Le Pouvoir des Arcanes

Nous marchâmes pendant plusieurs jours à travers de longues plaines parsemées de quelques petits bosquets. Mes entraînements de concentrations journaliers furent rapidement bénéfiques, car je pouvais maintenant le faire beaucoup plus rapidement sans perdre toute mon énergie.

Le voyage me permit de mieux connaître mon maître, et nous devinrent rapidement de très bons amis. Il connaissait énormément de choses, sur énormément de sujets, et j’appris à ses côtés quantité de choses qui me seraient sûrement utiles dans le futur.

Lors de la première invasion, les forces vampires terrassèrent rapidement les gardes et armées des régions frontalières. Les armées humaines se massèrent pour faire face à ces troupes ténébreuses. Des milliers de soldats moururent, et alors que la guerre semblait gagnée pour les vampires, de nombreux mages, aux pouvoirs stupéfiants, se réunirent…

Les orages éclatèrent sur les armées ennemies, des éclairs pilonnèrent les rangs adverses, le sol se fendait sous leurs pieds, les faisant tomber dans les entrailles de la Terre. Des masses de glace fendirent les cieux et vinrent s’écraser au sol, réduisant à néant tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. 

Déroutés par ces forces surnaturelles qui se dressaient face à eux, les vampires n’eurent d’autre choix, pour éviter une extinction complète de leur race, que de repartir de l’autre côté des montagnes. 

Après une autre longue journée de marche, nous arrivâmes enfin à la ville, où plutôt le village, qui se situait face à la porte du royaume nain.

Un petit château de pierre noire surplombait les quelques toits alentour. Alors que nous en franchissions la porte qui donnait sur la cour intérieure, je fus surpris par l’obscurité qui régnait en ce lieu, et dont la couleur de la pierre n’aidait pas vraiment à y voir plus clair.

Un homme arriva, où plutôt un domestique d’après ses vêtements simples. Lucas se présenta aussitôt :

-Mon nom est Lucas Del’Sayen, mage de l’Ilisar. Je voudrais m’entretenir avec le sire Prontios, seigneur de Koulbi.

Il nous demanda aussitôt de le suivre à travers un véritable labyrinthe de couloirs et de salles, avant d’arriver dans une grande salle où nous durent attendre l’arrivée du seigneur.

-Entrez donc, que puis-je pour vous ? fit-il, en nous conduisant dans une salle remplie de livres. Une grande fenêtre donnait sur le paysage montagneux, et un bureau qui me rappelait celui de mon père était posé en son centre.

Mon maître prit la parole :

-J’ai entendu parler de l’arrêt des échanges avec les nains. J’aimerais en savoir un peu plus sur cet événement fort étrange.

-Et bien, nous confia-t-il, tout allait pour le mieux, quand un matin, les commerçants qui arrivent habituellement échanger avec eux trouvèrent la porte scellée, sans aucune explication. Et depuis cela, nous n’avons plus le moindre contact avec le royaume nain.

-Et cela dure depuis longtemps ?

-Cela a commencé il y a plus de deux semaines, mais aucun changement depuis ce jour. J’ai hésité à envoyer une force armée, mais je n’ai pas encore reçu l’autorisation de la couronne. J’ai donc en attendant posté des sentinelles qui surveillent l’entrée jour et nuit.

Lucas prit congé du seigneur, après l’avoir remercié pour toutes ces informations. Mais j’attendis que nous soyons sortis de l’enceinte du château avant de parler :

-Que pourrait-il se passer de grave ? Les nains sont têtus et ils ont simplement décidé de rester dans leur royaume un moment…

-Bien qu’ils soient têtus, les nains sont de fiers guerriers, et les notions de ruse et de stratégie leur sont presque inconnues. S’ils se cachent dans les montagnes, il doit bien avoir une raison. 

Mais la nuit commençait à arriver, et il nous emmena dans une petite clairière qui bordait le village. Nous étendîmes donc nos couvertures, et alors que je cherchais une position confortable, je finis par lui demander, exaspéré :

-Pourquoi ne pas dormir dans une auberge ? Ou dans le château de seigneur Prontios, il nous aurait accueillis à bras ouverts.

-Un mage est indépendant Will. Il ne doit jamais devoir quelque chose à quelqu’un d’autre, car les humains ont la fâcheuse tendance à toujours vouloir quelque chose en retour, peu importe le service qu’ils t’aient fourni. Ainsi donc, pour garder notre indépendance, il vaut mieux se débrouiller tout seul.

Le rôle des mages est que la race des hommes perdure. Au cours des nombreuses années qui suivirent l’invasion, nombreux furent les prétendants à vouloir en devenir.

Car la magie n’est pas réservée à une élite, chaque personne peut développer les capacités nécessaires à le devenir. L’apprentissage permet la découverte du potentiel de chacun, et à ce titre, il sert de sélection. Chez certains, le simple fait d’allumer une bougie par la pensée est épuisant, tandis que d’autres n’ont parfois jamais connaissance de leurs limites. 

Mais pour éviter que l’accès à de tels pouvoirs puisse détourner l’ordre de ses objectifs premiers, chaque apprenti doit, après sa première année d’apprentissage, rencontrer les quatre archimages pour passer une épreuve. On détermine ainsi leur nature ainsi que leurs capacités magiques. L’Epreuve est obligatoire, et détermine si le candidat est apte à devenir mage d’Ilisar.

Un hurlement glaçant me fit sursauter, et je me levais immédiatement, tiré de mon sommeil par ce cri glaçant. Lucas, lui, était déjà debout à scruter les environs. La lumière du feu était tellement faible qu’on n’y voyait pas à cinq mètres. D’un regard, il raviva les braises, faisant jaillir des flammes qui s’élevèrent à hauteur d’homme.

Je me postai à côté de lui, tremblant encore de ce que je venais d’entendre. Car le cri que j’avais entendu n’était pas celui d’un animal, mais bien celui d’un être humain. C’était le cri d’une femme…

Un second cri retentit à notre droite, et Lucas fonça, illuminant de sa main le sentier devant nous. De peur de le perdre de vue, je le suivais en courant. On pouvait presque entendre le bruit de mes dents qui s’entrechoquaient, et je frissonnais à chaque bruit anormal.

Une centaine de mètres plus loin, à l’orée de la forêt, nous aperçûmes un mouvement. Mon maître intensifia la lumière qui jaillissait de sa paume, et il s’approcha d’un pas.

La lumière atteignit une forme au sol, qui bougeait faiblement. Un corps humain, entouré d’une mare de sang. Nous aperçûmes également une seconde silhouette, à côté du corps.

-Qui est là ! Tonna Lucas, je sais que vous êtes là !

-Tu mourras bientôt mage, fit la créature d’une voix rauque.

-Tu es un vampire, n’est-ce pas ? fit Lucas en approchant davantage. C’était autant une affirmation qu’une question.

-Ta vie va bientôt s’arrêter, je vais te tuer lentement, goutte par goutte…

Le vampire fit un pas vers nous. Il avait une apparence humaine, excepté le sang qui dégoulinait de ses lèvres, et ses yeux aux fentes verticales, aussi noirs que la nuit.

Je fis un pas en arrière, plongé dans la terreur face à une telle créature. Il sembla alors remarquer ma présence.

-Tu m’as même amené du sang chaud et tendre… fit le vampire, avant de bondir sur Lucas.

Lucas envoya son bras en arrière pour me faire reculer, et brandit l’autre main comme un bouclier. Le vampire sembla heurter un mur invisible, et recula d’un pas. J’aperçus néanmoins une différence à cet endroit, comme si l’air était plus consistant à cet endroit, comme l’air au-dessus d’un feu.

-Comment es-tu arrivée ici, créature de l’ombre ?

Le vampire le fixa, l’assurance s’était changée en peur sur son visage. Il avait compris qu’il n’arriverait pas à tuer le mage, mais que l’inverse était sûrement possible. D’un bond, il se retrouva dans la végétation.

Nous attendîmes quelques instants, dans la crainte d’une nouvelle attaque. Puis Lucas courut près de corps et s’agenouilla. Il vérifia les signes vitaux, avant de secouer la tête, un air triste sur le visage.

Il n’eut pas besoin de me l’expliquer, je compris en même temps que lui que nous étions arrivés trop tard.

-Nous ne pouvons plus rien pour elle. Les villageois devraient la trouver. Fit-il en repartant dans la forêt. Je voulais attendre un peu, mais je crains que le temps nous manque. Il tourna la tête vers moi avec un sourire.

-Je vais t’apprendre à contrôler l’Arcane de l’Air.

Je lui posais enfin la question qui me tracassait depuis notre rencontre avec la créature :

-Comment un vampire est-il arrivé de ce côté des montagnes ?

-Je n’en sais rien… Quelques vampires auraient pu réussir à traverser les montagnes… Ou quelque chose de pire encore…

***

 Arrivés au camp, je m’assieds dans l’herbe et me concentrait jusqu’à percevoir les particules qui m’entouraient.

-Bien, tu réussis à le faire de plus en plus rapidement. Maintenant, tente de faire bouger l’air doucement.

Je percevais tous les points qui m’entouraient, et tentait d’imaginer leur mouvement, sans que rien ne se produise. Alors que j’allais abandonner après de longues tentatives à m’efforcer de les faire bouger, je fis une dernière tentative, en libérant un peu d’énergie. 

Je compris enfin comment cela fonctionnait. C’était une sorte de transfert, un échange entre les particules et moi. Et je sus que j’avais réussi.

Quand j’ouvris les yeux, quelle ne fut ma surprise de voir que tout avait changé en quelques secondes. Le feu s’était éteint et les braises s’étaient dispersées, des branches d’arbre avaient été arrachées, ma couverture était partie se perdre dans les feuillages. Et surtout, j’aperçus mon maître au sol, en train de se relever.

J’allais l’aider à se remettre debout, et avant d’avoir eu le temps de lui demander ce qu’il s’était passé, il éclata de rire. Je finis par le rejoindre, avec les événements qui venaient de se dérouler, rire un peu faisait un bien fou.

Il finit néanmoins par parler, après avoir retrouvé son calme habituel :

-Ce que tu viens de faire, sais-tu ce que cela veut dire ?

Ignorant ce qu’il voulait dire, je fis un non de la tête.

-Certaines personnes, comme je te l’ai déjà expliqué, ne sont pas vraiment faites pour la magie, bien qu’on puisse obtenir quelques résultats avec eux. D’autres deviennent des mages normaux, mais certaines personnes sont au contraire amenées à réaliser de grandes choses. Tu as un grand potentiel, ce que tu viens de réaliser le confirme. 

-Mais je n’ai pas fait exprès, je ne suis même pas sûr de pouvoir le refaire !

-Ecoute, expliqua calmement Lucas. Un apprenti ne perçoit les éléments qu’au bout de plusieurs mois d’exercices, alors que c’est inné pour toi.

-Que va-t-on faire alors ? fis-je, perdu.

-Nous allons d’abord au château de seigneur Prontios. Il faut l’avertir de la situation et de la présence de vampires sur ses terres.

-Qu’est-ce qui vous fait dire qu’il y en a d’autres ?

-Une chose importante à savoir : Les ennuis n’arrivent jamais seuls, Will. Ce que l’on découvre n’est généralement que la partie visible de l’iceberg.