Tu le paieras un jour William Afton

Chapitre 10 : Le lapin qui marche

2392 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/09/2020 15:33

Les jours qui suivirent l'arrivée de Scott Cawthon dans la gestion du restaurant furent florissants. Il s'occupa à merveille de toute la paperasse en retard et commença à classer mieux que Henry ne l'avait jamais fait chaque dossier, facture et plan de robots qui traînaient dans les deux bureaux. Il apporta rapidement sa patte à l'entreprise et William, malgré l'arrogance et le sarcasme qui suivaient les pas de son manager, se surprit à se prendre d'affection pour lui. Il était sincère, franc et ne tarissait pas de réflexions acides quand quelque chose ne lui plaisait pas. Même s'ils se prenaient la tête régulièrement, l'entreprise n'avait jamais été aussi prospère.


Les clients affluaient, plus nombreux que jamais. Scott avait convaincu le gérant de revoir intégralement la carte du restaurant pour agrandir la variété de pizza : margherita, pepperoni, carbonara, bolognaise, saumon... et même végétarienne, soit disant parce que c'était à la mode. Le manager réussit à contracter plusieurs partenariats locaux pour rafraîchir les produits, parfois périmés dans les réfrigérateurs de la pizzeria. Scott imposa également un rythme infernal à William, contraint pour la première fois à assumer son rôle de gérant, laissé un peu à part, et son rôle de roboticien. Tout se regroupait sous une seule et même bannière : rentabilité.


Mais la cadence de ses activités avaient provoqué un nouveau problème : plus il s'impliquait et plus il prenait de l'écart avec sa vie de famille. Certes, sa femme travaillait à ses côtés, mais le contact avec ses enfants pâtissait du temps passé loin de la maison. Elizabeth le vivait plutôt bien, elle venait même d'elle-même solliciter son père pour aider à diverses tâches, mais pour les garçons, la situation était plus complexe. Si Michael, en apparence, paraissait en avoir rien à faire, ses fréquentations peu recommandables et son défi constant de l'autorité témoignait d'un malaise que William ne parvenait pas à résoudre. Quant à Georges, il avait fini par se fermer entièrement au dialogue. Il ne parlait plus, ne jouait plus avec les autres et refusait catégoriquement de rester seul à la maison. L'enfant plein de vie et enthousiaste avait disparu du jour au lendemain, rongé par un mystère dont William avait abandonné l'enquête. 


Mille neuf cent quatre-vingt deux pointa bientôt son nez et marqua un grand tournant dans la pizzeria. William décida de fermer l'établissement temporairement pour se pencher sur la grande nouveauté de ce début d'année : les costumes à springlocks. Après des mois de travaux, Golden Freddy et Golden Bonnie étaient enfin prêts à transporter des humains. 


La soirée d'inauguration avait à peine de commencer et William patientait calmement derrière les rideaux rouges de la scène principale. Au milieu de leur prestation, Fredbear et SpringBonnie quitteraient la scène et seraient remplacés par les nouveaux robots. Il se sentait à la fois fier et nostalgique face au travail accompli. Ce nouvel exploit technologique ne tarderait pas à faire bientôt la une des journaux : des robots portatifs, capables de s'animer avec ou sans la présence de l'homme, c'était quelque chose de profondément novateur pour l'époque. William comptait dessus pour augmenter son chiffre d'affaire.


Il se tourna vers Scott, qui porterait le costume de Golden Freddy, ce soir. Il était à moitié costumé et le gérant veillait à éviter les faux pas. Malgré la qualité de l'équipement, le dispositif restait délicat. Un coup, un mouvement trop brusque et l'endosquelette retournerait à sa place d'origine, broyant le porteur. Ce serait une catastrophe pour l'entreprise. Il tâchait de ne pas y penser et aidait son manager à l'enfiler. William vint ensuite fixer la tête du robot. Son visage, plus sympathique, faisait davantage penser à Freddy qu'à Fredbear désormais, témoignage de la transition en cours. Son visage était plus allongé et rond, plus enclin aux câlins également, ce qui changeait de l'immense mâchoire de l'autre ours qui déformait son visage. Fredbear resterait encore un an en service, à cause de son contrat administratif principalement, avant d'être changé définitivement pour Golden Freddy. Ce dernier, toutefois, aurait un rôle mineur. Dans quelques semaines, Freddy, Bonnie, Foxy et Chica deviendraient les stars du spectacle, comme l'avait demandé M. Fazbear.


La musique s'acheva sous les applaudissements et les cris enthousiastes des enfants. Le moment arrivait. FredBear et SpringBonnie regagnèrent les coulisses d'un pas mécanique, alors que quelques pubs étaient passées dans la salle principale. William saisit sa manette de contrôle et "rangea" l'exosquelette du lapin dans la poche intérieure. Le costume se désossa ensuite et s'ouvrit comme une coquille d'oeuf. Le gérant glissa ses jambes dans les deux pattes imposantes et remonta pièce par pièce les morceaux du costume, jusqu'à être totalement couvert. Il saisit enfin la tête du robot et l'enfila. William avait fait attention à rendre les yeux des robots translucides de l'intérieur, ce qui permettait de voir où ils allaient. Un modulateur de voix avait également été intégré au costume pour éviter qu'ils soient reconnaissables.


"Prêt ? l'interrogea Scott.

— Plus que jamais."


Ils patientèrent quelques secondes le temps que l'annonce des pizzas au poids soient terminées, puis la musique se remit en route. En bas de la scène, sous les ordres de la voix off, les enfants se mirent à frapper des mains en rythme. William prit une inspiration et tira le fil qui maintenait les rideaux fermés. Les deux hommes avancèrent sur la scène en improvisant une danse, puis, à la surprise générale des enfants, descendirent de la scène pour venir se promener parmi eux. L'effet fut immédiat et les cris de surprise se transformèrent rapidement en cris de joie. Pendant une demi-heure, William fit la ronde avec eux, joua au ballon, offrait des pizzas et des cadeaux, s'amusait à embarrasser les parents un peu trop grincheux. Il passa une soirée exceptionnelle et il sut qu'il avait enfin atteint l'équilibre qu'il recherchait quand il avait ouvert le restaurant. 


Il resta costumé jusqu'à la fermeture, malgré la chaleur étouffante du costume, là où Scott abandonna l'affaire bien avant lui. Il croisa le manager à la sortie de la cuisine, le visage d'un rouge écarlate suite à l'effort fourni. Il fallait dire que le costume pesait son poids, au bas mot cinquante kilos, avec le poids de l'endosquelette à l'arrière. Le lapin aux yeux verts salua les derniers enfants avant que Maggie ne ferme enfin le restaurant. William regagna la scène, accompagné par Scott et sa femme, qui l'aidèrent ensuite à se déshabiller.


"Alors ? triompha le gérant. C'était pas la meilleure idée du monde ?

— J'avoue que je n'attendais pas un tel succès, réagit le manager. Si cela fonctionne, il pourrait être envisageable de doter tous les costumes de cette fonctionnalité à l'avenir. C'est notre meilleure rentrée d'argent cette semaine !

— Doucement, c'est pas aussi simple, le tamporisa son supérieur. Il y a quelques petites choses à améliorer déjà, je me suis retrouvé avec une jambe coincée pendant dix minutes tout à l'heure et ce n'était pas très agréable. Et toi, Maggie, un retour ?

— Je ne te connaissais pas des talents de danseur, dit-elle malicieusement. C'était incroyable, les yeux des enfants brillaient. C'est du très bon travail, monsieur Afton."


Elle l'embrassa sauvagement, sous le regard gêné de Scott qui se frotta nerveusement l'arrière de la tête. Maggie plissa le nez et recula.


"En revanche, tu vas avoir besoin d'une bonne douche et de déodorant si tu veux dormir avec moi ce soir."


Elle lui sourit tendrement et s'éloigna pour débarrasser les tables. Scott et William discutèrent encore quelques instants avant que ce dernier ne rejoigne Maggie. Le roboticien resta seul devant sa création, le regard fier. Il n'avait plus qu'une hâte : recommencer le lendemain.


*********


La petite Charlie ne s'était jamais sentie aussi seule. Elle ne comprenait plus rien, elle ne sentait plus rien. Elle vivait dans un labyrinthe de vide dont on lui refusait la solution. Elle ne se rappelait pas de grand chose, mais suffisamment pour savoir que son état était maintenant définitif.


Elle avait vu son propre corps, baigné de sang. Elle avait aussi vu cet homme, le collègue de son père, se débarrasser de lui comme s'il s'agissait de boîtes à pizzas vides. Elle avait pourtant essayé de lui faire comprendre qu'elle était vivante. Elle lui avait montré, plusieurs fois. Mais il avait eu peur, et puis il avait fui. 


Pour une raison qui lui échappait, elle n'existait plus que la nuit. La journée, elle disparaissait. Comme si son existence n'était rien d'autre qu'un cauchemar. Parfois, elle pensait que c'était terminé, mais chaque nuit depuis que son père l'avait tuée, elle revenait. Encore. Et encore. Mais pourquoi ? Elle n'avait plus rien à faire ici. Elle n'avait plus de compte à lui rendre.


Ou était-ce vraiment le cas ?


Quelques mois plus tôt, le cauchemar avait recommencé. Une nuit, elle s'était réveillée dans une décharge publique, sans aucun repère, si ce n'était ce corps métallique qui lui servait désormais d'enveloppe physique. La Marionnette était comme elle : froide, vide, triste. Dans les reflets des vitres de voitures abandonnées, elle ne voyait que ces deux yeux d'un noir vide et les larmes violettes qui pendaient de chaque côté de sa tête. Elle avait fini par s'y habituer. Elle n'avait pas eu le choix. 


Elle vola tranquillement d'un bout à l'autre de la décharge, comme tous les soirs. Elle cherchait comment partir d'ici. Ce n'était pas un endroit sécurisé. Des monstres de métal écrasaient tous les jours les objets laissés à l'abandon, tout comme elle, afin qu'ils ne reviennent jamais à la vie. Ou était-ce pour cette raison ? C'était en tout cas ce que son père lui avait dit quand elle avait demandé où était passé Gribouille, son chat. Avant qu'il ne s'impatiente et la cogne brutalement contre le mur. Même si plus rien ne pouvait la heurter, elle sentait encore parfois les coups, les larmes sur ses joues et la douleur. En particulier celle derrière son cou. Celle qui lui avait arraché la vie.


Cette nuit-là, cependant, n'était pas comme les autres. Un homme errait parmi les déchets, un sac plastique à la main. Charlie l'observait depuis quelques minutes déjà. Il ramassait des pièces électroniques. Elle restait hors de vue, un peu effrayée à l'idée de l'approcher. Le collège de son père, William, avait peur d'elle. Mais elle ne voulait pas faire peur. Elle n'était qu'une petite fille. 


Sans faire attention, elle poussa du pied un tas de déchets qui roula bruyamment un peu plus loin. L'homme se figea et releva la tête, droit dans sa direction. Repérée, la Marionnette hésita. Que devait-elle faire ? Fuir ? Appeler à l'aide ? Elle avait besoin d'aide, mais elle avait aussi peur qu'on lui fasse encore du mal. Et puis l'homme sortit un pistolet. Charlie sentit de mauvais souvenirs refluer à la surface. Des souvenirs qu'elle avait préféré ignorer jusque là.


"Tu vas voir, Charlie, lui avait-il dit en pleurs. On va partir tous les deux dans un monde lointain qui sera beaucoup mieux qu'ici."


Son père lui avait pointé l'arme sur le front. Charlie n'avait que six ans et elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire. Il avait appuyé sur la gâchette et dévié le canon à la dernière seconde. Le bruit du coup de feu était resté gravé dans sa mémoire. Elle ne comprit que plus tard qu'il avait voulu la tuer. Et elle ne lui avait plus jamais refait confiance. Depuis que Maman était partie, son père n'existait plus.


En un instant, la colère monta en elle. L'homme tira et la rata largement. Il avait essayé de la tuer, juste comme lui. Charlie devait l'en empêcher. Elle ne pouvait plus laisser le monde lui marcher dessus de cette façon. Elle devait se défendre. Pourtant, elle s'arrêta à quelques mètres, net. Malgré le manteau sale, malgré la barbe, elle l'avait reconnu immédiatement. C'était lui. Il venait l'achever. Après tout ce qu'il avait fait.


Papa ? appela-t-elle doucement, toujours poussée par la compassion.


Il se mit à rire. Un rire fou, effrayant, qui lui glaça le peu d'humanité qui lui restait. Il n'était pas dans son état normal.


"Je t'ai trouvé ! hurla-t-il, hystérique. Je t'ai trouvé !"


Charlie recula légèrement, incertaine. Un sac plastique était posé à ses pieds, à la forme anormalement humaine. L'homme avança dans sa direction, un autre sac à la main. La Marionnette émit un sifflement mécanique de menace. Elle ne préviendrait qu'une fois. Il rit encore, puis se jeta sur elle. La fillette hurla, mais il ne l'entendit pas. Il força son corps robotique à se plier en deux et à rentrer dans le sac. Elle était grande, mais pas assez lourde pour résister. Il la tenait trop fort. 


Paniquée, son âme s'expulsa temporairement du robot. Elle ne réalisa son erreur que trop tard, lorsqu'il enfonça le reste de son corps dans le sac poubelle. Il l'emmena ensuite et elle refusa de le suivre. De toute façon, la nuit suivante, elle se réveillerait une fois encore à l'intérieur. Elle aviserait le moment venu, elle ne voulait pas lui faire face ce soir.


Avec inquiétude, elle se dirigea vers le sac plastique. Elle retint un cri d'horreur qui ne pouvait sortir de sa bouche inexistante. Deux petits pieds d'un blanc anormal dépassaient. Il y avait un corps d'enfant à l'intérieur. Elle passa la nuit à ses côtés, sans trop savoir pourquoi. Une colère sourde montait en elle, de plus en plus forte au fil du décompte des heures. Il avait recommencé. Et elle comptait bien ne plus rester les bras croisés à le regarder faire.


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