Les sentiments au fond de tes beaux yeux - Tome 1 : La magie de Noël
Chapitre 7 : Soirée en ville ****
Je mets des jours à me calmer, ce n’est que le mercredi matin que j’arrête officiellement de tourner en boucle les images de samedi soir dans ma tête. En tout cas, à l’issu de trois longues journées à ne penser qu’à ça, j’ai compris deux choses.
La première est que je ne veux plus jamais croiser ce type. La deuxième est que j’en suis terriblement déçue parce qu’il m’intrigue férocement.
Je ne peux rien y faire, chaque fois que je ferme les yeux, je vois son visage en gros plan et plus j’y pense, plus je le trouve stupéfiant. Le colocataire fantôme existe bel et bien, c’est presque comme avoir croisé le yéti au milieu des montagnes, certaines personnes ont beau y croire dur comme fer, il reste une créature imaginaire jusqu’à ce qu’on se retrouve nez à nez avec je suppose.
Je me sens vraiment nouille d’avoir agi comme je l’ai fait, je suis même en colère lorsque je me dis que si j’avais agi normalement, j’aurais pu le revoir sans problème et devenir son amie. Il est peut-être aussi gentil qu’Eden… sans doute même puisqu’ils sont amis depuis des années et que Cal l’apprécie. Sans même parler du fait qu’il ait accueilli à bras ouverts son ami et son chien dangereux chez lui sans se poser de questions…
Maintenant que je ne ressasse plus notre véritable rencontre, je passe mon temps libre à imaginer des centaines de scènes où je le rencontre de façon normale, où je me présente gentiment en lui tendant une main, où je plaisante avec lui pour détendre l’atmosphère… La honte me ronge toujours et je suis largement punie de mon comportement bizarre puisque je ne mets plus les pieds chez Eden.
Les partiels approchent à grands pas désormais, ils auront lieu dans trois bonnes semaines, juste avant les vacances de Noël, alors je passe beaucoup de temps à travailler. Je sais que j’aurai mon semestre, mais je veux les meilleures notes possibles pour être prise dans tous les masters que je demanderai dans trois ans et ainsi pouvoir choisir comme j’en ai envie.
Le samedi, je suis en promenade avec Eden et Cal, comme d’habitude. Il vient de gagner son premier match national à domicile et m’explique donc que la soirée pour célébrer la victoire est de grosse ampleur. Elle aura même lieu en ville, dans la gigantesque maison d’un des joueurs de l’équipe et il me supplie de l’accompagner en me prenant par les sentiments :
- Sérieux Hestia, c’est une soirée importante, tu te rends compte que ça célèbre notre première vraie victoire ! Ça va être génial, la famille de Tulla est pleine aux as, la baraque est grandiose !
- C’est hors de question, je ne connais personne !
- Tu me connais moi ! Et puis je te le demande, fais-moi plaisir, je respecte bien que tu ne veuilles jamais venir alors tu pourrais faire l’inverse pour moi pour une fois, insiste-t-il.
Il n’a pas tort, pour l’instant, c’est plutôt lui qui s’adapte toujours à moi dans notre amitié. Il prend même sur lui pour que je l’aide à réviser, parce que je juge que c’est important et il ne rechigne pas plus que ça alors que je ne l’ai jamais accompagné à une fête malgré son envie. Et puis, ce n’est pas comme s’il m’invitait à une soirée lambda franchement, on y célèbre littéralement sa performance, ça lui tient à cœur…
Je lui lance un petit regard et il me sort ses yeux de chien battu, bien trop dangereux.
- Mais la soirée est en ville ! Je ne pourrai pas rentrer quand j’en aurai envie, ça m’inquiète ! couine-je.
- Je te ramènerai, j’y vais en voiture, contre-t-il.
- Je ne suis pas habillée ! continue-je.
- Tu sais très bien qu’on peut passer chez toi pour que tu te changes ! réplique-t-il.
Je détourne la tête, à court d’arguments tandis que j’accepte doucement que ma soirée sera plus agitée que prévue. Eden me connait bien maintenant et il bondit en l’air en criant de joie lorsqu’il comprend que c’est oui, ce qui déclenche mes rires et installe la bonne ambiance dans notre balade.
*
C’est ainsi que je me retrouve dans sa voiture un peu moins d’une heure plus tard, en route pour cette maudite soirée tandis qu’il papote joyeusement. J’ai enfilé ma robe la plus habillée puisque nous nous rendons à une soirée plus distinguée que celles du campus selon lui. Elle est en satin noir et fendue sur le côté de la jambe, avec deux bretelles fines. Eden a failli tomber à la renverse en me voyant, validant complétement ma tenue.
Pourtant, lorsqu’on nous ouvre la porte de la maison et que je vois l’ambiance, je suis à deux doigts de lui arracher la tête tandis qu’il me lance un regard apeuré en découvrant en même temps que moi les faits. Je ne dis rien puisque nous sommes devant son équipier mais je n’en pense pas moins. Tous les invités sont habillés de façon détendue, déjà complétement torchés et se comportant comme des babouins excités.
Notre hôte me dévisage de la tête au pied, complétement soufflé :
- Oh la vache… Enchanté, murmure-t-il en me tendant une main.
- De même, je m’appelle Hestia, réplique-je en lui souriant poliment avant de fusiller Eden du regard.
- Dis Tulla… tu ne m’avais pas dit que la soirée était un peu plus… classe ? demande Eden d’une petite voix.
- C’est ce que j’avais annoncé mais personne n’a joué le jeu…, soupire Tulla. Enfin… à part toi Hestia… Tu es… superbe, j’en suis ébloui sincèrement.
Je lui souris encore, il a l’air plutôt gentil et très poli. Il est élancé, ses boucles blondes adoucissent ses yeux bleus et son sourire m’inspire. Décidemment, je commence à croire Julia lorsqu’elle me dit que tous les plus beaux hommes du campus sont dans l’équipe de rugby.
- Allez viens Titi ! s’exclame Eden en me tirant en avant.
Je jette un petit regard à Tulla en me faisant emmener et ce dernier rit tandis qu’Eden me traine dans un coin pour nous remplir des verres. J’observe mon gobelet rouge en haussant un sourcil… quel cliché…
- Fais pas cette tête ! se marre Eden.
- Désolée, j’adore être désagréable, réplique-je avec humour.
- Je vois ça, siffle ton verre, ça ira mieux après !
Je m’exécute et il rit comme un bossu. Nous buvons quelques verres tous les deux tandis qu’il me présente de loin chaque membre de son équipe, que je reconnais plus ou moins puisque je suis abonnée à ses matchs désormais. Une quantité ahurissante de gens viennent le chercher avec entrain pour faire la fête avec lui et le féliciter pour ses prouesses sur le terrain mais il décline poliment à chaque fois pour rester avec moi. Les femmes sont terriblement déçues et me lancent des regards agacés tandis que les hommes lui font des clins d’œil peu subtils puisqu’ils imaginent sans doute qu’Eden est en train d’essayer de me séduire.
En tout cas, je suis touchée qu’il reste avec moi et nous nous amusons bien en nous moquant des gens autour de nous. Actuellement, je tente de deviner le caractère de chacun des membres de son équipe et je fais mourir de rire Eden qui confirme mes propos les trois quarts du temps :
- Mais comment fais-tu ?! s’exclame-t-il.
- C’est évident, leur attitude parle pour eux !
Il me désigne un homme qui discute avec deux filles. Elles ont l’air mal à l’aise, comme si elles cherchaient à s’échapper tandis que l’homme parle si fort du match qu’il leur crie presque dans les oreilles en gonflant le torse.
- Facile, soupire-je. Un gros lourd, qui imagine que toutes les filles sont à ses pieds alors qu’elles le fuient.
- Bingo ! s’esclaffe Eden.
- C’était franchement évident, fanfaronne-je en lui lançant un regard pompeux.
Il m’observe avec un immense sourires aux lèvres pendant quelques secondes :
- Je suis trop content que tu sois là, tu es vraiment…tu es genre littéralement devenue ma meilleure amie ces dernières semaines, lâche-t-il subitement.
Je rougis de plaisir :
- Arrête, tu as déjà trop bu ! réplique-je.
- Peut-être bien, mais ça ne change pas que c’est vrai. Je m’amuse trop avec toi, je te jure, tu es tellement différente.
- Ah bon… ? demande-je.
- Mais oui, d’apparence tu fais très sérieuse et timide, tu me l’accordes ?
- Je te l’accorde, je le suis.
- Mais en fait, tu es une vraie petite peste sarcastique et cynique dans le fond ! s’amuse-t-il.
- Je te remercie, ronchonne-je.
Il éclate de rire avant de reprendre son sérieux en posant une main sur son cœur :
- Excuse-moi mais c’est un compliment de ma part ! Au moins on rigole bien !
Je lui souris timidement, mais l’alcool qui réchauffe mes veines m’aide à être plus ouverte :
- Tu es mon meilleur ami aussi Eden, sincèrement, dis-je.
- Forcément, tu n’en as qu’un, sorcière ! s’exclame-t-il.
Nous rions comme deux ânes en nous trémoussant l’un contre l’autre mais une femme nous interrompt pour le féliciter avec zèle. Elle est jolie et je vois qu’Eden est intéressé, il l’expédie moins vite que les autres, il prend le temps de la complimenter et adopte une attitude très séduisante. Lorsqu’elle s’en va, il la suit des yeux et je lui mets un petit coup de bassin :
- Tu sais, je ne voudrais pas gâcher ta soirée, je ne suis pas venue simplement pour que tu restes dans un coin avec moi, dis-je.
- Tu ne gâches pas ma soirée, répond-il en fronçant les sourcils.
- D’accord, mais je peux être un peu en autonomie tu sais, si tu avais envie d’aller parler en tête à tête avec cette fille…, insiste-je. Julia m’avait bien laissée seule à la première soirée que j’ai faite et je ne m’étais pas ennuyée, j’ai toujours un livre dans mon sac.
- Oui et bien vu comment cette soirée a fini pour toi…, râle-t-il.
- Mais non, je préfère prendre ça comme un signe de l’univers ! réponds-je.
- Comment ça ?
- Et bien si ce type ne m’avait pas menacé, je ne serais pas partie en courant et je ne te serais pas rentrée dedans… alors puisque tout s’est finalement bien passé pour moi, j’estime simplement que l’univers avait décidé que nous devions nous rencontrer ce soir-là et c’est tout ce qu’il a trouvé pour que ça se fasse ! explique-je joyeusement.
- C’est une jolie façon de voir les choses, parce que j’en suis malade à chaque fois que je repense à cette soirée… C’était déjà dur sur le moment, quand j’ai vu tes yeux apeurés, que tu tremblais comme une dingue et que tu t’accrochais à moi …
J’observe son visage, il est complétement perdu dans le vague, les sourcils crispés et les yeux humides alors qu’il rejoue la scène dans sa tête.
- J’ai été cool sur le moment, reprend-il. Parce que je ne voulais surtout pas t’inquiéter plus que tu ne l’étais déjà mais ça m’avait retourné le ventre… tu avais l’air si fragile, sans défense, et tu étais si gentille… Ça m’a retourné les tripes et dès que je t’ai laissé chez toi, j’ai foncé chercher ce mec à la soirée. Je lui ai foutu le coup de pression de sa vie et les gars m’ont soutenu.
J’affiche une moue triste en m’agrippant à son bras, le cœur battant d’évoquer cette soirée. Il reprend :
- Maintenant c’est différent, tu es ma meilleure amie alors cette histoire me révolte encore plus je crois… Je ne peux pas envisager qu’on te fasse du mal… ça me bouffe, je te défendrais férocement.
- Tu m’as déjà défendue férocement Eden, alors même que je n’étais qu’une inconnue qui venait de te rentrer dedans… J’ai eu tellement peur lorsque j’ai compris que je n’étais plus avec un danger mais deux… jusqu’à ce que je croise tes yeux, tu avais l’air tellement gentil, tu m’as immédiatement rassurée et je me suis accrochée à toi pour être sûre que tu ne me laisserais pas tomber.
- Je ne t’aurais jamais laissé tomber.
- Je sais, je l’ai bien vu ! J’ai compris presqu’instantanément que tu étais un garçon en or.
- J’avais tellement peur de te flipper… si tu avais refusé que je te raccompagne, tu peux être sûre que je l’aurais fait quand même à distance, s’amuse-t-il.
- Un autre homme qui me suit, très rassurant, pouffe-je.
- Mais non, tu avais bien vu que je ne te voulais aucun mal ! beugle-t-il.
- Mais oui, je t’embête crétin.
Notre discussion reprend et nous en arrivons à parler de la fille qu’il a dragué tout à l’heure. Je me moque de lui gentiment et il se défend en riant :
- C’est sûr que ce n’est pas toi qui nous draguerais un mec ! Tu es plus fermée qu’une huître ! Je ne comprends pas pourquoi tu adoptes une attitude si froide et distante, si tu continues comme ça, tu finiras vieille fille !
Je boude clairement, me détournant de lui pour siroter mon verre, ce qui le fait rire :
- Ne te vexe pas…
- Va donc parler à cette fille et fiche-moi la paix, grommèle-je.
- Arrête de faire ta mauvaise tête, qu’est-ce qui te rend si boudeuse ?
Je me pose la question sérieusement, prenant le temps d’analyser ce que je ressens avant de répondre :
- Je n’en sais rien, je crois que je suis juste triste… Je sais bien que je suis un peu renfermée, mais je suis trop timide pour m’ouvrir, je ne l’ai jamais fait. J’ai l’impression qu’il faudrait que je sois amoureuse pour avoir envie de parler avec un garçon plus sérieusement qu’en pure amitié…, soupire-je.
- C’est pourtant en général en discutant longuement avec quelqu’un qu’on se rend compte si on l’apprécie plus que les autres…, souligne-t-il avec douceur. Il me semble que tu fais les choses à l’envers Titi…
- Je n’arrive même pas à comprendre comment on peut tomber amoureuse d’un tel ou d’un tel… Pourquoi ? Qu’est-ce qui fait la différence ? Je te trouve génial, j’adore être avec toi et je ne suis pourtant pas tombée amoureuse de toi !
- Je n’en sais rien ! Tu es littéralement en train de me demander comment fonctionne le sentiment le plus puissant et mystérieux du monde ! Commence par discuter avec des hommes au lieu de répondre du bout des lèvres lorsqu’ils te parlent ! Allez, on va mettre ça en application, je te défie d’aller parler à un homme. Quel est l’homme qui te plait le plus ce soir ?
- Toi, réponds-je sans hésitation.
Il éclate de rire :
- Bordel, on va avoir du boulot… L’homme qui te plait le plus et avec lequel tu pourrais envisager quelque chose, précise-t-il.
- Ah. Alors aucun.
- Fais un effort Titi ! s’agace-t-il.
Je parcours la salle des yeux, observant tous ces gamins excités qui font les pitres.
- N’affiche pas une tête aussi dégoutée ! s’esclaffe Eden en me mettant une tape sur l’épaule.
- Je n’y peux rien ! On dirait des animaux ! siffle-je.
- Hestia ! me réprimande-t-il gentiment.
Je soupire avant de parcourir plus en détail les hommes dans le salon et mes yeux s’arrêtent sur Tulla, qui discute calmement avec un autre garçon de l’équipe. Il porte une chemise, ayant joué le jeu de la soirée distinguée, détonnant finalement un peu lui aussi face aux autres en tee-shirt imbibé d’alcool. Son sourire me plait, il est très doux et solaire, il a l’air plus posé que ses camarades.
- Tulla j’imagine…, dis-je pensivement.
- C’est un bon choix, il est vraiment très gentil et est un bon parti comme tu peux le constater, dit-il en désignant la villa luxueuse dans laquelle nous sommes. Allez, je te défie d’aller parler avec Tulla ! Hop !
- C’est hors de question ! couine-je.
- Mais si, allez Hestia, c’est pour qu’on s’amuse ! Ça serait drôle non ? Vois ça comme un petit challenge pour t’ouvrir au monde !
Je me mords la lèvre, plutôt hésitante mais tentée. J’en ai marre d’être renfermée et de passer mon temps le nez dans mes livres, moi aussi je veux vivre des expériences, avoir une vie d’étudiante normale… J’accepte donc et Eden file comme le vent vers Tulla puisque je refuse net d’y aller moi-même.
Dès que je me retrouve seule et que Tulla fronce les sourcils en tournant la tête vers moi sous les paroles d’Eden, mon pouls s’emballe et je croise les jambes pour me tortiller, mon réflexe primaire lorsque je veux disparaitre.