TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 10

7430 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:12

Chapitre 10

L’intérieur de cette taverne était lugubre.

De grandes et filandreuses toiles d’araignées décoraient les coins et recoins. La poussière accumulée par le temps recouvrait le mobilier rustique qui constituait cette pièce, le sol en bois noirci était fissuré suite à l’usure naturelle, de grands lustres à bougies accrochés aux poutres pendaient au-dessus des têtes … Un feu réchauffait la pièce glaciale dans une petite cheminée en pierre derrière de longues tables en bois de chêne occupées par cinq hommes. Exactement comme l’avait prédit le Limier tout à l’heure quand ils examinaient la situation à l’extérieur.

Arya se tenait juste derrière le mercenaire tandis qu’elle pénétrait à son tour dans la salle sombre où absolument tous les regards étaient désormais rivés sur eux. Les plaintes de la pauvre servante assise contre sa volonté sur les genoux d’un des cavaliers avaient cessées lorsqu’elle posa ses yeux paniqués sur les trois nouveaux venus. Le lieu devenu silencieux, la jeune enfant se pressa contre le flanc gauche d’Emerys puis attrapa un bout de son vieux manteau brun dans sa main, n’aimant guère cet endroit nauséabond où les hommes les regardaient avec avidité.

Sauf un.

Polliver leur tournait le dos, assis seul à sa table en train de manger son repas. La gêne qu’elle avait  alors ressentie venait de s’envoler pour être remplacée par une haine farouche en voyant cette pourriture avec son épée chérie à sa taille. Sa plus grande fierté, dans les mains d’un sale type tel que lui … Que dirait Jon s’il avait été là ? A côté d’elle, Emerys passait son regard craintif d’un homme à l’autre pour finalement s’arrêter sur celui qui gardait la servante captive dans ses bras, une main se baladant entre ses cuisses pour lui dérober un petit gémissement horrifié. Elle avala durement pendant que son cœur prenait une vitesse folle dans sa poitrine compressée par la nervosité. Elle avait une affreuse sensation de déjà vu qui lui torturait l’esprit, et elle commençait sérieusement à se demander s’il s’agissait vraiment d’une bonne idée …

Après quelques regards noirs échangés, le Limier se détourna des cavaliers chuchotant pour aller s’installer à une table au fond de la taverne. Arya le suivit de près, rapidement copiée par Emerys qui ne souhaitait aucunement se retrouver seule au milieu de tous ces prédateurs aux ardeurs démesurées. Ils la dévoraient du regard, de la tête au pied, de la convoitise dans leurs yeux affamés. Elle garda la tête basse alors qu’elle pressait le pas pour venir s’asseoir sur le banc à côté du Chien indifférent par cette atmosphère pesante qui régnait en ce lieu normalement accueillant pour les voyageurs.

Une fois assise, elle croisa ses mains tremblantes sur ses genoux puis se redressa pour être bien droite et regarder face à elle à la cheminée où le feu dansait en son centre. Ses pieds bougeaient nerveusement sous la table tandis qu’elle resserra inconsciemment ses bras le long de son corps lorsque les plaidoiries de la servante reprirent de plus belle. C’était très angoissant de devoir siéger dans une ambiance pareille, mais le Limier à ses côtés ne semblait pas plus affecter que cela …

Parmi les cavaliers euphoriques dans la pièce, un seul n’avait pas repris le cours de son repas. Ce dernier se trouvait assis à une table sur sa droite, une chope de bière en main et un affreux petit sourire présomptueux aux lèvres pendant que ses yeux bleus glaces la scrutait salement. Elle soupira doucement par le nez, mal à l’aise sous ce regard examinateur, avant de revenir au foyer rassurant tout en essayant de feindre ce sentiment nauséeux qui jouait de plus en plus avec son estomac devenu sensible. La faim lui était passée, car elle avait la sensation qu’un piège venait de se refermer sur elle.

Encore un enfer sur terre …

«Laissez-moi tranquille, je vous en prie !» Conjura la jeune servante en pleurs qui essayait de fuir loin des genoux de son bourreau riant aux éclats. Mais la poigne qu’il avait sur son bassin était trop forte.

«S’il vous plaît, c’est ma fille.» Défendit le tenancier face au chef en montrant sa fille en difficulté avec une main, l’autre sur le cœur. En réponse, le cavalier lui ordonna de la fermer et de lui resservir un autre verre de bière s’il ne voulait pas la voir disparaître avec eux.

Arya regarda automatiquement vers Emerys pour voir que la femme se tenait raide sur le banc de l’autre côté du Chien, refusant d’établir tout contact visuel avec la servante. Avait-elle vécu quelque chose de similaire ? Il n’y avait rien de plus écœurant que d’assister à ce genre de spectacle ... Cependant la louve sursauta lorsque la pauvre fille cria après avoir été violemment tirée par le bras pour atterrir sur d’autres genoux. Sauf que les avances de cet homme-là étaient bien plus concrètes que le précédent contrarié d’avoir perdu son jouet. Le nouveau cavalier plaça un chemin de baiser le long de son cou tout en prenant sa poitrine dans ses mains, ignorant absolument toutes ses plaintes et ses larmes pour continuer son exploration interdite.

Dégoûtée, Arya baissa les yeux sur la ceinture que le Limier venait de retirer pour déposer ses couteaux et son poignard sur le banc à côté de lui. Contre sa hanche et la sienne. D’un soupir las, il commença à retirer ses gants pour les mettre de côté le temps qu’il mange et boive à sa guise. Il baissa brièvement les yeux sur Emerys pour voir que ses respirations étaient saccadées puis qu’elle serrait le tissu large de son pantalon entre ses mains, les lèvres pincées de fureur. A vrai dire, il n’était pas surpris. Lui non plus n’aimait pas ce genre d’animation barbare mais il ne pouvait pas se permettre d’intervenir le ventre vide, et encore moins accompagné d’Arya Stark.

L’enjeu était trop grand.

De plus que ce n’était pas son problème et il n’était pas un justicier en cavale. Cette femme devait sans doute avoir l’habitude d’être chahutée dans un endroit constamment mal fréquenté par les soldats et les cavaliers de différentes maisons. Il ne put néanmoins s’empêcher de repenser à ce qu’Emerys lui avait dit dans la forêt il y a deux jours de cela, alors qu’il l’avait carrément menacée de la violer puis de la tuer. Non, il n’avait pas oublié son regard haineux ni cette tristesse contenue dans ses yeux noirs et encore moins cette étrange sensation qui l’avait malmené durant un court instant, le laissant dans l’incapacité la plus totale de réagir.

Il pouvait d’ailleurs ressentir l’anxiété de cette dernière rayonner dans son côté gauche ainsi que la nervosité de la louve de l’autre. Les femmes n’étaient assurément pas les bienvenues ici ... Après avoir balayé la pièce du regard pour se familiariser avec les lieux, il s’intéressa une nouvelle fois à Emerys à côté de lui et plus particulièrement à sa pomme d’Adam qui ne cessait de s’agiter sous la peau fine de sa gorge pâle. Il eut une once de pitié pour elle, parce qu’elle ne portait que des vêtements masculins à peine suffisants pour couvrir son corps des regards indiscrets de tous ces salopards. Les regrets étaient visibles dans ses yeux qui cherchaient désespérément un moyen de s’évader de cet endroit.

Et si la situation dégénérait ? Il ne pourra pas faire grand-chose tant qu’il n’aura pas avalé de la nourriture. Donc il espérait que les hommes resteraient occupés avec la servante en détresse assez longtemps.

Emerys faisait de son mieux pour ne pas trop attirer l’attention des hommes dans la taverne. Mais c’était une peine perdue car dès son entrée, tous les yeux s’étaient instantanément rivés sur elle et Arya. Ce fût alors qu’une idée lui vint à l’esprit, ni bonne ni mauvaise. Une idée qui pourrait lui sauver la peau. Tout doucement, elle se rapprocha du Limier jusqu’à ce que sa hanche ne touche celle du Chien relativement calme, voulant à tout prix faire passer le message aux autres qu’elle n’était pas à prendre pour leur bon plaisir.

Lors de son mouvement subtil, elle croisa sans le vouloir le regard terrifié de la servante qui haletait dans les bras du cavalier aux avances scandaleuses. Et instantanément, une colère noire la balaya quand une larme roula sur la joue de la femme désespérée pour son sort et tremblante comme une feuille sur les genoux de son tortionnaire. Emerys avait le désir ardent de couper les mains baladeuses de ce scélérat pour que plus jamais il ne touche de femme de cette façon inappropriée. C’était comme un cauchemar éveillé, une historie qui se répétait sans cesse partout où elle allait dans ce monde ingrat ... Subir toutes ces humiliations quotidiennes au détriment de la santé mentale et physique était une fatalité.

Sandor posa les mains à plat sur la surface ébréchée de la table tout en scrutant tranquillement les cavaliers dispersés dans la pièce sombre. Il plissa le nez à l’odeur répugnante d’urine qui flottait dans l’air. Il ne voulait vraiment pas se confronter avec eux, mais plus les minutes passaient et plus l’issue catastrophique de cette rencontre se rapprochait. De plus qu’il avait senti que la jeune femme s’était volontairement rapprochée de lui et que cette prise d’initiative était à cause de l’homme à deux tables plus loin qui ne pouvait décrocher son regard salace d’elle. Alors il jeta un regard assassin à ce dernier, jusqu’à ce qu’il ne détourne honteusement les yeux vers le sol d’un déglutissement nerveux. Fier de son effet qu’il avait sur les gens même les plus coriaces, il gonfla un peu le torse.

Mais soudainement, le chef de la bande du nom de Polliver s’exclama.

«Je te connais, toi !»

L’ensemble des muscles d’Arya se raidirent subitement tandis que son cœur fit une violente embardée au son de cette voix haïssable. Fichtre, cet homme l’avait finalement reconnue ! Elle bougea lentement sa main vers l’arrière jusqu’à ce que ses doigts ne s’enroulent autour du pommeau de l’épée du Limier en attendant que le cavalier chauve ne se rapproche d’eux pour la lui planter dans le ventre. La tension était à son apogée. Elle ne se sentait pas encore prête pour passer à l’acte, mais elle n’allait certainement pas se laisser faire sans se battre pour son ami Lommy !

«Tu es le Limier !» Polliver plissa les yeux avant de se lever de sa chaise pour marcher vers la table de l’ancien garde Royal des Lannister.

Tout sourire, ses hommes derrière lui chuchotèrent qu’ils le connaissaient également alors qu’il récupérait sa chope tout en dictant au tenancier de verser un verre à son nouveau compagnon. Sandor baissa immédiatement les yeux sur la gamine qui venait de lâcher son épée après un souffle de soulagement préméditant ce qu’elle avait eu en tête, un instant plus tôt. Espérait-elle vraiment réussir un coup pareil avec autant d’hommes armés dans les parages ?! Avait-elle perdue son esprit depuis son dernier meurtre sous le coup de l’euphorie ou quoi ? Il se retint de ne pas lui faire une réflexion mordante à ce sujet.

Maudissant intérieurement pour son culot et sa stupidité, il jeta ensuite un bref coup d’œil à Emerys qui venait de se rapprocher d’avantage de lui après que Polliver s’installa sur le banc face à eux. Elle était très inquiète pour la suite des événements, son regard baissé sur la table pendant que le cavalier prenait ses aises. Le mercenaire lui, mal à l’aise, se décala sur le banc puis ravala une injure tandis que l’homme devenu un peu trop familier à son goût posa sa chope sur leur table, un large sourire orgueilleux aux lèvres.

«Qu’est-ce qui t’amènes si loin au Nord ? Avec deux jolies colombes.» Demanda Polliver en regardant Emerys et Arya quelques instants avant de revenir au Limier désinvolte.

«Je pourrais te demander la même chose. Qu’est-ce que tu fous par ici avec tes hommes ?» Sandor garda ses mains à plat sur la table tout en fixant longuement le crétin de chauve sans gêne.

Il avait horreur de ça.

«J’assure la paix de la région au nom du Roi.» Assura ce dernier d’un haussement d’épaules et d’un sourire niais. Le tenancier apporta leur commande.

«Ça sert à rien. La guerre est finie.» Souligna le Chien qui prit aussitôt le verre qui venait de lui être gracieusement apporté pour en boire une gorgée bien méritée. Il passa ensuite sa main dans sa barbe pour y retirer les résidus de mousses pendant que son interlocuteur reprit.

«J’ai ouïe dire que Stannis a été vaincu à la Baie de la Néra, Robb Stark tué aux Jumeaux. Et moi dans tout ça, je suis où ? Ici coincé avec ton frère. Sans vouloir te vexer.» Polliver leva sa main pour qu’il ne le prenne pas mal. Puis il remarqua que la gamine à sa gauche le fusillait du regard, alors il lui donna un petit clin d’œil tout en mâchant bruyamment son morceau de nourriture.

«Je suis pas vexé.» Nargua le Limier.

«La Montagne, c’est le meilleur dans son domaine mais … La torture, la torture et encore la torture !» Ricana Polliver d’une secousse amusée de sa tête. Il renifla dédaigneusement lorsqu’il croisa le regard craintif de la jeune femme aux cheveux argent avant de lui sourire avec malice ; «sa spécialité c’est les femmes. Encore aucune à ce jour n’a survécu entre ses mains ! A force de battre les gens, on a l’impression d’être un artisan à la tâche. Puis à la fin, tu n’y prends même plus de plaisir. Et la vie sans plaisir, ce n’est plus rien !»

Arya fronça les sourcils, le tuant de différentes façons toutes plus cruelles les unes que les autres dans sa tête. Il était immonde ... Cet homme la dégoûtait peut-être même plus que ce monstre de Merryn Trant avec ses obsessions sur les jeunes enfants. Elle voulait le voir s’étouffer dans son propre sang à ses pieds alors qu’elle enfonçait lentement son Aiguille dans son cou, comme avec Lommy, son pauvre ami décédé par sa faute. Elle revint toutefois à l’instant présent au moment où Polliver se tourna vers Emerys à gauche du Chien flegmatique pour la regarder de haut en bas avec curiosité.

«Et elle, qui est-ce ?» L’homme haussa les sourcils puis se lécha les lèvres.

«Personne pour toi.» Grogna Sandor en retour tout en buvant une autre gorgée de sa bière. A côté de lui, Emerys osa lever les yeux dans ceux de Polliver et dût se retenir de frissonner de dégoût face à son regard scrutateur. Elle avait l’impression qu’il la déshabillait rien qu’avec ses yeux …

«On ne m’avait pas dit que le Chien se tapait une aussi belle femme ! Avec un petit bonus en plus, à ce que je vois. Tu as raison après tout ! Il faut bien un peu de divertissement dans la vie.» Approuva-t-il en croisant les bras sur sa poitrine, surpris par la réussite du Limier dans ce domaine.

Arya faillit cracher à la figure de l’homme répugnant mais la peur la gardait fermement assise sur son siège. Comment osait-il même imaginer que le Chien avait le droit ne serait-ce qu’un seul instant de la toucher ?! C’était révoltant. Dès qu’ils pénétraient dans un lieu public, il fallait systématiquement que les gens pensent qu’elle lui appartenait tout comme Emerys. Qu’elles étaient ses jouets personnels, au lieu d’être de simples voyageuses clandestines à la recherche de sécurité. Ce mercenaire n’aura jamais le droit de poser sa main dans des endroits inappropriés, elle s’en était fait le serment dès l’instant où elle était devenue sa captive.

Même pas en rêve.

«Oui, elles font l’affaire.» Hésita le Limier en se redressant inconfortablement sur le banc.

La conversation commençait sérieusement à s’égarer et il craignait que tout ceci ne finisse en bagarre après quelques-unes de ses questions indiscrètes de plus. Il détestait cela ... Enervé, il resserra brusquement sa prise sur son verre de bière puis se racla la gorge, Emerys contre son flanc enfonçant ses doigts dans sa tunique verte olive qui laissait apparaître l’une de ses épaules nues, des hauts le cœur réguliers à ces paroles révoltantes. Ce n’était pas tant les mots de Sandor qui l’angoissait, mais plutôt la perversion dans le regard froid de cet homme Polliver. Son corps frissonna quand ce dernier parla à nouveau.

«Je vais te dire, tu pars en virée avec nous. Les gens comme lui, ils ont toujours un petit quelque chose à cacher quelque part. De l’or, de l’argent et d’autres filles bien plus jolies encore ! Il y a toujours quelque chose à gagner si tu sais les faire causer.» Suggéra-t-il avec conviction, le pouce tendu derrière lui à ses hommes et à la servante malmenée. Il voulait vraiment qu’un homme comme le Limier les rejoigne, alors il reprit avec plus d’enthousiasme encore.

«Des aubergistes, il y en a pleins entre ici et Port-Réal. Tu y trouverais ton compte. Nous, on s’en met pleins les poches !» Garantit-il d’un hochement de tête satisfait, souriant lorsque l’un de ses gars le soutint d’un "ouais" franc.

Emerys et Arya restèrent tranquillement assises tout en écoutant attentivement ce qu’allait répondre le mercenaire, la boule au ventre.

«Je ne vais pas à Port-Réal.» Sandor était catégorique là-dessus. Cependant, Polliver insista.

«Réfléchis quand même. On fait tout ce qui nous passe par la tête, et ça, où qu’on aille !» Il s’obstina tout en tapotant ses doigts contre sa poitrine cuirassée juste au-dessus de son cœur où reposait le lion d’or ; «là, ce sont les couleurs du Roi. Plus personne ne lui résiste maintenant, autant dire qu’il n’y a personne qui nous résiste non plus.»

«Le Roi, j’l’encule !» Murmura sèchement le Limier après s’être penché vers Polliver. A cette déclaration envenimée, toute sympathie s’effaça de son visage tandis que les deux filles à table esquissèrent un sourire ravi. C’était magique comme réplique.

«Quand j’ai su que le Chien de Joffrey s’était sauvé la queue entre les jambes de la bataille de la Baie de la Néra, je l’ai pas cru. Mais te voilà ici.» Poursuivit plus sombrement le cavalier pendant que l’ex garde Royal déposa sa chope de bière à moitié entamée sur la table.

«Me voilà ici ! Apporte-moi donc une de ces volailles.» Coupa abruptement Sandor en désignant avec son menton le plateau de nourritures à la table du fond, perdant lentement patience avec cet abruti sans cervelle.

«Et tu la payera avec quoi ?» Polliver fronça les sourcils, nettement moins amusé maintenant.

«Tu l’as payé, toi ?» Interrogea le Limier en sachant très bien la réponse. Il voulait juste jouer un peu avec lui avant de le trucider avec ses hommes. Les coins de ses lèvres se recourbèrent dans une petite grimace irritée quand le chauve face à lui se mit à rire sous son souffle.

«Nan. Mais on est les hommes du Roi. Alors ? T’as de quoi la payer ?» Répondit-il d’une nouvelle question toutes plus exaspérantes les unes que les autres.

«J’ai pas un penny ! Mais cette volaille, je la veux quand même.» Sandor claqua sa main droite sur le bois puis chassa la mèche rebelle de ses yeux d’une petite secousse de sa tête. De toute évidence, il était trop borné pour comprendre dans quel merdier il venait de mettre les pieds.

«Mais tu as ta putain ?» Rectifia tout à coup Polliver en roulant sa langue dans sa bouche, les yeux traînant une fois de plus sur le corps d’Emerys.

«Certainement pas !» S’outragea cette dernière, la bouche grande ouverte de stupeur et les yeux écarquillés. Elle couvrit sa poitrine avec ses bras lorsque l’homme aux yeux bleus de tout à l’heure se leva pour se diriger vers leur table. Du coin de sa vision périphérique, elle pouvait voir qu’Arya venait d’ouvrir la bouche pour prendre sa défense mais contre toute attente, ce fût Sandor qui prit la parole en premier.

«Ma putain n’est pas à vendre.» Rétorqua-t-il, le timbre de sa voix ne donnant place à aucune discussion. Les deux filles à ses côtés le regardèrent d’un air ahuri, néanmoins Polliver n’abandonna pas aussi facilement l’affaire.

«Elles sont toutes à vendre, même ta petite poulette ! Laisse-les-nous, qu’on s’amuse un peu. Lowell les aime domestiquées. Moi je les préfère plus âgées, mais surtout plus formées.» L’homme se lécha avidement les lèvres tandis qu’il attendait impatiemment la réponse du mercenaire dangereux, son ami Lowell confirmant verbalement ses propos.

Dépourvue d’assurance, Arya leva craintivement les yeux vers le visage pensif de Sandor qui semblait conquis par ces propositions très attractives. Du moins, c’était ce qu’elle s’imaginait pour un homme comme le Limier. Mais elle ignorait à quel point elle se trompait … Car si les regards pouvaient tuer, ce cavalier serait mort et enterré plus d’une dizaine de fois. Non seulement par le Chien, mais aussi par Emerys qui se retenait de toutes ses forces de le gifler devant tout le monde. Elle respirait rapidement par le nez, persécutant Polliver avec ses yeux noirs rétrécis rempli de haine. Cependant son regard fielleux faiblit légèrement quand une présence indésirable vint se positionner juste derrière elle, à son plus grand désarroi.

«T’es un grand causeur. Ecouter les causeurs, moi, ça me donne soif ...» Le Limier attrapa la bière de Polliver puis la bu d’une seule traite avant de la fracasser sur la table, un peu de liquide coulant le long de sa barbe. Il termina ensuite sa phrase laissée en suspens ; «et faim aussi. Je crois que c’est deux volailles que je veux.»

Le cavalier chauve interloqué se retourna vers ses hommes tous devenus silencieux durant cet échange très tendu. Il les étudia à tour de rôle, quelque peu surpris par cette réponse insolente. Puis il revint finalement au Chien qui n’avait pas bougé d’un poil et qui continuait de le toiser de cette même manière abjecte comme s’il n’était rien d’autre qu’un serveur dans une auberge. Ne savait-il donc pas à qui il parlait ? Dans tous les cas, il venait de franchir la limite à ne jamais franchir et ses hommes étaient d’ores et déjà au courant derrière lui. Cela lui donna donc le courage nécessaire pour dire la chose suivante sans aucune pression.

«On dirait que t’as pas saisit la situation.» Dit-il en levant les sourcils, la main s’attardant à son couteau à sa hanche.

La tension dans l’air monta d’un cran.

«En tout cas, ce que je sais, c’est que si t’ouvres encore ton putain de clapet pour vomir une connerie de plus, va falloir que je bouffe toutes les volailles dans le coin.» S’exaspéra son interlocuteur brûlé au visage, les dents serrées de rage. Il ne sourcilla pas une seule fois devant le regard féroce de Polliver, les deux filles appréhendant les réactions.

Les yeux d’Emerys s’élargirent légèrement lorsque le coude de l’homme derrière elle la frôla. Elle voulait fuir, prendre Arya avec elle et sortir avant qu’il ne soit définitivement trop tard, toutefois sa peur la maintenait en place. Malgré le stress intense qui l’empêchait d’avoir une pensée cohérente, elle réussit tout de même à tapoter la hanche du Limier avec le dos de sa main pour le prévenir que la situation empirait depuis que le cavalier s’était positionné derrière eux, sans doute armé et prêt à passer à l’action au premier signe de tête.

«Tu as vécu pour le Roi, tu vas crever pour une volaille ?» Charia Polliver.

«Quelqu’un va mourir.» Répliqua honnêtement Sandor tout en mâchant sa lèvre inférieure, ayant senti la pression sur sa cuisse après qu’Emerys le toucha pour attirer son attention. Il avait remarqué l’homme, hors ce dernier ne portait pas d’arme sur lui.

«Ne me touche pas !» Hurla soudainement la jeune femme à sa gauche qui venait de frapper son bras dans la main que le cavalier avait fait glisser le long de son épaule nue.

«Dis-lui d’arrêter s’il veut garder ses beaux yeux bleus.» Menaça le Limier en fixant Polliver puis en plaçant sa main sur le bras de la louve pour l’empêcher de réagir suite au cri d’Emerys. Pas de mouvements brusques, pas encore …

«Pourquoi je ferais ça ? Une femme comme elle n’a rien à faire avec un sale type comme toi. Un lâche enlaidit par le feu.» Siffla crûment l’homme chauve alors qu’il se penchait sur la table pour le mettre silencieusement au défi.

Et cette réponse brisa radicalement le dernier brin de patience du Chien.

D’un geste brusque, Sandor bondit du banc, attrapa son épée en même temps que Polliver puis éjecta la table loin de ses jambes sur le cavalier qui n’était malheureusement pas assez rapide pour sortir de sa trajectoire. Les deux chopes et les bougies volèrent sur le sol crasseux, Emerys et Arya se précipitant pour se mettre à l’abri du conflit en utilisant le poteau du fond comme d’un bouclier. Abasourdies, les deux filles se recroquevillèrent pendant que le Limier livide se rapprochait des autres cavaliers pour s’occuper de chacun d’eux, usant de ses mains et de sa lame meurtrière pour en venir à bout.

L’un d’eux tenta de le transpercer avec son épée, mais il le repoussa violemment d’un coup de poing dans la figure, suffisamment brutal pour entendre le fameux craquement familier d’une mâchoire se brisant. S’ensuit un combat singulier aisément remporté par le Chien enragé inarrêtable une fois sortit définitivement de ses gongs. Allait-il tous les tuer ? Probablement. Sa force étant démesurée, mais surtout décuplée à ce stade de colère, il laissa sortir un grognement belliqueux lorsque son épée entra en contact avec le dos d’un des cavaliers pas assez attentif pour parer le coup fatal qui lui coûta la vie.

Emerys et Arya qui s’étaient mises à l’abri derrière l’un des poteaux, observaient craintivement les mouvements acharnés de l’homme marqué par le feu repoussant à tour de rôle ses ennemis deux fois plus petits que lui. Les longues lames tranchantes se heurtaient sauvagement les unes contre les autres, laissant dans leur sillage quelques étincelles rouges incandescentes. Polliver qui venait à peine de se relever retomba aussitôt de tout son long sur le sol lorsque le poing de Sandor entra en contact avec son visage hébété. Gémissant à la douleur atroce qui explosa dans son nez, il s’allongea sur le ventre puis se mit à cracher de grandes quantités de sang par la bouche, complètement sonné.

Au milieu de toute cette pagaille, le tenancier récupéra prestement sa fille enfin libre de ses assaillants pour pouvoir l’emmener avec lui en haut des escaliers dans un endroit sûr le temps que cette maudite bagarre ne cesse. Il ignorait dans quel état lamentable il allait retrouver sa taverne une fois que tout ce bain de sang aura pris fin … Mais il espérait secrètement que les cinq cavaliers ne survivent pas à l’homme costaud aux allures de géant pour ne plus être embêté par ces fumiers cruels et sans aucune dignité.

Sandor poinçonna son pied dans le dos de son rival actuel qu’il envoya valser dans une table voisine avant de contrer une attaque surprise pour la repousser d’un coup de lame dans le dos de l’homme maladroit. Les cris étranglés étaient rapidement étouffés par le sang accumulé dans la gorge de ce dernier. Aucun ne lui résistait. Cependant, deux autres qu’il pensait irrémédiablement à terre se jetèrent sur lui et réussirent tout de même à le faire basculer au sol pour pouvoir le tabasser. Tandis qu’il couvrait son visage de la violence des ruées, un troisième encore un peu dans les vapes tituba jusqu’à une lame laissée à l’abandon sur le sol dans le but d’attaquer le Limier en mauvaise posture.

«On ne peut pas le laisser se faire tuer !» S’essouffla Emerys en regardant frénétiquement autour d’elle pour trouver un moyen de lui venir en aide.

Arya ne répondit pas car elle était fascinée par Polliver qui se mettait difficilement debout pour récupérer son épée dans une main, l’autre massant sa gorge après avoir été privé d’air suite au coup de poing d’une force incroyable. Lentement, elle se redressa tout en gardant ses mains sur le poteau pour un peu de stabilité, ses yeux gris suivant chacun des mouvements de l’homme chauve vacillant. Puis elle passa de Polliver au Limier toujours au sol en train de subir les coups violents, et enfin à Emerys qui venait de courir de l’autre côté de la pièce pour récupérer une chaise renversée dans ses deux mains. La jeune femme boitait à cause de sa cheville blessée, les dents serrées de douleur ou de peur, elle n’en était pas sûre. Néanmoins cela ne semblait pas la décourager pour autant.

D’un hurlement de colère, Emerys leva la chaise au-dessus de sa tête avant de la fracasser de toutes ses forces dans le dos du cavalier à sa portée. Celui qui tabassait lâchement le mercenaire à coups de pieds. Le meuble se brisa en mille morceaux et l’homme prit au dépourvu glapit de surprise en tombant à la renverse dans la poussière, assommé. Emerys n’eut cependant pas le temps de se sentir triomphante, car l’instant d’après, elle fût propulsée contre le mur le plus proche par le second cavalier qui avait laissé Sandor pour s’occuper personnellement de son cas après cette petite démonstration de courage.

Sa tête entra brusquement en contact avec le bois dur, l’immobilisant durant quelques secondes. Son corps glissa dans la poussière tel un pantin perdant subitement ses fils tandis que des étoiles dansaient devant ses yeux, une douleur fulgurante éclatant à l’arrière de son crâne là où un hématome s’y formait déjà. Elle ressentait toute une série de picotement dans sa nuque jusque dans sa mâchoire, ainsi que dans ses membres devenus engourdis. La vieille blessure à ses côtes s’étant réveillée, cela lui vola un petit gémissement pendant qu’elle se redressait doucement contre le mur derrière elle. Le goût cuivré du sang séjournait bientôt sur sa langue alors qu’elle ne pouvait qu’assister, impuissante, au combat qui se déroulait devant elle.

Sandor avait profité de l’inattention du cavalier pour lui bondir dessus et utiliser l’attaque du second pour le castrer définitivement. De plusieurs hurlements stridents propre à un homme perdant sa virilité aussi brutalement, ce dernier attrapa son entre-jambe ensanglanté puis se laissa glisser contre la poutre voisine pour agonir dans son coin jusqu’à ce que la mort ne l’accueille à bras ouverts. Mais le Limier n’était toujours pas sorti d’affaire, car il était désormais chevauché par un cavalier qui tentait de l’égorger avec son poignard, la lame à quelques millimètres à peine de sa gorge exposée. Il bougea sous lui, cherchant un moyen de le déstabiliser tout en repoussant difficilement le bras de l’homme décidé à le tuer.

Finalement, il réussit à reprendre l’avantage sur la situation désastreuse après avoir tourné la lame en direction du visage de son agresseur. Usant de son autre main à l’arrière de sa nuque pour l’abaisser dans le poignard, il lui creva l’œil, le sang éclaboussant son visage tiré dans un furieux rictus alors que les cris de l’homme accompagnaient chacun des coups de poignard. Une, deux, trois, quatre fois … Une fois que le silence démontra qu’il avait succombé à ses blessures, le Limier balança son corps mou hors du sien pour pouvoir se redresser à une position assise. A bout de souffle, il retira quelques mèches de cheveux de son front en sueur puis leva les yeux vers Arya qui venait de frapper la tête d’un homme avec un vase avant de lentement lui enfoncer une épée dans son estomac.

Joli coup. Elle commençait à apprendre l’art de la mise à mort.

Elle glissa ensuite gracieusement derrière Polliver qui se relevait pour prendre le Limier par surprise. D’un coup de lame, elle lui coupa les tendons des genoux afin qu’il s’écroule à nouveau sur le sol. Elle récupéra son épée Aiguille à la ceinture de l’homme agonisant, la brandissant dans les airs, heureuse de retrouver sa jolie lame après tout ce temps séparée d’elle. Un grand sourire se forma sur son visage aguerri tandis que l’homme s’allongea avec peine sur le dos pour voir le visage de celui qui l’avait mis à terre. Ou plutôt de celle qui venait de lui priver de ses jambes. Perplexe de faire face à la gamine qui accompagnait l’ancien Chien du Roi, il ouvrit la bouche mais l’enfant le devança en pointant le bout de son épée à sa gorge.

Au même moment, Emerys se releva pour se diriger en boitant vers Arya, le bras autour de son ventre et une grimace éprouvée aux lèvres. Encore un peu confuse, elle s’assura d’abord que plus personne ne risquait de nuire avant de s’éloigner du mur pour rejoindre le centre de la pièce. Le Chien venait tout juste d’achever le dernier homme debout en plantant son épée dans ses intestins pour l’ouvrir en deux, rapidement suivit par le bruit écœurant des viscères qui tombent au sol. Rendant enfin à ces lieux leur quiétude d’origine.

«Tu as quelque chose à la jambe ?» Demanda la louve à Polliver d’un sourire froid rempli de malice.

«Q-quoi ? Comprends pas…» Balbutia l’homme en levant les mains, effrayé par la lame menaçante devant ses yeux.

«T’arrives à marcher ? Ou il va falloir que je te porte ?» Arya le surplombait entièrement. Le chauve à ses pieds hésita alors que la jeune fille levait la lame à ses yeux en lui disant qu’il s’agissait là d’une belle lame. Elle reposa ensuite le bout d’Aiguille dans la gorge de Polliver, se penchant vers ce dernier pour chuchoter ; «elle pourra peut-être me servir de cure-dent.»

Puis soudainement, les souvenirs inondèrent l’esprit de l’homme désavantagé. Cette fille … Il la connaissait. Cependant, il n’eut pas le temps de répliquer car la lame transperça la peau à sa gorge pour finir son chemin jusqu’à l’arrière de sa nuque, sous les yeux d’Emerys et de Sandor stupéfiés par cette action. Et Arya ne pouvait être plus satisfaite que de voir ce monstre suffoquer dans son propre sang, comme elle l’avait si bien imaginé. De le voir perdre petit à petit la vie pendant qu’il agonisait là, juste sous ses yeux. Il n’y avait rien de plus revigorant, rien de plus gratifiant au monde que de répandre la justice par le châtiment.

D’un sourire caustique, elle essuya les restes de sang sur sa manche avant de ranger sa lame à sa ceinture tandis qu’elle se tournait vers Emerys et le Limier tous deux demeurant silencieux. Elle haussa un sourcil à leurs expressions complètement contradictoires. L’un semblait ressentir une forme de fierté et l’autre plutôt de la préoccupation, quelque chose qui se rapprochait de la déception ou éventuellement du dégoût. Emerys détourna le regard du sang aux pieds de la Stark pour s’intéresser au vieil homme et à sa fille qui venaient tout juste de redescendre de l’étage pour voir ce qui se passait ci-dessous maintenant que le vacarme avait cessé.

«Nous ne vous ferons rien. N’ayez crainte.» Rassura Emerys d’un sourire conciliant pendant que le Limier alla prendre place à une table encore debout pour manger la nourriture s’y trouvant dessus.

Le tenancier et sa fille les remercièrent puis en gage de leur gratitude, ils offrirent gratuitement de la nourriture au Chevalier ainsi qu’à ses deux accompagnatrices. Jusqu’à ce que la servante ne remarque la miteuse tenue d’Emerys. Des vêtements beaucoup trop grands qui ne suffisaient même pas à couvrir sa pudeur … La manche de sa tunique olive était désormais déchirée et pendait mollement de son épaule, découvrant une partie de sa clavicule pâle. Prise de peine pour celle-ci, la servante disparue à l’étage pour revenir quelques instants plus tard avec un pantalon beige, des bottes brunes et un haut brun lassé en cuir du style corsage qu’elle offrit à la jeune femme.

Emerys n’en croyait tout simplement pas ses yeux. Pourquoi autant de gentillesse après tout ce remue-ménage dans leur taverne ? De plus que son père s’était fait insulté après qu’il ait solennellement remercié le Limier en se référant à lui au titre de Chevalier, alors en quel honneur ? Dans tous les cas, elle était très reconnaissante pour ce geste de solidarité féminine. Suite à une chaleureuse accolade en guise de remerciements, elle partit se changer dans une pièce voisine pour revenir toute vêtue de vêtements à sa taille devant le Chien et Arya dévorant leur repas.

Les deux levèrent les yeux à l’unisson, puis s’arrêtèrent de manger à la nouvelle apparence d’Emerys. Cet ensemble épousait ses formes tout en restant pratique et léger, chose qu’Arya appréciait, elle qui haïssait les longues robes et les parures des grandes dames. Elle en imposait beaucoup avec cette tenue qui lui donnait un air de combattante féroce. A sa droite, le Limier avait arrêté sa bruyante mastication pour observer d’un œil sceptique la femme quelque peu devenue nerveuse sous leurs regards pointilleux, une légère rougeur embarrassée s’emparant de ses joues.

«Vous êtes magnifique comme ça. Plus personne ne vous prendra pour une jeune écervelée.» Se moqua gentiment Arya d’un sourire sympathique. Evidemment qu’elle la préférait comme cela plutôt que dans les vêtements ignobles du mercenaire.

«Merci.» Remercia Emerys sur le même ton humoristique. Elle cligna de l’œil à la louve avant qu’elle ne baisse les yeux sur Sandor et ne perde son sourire face à son expression indéchiffrable.

Ses yeux étaient cachés par ses cheveux mais elle pouvait néanmoins sentir son regard insistant sur elle, un morceau de poulet à mi-chemin entre l’assiette et sa bouche. Pour finir, il haussa nonchalamment les sourcils puis revint à son repas sans même offrir le moindre commentaire à la jeune femme debout devant leur table en attente d’approbation. Ce n’était pas si surprenant pour Emerys qui ne s’attendait pas à quelque chose de positif venant de l’homme grognon, donc elle prit place à la table pour manger sa nourriture dans le silence.

Lorsqu’ils repartirent, Sandor décida de donner le cheval blanc appartenant à l’un des cavaliers à Arya et un autre brun à Emerys. Sa cheville lui faisant encore mal, elle n’avait pas d’autre choix si elle voulait être autonome et ne plus avoir à souffrir de l’odeur épouvantable du Chien. Elle leva les yeux au ciel à cette dernière pensée, mais ne put masquer un petit sourire facétieux quand l’homme en question monta sur Stranger pour prendre la route devant Arya, une cuisse de poulet à moitié entamée dans sa main droite. Un grand gaillard costaud comme lui avait besoin de beaucoup de réserve s’il voulait continuer à se battre comme il venait de le faire dans cette taverne ! C’était impressionnant.

«Madame ! Attendez ! Ceci est pour vous.» La servante accourut jusqu’au cheval d’Emerys afin de lui tendre un manteau noir d’un soupir bienheureux ; «Merci pour votre aide.»

La femme incrédule sur sa nouvelle monture l’accepta, toutefois avec hésitation car ils avaient déjà fait énormément pour eux en retour de leurs services, avouons-le, pas prévus du tout. Elle le déplia lentement entre ses mains pour l’admirer, appréciant la douceur du tissu noir entre ses doigts. Il n’était ni trop fin ni trop épais et s’arrêtait à hauteur de ses genoux, de quoi couvrir ses hanches et une partie de ses jambes. Les épaules formaient une légère pointe, ce qui rendait le manteau très spécial en plus d’être le cadeau d’une parfaite étrangère.

«C’est moi qui vous remercie.» Emerys hocha la tête avec gratitude puis glissa le manteau sur ses épaules. Il était à la bonne taille et réchauffait ses bras là où le tissu de la chemise blanche ne suffisait pas à faire barrage au vent.

Le Limier et Arya étant déjà loin devant, Emerys fit un dernier signe d’adieu à l’homme et à sa fille avant de rattraper ses deux acolytes pour poursuivre son chemin dans les Eyrié.

A suivre …


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