Tu le paieras un jour William Afton

Chapitre 22 : Les monstres du cirque

2838 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/11/2020 11:23

A quelques jours de l'ouverture, William décida de mettre de côté tous ses problèmes pour vivre l'expérience à fond. Il avait passé la matinée à superviser les peintres qui avaient donné un peu de couleur aux abords de la scène, désormais couverte d'étoiles. Il avait ensuite dû s'attarder sur les derniers coups de fil pour répondre aux questions des médias et les inviter à la journée de la presse, qui aurait en réalité lieu dans l'après-midi et portait mal son nom. En espérant que celle-ci se passe mieux que la précédente. Un nouvel accident et il pouvait replier boutique. Les journalistes lui avaient laissé le bénéfice du doute la première fois, mais une nouvelle coulée rougeâtre pourrait les faire tous rappliquer à son chevet. 


Ce fut pour cette raison que, presque paranoïaque, il passa la matinée et la pause du repas assis sur une chaise devant eux, pour s'assurer qu'aucun cadavre ne se téléporte mystérieusement à l'intérieur de l'un d'entre eux. Il tremblait légèrement, mais priait pour tout se déroule comme prévu. Alors que Circus Baby rejouait son spectacle pour la vingtième fois au moins, il réfléchit à la suite des événements. Pour l'anniversaire d'Elisabeth, William avait réservé le restaurant pour ses petites copines et elles, la veille de l'ouverture. Ce serait une bonne occasion de tester l'enthousiasme des enfants avant la vraie ouverture. Créer des personnages humanisés était toujours un risque, encore plus lorsqu'il s'agissait de créations originales. Si l'équipe Fazbear avait la notoriété du dessin animé pour elle, ceux-là allaient prendre leur envol sans aide. Le gérant se sentait excité comme le jour de sa remise de diplôme. Cette impression de se jeter dans le vide sans parachute était grisante. Il ne fallait simplement pas rater l'atterrissage.


"Toujours là ? Tu devrais boire un café avant la conférence, t'as les yeux rouges à force de rester cloîtré devant tes robots comme devant un feuilleton télé."


Son sang se glaça et le retour sur terre se fit immédiat. Il pivota sur sa chaise pour faire face à Henry, plusieurs sacs dans les mains. Son costume rose taché de sueur lui rappela de mauvais souvenirs. 


"On ne sait jamais quand un meurtrier rôde dans les parages, répliqua froidement William avant de recentrer son attention sur les robots."


Il entendit distinctement le soupir agacé de son collègue derrière lui. Henry agissait comme s'il s'agissait d'un sujet sensible une seconde, et en parlait librement un clignement d'yeux plus tard. Plutôt que de deviner sur quel pied il devait danser avec lui, William avait choisi le détachement et la froideur. Il avait décidé de ne plus laisser une émotion traverser son visage en sa présence. Il ignorait s'il l'avait remarqué, mais son insistance avait faibli ces derniers jours.


L'homme posa un sachet au pied de sa chaise et disparut dans les coulisses. Curieux, William tourna la tête vers ce qu'il lui avait ramené, à savoir un sandwich poulet-concombre, un soda et une petite tarte aux pommes. Il songea tristement qu'il était bien le genre de personne à mettre du poison à l'intérieur pour essayer de le tuer. Arriverez-t-il un jour à passer au-delà du dégoût qu'il lui inspirait ? Il n'en était pas certain. Même si le temps tassait les événements, rien ne serait jamais comme avant. Quelque chose s'était brisé chez William. 


Au fond du sac, quelque chose attira son regard, une tâche dorée. Il poussa le soda et tira le porte-clé à l'effigie de Fredbear d'en-dessous. Son visage se ferma immédiatement alors que son poing se serrait sur la petite figurine. Il l'avait fait exprès. Ce type de marchandise n'était vendue que dans son restaurant, à plusieurs centaines de kilomètres d'ici. D'ailleurs, les figurines de Fredbear n'étaient même plus censées exister depuis que le robot avait été retiré de sa scène. Qu'essayait-il de prouver en faisant ça ? Ce n'était pas en lui rappelant la mort de son fils qu'il allait s'attirer les faveurs de William. Il sentit la colère affluer dans ses veines et ferma un instant les yeux pour l'évacuer. Il ne servait à rien de s'énerver. S'il continuait de l'ignorer, Henry finirait par se lasser et abandonner ce projet débile de ramener son fils à la "vie". 


Le bruit de la porte d'entrée qui grince le tira de ses pensées. Il se retourna et oublia instantanément tous ses problèmes. Elizabeth lui offrit un grand sourire alors qu'elle tirait un Scott en costume noir tiré à quatre épingles par la main. Son manager était déjà en train d'analyser la salle de son oeil d'expert. Même s'il ne disait rien, il fut soulagé d'y lire une grande approbation. Si Scott aimait le restaurant, les clients l'aimeraient aussi. La fillette courut rejoindre son père sur l'estrade et lui sauta dans les bras.


"J'ai eu un vingt en technologie ! chantonna-t-elle. Madame Birkins a dit que mon projet d'intelligence artificielle robotique était absolument génial. 

— C'est parce que tu es la fille du plus grand génie de notre temps, se vanta William, ravi. Elle ne pouvait pas rivaliser avec nous. Je t'avais dit qu'elle l'adorerait. C'est quand même beaucoup plus classe qu'un volcan un peu moisi.

— Toujours aussi humble, se moqua gentiment Scott."


William se leva de sa chaise pour aller serrer la main de son associé avec un grand sourire, avant de l'attirer à lui pour une accolade. Digne, ce dernier se contenta de lui tapoter gentiment le haut du dos avec un rire nerveux. Le pauvre n'avait pas l'air plus frais que lui, sans doute à cause des nombreuses heures de trajet effectuée. Scott recula d'un pas et s'avança vers la scène pour mieux détailler les robots qui continuaient de parader sur une musique inexistante. William avait coupé le son après la troisième représentation, ne supportant plus la voix un peu trop nasillarde de sa chanteuse principale. Non pas que la voix de sa fille était nasillarde, mais après trois heures à écouter les même chansons, il en avait eu assez.


Scott les contempla un long moment avant qu'un sourire n'illumine finalement son visage. 


"Ils sont très réussis, c'est du bon travail. Tu es prêt pour la conférence ?

— Plus ou moins. J'imagine que tu as préparé un texte pour moi de toute façon, donc je n'ai pas à m'inquiéter.

— Tss, tu es incorrigible, répliqua son homme de main en lui tendant son discours."


William lui offrit un sourire narquois avant de passer en revue le texte rapidement. Comme toujours, son acolyte avait pensé à tout et avait même prévu plusieurs réponses aux potentielles questions qui suivraient la présentation et le spectacle. Ils avaient prévu les choses en grand cette fois. William animerait une conférence d'un quart d'heure où il présenterait les robots et leur fonctionnalité, puis il lancerait un spectacle d'une heure pendant que les journalistes goûteraient leurs plats - cette fois réalisés par un chef cuisinier -, avant une session de questions-réponses. Tout était censé se dérouler sans accroc. 


Le gérant plia soigneusement les papiers en deux et les rangea sur le pupitre caché derrière Funtime Freddy. Le temps qu'il se retourne, sa fille s'était approché un peu trop près de Circus Baby. William accourut pour lui prendre la main et la tirer loin du robot. Elle bouda légèrement, mais descendit docilement de l'estrade sous le regard intransigeant de son père. Aucun enfant sur scène, pas même sa fille. C'était la règle d'or qu'il s'était juré de respecter.


"Installez-vous sur une table, leur dit William. J'ai fait cuire des pizzas pour le repas."


Il se dirigea vers la cuisine, le sac d'Henry à la main. Il hésita un moment entre le jeter dans la poubelle et le laisser sur le comptoir, mais opta finalement pour le comptoir. Il pourrait toujours les manger en soirée, Elisabeth passant la nuit chez une de ses camarades de classe. William avait tout arrangé pour ne pas gâcher sa surprise d'anniversaire. Elle n'aurait pas le droit de voir le spectacle en entier avant ce jour-là. Il récupéra les pizzas et rejoignit sa fille et son ami, en grande conversation. 


Ils mangèrent joyeusement en discutant de tout et de rien, avant que la maman de Sarah, la petite chez qui sa fille passait l'après-midi ne vienne la récupérer. William la remercia chaleureusement et se remit au travail. Avec l'aide de son manager, ils dressèrent les tables et la cuisine, lancèrent la musique et firent une dernière vérification des robots, afin de ne pas avoir de mauvaises surprises. William récupéra ensuite le pupitre et l'installa sur le devant de la scène. Il pouvait déjà entendre les premiers journalistes à l'extérieur en train de s'extasier sur la gigantesque devanture : Circus Baby saluait la foule depuis son énorme pancarte. C'était la dernière petite folie de William. L'installation avait coûté cher, mais les passants pouvaient désormais voir son restaurant de loin.


Scott ouvrit les portes et la foule commença à affluer, caméras et micros dans les mains. Ils étaient bien plus nombreux que lors de la cérémonie d'ouverture du Diner, et cela ne rassura pas le gérant. Même si le thème principal de cet après-midi restait le Circus Baby's World, il sentait peser sur lui la menace des questions sur ce que ces vautours avaient fini par appeler "La morsure de 1983'". Son manager avait été clair sur le sujet lors de l'envoi des invitations : le sujet ne devait être mentionné sous aucun prétexte sous peine de poursuites judiciaires. Pourtant, William avait l'étrange sentiment que ça ne les dissuaderaient pas pour autant. Combien étaient prêts à sacrifier leurs fesses pour un scoop ? 


"Ça va être à ton tour, lui chuchota Scott. Tu te sens prêt ? Je serais juste en bas, si tu as un trou, fais-moi signe et je te rejoins.

— Tu es une maman poule, Scott. Je t'assure que le petit William va trouver le chemin de l'école comme un grand, répondit-il d'une voix enfantine."


Scott lui lança un regard réprobateur, avant de se mordre la lèvre. William leva les yeux au ciel et se dirigea vers l'estrade, mais son manager lui attrapa le bras. Il remit sa cravate violette correctement en place et arrangea un peu ses cheveux, ce qui arracha un rire à son complice. Il était beaucoup plus stressé par la situation que lui. Du moins pour l'instant. 


William prit une inspiration et monta sur la scène sous les applaudissements. Il s'avança vers le pupitre et déplia son discours. La centaine de caméras à ses pieds le mit un peu mal à l'aise, mais il essaya de ne pas trop faire attention à elles. Il devait rester naturel. Il n'était pas en danger.


"Bonjour à tous et bienvenue au tout nouveau Circus Baby's World, notre deuxième restaurant. Je suis William Afton, gérant de l'établissement et créateur des robots que vous voyez derrière moi."


Il se lança ensuite dans l'explication complexe du choix de chaque robot et de leurs prouesses techniques, sous le regard alerte des journalistes amassés devant lui. Ils buvaient ses paroles et prenaient des notes dans leurs calepins pour la plupart. Plusieurs flashs l'éblouirent parfois alors que les appareils photos l'immortalisaient devant ses créations. Il termina son explication par une présentation du spectacle auquels ils allaient assister et fit taire les premières mains qui se levaient en promettant une session de questions-réponses après la représentation. Il descendit ensuite de la scène avec le pupitre et se dirigea vers le boîtier de commande. 


Il baissa le gros levier rouge et la salle se retrouva plongée dans l'obscurité. Une musique entraînante se lança en fond alors que les robots se révélaient un à un en mouvement. Circus Baby se mit à claquer du pied en rythme, puis porta le micro à sa bouche et commença à chanter, rapidement suivie par l'ensemble de la bande. L'effet fut immédiat. Le public se mit à frapper des mains en rythme alors qu'une pluie de flashs d'appareils photo s'abattait sur ses robots. Lorsque la musique se calma, Funtime Freddy et Funtime Foxy s'avancèrent mécaniquement sur le devant de la scène pour leur animation. L'ours et le renard se lancèrent dans un concours de blagues idiotes qui tira quelques sourires parmi le public. 


En tout cas jusqu'à ce que tout dérape.


"Eh, Freddy, comment appelles-tu un ours sans pattes ?

— Je ne sais pas, Foxy. Comment ? répondit l'ours blanc d'une voix pataude, en mimant une intense réflexion.

— On ne l'appelle pas, car il ne marche plus. 

— Oh ! Oui, je suis bête. Quelqu'un l'a tué, comme moi.

— Tué ! hurla Foxy. Tué ! Tué ! Tué ! Tué ! Tué !"


Les yeux de William s'écarquillèrent de stupeur alors que le renard continuait de répéter le mot en boucle en agitant ses bras, totalement possédé. Scott courut le rejoindre au boîtier de commandes et tous les deux essayèrent de relever le levier qui maintenait le courant des robots. Il était bloqué et refusé de leur obéir. Dans la salle, le niveau sonore augmenta peu à peu jusqu'à devenir un brouhaha confus. Des questions fusèrent dans tous les coins alors que les vautours se ruaient caméras et micros à la main pour avoir les meilleurs images de la scène. Après ce qui sembla être une éternité, le levier se leva brutalement et échappa des mains des deux hommes, mettant fin au spectacle. Sous le choc, William et Scott échangèrent un regard confus. Le manager reprit rapidement ses esprits et partit en avant-garde pour calmer la foule en délire.


William sentait son coeur battre si fort qu'il craignait d'avoir un malaise sur le champ. Comment était-ce arrivé ? Il avait essayé les robots toute la matinée ! Ils n'avaient jamais fait ça ! Henry n'y avait pas touché non plus, alors qu'est-ce qui s'était mal passé ? Les jambes tremblantes, il rejoignit Scott sur l'estrade, qui essayait tant bien que mal de calmer les hurlements des journalistes qui en venaient à monter sur les tables pour se faire entendre au-dessus du bruit. L'arrivée de William ne provoqua que le redoublement des hurlements.


"Que s'est-il passé ?

— Est-ce que c'est vrai que la pizzeria est hantée ?

— Ça a un rapport avec la morsure de 83' ?

— Comment la justice sait-elle que vous n'avez pas tué votre propre fils ?

— Cet homme est-il votre complice ?"


Scott attrapa le micro et poussa le son au maximum pour couvrir les cris de la foule.


"Je vais vous demander de regagner vos places s'il vous plaît. Il n'y a aucun événement paranormal, il s'agit simplement d'une malfonction du code des robots. Arrêtez donc vos superstitions ridicules, on ne s'entend même plus parler ! La pizzeria n'est pas hantée et ce qui s'est passé dans le Colorado n'est qu'un accident qui n'aurait jamais dû exister !"


Les yeux des Animatroniques s'illuminèrent derrière eux. William fit volte face et évita de justesse l'immense pince de Circus Baby qui avait jailli de son ventre et manqué de le faucher. De même, les visages des autres robots s'ouvrirent et se fermèrent à un rythme démentiel. C'était un véritable cauchemar. Il allait se réveiller.


"Il n'aurait jamais dû exister, déclara Circus Baby de sa voix fine.

— Jamais dû exister, reprit Foxy.

— Jamais dû exister, répéta Freddy.

— J'existe, dirent les Animatroniques en cœur. J'existe. C'est moi. J'existe. C'est moi. J'existe. C'est moi !"


William blêmit lorsque les yeux de tous les robots se braquèrent sur lui. Soudainement, tous les volets de toutes les fenêtres de la pièce se baissèrent simultanément dans un grand fracas, plongeant la pièce dans le noir. Dans l'obscurité, seuls les yeux lumineux des robots brillaient encore. Le gérant fit un pas en arrière, puis un deuxième. Ils continuaient de le suivre des yeux.


Paniqué, il se précipita dans les coulisses et claqua la porte de son bureau. Il s'effondra derrière la porte. Ses jambes refusaient de le porter plus loin. Il se mit à trembler, puis les larmes coulèrent, inarrêtables et il hurla sa détresse.


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