutes à pied et…
- Pas de soucis, me coupe-t-il. Je vais dans les vestiaires mais tu peux m’attendre devant l’entrée du stade, je sortirai dans quelques minutes et je t’accompagnerai, je te ramènerai même chez toi si tu veux mais viens au moins prendre un verre avec moi pour fêter ça !
Je plonge dans ses yeux pétillants et je ne sais pas trop ce qu’il me prend, alors que je ne suis clairement pas une fêtarde, mais j’accepte :
- Allez, c’est d’accord, mais juste un verre !
- Vendu ! répond-il joyeusement.
Il salue sa foule d’admiratrices, me sourit une dernière fois puis saute sur le terrain pour rattraper ses camarades en direction des vestiaires. Je me mets donc en route pour rejoindre l’entrée du stade et l’attendre, toute contente de la tournure des évènements.
*
Une dizaine de minutes plus tard, il sort des vestiaires et me rejoint en trottinant avec un gros sac de sport sur l’épaule.
- Comment vas-tu depuis samedi dernier ? demande-t-il.
- Très bien, j’ai pensé à ton histoire avec ton chien toute la semaine si tu veux tout savoir ! ris-je.
- Ah ça, mon histoire avec Cal est digne d’un film ! s’amuse-t-il.
- Elle démontre tellement ta gentillesse, je suis heureuse de savoir que Cal a trouvé un papa aussi aimant, souligne-je en souriant de bonheur d’enfin connaitre son prénom.
- C’est gentil Hestia… toujours motivée à m’accompagner à cette soirée ? reprend-il joyeusement.
- Oui, je suppose.
- Si ça ne te dérange pas, il faut juste que je passe chez moi me changer… ?
- Pas de soucis, allons-y !
Nous nous mettons donc en route et il me demande ce que j’ai pensé du match. Je lui relate donc mes moments préférés, les temps forts de la partie et je lui explique le plus fidèlement possible les réactions du public face à ses actions. Il est fier comme un paon tandis que j’insiste sur le fait que toutes les femmes des gradins l’adulent et l’encouragent férocement et nous rions lorsqu’il me raconte les choses les plus dingues que ses supportrices ont déjà pu faire lors de ses matchs.
Nous arrivons finalement au pied d’un bel immeuble récent, et si je ne me trompe pas dans ma géographie, je comprends bien que nous sommes effectivement très proches du bâtiment des sportifs.
- C’est vraiment chouette, commente-je alors que nous montons dans l’ascenseur. Tu es collé au campus, ce bâtiment pourrait complétement en faire partie.
- Ouai, c’est le top ! Je mets moins de dix minutes à pied pour aller en cours et l’immeuble est vraiment sympa, c’est au cinquième alors nous n’avons pas de voisins au-dessus et un grand balcon avec une vue incroyable. On voit même le stade !
- Ce qui ne te sert pas trop puisque tu es sur le terrain ! pouffe-je tandis qu’il ouvre sa porte.
- Oui, c’est pas faux ! s’amuse-t-il. Mais ça permet à Hunter de savoir si nous avons gagné ou perdu !
- Il ne vient pas te voir ? demande-je.
- Non, ce n’est pas trop son truc. Il me soutient à cent pour cent et je sais qu’il viendrait si je lui demandais mais il n’a pas vraiment le temps pour ça, il est très occupé.
Son appartement est franchement dingue comparé à ma chambre étudiante. La porte s’ouvre sur une belle et grande cuisine moderne noire, avec un immense ilot qui sert également de table vu les chaises hautes autour. La cuisine est ouverte sur le salon, au fond de l’appartement, où deux grandes baies vitrées de chaque côté de la télé mènent visiblement sur le balcon. De chaque côté du salon se trouve une porte et j’en déduis facilement que ce sont les chambres. Il y a également un renfoncement sur la droite, entre la cuisine et le salon, contenant deux autres portes menant sans doute à la salle de bain et à une pièce inconnue. Le tout est très classe et élégant, dans les tons noir et bois. Je me sens drôlement bien ici, c’est sublime et très paisible, la vue est d’ailleurs magnifique depuis le salon à cette hauteur puisqu’elle donne sur le ciel étoilé.
Eden pose son sac sur la table de la cuisine, brisant la quiétude.
- Ton coloc n’est pas là ? demande-je.
- Non, il n’est pas souvent là, toujours occupé à quelque chose alors j’ai ce bijou pour moi tout seul régulièrement ! se marre-t-il en désignant l’appartement.
Je sens alors une petite pression douce sur ma main, humide, et j’ai un petit sursaut tandis que je baisse la tête pour voir la cause de cette intrusion. Mes yeux tombent alors sur deux yeux jaunes vibrants, qui m’observent avec curiosité. J’ai à peine le temps d’esquisser un petit sourire à Cal qu’Eden hurle :
- Oh bordel Cal !!
Il s’interpose entre nous avec une rapidité étonnante et Cal recule vivement en affichant un air inquiet tandis que je sursaute du cri d’Eden. Il se retrouve alors bêtement entre Cal et moi, qui sommes aussi terrifiés l’un que l’autre par son geste soudain et il se redresse en fronçant les sourcils :
- Bah ça alors… je … excuse-moi Hestia je… je n’emmène jamais personne ici à l’improviste à cause de Calyouk et je ne sais pas… j’ai complétement oublié puisque tu es venue ici naturellement…, bafouille-t-il.
Je repose les yeux sur Cal, Calyouk visiblement, et mes poils se hérissent un peu alors que me reviennent en mémoire les dires d’Eden à son sujet et notamment le fait qu’il ait une tendance à agresser quiconque s’approche de lui. Il est carrément impressionnant, on ne dirait même pas un chien mais un vrai loup, il est immense et possède deux yeux jaunes qui tranchent sur son pelage gris. Je ne comprends même pas comment Eden a pu avoir le courage d’approcher ce « monstre » dans la rue alors qu’il l’attaquait.
Malgré mes deux secondes de panique, je me calme très vite, parce qu’il n’y a absolument rien qui m’indique que Calyouk soit à deux doigts de m’attaquer, il observe simplement son maitre avec un air interrogatif à croquer tandis qu’Eden fixe son chien avec un air dérouté :
- C’est dingue… il ne réagit jamais comme ça… on dirait qu’il te connait bien, je n’en reviens pas…, souffle-t-il.
- Ah bon ?
- Ouai, désolé de te dire ça mais bordel, tu viens littéralement de passer la porte de chez moi en pleine nuit… tu devrais pratiquement être découpée en morceau à l’heure qu’il est, plaisante-t-il en riant nerveusement.
- Euh… charmant, m’angoisse-je.
- Excuse-moi, je me permets de faire la blague parce que je le connais par cœur et que je peux t’affirmer qu’il ne va pas te sauter dessus. En revanche, c’est complétement fou sérieusement… On dirait que je viens de rentrer avec Hunter, il n’a aucune réaction… je…
Eden a l’air fondamentalement perturbé et Cal comprend visiblement que l’ambiance tendue est retombée parce qu’il repose ses yeux intrigués sur moi en m’approchant doucement.
- Tu veux que je le laisse faire ? me demande-t-il.
- Je n’en sais rien ! C’est ton chien ! couine-je en lui lançant un regard peureux.
Il secoue la tête, les sourcils perchés jusqu’à la racine de ses cheveux :
- Bah… je ne sais pas, ça n’est jamais arrivé… mais tout a l’air cool, aussi bizarre que ça puisse paraitre …, dit-il d’une voix ahurie.
- D’accord…, murmure-je en observant ce gros loup m’approcher.
Il tend la truffe vers moi et je lui présente ma main pour le laisser me sentir, pas très rassurée tout de même.
- Doucement Cal, lance Eden d’une voix sévère.
Calyouk lui lance un petit regard hilarant, presque un regard de reproche, comme s’il était vexé qu’Eden ne lui fasse pas confiance et je ne peux pas m’empêcher de rire doucement. Mon hilarité ramène son attention sur moi alors qu’il bat doucement de la queue, ne manquant pas d’augmenter la surprise d’Eden qui ne sait visiblement plus quoi penser de ce qu’il se passe.
Il renifle ma main un peu plus longtemps et sa queue continue de battre tranquillement l’air alors qu’il me met un petit coup de truffe.
- Bonjour Calyouk, je m’appelle Hestia, me présente-je d’une voix douce.
Il avance encore, prenant la confiance face à mes paroles gentilles et vient me renifler de plus près. Il est encore plus impressionnant, il doit m’arriver à la taille, j’ai rarement vu un chien aussi grand.
- Tu es sûr que ce n’est pas un loup … ? demande-je.
- C’est un chien-loup tchécoslovaque selon les vétos, c’est une race très compliquée à gérer… les gens ne savent plus quoi inventer…, soupire-t-il.
J’hoche la tête en intégrant l’information que cette magnifique créature est bel et bien à moitié loup, ce n’est franchement pas rassurant mais il n’a pourtant pas l’air de me vouloir du mal une seule seconde, il déborde juste de curiosité je crois.
- Bon allez Cal, ça suffit, file dans ton coin ! tranche Eden d’une voix stressée.
Après un autre coup d’œil agacé pour son maitre, il file dans un coin de la cuisine où je repère un grand matelas qui lui sert visiblement de panier.
- Il dort dans la cuisine ? m’étonne-je.
- Il dort avec moi quand Hunter n’est pas là mais il aime dormir devant la porte d’entrée lorsque nous dormons les deux à la maison, je suppose que c’est sa façon de veiller sur nous…, répond-il en haussant les épaules.
- Et bien… je n’aimerais pas être un voleur chez vous, plaisante-je.
- Oh oui, il vaut mieux pas tenter je crois ! rit-il. J’aimerais bien me doucher un coup avant la soirée, j’en ai vraiment pour cinq minutes montre en main, ça te dérange ?
Il affiche une tête embêtée et je ris :
- Mais enfin, tu es chez toi, fais ce que tu veux ! Je peux patienter cinq minutes, même dix s’il n’y a que ça ! réplique-je.
- Super, tu peux te mettre dans le canapé, Cal ne bougera pas de son panier puisque je lui ai dit de s’y mettre. Et puis, il a visiblement compris que tu n’étais pas une dangereuse psychopathe !
- Alors j’ai passé le test ? m’amuse-je.
- Il faut croire, tu es bien la seule !
Je ris en me dirigeant vers le canapé en cuir pour m’y assoir et Eden s’enfile à la salle de bain. J’en profite pour observer autour de moi, captant des détails que je n’avais pas encore vu. L’appartement est aussi propre qu’ordonné et je dois dire que ça m’étonne un peu venant de deux hommes mais c’est un jugement déplacé.
L’ambiance de l’appartement est très masculine, le mobilier est en bois sombre, le canapé et le fauteuil en cuir noir, les décorations en formes abstraites… C’est une ambiance masculine oui, mais très raffiné finalement, alors que j’aurais plutôt vu des poster de rugby, des vêtements sales au sol et des consoles de jeux. Ajoutons à ça l’énorme loup qui doit dormir dans un coin et vraiment, le tableau est dingue, complétement paradoxal avec deux simples étudiants. Tout fait très luxueux maintenant que j’y pense, ne serait-ce que l’appartement en lui-même, avec sa localisation et sa taille… Je suppose que les parents d’Hunter doivent être riches puisqu’Eden loge chez lui. Ça me rend automatiquement heureuse pour ce dernier, je suis contente de me dire que malgré sa situation compliquée, à savoir à la rue avec un chien à charge et des études à faire, il a pu compter sur son ami qui l’a accueilli à bras ouverts.
Je suis perdu dans mes pensées lorsque l’énorme tête de Calyouk se pose sur l’accoudoir à côté de moi et je tourne doucement la tête pour l’observer. Je ne sais déjà plus comment agir puisqu’Eden m’a assuré qu’il ne bougerait pas de son panier… Nous nous observons silencieusement, sans bouger ni l’un ni l’autre.
Il n’a vraiment pas l’air agressif, on dirait juste qu’il est aussi étonné que son maitre de me supporter aussi facilement et que ça l’intrigue. Puisque je sais que les chiens sont des éponges émotionnelles, je décide d’arrêter de paniquer.
Au pire quoi ? Il me mordra ? Je n’en mourrai pas, il n’a visiblement pas l’air de vouloir me tuer alors je survivrai bien à une morsure sur un petit coup de panique.
- Ça va loulou ? demande-je donc d’une voix douce en adoptant une attitude calme.
Il redresse les oreilles automatiquement, tout heureux que je lui parle visiblement, et il bondit pour poser les pattes avant sur l’accoudoir avant de poser le bout de son museau sur ma cuisse, me remplissant d’amour des pieds à la tête alors qu’il me lance ses yeux les plus adorables. Je ne peux pas m’empêcher de gémir tant je le trouve mignon et après quelques secondes d’hésitation, je tente de la caresser.
Et ça se passe incroyablement bien.
Dans les cinq minutes qui suivent, il grimpe au reste sur le canapé, la tête toujours posée sur moi tandis que je le gratouille allégrement en roucoulant, complétement conquise par ce gros loup au cœur tendre. Je gazouille en lui racontant que j’ai appris son histoire, que je suis désolée de ce qu’il lui est arrivé mais que je suis très heureuse de savoir qu’il a trouvé un papa formidable et il finit par s’allonger à moitié sur mes cuisses, m’écrasant presque sous son poids alors que je le caresse.
- Non mais qu’est-ce que c’est que ce délire ?! s’exclame Eden en riant.
Je tourne la tête vers lui, le trouvant en serviette sur le seuil de la salle de bain, complétement choqué.
- Je crois que ton chien m’a adopté ! réplique-je en le gratouillant derrière l’oreille.
- J’hallucine…, souffle-t-il en nous rejoignant.
J’hoche la tête fièrement en continuant mes papouilles et Calyouk se tortille, visiblement bienheureux.
- Bon, bah je crois que je n’ai pas à m’en faire…, dit-il finalement en se dirigeant vers sa chambre, sur la gauche du salon apparemment.
Je l’observe en riant alors qu’il secoue la tête, visiblement perturbé. Ça me fait drôle d’imaginer qu’il est à moitié nu devant moi sans la moindre gêne, ce n’est pas le genre de situation qui m’arrive, ce n’est même absolument jamais arrivé mais je me sens très à l’aise. J’ai une confiance totale en lui alors que j’aurais sans doute complétement paniqué avec n’importe quel autre homme, surtout après l’incident de samedi dernier.
Alors qu’il se change, mes pensées dévient vers cette triste soirée et mon humeur s’assombrit. Je voulais simplement voir un peu mon nouvel ami, ce qui est le cas, et je me sens drôlement plus à l’aise chez lui qu’à l’idée de retourner dans ce maudit bâtiment L. Lorsqu’il revient, je n’ai donc plus du tout envie d’y aller.
- Je suis prêt, on peut y aller ! annonce-t-il joyeusement.
- Oui à ce propos… je crois que je vais t’abandonner, dis-je timidement. Je… je n’ai pas forcément très envie de retourner là-bas, je voulais juste te voir un petit coup mais je vais sauter mon tour si ça ne te dérange pas…
Je marche sur des œufs mais il affiche une tête déçue qui me fait un peu mal au cœur en venant vers moi pour caresser Calyouk.
- Je comprends, je suis un peu dégouté mais je comprends complétement Hestia… En tout cas, si ça peut changer la donne, sache que j’ai remis à sa place le type qui t’a agressé.
- J’en ai entendu parler… C’est adorable de ta part mais… je crois que je vais rentrer, réponds-je doucement.
Il hoche la tête pensivement avant de relever le regard :
- Et si on sautait la soirée et qu’on allait promener Cal à la place ? propose-t-il.
- Non, je ne voudrais pas gâcher ta soirée ! me récrie-je.
- Tu ne la gâches pas du tout, je le sors toujours avant mes soirées, je faisais une exception ce soir parce que tu es là, alors je l’aurais promené en rentrant mais autant ne pas perturber ses habitudes… Si tu rentres chez toi, j’irai le balader quoi qu’il arrive, alors si ça te dit de venir avec nous, tu es la bienvenue.
Je suis toute heureuse et je me redresse joyeusement alors que Calyouk a déjà sauté par terre avec excitation à la mention de la promenade.
- C’est d’accord ! m’enthousiasme-je.
Il me sourit et nous nous levons tandis qu’il harnache Cal qui trépigne d’impatience et je suis ravie d’avoir gagné un peu de temps avec eux. J’adore la tournure de ma soirée, c’est tellement plus « moi » que d’aller à une fête d’étudiants.