TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 2

8659 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:04

Chapitre 2

Interminable et douloureux. Les deux seuls mots auxquels pouvait penser Arya après avoir voyagé pendant une après-midi entière à cheval.

L’inconnue avait finalement reprit connaissance et désormais redressée sur la croupe, elle tenait du mieux qu’elle le pouvait sur l’animal en mouvement tout en veillant à ne pas trop toucher le Limier. Ses mains s’agrippaient aux bords de la selle au lieu des côtes protégées de l’homme. Elle n’allait pas se presser contre lui alors qu’il l’avait ouvertement menacée quelques heures auparavant ! C’était d’ailleurs presque tout aussi inconfortable que le silence qui planait entre eux. Il fallait juste attendre le bon moment pour agir, encore un peu de patience …

Arya, assise à l’avant, souffla profondément d’ennui avant de lever les yeux au ciel quand elle remarqua que le Chien l’observait de sous sa mèche de cheveux avec méfiance, s’attendant sûrement à ce qu’elle ne saute sans prévenir de l’encolure de Stranger pour tenter de fuir. Une nouvelle fois. Par précaution, il la tint donc plus fermement au niveau de l’estomac avec sa main droite tout en continuant de guider son cheval avec l’autre, un léger ricanement sec dépassant ses lèvres. Il allait falloir qu’elle s’habitue à sa présence, car le chemin menant aux Jumeaux était bien long et par conséquent, ils n’étaient pas prêts de se séparer.

Tout à coup, le Limier sentit quelque chose glisser lentement vers l’arrière puis loin de la croupe de son cheval. Il n’eut même pas le temps de réagir que la femme vacillante bascula hors de la monture pour se retrouver sur le sol qui, par chance si on pouvait l’appeler ainsi, était relativement mou grâce à l’herbe épaisse. La chute n’était pas aussi violente qu’elle le présageait, ce qui lui évita une foulure ou peut-être même un os brisé au vu de la hauteur conséquente de Stranger.

«C’est pas vrai, putain de merde …» S’agaça Sandor en arrêtant brusquement son cheval pour descendre de son siège en laissant la louve sur l’animal à l’arrêt.

La fille en question, intriguée mais soucieuse, tourna la tête en direction du corps étendu sur le sol derrière les pattes du cheval, face contre terre et immobile. Etait-elle dans la souffrance ? Inconsciente ? Epuisée ? Affamée ou assoiffée ? Pourtant elle avait eu droit à un peu de sa ration de nourriture et d’eau tout à l’heure, malgré les protestations du mercenaire. Arya observa avec la bouche grande ouverte le Limier agripper l’épaule de la femme pour la tourner face à lui, les sourcils froncés de mécontentement de devoir faire un arrêt pour ses caprices de bonne femme. Cependant, au moment où il vit son visage, il y eut un éclair argenté puis il sentit une petite piqûre familière sur sa joue gauche.

Instinctivement, l’homme abasourdi bondit en arrière pour éviter un autre coup de lame et chercha son poignard qui n’était plus à sa place à sa ceinture … Petite maudite, elle le lui avait volé avant qu’elle ne tombe au sol ! Cette chute n’était qu’une stupide diversion. Mais heureusement qu’il avait un autre poignard de rechange ainsi que sa longue épée, toutefois il ne la sortira pas pour cette occasion car cela n’en valait même pas la peine. A quoi bon se battre avec une femme ?

L’étrangère aux cheveux d’argent se redressa rapidement tout en tenant le poignard à deux mains vers l’homme qu’elle pensait être un Chevalier, d’après son apparence caractéristique. Les traits de son visage normalement plus doux avaient adopté une expression sombre tandis qu’elle défiait avec courage le mercenaire beaucoup plus grand et fort qui ne paraissait aucunement intimidé par son geste. Un filet de sang s’écoulait de la coupure sur sa joue gauche. Ses mains tremblantes de nervosité, ses yeux noirs fixaient sans ciller le visage livide de l’homme qu’on appelait couramment Chien. Ce même homme qui était sur le point de devenir fou de rage à cause de son audace spontanée.

Etait-ce une erreur fatale ?

Clegane passa lentement ses doigts gantés sur la petite coupure sanglante à sa joue tout en jurant sous son souffle à propos de cette femme imprévisible. La garce, elle lui avait abîmé le côté du visage qui n’était pas encore meurtrit ! Comment osait-elle, alors qu’il l’avait épargnée et sauvée de la noyade ? Il savait qu’il aurait dû s’en débarrasser tout de suite mais au lieu de cela, il a fallu qu’il écoute la gamine irritante. Dans le coin droit de sa vision, il put voir qu’Arya Stark retenait son souffle, n’ayant pas quitté le dos de Stranger pendant l’action.

«C’était en quel honneur, ça ? Pour avoir sauvé ton cul terreux de la misère ?!» S’écria furieusement Sandor en restant bien droit, sachant exactement comment maîtriser une situation délicate comme celle-ci. En aucun cas il ne la laissera utiliser ce poignard contre lui. Du moins, plus une seconde fois !

«Où sommes-nous ?» Somma l’inconnue pour la première fois depuis leur rencontre, un peu déstabilisée par la vulgarité du Chevalier.

«Donc tu sais parler ? Qu’est-ce que ça peut te foutre de où nous sommes ! T’avais qu’à te tirer quand je t’avais dit de le faire, femme !» Siffla rudement le Limier en levant le menton vers elle, pas du tout impressionné.

Confuse, l’étrangère blessée prit quelques secondes pour regarder autour d’elle et se rendre compte qu’il n’y avait que des champs à perte de vue, qu’aucune habitation était susceptible de lui venir en aide à l’issue de cette confrontation. Sa distraction ayant fonctionnée à merveille, Sandor saisit cette opportunité pour la désarmer avant qu’elle ne se mette d’autres idées débiles en tête. Comme par exemple s’attaquer à un mercenaire tel que lui … Néanmoins, ses réflexes n’étant pas des moindres malgré les blessures, elle l’esquiva aisément pour ensuite s’approcher du cheval avec Arya sur son dos qui n’avait toujours pas bougé.

Elle attrapa aussitôt la jambe de la fillette trop choquée pour sortir de sa trajectoire avant de la tirer vers elle puis de positionner le poignard à son cou, le dos pressé contre son ventre avec un bras autour d’elle pour la maintenir dans cette position de faiblesse. Les souffles se bloquèrent instantanément. Sandor fit plusieurs pas en avant pour intervenir mais la femme, en guise de menace, pressa la lame plus profondément contre la gorge de l’enfant étourdie d’avoir été malmenée aussi facilement. C’était une mise en garde.

Bon, peut-être l’avait-il un peu sous-estimée …

«N’approchez-plus ! Ou je lui tranche la gorge ! Maintenant, répondez-moi. Où sommes-nous et que me voulez-vous !» Réclama froidement la femme nerveuse derrière Arya.

La jeune Stark restait fermement plaquée contre l’inconnue plutôt agile, stupéfiée qu’elle lui fasse un coup bas de la sorte alors qu’elle l’avait pourtant sauvée du Limier. Elle déglutit mais grimaça légèrement quand elle sentit le métal froid et coupant se presser contre la peau fine de sa gorge, angoissée à l’idée de se faire tuer de cette manière après tous ses efforts pour en arriver là aujourd’hui. Elle ne se posait qu’une seule et unique question, comment allait-elle s’en sortir de ce pétrin ? Puis elle rencontra le regard inexpressif du Chien. Elle ne put se retenir de l’implorer du regard pour qu’il lui vienne en aide d’une quelconque manière, le cœur battant à toute allure.

«Tu crois que tu me fais peur ? Tu ne feras rien à la gamine, sinon je te tuerais lentement et douloureusement.» Répliqua Sandor d’un petit rire caustique, les poings serrés à ses côtés. Sa main le démangeait de prendre son épée finalement.

«Je sais qui vous êtes. Mais elle, qui est-ce ? Que fait-elle avec un homme comme vous ?» Questionna ensuite la femme en ignorant la menace évidente du Limier.

Sandor roula plusieurs fois sa langue dans sa bouche alors qu’il réfléchissait à la prochaine réponse qu’il allait lui donner pour éviter une catastrophe. Etant émotionnellement instable, elle pourrait tout aussi bien faire un geste irréfléchi et ainsi causer des dégâts irréparables à la fillette sans arme pour se défendre. Comment avait-il pu baisser sa garde … C’était en partie de sa faute cette situation. Prudent, il baissa calmement les yeux dans ceux effrayés d’Arya Stark dans l’emprise de la femme folle puis finit par lui offrir un hochement de tête méditatif.

«Arya Stark. Je la ramène à sa famille.» Admit-il.

Dès que les mots furent prononcés, les yeux de l’étrangère s’élargirent de compréhension et presqu’immédiatement, elle laissa tomber le poignard dans l’herbe à ses pieds. Sandor se précipita pour récupérer l’enfant ainsi que son poignard. Toutefois la femme s’interposa rapidement entre lui et Arya pour prendre sa défense, au péril de sa vie. Elle gardait la tête haute pour tenter de correspondre à sa taille conséquente tout en gardant un bras protecteur autour de la Stark qu’elle cachait précieusement derrière elle. Un acte de courage qui pourrait lui coûter très cher, face à un homme avec une réputation aussi dure que la sienne.

«Pourquoi faites-vous cela ? Vous êtes le Limier, Chevalier et bouclier protecteur du Roi Joffrey, pire Roi que le monde n’ait jamais connu. Alors qu’espérez-vous obtenir ?» Murmura-t-elle avec dégoût, son nez se froissant comme si elle venait de sentir une odeur épouvantable.

Sandor fit mine de n’avoir rien entendu tandis qu’il fermait la distance jusqu’à la recouvrir entièrement de son ombre. Il la surplombait, complètement. Elle n’était pas petite mais pas très grande non plus, sa tête lui arrivait au niveau de la poitrine. Dans une autre situation, il aurait sans doute ri à son nez de jouer aux héroïnes sauf que là, son envie de rire lui avait été brusquement volée par cette petite coupure insignifiante. Au contraire, il se sentait capable d’abattre n’importe quel homme dans ce monde avec cette colère qui le rongeait … Un sourire abject se glissa alors sur ses lèvres, rendant perplexe la femme devant lui.

«Je n’attends rien de personne. J’étais le Chien de la famille Royale autrefois, maintenant je suis le Chien de personne. Et je ne suis pas Chevalier !» Avec cela de dit, il balança violemment son poing dans le visage de l’étrangère.

A la force du coup, elle tomba raide en arrière et presque sur Arya si la jeune fille ne s’était pas décalée à temps sur le côté. Surprise par ce geste inattendu, elle regarda entre la femme assommée étendue sur l’herbe puis le Limier qui venait tout juste de récupérer son poignard pour le mettre à sa ceinture comme si de rien était. Là où était sa place d’origine. Sa bouche s’ouvrait et se refermait comme un poisson hors de l’eau pendant qu’elle le toisait méchamment, éberluée. Certes la violence du coup n’était pas mortelle, néanmoins il donnera très certainement une marque sombre plus tard.

«Pourquoi vous avez fait ça ! Vous auriez pu la tuer !» Hurla Arya d’indignation en détournant son regard de la femme inconsciente qui saignait du nez.

«Tu oses encore me le demander alors qu’elle avait un couteau sous ta gorge ? Je viens de te sauver la vie, encore une fois ! Alors tu devrais plutôt me remercier de t’avoir sorti de cette impasse. Et si vraiment j’avais voulu la tuer, tu verrais sa petite cervelle étendue sur l’herbe !» Gueula Sandor qui fronça les sourcils d’une grimace quand il passa ses doigts sur la petite coupure qui continuait de saigner.

Bon sang. C’était très rare que quelqu’un arrive à le toucher, mais cette femme l’avait réellement pris par surprise !

«Elle était effrayée, tout simplement. Moi aussi j’avais essayé de vous écraser la tête avec un rocher, je vous signale ! Nous avons tous ce réflexe quand on voit votre tête !» Rappela soudainement Arya en s’accroupissant à côté de la femme sur l’herbe.

«Tu vas me faire la morale, c’est ça ? Je n’en crois pas mes oreilles. Je me fais engueuler par une gamine … T’as vraiment besoin d’apprendre le respect ou un de ces quatre tu vas perdre ta langue par quelqu’un qui n’aura pas la même patience que moi. D’ailleurs pourquoi tu défends cette fille que tu ne connais même pas ? A force d’être trop gentille, tu vas finir par te faire charcuter !» Grommela le Limier écœuré en récupérant une corde dans l’une des sacoches de Stranger pour ensuite se diriger vers la femme. Il s’accroupit à côté d’elle.

«Qu’est-ce que vous faites ?» Arya le regarda curieusement, hors elle ne reçut aucune réponse pendant qu'il liait les mains de cette dernière dans son dos. Histoire qu’elle ne tente plus de faire quoi que ce soit d’inapproprié durant le trajet.

«Elle a volé mes affaires, je ne veux pas que ça recommence.» Répondit enfin Sandor après avoir récupéré l’inconnue pour la positionner sur la croupe de son cheval.

Cette fois-ci fermement liée.

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Lorsqu’elle se réveilla quelques heures plus tard dans la journée, elle avait l’impression que ses côtes allaient se briser à tout instant. Son corps endolori se balançait d’un côté à l’autre au rythme du pas du cheval sous elle, lui donnant la nausée même si son estomac était vide. Les mains attachées derrière le dos, il lui fallut quelques secondes de plus pour que le flou de sa vision ne disparaisse et ainsi découvrir le paysage dans lequel ils erraient, encore un peu assommée.

Au premier coup d’œil, la femme vit qu’ils sillonnaient de vastes vallées verdoyantes où quelques arbres venaient agrémenter le chemin de terre s’étendant à plusieurs lieux d’ici. Un soleil chaud brillait dans le ciel, rappelant à quel point sa gorge était sèche. Elle retint son souffle car les respirations devenaient de plus en plus pénibles à force d’avoir l’abdomen écrasé contre la croupe dure du cheval. De plus que ses poignets étaient douloureusement liés, pour qu’elle ne puisse pas se rebeller comme la fois dernière. Où était-elle ? Pourquoi était-elle engourdie dans le visage ?

Les événements récents lui revenant peu à peu en tête, elle fronça lentement les sourcils tandis qu’une douleur palpitante et constante malmenait son nez, là où le Limier l’avait frappée en plein visage. Oui, elle s’en souvenait à présent. Elle se souvenait d’avoir voulu s’en prendre à l’enfant après avoir agressé le Chien en personne dans un dernier élan de désespoir. Elle laissa sortir un long gémissement en tentant de bouger ses bras pour sortir des cordes qui la gardaient prisonnière sur l’animal en mouvement. En vain. Un petit vent de panique souffla sur elle alors que des images ignobles de ce que pourrait lui faire subir le mercenaire envahirent son esprit.

Elle arrêta de se débattre contre ses liens au moment où l’homme arrêta son cheval et qu’il descendit avec la jeune enfant dans ses bras. Lorsqu’il s’approcha d’elle, elle fit semblant d’être endormie, mais ne put cependant s’empêcher d’émettre un petit cri indigné quand il l’attrapa sans douceur puis qu’il la balança sur le sol tel un vieux sac de pommes de terre. Autrement dit, il la jeta sur le dos. L’étrangère serra les dents de douleur et tout en jetant un regard noir au Limier indifférent face à sa colère, elle s’installa contre une petite bute à la recherche d’une position moins inconfortable pour ses côtes en feu.

«A l’aise ?» Demanda une voix bourrue à sa gauche.

La femme sursauta légèrement au son de la voix, ne s’attendant pas à ce qu’il s’adresse directement à elle après leur malentendu. D’un déglutissement à la pression qui s’était formée dans sa gorge, elle détourna son regard du chemin vers le visage brûlé du Chien assis sur l’herbe qui mangeait un bout de viande séchée. Il ne la regardait pas, mais derrière son masque d’impassibilité elle dessellait tout de même de l’agacement. Elle était de plus en plus terrifiée à l’idée de ne pas pouvoir se défendre si jamais une idée tordue lui passait à l’esprit.

«Laissez-moi partir, je sais me débrouiller seule. Je n’avais pas besoin que l’on me sauve. Je ne suis qu’un fardeau pour vous.» Conjura-t-elle, hors les tremblements dans sa voix démasquèrent sa nervosité.

Qu’était-elle censée faire avec une simple robe déchirée, des blessures, sans couteau ni rien ?

«Tu n’as qu’à demander à la fillette. C’est grâce à elle si tu es encore en vie parce que moi je voulais te tuer au lieu de te vendre. Ça nous aurais évité un tas de problèmes.» Répondit honnêtement le Limier d’un reniflement dédaigneux en levant les yeux vers Arya qui ne disait pas un mot près du cheval.

La femme tourna la tête vers la fille Stark en question, un sentiment de culpabilité grandissant dans son estomac. Elle l’avait injustement agressée la dernière fois et la honte se déferlait sur elle par vagues sans fin pour cet acte immoral. Mais elle avait eu si peur ... Elle était perdue, sans savoir ce qui allait advenir d’elle dans les mains d’un mercenaire redoutable aux rumeurs considérables. Elle avala sa salive puis esquissa un faible sourire à Arya quand celle-ci leva les yeux de sa nourriture pour la regarder, sourire qui disparut instantanément au manque d’émotions dans ses yeux gris.

«Comment vous vous appelez ?» S’interrogea tout à coup cette dernière. L’inconnue fronça les sourcils d’un raclement de gorge et tout en jetant un regard méfiant vers le Limier, elle lui répondit.

«Emerys, Mademoiselle.» Elle lui fit un autre sourire timide.

Elle n’allait pas retourner la question car bien entendu qu’Emerys savait l’identité de cette jeune enfant, tout comme ce qui était arrivé à son père Eddard Stark à la capitale. Qui ne connaissait pas cette histoire … Elle se sentait réellement navrée pour elle, pour sa lourde perte difficile à accepter dans de telles circonstances dramatiques. Elle imaginait la douleur que cette petite fille devait ressentir, mais surtout la haine qu’elle devait éprouver au fond d’elle. Une rancœur qui pourrait très certainement la conduire à des envies de vengeances tout à fait logiques néanmoins funestes.

«Emerys, c’est un joli nom. Il est un peu spécial. J’aime beaucoup la couleur de vos cheveux, je n’avais jamais vu cette couleur auparavant. Ils ont des reflets étranges quand ils brillent au soleil. D’où venez-vous ?» Poursuivit Arya sur sa lancée, penchant la tête sur la droite pour pouvoir admirer les cheveux de la femme ligotée.

Cette question stoppa net le Chien dans ses mouvements, sa nourriture à la moitié du chemin jusqu’à sa bouche. Il leva d’abord curieusement les yeux vers Arya puis ensuite sur Emerys, souhaitant également savoir son origine.

«Je … Viens d’une contrée lointaine. Au-delà des montagnes blanches, par-delà la forêt des ancêtres. J’ai vécue durant de longues années à Erebor.» Répliqua prudemment Emerys, les yeux baissés sur l’herbe à cause du regard insistant de l’homme à sa droite. L’odeur de la nourriture lui donnait d’affreuses crampes.

«Foutaises. Pourquoi les soldats ne t’ont-ils pas zigouillée ? Tu étais la seule survivante d’un massacre tout entier. Et suite aux ordres de ces enculés de Lannister qui n’ont pas le pardon facile en plus ! Il y a un truc pas net.» Sandor secoua la tête juste après s’être pleinement tourné vers elle, une accusation silencieuse dans ses yeux bruns colériques.

«Je l’ignore. Je suppose qu’ils pensaient que j’avais succombé à mes blessures …» Emerys tenta de trouver une explication rationnelle, cependant, le Limier ne semblait pas du tout convaincu par sa théorie bancale. Alors il pesta avant de poursuivre son repas tout en parlant entre deux bouchées.

«Il n’y a qu’une seule race qui avait cette couleur de chevelure, et aujourd’hui elle n’existe plus. Eliminés jusqu’au dernier, comme leurs monstrueux cracheurs de feu. Tu es en danger partout où tu iras et tu nous mets dans une merde noire !» Fulmina ce dernier qui se leva brusquement à ses pieds d’une main autour de son poignard.

«Vous pensez que je suis une Targaryen ? Me croyez-vous aussi idiote ? Si j’en étais réellement une, je ne serais pas de ce côté-là de Westeros ! Chevalier.» S’énerva la jeune femme en se levant difficilement pour provoquer le Chien. Les mains liées en poings dans son dos, elle plissa les yeux tandis qu’elle soutint son regard méprisant dans le sien intransigeant.

Sandor et Emerys se fusillèrent tous deux avec colère. La rage se dégageait de leurs corps, rendant Arya spectatrice de cette petite querelle mal à l’aise. Manifestement cela allait très mal se finir … Car si les regards pouvaient tuer, ils seraient tous les deux morts et enterrés une dizaine de fois au moins. De plus qu’Emerys l’avait volontairement appelé "Chevalier" pour l’embêter, alors qu’il avait démontré qu’il haïssait plus que tout ce titre qui ne lui était assurément pas destiné. Pour lui, ces gens-là étaient tous des hypocrites ! Il n’en était pas un et n’en sera jamais un, en revanche il aimait dire la vérité. Surtout quand cette dernière faisait mal à entendre.

Les doigts du mercenaire irrité se resserrèrent autour du manche de son poignard, sa lèvre supérieure tremblante sous la tension qu’il ressentait dans l’ensemble de son corps. Il pourrait la tuer à petit feu, rien que pour avoir dit cela à son visage sans la moindre hésitation et dans le seul but de l’humilier. Elle ignorait clairement à qui elle avait affaire ! Qui il était réellement, pourquoi tout le monde le redoutait tant. Pas beaucoup de femmes avaient osé le tester de la sorte, c’était relativement nouveau pour lui et donc assez amusant à voir. Ce qui la sauvait aujourd’hui.

«Dès la prochaine auberge, je te jetterais sur le premier homme que j’y trouverais et empocherais l’argent. Rien à foutre des conséquences.» Grogna-t-il en la dévisageant de haut en bas, les dents serrées. Il vit un éclat de douleur dans les yeux noirs de la femme ligotée mais cette petite lueur s’effaça rapidement pour laisser place à de la nonchalance.

«Parfait. Je vous remercie.» Emerys hocha respectueusement la tête puis reprit aussitôt sa place assise sur l’herbe tout en tournant ses poignets dans son dos pour soulager la douleur. Elle sentit tout de suite qu’Arya la regardait avec obstination, discernant de la curiosité mais aussi de la rancœur dans ses yeux.

Elle ne pouvait pas lui en vouloir après tout.

«Vous connaissiez mon nom. Mais que savez-vous des Stark ?» Questionna la louve en croquant dans son tendre morceau de viande. L’estomac d’Emerys se tordit douloureusement quand elle vit le jus de la viande dégouliner entre ses doigts. Elle se retint de justesse de gémir.

«Je connais votre famille de nom, mais je ne les ai jamais vus, hélas. Cependant les rumeurs disaient que votre père était un homme bon et juste. Quelqu’un qui avait des idées claires, qui savait être clément envers ceux qui le méritaient. Pas comme certains …» Elle marmonna le reste de sa phrase en posant significativement ses yeux sur l’homme au visage marqué par les flammes.

Arya se retint de sourire à cela. Au moins quelque chose qu’elles avaient en commun, leur haine farouche envers l’ancien Chien du Roi. Le Limier de son côté paraissait imperturbable face à leurs propos rabaissant, néanmoins elle savait pertinemment qu’il écoutait d’une oreille mais qu’il ne réagissait pas, tout simplement. Si cet homme avait une qualité, c’était bel et bien son insouciance sur le regard qu’avait la communauté de lui.

Munie d’une grimace, Emerys changea de position en décalant son poids sur son autre hanche car elle commençait sérieusement à avoir des crampes au niveau des muscles dans le bas du dos, dans ses bras et les jambes. Un sifflement s’échappa malencontreusement de ses lèvres à la douleur sourde qui se réveilla dans ses côtes. C’était un véritable martyr … Les étoiles dansaient devant ses yeux à chaque petit mouvement de son torse, et ce phénomène se répétait même quand elle respirait. A ce moment-là, Clegane se leva, attrapa Arya par le bras puis tira brutalement la femme à ses pieds tout en la foudroyant du regard.

«Tu marcheras à l’arrière.» Lui balança-t-il au visage avant de placer la louve sur le dos de Stranger.

«Barbare.» Chuchota Emerys alors qu’il la ligotait à la selle de l’animal.

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Elle ignorait depuis combien de temps elle marchait ainsi, cela semblait être depuis des lustres. Ses pieds lui faisaient un mal de chien, toutefois ce n’était rien comparé à ses côtes blessées ou encore à ses poignets sévèrement liés par des cordes.

La fatigue du voyage se déferlait également sans pitié sur elle, ses paupières se fermant contre son gré. Elle peinait à suivre le rythme pourtant lent du cheval noir, mais après des heures et des heures de marches, elle n’arrivait même plus à faire la différence. Le manque cruel d’eau, de nourriture et de sommeil avaient de lourdes conséquences sur son état physique en plus des blessures infectées qui demandaient énormément d’énergie pour guérir. De temps à autre, elle croisait le regard de la petite louve assise devant le Limier quand elle se penchait pour la regarder avec une lueur d’empathie.

Emerys n’avait cependant aucunement envie d’être traînée derrière le cheval sur les petits cailloux, la boue ainsi que les branchages qui constituaient le sol, alors elle se força à rester éveillée. Elle avait tenté à plusieurs reprises de tirer sur la corde pour se défaire de ses contraintes mais le Chien l’avait très bien nouée, à croire qu’il ne souhaitait pas la voir disparaître dans la nature. Mais pour quelle raison ? Son anxiété prit soudainement de l’ampleur parce qu’elle pensait connaître la réponse à cette question. C’était l’une des raisons principales pour laquelle elle détestait être une femme … Un objet de plaisir aux yeux des hommes.

Titubante, ses yeux cerclé de noir suivirent la longue corde jusqu’aux hanches du Limier dos à elle sur la selle de son cheval. Elle était irrémédiablement captive et n’avait aucune chance de s’en sortir, du moins pas de la façon qu’elle le désirait. Elle se demanda vaguement comment Arya Stark, descendante d’une grande maison, avait fait pour tomber entre les mains de ce mercenaire cynique. Il était clair qu’elle n’était pas avec lui de son plein gré et qu’il avait fait d’elle sa prisonnière, tout comme elle apparemment … Mais elle espérait sincèrement que ses intentions étaient bonnes et qu’il la ramenait vraiment chez elle comme il le disait.

«S-s’il vous plaît …» Emerys trébucha sur un caillou, tombant presque à la renverse. Le cheval ne s’arrêta pas pour autant de marcher et son Maître ne se tourna pas au son de sa voix gémissante.

«Excusez-moi, j’ai un besoin pressant. Ayez un peu de pitié, à la fin ! Je vous suis sans broncher depuis des heures !» Plaida-t-elle plus fort en tirant de toutes ses forces sur la corde qui était accrochée à la selle dans l’espoir qu’elle cède enfin. L’homme tourna brièvement la tête vers elle mais ne prononça toujours aucun mot.

«Hey ! Pouvez-vous m’accorder un petit moment, je vous prie ?! Serait-ce trop demandé pour un homme comme vous ?» Cria-t-elle du haut de ses poumons, la respiration haletante alors qu’elle fusillait du regard l’arrière de la tête du Chien insensible à ses plaintes.

Enfin, le cheval sombre arrêta d’avancer puis Sandor descendit rapidement de la selle en tenant la corde dans sa grande main gantée. Arya s’appuya sur le cuir chaud sous ses fesses pour pouvoir se tourner entièrement vers la jeune femme épuisée à l’arrière, l’air préoccupée de ce que l’homme allait lui faire maintenant. Il marchait calmement vers Emerys, sans hâte, les traits de son visage tordu dans un petit rictus moqueur. Sans prévenir, il lui agrippa brusquement l’arrière de la nuque avant de se pencher vers elle en serrant les dents, baissant le ton de sa voix pour paraître encore plus intimidant.

«Si tu essayes de faire quelque chose, je t’entaille ton joli visage. Compris ?» Informa-t-il d’une secousse vigoureuse pour lui faire comprendre qu’il ne plaisantait pas. Une fois qu’elle hocha nerveusement la tête, il s’écarta de son visage puis coupa les liens à ses poignets pour lui permettre de faire sa petite affaire.

«Merci.» Remercia Emerys à bout de souffle tout en massant ses poignets douloureux. D’un regard reconnaissant qui ne fût évidemment pas retourné, elle fonça tout droit vers les arbres pour avoir un peu plus d’intimité.

«Elle va s’enfuir.» Commenta Arya qui était restée sur la selle de Stranger.

«Bon débarras ! Elle n’était pas censée venir avec nous, de toute façon. Un boulet en moins.» S’exaspéra Sandor alors qu’il s’imaginait d’ores et déjà les loups, ours et autres animaux qui allaient se charger de sa mort précoce.

Arya grimaça à son ton austère puis leva ensuite les yeux vers la direction où avait disparu la femme dans la verdure il y a quelques instants. Il était vraiment ingrat … Cette femme ne survivra pas longtemps toute seule sans arme, et encore moins dans son état lamentable. C’était maintenant sa prisonnière, elle ne voulait pas qu’elle meurt alors qu’elle s’était verbalement battue contre le Limier pour la sauver de ses envies meurtrières incorrigibles ! Oui elle l’avait menacée avec une lame, mais cela ne voulait pas dire qu’elle méritait d’être abandonnée à son sort. Sinon, elle serait à nouveau seul avec cet homme horrible … Hors de question.

«Je dois aller pisser.» S’exprima la fille Stark avec désinvolture. Elle descendit du cheval pour s’approcher des arbres sans attendre l’accord de son geôlier. Bien qu’elle fût une fille de haute naissance, son vocabulaire n’avait jamais correspondu à sa Noblesse.

Chose qui ne la préoccupait guère.

«Ne vas pas trop loin, fillette. Si t’essayes de prendre la fuite je te rattraperais et tu prieras tes Dieux pour que je ne te corrige pas.» Clarifia Sandor en restant près de son cheval. D’une bonne tape sur l’encolure, il sortit sa longue épée puis commença à l’examiner pour envoyer un message silencieux à la louve.

Malgré sa mise en garde pourtant clair, Arya continua tout de même son escapade dans la forêt sans un regard en arrière au mercenaire. Mais en vérité, elle n’avait aucun besoin pressant qui nécessitait ce déplacement, elle cherchait juste Emerys qui avait disparue dans la broussaille. Faisait-elle vraiment ce qu’elle prétendait faire ou était-elle déjà loin, en fuite ? Elle espérait vraiment la première option car sinon les représailles risquaient d’être très pénibles. Si ce n’était pas le Chien qui s’en chargera, ce sera les loups et les autres animaux carnivores à l’odeur du sang.

Elle utilisa son ouïe fine pour tenter de percevoir les bruits environnants, notamment les bruits de pas sur les feuilles mortes recouvrant le sol pour qu’elle puisse se diriger au travers de la forêt. Toutefois mise à part les chants des oiseaux et un écureuil qui passait par là, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant. Arya chassa un insecte loin de son visage avec sa main puis soupira doucement par la bouche tout en essayant d’ignorer le petit tiraillement dans sa poitrine à l’idée d’avoir perdue sa prisonnière. Et potentiellement son seul moyen de fuir le Limier … Car si l’homme était suffisamment distrait par elle au moment opportun, elle pourrait espérer une tentative de fuite concluante pour trouver de l’aide à la prochaine auberge.

Courageusement, la louve s’aventura plus loin entre les arbres avec agilité et discrétion. Il y avait un étrange silence qui pesait, les oiseaux chanteurs avaient cessé de siffler dans les branches en hauteur, ce qui donnait une atmosphère anormalement calme pour une forêt aussi grande. Etait-ce son esprit qui lui jouait des tours, ou l’obscurité enveloppait les arbres ? Un peu nerveuse par ce constat, Arya se pressa contre un grand hêtre tout en cherchant du regard un moyen de retourner vers la clairière sans faire trop de remue-ménage qui risquerait d’alerter le Chien sur sa position. Elle avait enfin une chance de retrouver sa liberté.

Sauf que soudainement, une main surgissant de nulle part couvrit sa bouche pour qu’elle ne puisse pas émettre un seul cri de surprise tandis qu’elle était happée sur le côté. Arya, prise de terreur, griffa méchamment la main qui recouvrait sa bouche mais arrêta tout de suite de se débattre quand elle reconnue la douce voix à son oreille. Surprise, son cœur ralenti sa course folle puis ses muscles se détendirent enfin même si elle gardait une certaine appréhension en elle.

«Silence !» Murmura précipitamment Emerys en prenant garde à la force d’intonation de sa voix.

Les deux filles étaient fermement collées contre le grand arbre. Emerys plaquait Arya contre sa poitrine tout en gardant sa main sur ses lèvres pour qu’elle ne fasse aucun bruit, le visage tourné vers des buissons en contre-bas de leur position. Et bientôt la Stark comprit pourquoi elle faisait cela. Il y avait des soldats Lannister juste en bas de la bute sur laquelle elles se trouvaient, quatre hommes pour être un peu plus précise. Ils s’étaient tous arrêtés pour laisser leurs chevaux boire dans une flaque d’eau croupie tout en discutant activement entre eux à propos d’une mission de reconnaissance. Dans son dos, Arya pouvait sentir chacune des vibrations frénétiques du cœur d’Emerys qui menaçait à tout instant de sortir de sa poitrine tellement son stress était intense.

«La reine ne sera pas heureuse de l’apprendre. Nous devrions rebrousser chemin.» Expliqua l’un des soldats en retirant son heaume pour passer une main dans ses cheveux noirs humides.

«Au diable ! Si nous faisons cela, elle ordonnera que nos têtes soient coupées ! Non, nous devons retrouver le gamin et le ramener à sa Majesté.» Répondit un autre un peu plus grand sur un ton ferme.

«Moi, quand je reviendrais à Port-Real, je baiserais la Reine comme il se doit. Cette beauté divine mérite un homme qui saura la satisfaire ! Un homme comme moi.» S’exclama un homme assez gras qui riait comme un abruti. Les visages des deux autres se chiffonnèrent d’écœurement.

«Pas de chance. Elle ne baise pas avec des gros porcs comme toi ! Elle préfère se faire son frère, le joli cœur. Le Prince charmant.» Rabaissa aussitôt le dernier de la petite troupe. Il y eut un court moment silencieux, puis les soldats explosèrent de rire sans savoir que deux paires d’oreilles les écoutaient pas très loin de leur position.

Emerys se retourna brusquement dos contre l’écorce de l’arbre par peur de se faire voir par les hommes, Arya tenue contre elle dans ses bras afin qu’elle ne fasse pas de mouvements insensés qui pourraient leur être fatal. Cette dernière avait écouté son conseil de rester silencieuse et elle lui en était extrêmement reconnaissante. Car elle n’osait imaginer ce qui leur arriverait si les soldats s’apercevaient de leur présence ... La fille obéissante lui tenait les poignets, toutefois elle n’exerçait aucune pression pour la faire lâcher prise. Arya pouvait sentir un léger tremblement dans ses mains, démontrant que la jeune femme avait autant peur qu’elle à cet instant précis.

Tout à coup, quelque chose siffla dans les airs avant qu’un couteau ne s’enfonce violemment dans le tronc d’arbre juste à côté de la tête d’Emerys. Rectification, un poignard familier. Elle faillit glapir sous le choc mais se retint à temps en pinçant les lèvres pour faire mourir le bruit dans sa gorge, les yeux larges de stupeur face à la lame luisante à côté de sa joue droite. Elle libéra lentement Arya de son étreinte qui s’empressa de retirer le poignard de l’écorce pour l’examiner sous toutes les coutures et se rendre compte qu’il n’appartenait à nul autre que le Limier …

L’homme en question marchait adroitement dans leur direction entre les nombreux arbres et fougères qui tapissaient la forêt, sa longue épée tenue fermement dans sa main droite tandis qu’une expression meurtrière peignait son visage balafré hors du commun. Il avait l’air furieux. Mais cette fureur se transforma en soulagement quand il posa les yeux sur Arya, ne l’ayant pas tout de suite remarqué à cause des buissons hauts. Sans perdre une seconde, il s’approcha des deux filles immobiles contre l’arbre avant de se jeter sur elles pour prendre le devant de la chemise de l’enfant dans une poigne serrée.

«Putain, qu’est-ce que je vous avait dit ! Pas de coup fourré avec moi !» Réprimanda sévèrement le Chien en arrachant son poignard des mains de la louve hébétée.

«Shhh ! Ils vont nous entendre !» Se précipitèrent de dire Arya et Emerys, hors il était déjà trop tard. Les soldats Lannister avaient récupérés leurs épées et regardaient maintenant dans leur direction, quelque peu amusés.

«Tient, tient. Mais ne serait-ce pas le bon vieux Chien du Roi Joffrey Barathéon ? Le déserteur de la bataille de la Baie de la Néra ? Qu’est-ce que tu fiches ici, Clegane !» S’écria l’un deux, les mains sur les hanches et un petit sourire odieux aux lèvres après avoir reconnu l’homme détestable un peu plus haut.

Tout doucement, Sandor reposa Arya sur le sol puis se tourna cette fois-ci vers les soldats en contre-bas pour leur lancer un regard noir digne de ce nom. Il les haïssait tous avec passion et rien que le fait de les revoir le rendait malade, littéralement. Néanmoins, un petit sourire narquois se forma sur ses lèvres alors qu’il prenait plusieurs pas en avant vers le bord de la petite bute surplombant les quatre hommes et leurs chevaux. Sa main se posa sur le pommeau de sa longue épée en prévision de ce qui allait se produire dans un court lapsus de temps.

«Ça ne vous regarde pas, j’ai pas de compte à rendre à des foutus Lannister. Déguerpissez avant que je ne change d’avis.» S’impatienta-t-il sans rompre le contact visuel avec le chef de la bande. Celui avec des yeux bleus et des cheveux blonds.

«Dis à tes deux poulettes de sortir de derrière cet arbre. Immédiatement !» Ordonna l’homme plus grassouillet en jetant son menton en direction de l’arbre à côté du Chien. Aux bruits des cliquetis des armures, Emerys et Arya se glissèrent hors de leur cachette pour venir se mettre aux côtés de Sandor Clegane.

«Par tous les Dieux. Je ne savais pas que tu étais assez riche pour te payer une putain à plein temps ! Elle est jolie, elle me plaît bien. Je suis sûr qu’on peut s’arranger pour un bon prix toi et moi.» Roucoula l’homme aux cheveux bruns lisses qui fixait la jeune femme avec son regard de pervers.

«Je ne suis pas une putain !» Réfuta aussitôt Emerys en croisant ses bras sur sa poitrine pour préserver le peu de dignité qui lui restait, les joues rouges d’embarras. L’angoisse finit cependant par se frayer un chemin en elle, redoutant la suite.

«Avec sa sale gueule, tu ne peux qu’être une putain ! Et une putain trop bien payée si tu veux mon avis.» Renchérit l’homme bien portant qui la regardait de haut en bas. Mais ses sourcils se froncèrent lorsqu’il vit les hématomes foncées aux poignets de la jeune femme nerveuse, témoignant qu’elle n’était pas là par choix ; «c’est bien ce que je me disais. Personne n’irait avec ce vieux Chien de Clegane à moins d’y être forcé ! C’est étonnant que tu ne l’ai pas encore massacrée après lui avoir passé dessus. Ça ne te ressemble pas.»

«Je ne suis pas l’un de ces salopards sans couilles ! Et je ne marchande pas avec des Lannister.» Fulmina le Limier, piqué à vif d’être accusé de cette sauvagerie.

«Alors une putain qui suis le Chien de son plein gré, voyez-vous ça … En plus d’être un déserteur, tu es un sacrément bon menteur ! En tout cas le Roi serait ravi de te revoir.» Charia le chef du groupe d’un reniflement exécrable, haussant un sourcil hautain quand la jeune fille s’approcha du bord.

«Elle vient de vous le dire, elle n’est pas une pute. Vous êtes sourds ? Passez votre chemin ou vous mourrez !» Se dépêcha de dire Arya en plissant méchamment les yeux aux soldats en contre-bas.

Les quatre hommes se regardèrent tous un instant, d’abord perplexes par l’ordre de la gamine avant de se mettre à rire à gorges déployées de cette situation qui tournait au ridicule. Pensait-elle réellement qu’ils allaient lui obéir ? A elle ? Alors qu’ils venaient de tomber nez à nez avec l’un des hommes les plus recherchés de tout Westeros juste après le fils caché de Robert Barathéon ? La prime était trop grande et trop alléchante pour la laisser filer aussi facilement. De plus qu’ils pourraient avoir un peu de bon temps avec une jolie femme après des jours de solitude sur les routes désertes .... Et même deux pour le prix d’une.

«La fillette a raison.» Sandor sortit son épée en même temps que les hommes.

D’un puissant cri de guerre, ils se précipitèrent pour former un cercle autour du Limier afin de le prendre par surprise, mais le grand combattant avait prévu le coup depuis le début. Fin prêt à se battre, Sandor repoussa chacune des attaquants à l’aide de sa longue épée sans trop de peine étant donné qu’il ne s’agissait que de piètres soldats Lannister. Rien de vraiment dangereux pour lui. Il esquiva rapidement une lame tranchante puis il se glissa hors de la portée du chef de la bande pour jeter sa propre épée dans les côtes d’un autre inattentif mais surtout trop lent. Les lames s’entrechoquaient violemment, sous les yeux impuissants d’Arya et d’Emerys sur leur perchoir.

«Si seulement j’avais mon Aiguille avec moi !» S’agaça Arya en escaladant une pile de pierres pour avoir un point de vue global du combat, les yeux suivant chacun des mouvements agiles du Chien.

C’était sans équivoque un très grand combattant.

«Qui ?» Demanda confusément Emerys en suivant la louve. Elle grinça des dents lorsque Sandor décapita un homme sans le moindre effort et que le sang jaillit sur son armure argent.

Arya ne lui répondit pas car elle était actuellement trop occupée à regarder avec un plaisir malsain le Limier enfoncer son épée dans le ventre de l’homme gras qui avait insulté Emerys, déversant l’ensemble de ses intestins sur le sol dans un amas visqueux et fumant. Il attrapa le suivant par la gorge et exerça une si grande pression sur cette dernière qu’il l’arracha d’un coup sec suivit d’un grognement de colère, le tuant instantanément. C’était brutal, mais terriblement efficace.

Sandor reprit son souffle tout en se redressant à l’aide de son épée maculé de sang frais, intérieurement satisfait du carnage qu’il venait de réaliser. Ces Lannister n’avaient aucune chance contre ce type de mercenaire, parce qu’ils n’étaient qu’une bande d’imbéciles incompétents obéissant sagement à leurs Maîtres tout aussi cons. Il se retourna brusquement lorsqu’il entendit la gamine Stark faire un bruit de surprise pour voir que le dernier des hommes s’était silencieusement glissé derrière Emerys et qu’il portait désormais un couteau sous la gorge de la femme terrifiée.

«Pas un pas de plus, Limier. Ou tu auras le sang de ta putain sur les mains !» Menaça l’homme alors qu’il fixait Clegane, passant son poids d’une jambe à l’autre pendant qu’il tenait fermement Emerys contre lui. Il siffla de désapprobation quand la gamine sur les rochers fit un mouvement.

Mais sans surprise, Sandor ne frémit pas. Il se dirigea calmement dans sa direction tout en reprenant son souffle momentanément perdu tandis qu’il montait sur la bute, l’épée en main. Puis arrivé à son niveau, il s’essuya le nez avec le dos de sa main en jetant un petit coup d’œil à la femme qui serrait les dents contre son assaillant. Le soldat paraissait particulièrement nerveux, la lame tremblante contre le cou d’Emerys. Evidemment après un massacre pareil où les corps de ses amis gisaient dans leur propre sang … Le Limier haussa un sourcil interrogateur, n’aimant pas la façon qu’il avait de dévisager sa grosse cicatrice sur le côté droit de son visage. Une chose à ne jamais faire devant lui.

«Ça m’est égal, j’en ai rien à foutre. Elle n’est pas à moi, alors fait ce que tu veux avec elle.» Dit-il sans ménagement.

Du coin de l’œil, il vit l’expression du visage d’Emerys devenir livide mais cette colère se transforma en de la crainte à ce que cet homme répugnant allait lui faire une fois qu’ils seront partis. Ses épaules s’affaissèrent de défaite, ses yeux s’humidifièrent. L’homme derrière elle cligna des yeux d’incrédulité aux paroles du mercenaire aigri par le temps, ne s’attendant pas à ce genre de réponse même s’il ne s’agissait que d’une simple prostituée. Il cligna rapidement des yeux puis desserra un peu son emprise sur son couteau, alors Sandor prit ce moment idéal pour frapper de toutes ses forces le visage du soldat qui avait malencontreusement baissé sa garde au pire instant.

Il sourit quand il entendit le craquement familier du nez se brisant contre son poing. Il aimait ce son plaisant, il lui rappelait qu’il possédait toute la force et la brutalité nécessaire pour arriver à ses fins. L’homme vola loin d’Emerys pour finir par tomber en arrière telle une pierre tout en tenant son nez explosé entre ses deux mains, se lamentant pitoyablement sur le sol à la douleur incroyable que cette blessure lui infligeait. Arya haussa les sourcils aux gémissements du Lannister pendant qu’elle descendait des rochers, ne s’attendant absolument pas à ce revirement de situation.

Pour elle, Emerys était foutue.

Quant à la femme, elle ne bougeait pas d’un poil, encore sous le choc. Les yeux écarquillés, la bouche béate et un peu de sang du soldat coulant le long de sa clavicule, elle leva timidement la tête vers Sandor quand ce dernier passa devant elle. Inébranlable, il essuya son épée ensanglantée sur la mousse d’un arbre. Emerys reprit lentement ses esprits d’une petite secousse de sa tête pour sortir de son engourdissement passager après ce différent. Elle avait l’impression que ses genoux allaient céder sous le poids de la terreur, qu’elle allait sombrer … Lorsque l’homme l’avait brusquement attrapée par l’arrière, la plaie qu’elle avait le long de ses côtes s’était à nouveau rouverte et saignait désormais contre le tissu sale de sa robe.

Sans un autre mot, Emerys suivit Arya et le Chien à travers la forêt sombre dans un silence maladroit accompagné par les plaintes du soldat en échos dans leur sillage.

A suivre …


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