La dernière âme

Chapitre 28 : Ce qu'ils n'auront jamais

2554 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/08/2025 13:37

Foxy avait passé une journée chaotique. Prune et lui avaient essayé de créer un lien avec Violet. La petite fille ne tolérait pas sa présence et l'affaire se terminait toujours par le robot fuyant de la pièce en catastrophe pour éviter une crise de nerf supplémentaire. Sauf cette fois-là. Foxy avait juste passé sa tête à travers la porte, pour s'assurer qu'elle ne dormait pas. La petite fille était assise sur son lit et le regardait avec méfiance, son immense peluche Freddy coincée entre ses deux bras fins. Le renard hésita avant de pousser la porte pour rentrer. Violet eut immédiatement un mouvement de recul, et Foxy tendit les mains devant lui pour essayer de l'apaiser.


"Je ne te veux aucun mal, je te le promets. Je suis un ami, je ne suis pas... lui."


Il fit un pas supplémentaire. La fillette continuait de le fixer mais ne bougea pas. Il s'accroupit lentement à côté de son lit, pour l'avoir yeux dans les yeux.


"Je m'appelle Foxy, dit-il calmement. Il y a longtemps, il m'a fait du mal à moi aussi. Il m'a enfermé là-dedans, poursuivit-il en montrant son torse. Depuis, mes amis et moi, on fait notre possible pour éviter qu'il fasse du mal à d'autres enfants, comme toi. Tu te rappelles de moi ? C'est moi qui t'ai porté jusqu'à l'hôpital, tu as été très courageuse."


Elle hocha timidement la tête avant d'abaisser doucement sa peluche pour le regarder avec plus d'intérêt. Le renard lui tendit la main. Elle la regarda un instant, nerveuse, avant de finalement poser sa petite main sur celle bien plus imposante du robot. Foxy en frissonna de joie. Depuis combien de temps n'avait-il pas réussi à avoir l'affection d'un enfant ? Cette timide marque de confiance raviva légèrement le souvenir des jours plus heureux où une bande de copains se rendaient au restaurant pour regarder des robots chanter et danser avec insouciance.


"Tu as toujours mal ?"


La petite voix fluette surprit le renard. Violet avait posé sa peluche pour se concentrer sur lui. Foxy réfléchit un instant et choisit d'être sincère.


"Oui. Parfois, je fais des cauchemars où je le vois me faire du mal et ça brûle dans mon coeur comme le jour où il m'a fait croire que l'on allait rejoindre Freddy dans les coulisses pour faire la fête. Mais la douleur, elle finit toujours par passer. Tu peux la transformer en tristesse, mais tu peux aussi relever la tête et transformer ton mal en empathie, pour aider ceux qui en ont besoin. Comme toi.


— Grand-Père dit que tu es un enfant, c'est vrai ?


— C'est vrai. J'avais le même âge que toi. Enfin, je crois. Le vieux pirate ne se souvient plus vraiment de son dernier anniversaire."


Des cris à l'extérieur détournèrent l'attention de la fillette et du renard. Violet saisit Freddy et cacha sa tête contre lui. Foxy se redressa et s'approcha de la fenêtre. En contrebas, Springtrap se défoulait sur des journalistes. Il se tourna vers la porte de la chambre où Prune le regardait, probablement là depuis un certain temps. Le renard la poussa légèrement pour se diriger vers le couloir. La Marionnette s'apprêtait à sortir faire face à William. Elle leva la tête dans sa direction.


N'oublie pas, tu es notre dernier rempart, Foxy. Si tu as besoin d'aide, appelle Golden Freddy, il répondra, j'en suis sûre.


"Bonne chance, lui dit Michael. Je reste près de la porte pour essayer de le raisonner s'il entre. Prune, reste enfermée là-haut avec Foxy, et mettez l'armoire devant la porte."


Foxy hocha la tête. Il poussa Prune à l'intérieur, même si l'adolescente paraissait dubitative à l'idée de les laisser seuls en bas. Le renard poussa la grosse armoire devant la porte. Elle obstruait entièrement le passage. Il retourna ensuite à la fenêtre, très nerveux, juste à temps pour voir la Marionnette s'enflammer. Son cri résonna dans son esprit, comme dans celui de ses camarades impuissants. L'âme s'enfuit rapidement du corps pour prendre une forme éthérée, juste comme Golden Freddy. Springtrap, lui, courait déjà vers la maison. 


Le renard regarda autour de lui à la recherche de quelque chose de suffisamment lourd pour servir d'armes. L'étagère qui supportait les livres au-dessus du lit de la petite lui parut suffisamment bancale pour être arrachée sans trop d'encombre.


"Aide-moi à retirer les livres, dit-il à Prune. Pour l'instant, on est en sécurité. Mais s'il rentre, je me jette dessus et vous profitez de la diversion pour courir, c'est compris ? Freddy, la Marionnette, les autres, trouvez quelqu'un pour vous aider et partez avec le plus loin possible d'ici.


— Mais... Et toi ? s'inquiéta Violet.


— Ne t'inquiète pas pour moi. Je suis un pirate, et les pirates gagnent toujours. C'est bien connu."


Elle ne parut pas franchement convaincue, mais accepta l'excuse. Après avoir débarrassé l'étagère, Prune s'installa sur le lit et serra sa petite soeur contre elle. Il ne restait plus qu'à attendre.


***********


Springtrap était enfin rentré à l'intérieur. Freddy tambourinait furieusement de l'autre côté de la porte, et le lapin ne doutait pas qu'il finisse par réussir à l'ouvrir à force d'acharnement. Le hall d'entrée était vide, mais il ne se fiait pas aux apparences. Le poulet, le renard et le lapin traînaient toujours dans les environs pour lui faire la misère. Freddy n'était qu'une partie du problème.


Un bruit de moteur attira son attention. Il se posta au bord de l'escalier en position d'attaque, alors qu'un fauteuil roulant s'approchait avec un vieil homme à l'intérieur. Bonnie et Chica le suivaient. Les robots sentaient la peur et la colère. Il serait facile de les intimider. Le vieil homme n'avait pas l'air agressif et lui parut très serein. Etait-il bête au point de venir le voir pour se faire tuer ?


"Bonjour, Papa. Tu te souviens de moi ? articula péniblement le vieil homme."


Springtrap eut un mouvement de recul, incertain. C'était du bluff. Ils cherchaient à l'embrouiller. 


"C'est moi, Michael. Tu te rappelles ?"


Abasourdi, le robot resta un long moment à le regarder. S'il s'agissait de son fils, il avait bien changé. Les joues tombaient, les rides recouvraient intégralement son visage autrefois si expressif. Une douleur inédite le prit à la poitrine alors même qu'il s'était juré ne plus exprimer le moindre sentiment à son égard. Il l'avait laissé mourir. Il s'en souvenait parfaitement comme si c'était hier. Son propre fils. 


"Toi... gronda le lapin. Tu... Comment peux-tu seulement être encore en vie ? Tu devrais être mort, comme... Comme moi.


— C'est prévu bientôt, ne t'en fais pas. Mais je ne me sentais pas à l'aise de quitter ce monde sans avoir pu t'arrêter. 


— Tu savais ?


— Bien sûr que je savais, tu m'as envoyé tes journaux à retardement, ou devrais-je dire les élucubrations d'un pauvre homme qui a perdu la tête suite à une série d'événements dramatiques. Tout le monde ne supporte pas la douleur. Mais tout le monde ne tue pas pour effacer ses peines. Je suppose que tu le sais comme moi."


William se sentit vaciller. Il serra le poing et donna un grand coup dans le mur. Bonnie sursauta et recula d'un pas, apeuré.


"Tu savais, gronda t-il. Tu savais, et tu les as laissé me faire ça ?! hurla-t-il. Ils m'ont torturé pendant trente ans ! cria-t-il en pointant les deux robots derrière lui. Soi-disant pour me donner une seconde chance. Ils m'ont rendu fou ! Complètement cinglé ! Tout ce qui se passe, tout ce que je fais, je le fais parce que je ne peux plus le supporter et que c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour qu'ils s'éloignent, pour qu'ils me laissent tranquille ! Pourquoi ne me laissent-ils pas tranquille, Mike ? Pourquoi ? Je ne veux plus les entendre ! Plus les voir ! J'ai essayé !"


Michael pinça les lèvres.


"Veux-tu arrêter ce numéro pitoyable ? lui lança-t-il, acide. Cette "torture", ils te l'ont fait subir pour que tu comprennes enfin ce que tu leur as fait subir. Dois-je te rappeler comment tu as voulu les enfermer pour effectuer tes petites expériences sans jamais te douter qu'ils pouvaient toujours ressentir la peur, la douleur ? Dois-je te rappeler comment ils t'ont fait confiance lorsque tu leur as pris la main pour leur planter un couteau dans le cœur ? Et tu voudrais que je te plaigne, William ? Non. Tu mérites ce qui t'arrive. A trop jouer avec le feu, on finit toujours par se brûler."


Le vieil homme avança encore un peu, jusqu'à se retrouver devant ses pieds.


"Ce que je ne comprends pas, en revanche, c'est comment après cent ans dans ce costume à les regarder souffrir, à entendre leurs plainte et leur douleur, tu as pu recommencer à nouveau. Ce que tu as fait au musée, ce n'est pas justifiable. Tu n'étais pas motivé par la tristesse, ou par Elizabeth comme tu essayes de nous le faire croire, non, tu as tué par pure fantaisie. Tu as tué quarante-neuf enfants. Quarante-neuf familles qui ne s'en remettront jamais et qui ne pourront jamais voir l'assassin de leur enfant en prison. Et le pire, c'est que tu oses revenir dans cette maison après tout le mal que tu as fait juste parce que ta conscience ne te laisse pas en paix. Juste parce que la fillette que tu as laissé vivre est terrifiée à la simple mention de ton nom et que tu ne peux pas le supporter. Tu sais pourquoi ?"


Springtrap baissa la tête et serra les poings.


"Tais-toi.


— Moi, je sais pourquoi. Parce que tu n'as jamais supporté l'abandon. Parce que cette petite fille que tu détestes tant, elle te rappelle Elizabeth. Elle est morte, Papa. Elle est morte, et elle est coincée parce que tu refuses de la laisser partir. De les laisser partir. Tous. Parce que tu sais que le jour où ça arrivera, tu n'auras plus le contrôle sur qui que ce soit. Tu seras jugé et ça va te détruire.


— Tais-toi !"


Il repoussa le fauteuil d'un grand coup de pied et s'approcha à grands pas, menaçant. Bonnie lui barra immédiatement la route.


"Dégage de là, ou je te jure que tu vas finir en pièce détachée comme ta copine dehors."


Tu ne peux pas régler tous tes problèmes par la violence, William.


Il se retourna. Le fantôme de la Marionnette le dévisageait avec colère. 


"Quoi ? C'est la journée de la morale ? s'exaspéra le lapin. Tu vas aussi me dire que tous mes problèmes sont les conséquences de mes actes ? Tu crois que je ne le sais pas ? Oh mon dieu, William est si méchant, il tue uniquement par plaisir. Et toi, Charlie ? Ou Jeremy, Suzie, Gabriel, Fritz ? Qu'est-ce que vous faites depuis cent ans au juste ? Des bisous aux gardiens de nuit ? Et on en parle, Michael, de ce que tu as fait à ton propre petit frère ? Vous agissez tous comme si j'étais la cause de tous vos problèmes, alors que vous êtes tous devenus comme moi. Vous êtes là, pour essayer de gagner du temps jusqu'à six heures du matin dans l'espoir de me piéger et vous pensez que je ne le vois pas ?"


Il éclata de rire, sous les regards perturbés de ses interlocuteurs.


"Qu'est-ce que vous voulez faire de moi ? M'enfermer, encore ? Me brûler ? Oh, tenter de vous libérer peut-être ? Parce que vous croyez que ma mort va vous libérer ? demanda-t-il à Bonnie et Chica. J'ai peut-être des problèmes avec l'abandon, c'est vrai. Et de gestion de la colère. Mais c'est pas moi qui vous retient ici. La preuve, vos copains de 1987, ils sont partis et pourtant je suis toujours là. La personne qui a peur de l'abandon, c'est pas moi. C'est elle, accusa-t-il en pointant la Marionnette du doigt. Elle vous manipule, elle vous contrôle, elle vous fait subir exactement tout ce que vous me reprochez. Vous êtes des putains de gosses, pas des armes de guerre. Elle vous a transformé en soldat, elle vous a forcé à tuer, elle vous a coincé ici. Pas moi. Ma mort n'arrangera rien à votre condition. Elle a tellement peur de se retrouver seule qu'elle ne vous laissera jamais partir. Moi, je serais loin d'ici, en Enfer, peut-être. Mais vous, vous serez toujours ici, et personne pourra plus rien pour vous. Vous n'allez jamais crever, vous n'allez jamais revoir vos parents ou votre cochon d'Inde comme elle vous l'a promis. Vous avez oublié si rapidement qu'elle faisait partie de la famille Miller et que chez elle, la trahison et la manipulation, c'est inné. Elle va vous abandonner à votre sort quand elle en aura marre, ou pire, dès qu'elle se sera débarrassé de moi, et ensuite, qu'est-ce que vous allez faire ?"


Bonnie et Chica se regardèrent, un peu perdus, avant de chercher du soutien dans les yeux de la Marionnette, terriblement silencieuse. La porte d'entrée fut arrachée et Freddy entra, fou de rage. Il se figea devant l'atmosphère étrange qui planait. Ses amis doutaient, et de toute évidence, ce n'était pas adressé à Springtrap.


"Qu'est-ce qui se passe ? On l'arrête et on le tue ?"


Sa remarque fut accueillie d'un grand rire de Springtrap. Il se tourna vers le lapin bleu et la poule, victorieux.


"Ça fait mal, hein ? D'être confronté à son propre reflet. On ne répond plus rien, Charlie ?"


La Marionnette leva un bras. Springtrap vola à travers le couloir et s'écrasa dans les escaliers. Elle tremblait de rage, alors que lui exultait.


"Qu'est-ce que tu disais déjà ? Tu ne peux pas régler tous tes problèmes par la violence."


Bonnie, Chica, immobilisez-le.


Les deux robots ne bougèrent pas. La Marionnette serra le poing.


Ne l'écoutez pas ! Depuis quand ses propos ont-ils un sens ? Il est fou et dangereux, il est grand temps de l'arrêter.


"Mais... C'est vrai, ce qu'il dit ? demanda timidement Bonnie. Sur le fait qu'on sera pas vraiment libre et...


— Quoi ? s'étonna Freddy. Qu'est-ce qu'il a dit ?"


La Marionnette releva la tête.


Je n'en sais rien, d'accord ? Je ne sais pas comment ça fonctionne. Mais vous tombez exactement dans le piège de William. Il essaye de nous retourner les uns contre les autres pour gagner, et ça fonctionne. On en reparlera, mais ce n'est pas le moment de lâcher prise. Si on ne l'arrête pas maintenant, on ne le pourra plus.


Les robots relevèrent tous la tête vers William, toujours sur l'escalier. Le lapin hésita brièvement, avant de tourner la tête vers l'étage. Au frémissement des enfants, il comprit que sa proie était en haut.


"Vous voulez m'arrêter ? Grand bien vous fasse. Si vous me tuez, j'emporte la gamine avec moi."


Il monta les escaliers à la hâte, Freddy sur les talons.

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