Tu le paieras un jour William Afton

Chapitre 21 : Dans son ombre

2394 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/11/2020 10:43

Les semaines passèrent bien plus rapidement depuis le retour de Henry. William le mit au courant de son projet et lui fit part de ses avancées. D'abord sceptique, ce dernier se montra soudain particulièrement enthousiaste et commença à proposer des idées d'améliorations. Pour augmenter les bénéfices, il proposa notamment d'inclure dans le ventre de Circus Baby un distributeur à glaces. Le gérant refusa dans un premier temps, question d'orgueil, puis finit par céder parce que ce n'était pas une si mauvaise idée. Dans la continuité, il décida de lui-même d'inclure un "gonfleur" de ballons dans le ventre de Funtime Freddy et de créer de petites créatures pour accompagner les danses de Ballora, l'animatronique ballerine.


Cependant, le temps n'effaça pas les doutes de William vis à vis de Henry. A chaque fois qu'il cherchait à l'approcher pour parler de ce qui s'était passé quatre ans plus tôt, il se refermait comme une huître et détournait la conversation. Ce dernier avait donc cherché les informations lui-même, pour en apprendre plus sur la petite Charlotte Emilie Miller, dont il ignorait jusque là l'existence. En interrogeant les voisins de Henry, il apprit ainsi que la femme de ce dernier l'avait abandonné avec la petite, et que cette dernière était très discrète, presque inexistante à leurs yeux. Son père, persuadé qu'elle était le fruit d'une union illégitime, la cachait au monde par honte et lui interdisait de se montrer en public. William, perturbé par ses révélations, se sentit immédiatement coupable. Si cette gamine était venu le trouver ce jour-là, avant que les problèmes ne se produise, la situation serait-elle la même aujourd'hui ? Face au mutisme de son collègue sur la question, il préféra simplement oublier et se reconcentrer sur son travail. Il n'aimait pas y penser, encore moins lorsque le fantôme de cette pauvre gamine hantait toujours son autre restaurant.


Afin d'assurer les travaux et l'aménagement du Circus Baby's World, William avait temporairement déménagé à proximité avec sa fille, laissant la pizzeria aux bons soins de Scott et de ses deux nouveaux employés, embauchés pour l'occasion, après que les deux gérants se soient rendus compte que gérer deux restaurants pouvait nécessiter un peu plus de deux personnes. Les deux hommes restaient en contact et Scott le tenait informé de tous les problèmes quotidiennement. Il ne passait plus qu'un week-end sur deux pour faire la maintenance des robots.


Les choses avançaient bien. Les travaux du deuxième restaurant étaient presque achevés. Mis à part le chauffage qui peinait encore à se mettre en route, l'électricité et l'eau fonctionnait parfaitement. William avait choisi une décoration dans les tons bleus et rouges. Les murs étaient tapissés de ciel étoilé, tandis que le sol représentait un damier noir et blanc, semblable au restaurant du Colorado. Le gérant avait opté pour des tables plus grandes et plus conviviales, tout en longueur. De chaque côté de la salle principale se trouvait les bornes d'arcade et les jeux pour les enfants : piscines à balles, distributeurs de bonbons, toboggans, ... Tout payant pour rentabiliser au maximum les attractions. La scène des animatroniques, en plein milieu, était plus élevée et inaccessible pour des enfants d'au moins un mètre cinquante. Cela permettait de voir le spectacle de loin, mais surtout d'éviter de nouveaux problèmes de sécurité. Derrière l'estrade, un long couloir menait aux pièces des coulisses : les bureaux de William et Henry, l'atelier, les cuisines et la "saferoom", une pièce sans caméra qui permettrait aux employés de se reposer à l'abri des regards. 


L'ouverture serait pour bientôt. Ils attendaient encore la visite du gouvernement qui voulait s'assurer que William avait respecté leurs consignes de sécurité. Il ne s'en faisait pas trop. Il avait donné le meilleur de lui-même sur ce nouveau restaurant. 


"Papa, elle est magnifique !"


Perchée sur l'estrade, les pieds dans le vide, le regard d'Elisabeth était tourné vers Circus Baby. Terminé, le robot était encore plus impressionnant. Elle faisait environ quatre mètres de haut pour deux de large. Ses deux couettes rouges pouvaient s'agiter au rythme de la musique. Son visage blanc était coupé en deux parties égales par une séparation discrète. Pour simplifier la maintenance des robots, William avait construit le visage des robots de manière à ce qu'ils s'ouvrent plus facilement, afin d'éviter de devoir retirer le costume comme sur les précédents robots. La petite clown avait les yeux bleus, le nez et les joues rouges, de la même couleur que la robe courte et des chaussures de danse à clochettes qu'elle portait. Elle pouvait théoriquement marcher, mais le poids du robot rendait sa démarche difficile. William avait dû concevoir des marches de la taille de ses chaussures pour le moment où elle distribuerait ses glaces, à travers la trappe qui ornait son estomac. Le rond était assez grand pour qu'il puisse y passer le haut de son corps. Cela faciliterait le nettoyage interne de l'endosquelette, en particulier en cas de catastrophe avec la crème glacée. Il craignait toujours qu'une fuite n'abîme les circuits, mais il en avait protégé la plupart dans des boîtes en métal closes.


"Elle est si belle, et si brillante ! Dis, Papa, est-ce que je pourrais jouer avec elle ?

— Non, Elisabeth, dit-il doucement, mais fermement. Je ne veux pas te voir sur cette scène, c'est dangereux."


Elle se renfrogna, mais le gratifia d'un "Oui papa" de mauvaise foi qui le rassura. Il était hors de question que sa fille s'approche des robots sans qu'il ne soit présent. Le traumatisme était encore bien ancré dans sa tête. Même si les mâchoires de ces robots étaient inoffensives et plutôt décoratives, il ne pouvait s'empêcher d'avoir des frissons en regardant la gueule fort pointue de Funtime Foxy, juste derrière le clown. Le renard blanc et rose se dressait fièrement debout, les mains sur son noeud papillon rouge. A ses côtés, Funtime Freddy patientait lui aussi, Bon-Bon, sa "peluche" Bonnie miniature, solidement fixée sur son bras droit. Ces deux-là étaient moins sophistiqués et plus classiques dans leur construction. La seule différence avec ceux de l'autre restaurant était leur peau en acier blanc et l'enceinte incérée dans leur poitrine. Même si leur intelligence artificielle était sophistiquée, cela permettait de les utiliser pour faire les annonces du restaurant de manière plus ludique, grâce à un micro à modulateur de voix, soigneusement caché dans les coulisses. A l'écart du groupe, Ballora tournait sur elle-même, une jambe levée. Elle ressemblait à Circus Baby en plus fine. Sa robe était de couleur bleue et mauve, et elle était capable de bouger l'intégralité de son corps jusqu'à l'extrême, comme une danseuse étoile. Henry avait configuré un programme pour elle : elle animerait des ateliers de danse avec les enfants. Sa voix douce et calme rappelait amèrement celle de Maggie à William, mais il avait fini par s'y habituer.


William posa une main affectueuse sur la tête de sa fille. La petite lui serra le ventre avec un grand sourire. 


"Tu veux m'aider à les mettre en route ?"


Ses yeux se mirent à briller de joie et elle courut jusqu'au boîtier de commandes sur le mur. William la suivit et l'invita à tirer l'imposant levier central. La petite fille le saisit à deux mains et tira dessus. Une douce musique s'échappa immédiatement des enceintes et les robots commencèrent à s'agiter sur scène. Freddy et Foxy saluait la foule par de grands signes de bras, Ballora tournoyait sur sa petite scène en levant ses bras et ses jambes aléatoirement. Quand à Circus Baby, elle se mit à chanter le thème de la pizzeria d'une voix enfantine familière. William avait choisi la voix de sa fille pour donner vie au robot. Et elle collait particulièrement bien.


Les portes du restaurant s'ouvrirent en grand. Henry entra, caché derrière un diable surchargé de grosses caisses de bois. Il les posa près de la piscine à boules encore vide et se rapprocha ensuite de la scène.


"J'ai les balles pour la piscine. Je les ai négocié à un grossiste pour une poignée de pain. Tu en as terminé avec les robots ? Ça rend bien de loin.

— Ravi de l'entendre. On a travaillé assez dur dessus pour ça."


William baissa les yeux sur sa fille et lui fit signe d'aller jouer sur les bornes arcades. Il n'aimait pas savoir Henry trop près d'elle, ça le rendait nerveux. Il se tourna vers son complice. Son regard s'était un peu assombri. En détaillant sa chemise rose auréolée de sueur, un détail marqua immédiatement le gérant : une tâche brune foncée, en plein milieu, sur les boutons. Henry suivit son regard et parut lui aussi surpris. Il mit un doigt à sa bouche et tenta de l'effacer vainement.


"Satané ketchup. Les magasins sont incapables de créer des bouteilles qui s'ouvrent sans éclabousser de nos jours."


William lui lança un regard sceptique, mais décida de lui laisser le bénéfice du doute. Henry retourna récupérer son diable et le tira vers les coulisses avec une caisse de bois toujours solidement attachée dessus. Il le suivit du regard quelques instants avant de décider de ne pas y prêter attention. S'il continuait de s'en méfier comme ça, ils n'arriveraient à rien. Mais il n'était pas certain pour autant que les choses puissent un jour redevenir comme avant. A chaque fois qu'il se retrouvait seul avec lui, un certain malaise flottait toujours. C'était plus fort que lui.


Il poussa un soupir et décida à son tour de se diriger vers les coulisses. Il avait encore de la paperasse à remplir et sa fille ne lâcherait pas son jeu avant d'avoir battu tous les zombies, ce qui n'était pas près d'arriver. Le long couloir sombre n'était pas encore alimenté en électricité, ou plutôt, il l'était trop. L'ampoule ne cessait de griller à cause de la surcharge d'énergie causée par les animatroniques. Il s'arrêta un instant devant le bureau d'Henry. La porte était ouverte, mais il n'était pas à l'intérieur. Ca ne lui plaisait pas. Ce dernier avait encore tendance à disparaître mystérieusement au milieu de la journée sans laisser de traces, et ça l'angoissait. Peut-être était-il paranoïaque, mais ne pas l'avoir constamment en visuel l'inquiétait. Il ne pouvait pas contrôler ses moindres faits et gestes, il en était conscient, mais ne pas savoir ce qu'il était en train de faire dans son restaurant attisait sa méfiance. 


Curieux, il jeta un oeil sur les papiers de son bureau. Il s'agissait d'un rapport typographié scientifique sur les morts violentes. Il était annoté par la main d'Henry sur les soixante pages qu'il contenait. William eut juste le temps de le feuilleter, mais ce qu'il y lut le mit véritablement mal à l'aise. Le rapport théorisait sur l'existence ou non d'une conscience lors d'une mort violente et soudaine. Sur certains sujets, comme les souris, plusieurs sujets présenteraient des activités cérébrales après la mort, pendant un bref instant. Les notes d'Henry parlaient d'une possible éjection de l'âme du mort qui prendrait brièvement conscience de sa condition avant de s'évaporer. Mais si ce mort s'attachait à un réceptacle, alors il pouvait agir comme s'il était toujours vivant. Il avait effectué des expériences sur des souris, et le scalpel qui leur avait tranché la tête s'était mis à trembler quelques secondes après l'acte. Avec seulement les mots, William n'en avait aucune preuve, mais il ne voyait pas pourquoi il mentirait sur ça.


Il reposa le dossier sur la table comme s'il lui avait brûlé les doigts. Il n'avait vraiment pas envie d'en savoir plus sur les théories absurdes de Henry. Il ne voulait pas y être mêlé, en aucune façon. Il sortit à reculons du bureau de son collège et se dirigea vers le sien. Il s'y enferma à clé, puis se laissa tomber contre la porte. Il cacha un instant son visage dans ses mains, et réalisa brutalement qu'il tremblait comme une feuille. Il était terrifié, en vérité. Il le sentait, au fond de lui. Pourtant, son visage restait comme figé, incapable d'éprouver la moindre émotion vis à vis de ce qu'il venait de lire. 


Parce qu'au fond, il le savait déjà. La Marionnette ne bougeait pas sans raison. Mais comment la fillette maintenait-elle sa forme à l'intérieur ? Et pourquoi ? Etait-ce la même chose pour Georges ? Et s'il appelait désespérément à l'aide et qu'il n'avait rien fait pour l'aider ? Et si l'ours en peluche était sa manière de communiquer ? Dévasté, il se mit à hoqueter et les larmes coulèrent le long de ses joues pour la première fois depuis bien longtemps. Il ne comprenait plus rien à ce monde de fou. Tout ce qu'il voulait, c'était amuser les enfants avec des robots. Il n'avait jamais demandé ça. Il n'avait jamais voulu que les choses se passent ainsi. Pourtant, toute échappatoire semblait hors d'atteinte désormais. Quoiqu'il faisait, où qu'il allait, ses pas le ramenaient à ce qui s'était passé dans sa pizzeria en 1980. Il se sentait pris au piège d'un tissu de mensonges, où tout ce qui disait finissait tôt ou tard par se retourner contre lui.


Il se figea en entendant des pas derrière la porte. L'ombre imposante d'Henry le recouvrait depuis la vitre teintée de son bureau. Il serra les poings, et retint sa respiration jusqu'à ce qu'elle disparaisse. 


Il ne devait pas lui montrer de faiblesses.


Henry n'était pas idiot. Il finirait tôt ou tard par les utiliser contre lui. S'il voulait s'en sortir, il allait devoir se reprendre en main. Le plus tôt serait le mieux.


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