The Drummer

Chapitre 12

1952 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 10:09

Un taxi jaune m'attendait au bas de la 7th Sreet. Ma paire de baguettes à l'épaule, je montai dans le véhicule.

- Il fait froid, non ?

- Je ne vous le fais pas dire.

- Vous êtes malade de vous balader dans cette tenue-là.

- On vient juste de me déposer, mais la personne que j'attendais ne viendra pas. Du coup je rentre à mon hôtel.

- Si vous voulez. Je vous dépose où ?

¤¤¤

Cela faisait maintenant dix jours que nous étions arrivés à New York. Nous logions à l'hôtel BPM de Brooklyn. En effet, malgré le fait que nous soyons logés et blanchis par Sub Pop, la production ne nous autorisait pas à loger dans un palace. Aussi avions-nous trouvé trois chambres dans ce petit hôtel à bas coût, notamment grâce au fait que la sœur d'Andrew travaillait là-bas.

Profitant d'une après-midi de repos, j'étais allé au bar The Bell House, dont Anaïs m'avait parlé avant son départ.

- Il paraît qu'il y a un super pub à Brooklyn, m'avait-elle dit. The Bell House, sur la 7th Street. Ça serait cool d'y jouer un jour.

J'étais donc passé dans ce bar avec l'infime espoir de pouvoir la croiser. Après avoir commandé un verre, je commençai à sympathiser avec le barman. Quand le lien social s'était installé entre nous deux, je fis partir la discussion dans des abîmes plus intéressantes.

- Est-ce que par hasard une française serait passée ici ces trois dernières semaines ?

- Je n'en ai pas le souvenir.

- Une certaine Anaïs Le Béchec, une chanteuse folk qui cherche des concerts dans des bars ici, insistai-je.

- Non, ça ne me dit rien.

- Si par hasard, elle venait à passer ici, vous pourriez lui demander de m'appeler ? Je suis Matthew Bellamy, à l'hôtel BPM, chambre 252.

Je finis mon verre, régla ma consommation, et sorti.

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Ce matin-là, Kate nous avait réunis avant de commencer l'enregistrement.

- Les gars, j'ai eu un petit problème personnel. Je dois aller à Seattle aujourd'hui. On a déjà bien avancé. Ça vous dirait une journée de break pour découvrir New York ?

Nous nous regardâmes et, après une courte réflexion, nous nous dîmes que se pouvait être une bonne idée.

Alors que nous franchissions la porte vitrée des studios, Andrew nous arrêtait.

- Je voulais vous inviter au restaurant ce midi. J'ai quelque chose à vous annoncer.

Aussi retrouvais-je à midi mes deux compères devant l'Isabella's, à l'angle de Columbus Avenue. C'était un restaurant au style particulier et où l'on servait de la cuisine méditerranéenne, dont raffolait le bassiste.

Le serveur nous installa sur une petite table près d'une fenêtre. J'allais avoir tout le loisir d'observer le va-et-vient des augustes inconnus qui passerait sur le bitume situé dans mon champ de vision durant ce repas, pendant que Jared et Andrew discuteraient de sujets dont je me contrefoutais.

A peine était-on installé qu'Andrew commença à sautiller d'impatience.

- Vous ne devinerez jamais.

- Vas-y, dis-nous.

- Non, cherchez un peu. C'est trop simple sinon.

- Tu vas t'acheter une nouvelle basse, proposa Jared.

- Non. Plus insolite.

- Tu vas attaquer un nouvel instrument ?

- Moins musical.

- Tu déménages de ton vieil appartement tout pourri ?

- Non, malheureusement. Et toi Matthew, tu n'as aucune idée ?

Je scrutais l'horizon sans prêter attention à la discussion de mes deux compagnons. Ainsi, Andrew, avec sa question, venait de faire revenir mon esprit au 629, Columbus Avenue à Manhattan.

- Je parie que tu viens de rencontrer quelque un, et que tu attends avec impatience

- Ben, comment tu as deviné ?

- Je dois avoir un don de devin.

Lorsque le repas fut terminé, Jared me demanda ce que je comptais faire cet après-midi.

- Anaïs m'a laissé un indice pour la retrouver. Une fois, elle m'a parlé d'un bar à concert. The Bell House, à Brooklyn. Je vais aller me renseigner là-bas.

¤¤¤

Je tournais dans mon lit, sans trouver le sommeil. Je scrutais le réveil, qui, avec ses grosses LED rouge, indiquait quatre heures trente-sept. Je me résignai à admettre que je ne trouverais pas le sommeil cette nuit.

Je me levai et alla à la fenêtre. Au loin, j'apercevais le pont de Brooklyn et les buildings illuminés de Manhattan. La vie suivait son cours, chaque personne à sa place. La mienne devait sûrement être derrière cette vitre sale, à côté de ce rideau d'un beige délavé, scrutant une ville que j'avais toujours souhaité voir, mais qui me paraissait si lointaine à ce moment-là.

Je m'habillai rapidement, descendit, monta dans le premier taxi et prit la direction de Central Park. Dans le poumon vert de la grosse pomme, je marchai au gré des vents et de mon instinct, tandis que l'aube arrivait progressivement. Entre tous ces arbres, je me vidais l'esprit, avant d'entamer une nouvelle journée d'enregistrement.

Lorsque je m'aperçus qu'il était huit heures trente, je pris la direction des studios. Lorsque que j'arrivai devant Electric Lady, j'aperçus Jared et Andrew, leurs instruments dans le dos. Lorsqu'ils m'aperçurent, Jared me dit :

- Tu as une petite mine toi.

- Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit.

- Faut que tu soignes ton insomnie.

C'est à ce moment que Kate arriva. Elle avait une mine grave.

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Le son de ma cymbale crash se perdit dans les cellules capitonnées de la pièce. A travers la vitre, Kate nous fit signe que la prise était correcte. Andrew poussa un râle de soulagement. Nous posâmes nos instruments et sortîmes écouter la bande.

- Bon, vous en pensez quoi, demanda Kate.

- Ça m'a l'air pas mal, répondit Jared.

- On garde celle-là ?

- Vu le temps qu'on a passé, je doute fort que l'on puisse faire mieux. Matthew a pas l'air au mieux aujourd'hui.

- Ça marche. Quelqu'un a l'heure ?

- Dix-huit heures quarante-deux, dit Andrew.

- On n'a pas le temps pour repartir pour une nouvelle bande ?

- Ça fait court.

Et, d'un commun accord, nous prîmes la décision de nous arrêter. Je pris la direction du cinéma, où il projetait Django Unchained, espérant me vider l'esprit et de me vider de l'idée parasite qui me trottait dans la tête.

Assez satisfait par la qualité du film, je partis me restaurer, m'accorda une rapide promenade digestive au cœur de Central Park, avant de rentrer à l'hôtel pour une bonne d'un sommeil tant mérité.

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Je pris le temps d'observer Times Square. Une publicité pour une marque de soda attira mon regard, qui se dirigea immédiatement vers l'écran d'un autre annonceur, alerté par un autre faisceau lumineux. La quantité de lumière, d'artifice de cette place me sidérait. Et sur les trottoirs, des centaines de personnes marchaient sans y prêter attention. Des travailleurs en costume trois-pièces, une mallette à la main. Des mères de famille avec leurs enfants aux bras. Des junkies avec leurs hamburgers McDonalds dans la paume. Tous passaient ici, comme si c'était un lieu ordinaire. Cela me sidérait que personne ne prenait le soin de lever les yeux pour observer tout ce que l'homme avait pu créer sur cette place.

Kate m'avait donné rendez-vous à son hôtel, le Lotte New York Palace, au pied de la cathédrale St. Patrick. Apparemment, elle avait quelque chose d'important à me dire.

Arrivé à la réception, je déclinai mon identité et demanda si l'on m'avait laissé un message. On m'indiqua que Kate m'attendait dans sa chambre.

Arrivé devant la 209, je frappai à la porte.

- Kate, c'est Matthew.

- Oui, deux secondes !

Après une petite minute d'attente, elle vint ouvrir. Elle portait une fine nuisette noire qui laissait deviner ses formes délicieuses.

- Excuse-moi, je sors de la douche.

- Pas grave.

Elle m'invita à m'asseoir sur le lit, pendant qu'elle partait chercher une serviette pour mettre ses cheveux mouillés. J'observais la pièce minutieusement. Tout était correctement rangé.

- Je suis à toi.

Elle s'assit à côté de moi. Je sentais dans son attitude qu'elle n'était pas dans son état habituel.

- J'ai réussi à négocier une interview dans le Rolling Stone. Malheureusement, ils veulent la faire qu'avec un seul musicien. Du coup, je ne voulais pas le dire devant les autres, mais je m'étais dit que tu pourrais la faire.

Je sentais que cette interview était tout sauf la raison principale de ma venue ici.

- Ecoute, je ne suis pas contre, mais c'est Jared le leader du groupe. Je pense qu'il serait plus judicieux que ce soit lui qui fasse l'interview.

- Je comprends ton point de vue. Mais ce n'est jamais bon quand un seul membre d'un groupe est sous le feu des projecteurs.

Je ne savais quoi répondre. Pendant une longue minute, nous restâmes suspendus au silence qui régnait dans la pièce.

- Oh et puis merde.

Après avoir prononcé ces mots, elle m'embrassa. N'ayant pas vu le coup partir, je ne pus le parer. Tandis que nous nous remettions de nos émotions. Mon portable vibra. Jared et Andrew nous attendait devant le 52 West 8th Street.

Ainsi, nous partîmes pour le studio. Au cœur de cette neuvième matinée new-yorkaise, essayant d'oublier en vain ce qui venait de se passer, je me concentrais à essayer de jouer l'un des morceaux les plus durs de notre répertoire, Happiness Genie. C'est alors que l'image d'Anaïs me traversa l'esprit.

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