TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 13

9894 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:14

Chapitre 13

Sandor se réveilla brusquement, désorienté.

Où était-il ? Que faisait-il ici ? Quelle heure de la matinée ou de l’après-midi ? Il lui fallut un petit temps de réflexion pour se rappeler qu’il était en mission dans les Eyrié pour raccompagner la Stark chez sa tante. Toujours étrangement confus et avec une migraine naissante, l’homme se redressa tout en gardant sa main contre son front, examinant les environs pour se rendre compte qu’il était en fait tout seul sur l’herbe. Plus de chevaux, plus de gamine, plus de femme … Juste les couvertures en guise de sac de couchage qui avaient été abandonnées autour des cendres ainsi que les sacoches de selle qui avaient servi d’oreiller pour la nuit.

La panique l’emporta sur l’énervement. D’un bond disgracieux, le Limier se hissa sur ses pieds puis jeta des regards frénétiques autour de lui à la recherche de toutes traces de la fillette et de la prisonnière mystérieusement envolées. Il s’agissait de son futur pactole de voyage ! Il ne pouvait pas se permettre de les laisser filer. Comment avait-il pu s’assoupir et ne rien entendre du tout ?! Une femme, c’était bruyant pourtant ! Mais il retrouva enfin son calme lorsqu’il entendit, dans le vent soufflant, des rires provenant de la rivière en contre-bas des rochers. Il s’y précipita jusqu’à avoir un panoramique complet des petites chutes d’eau où il pouvait distinguer deux formes, dont une sur le rivage.

Emerys était assise en tailleur sur un rocher au milieu du court d’eau et applaudissait la louve qui reproduisait les mouvements d’une drôle de danse avec son épée. Elle tournoyait sur elle-même, passait son Aiguille d’une main à l’autre avec grâce. Un bras derrière le dos, Arya entama ensuite une série de pas chassés sous le regard émerveillé de la jeune femme spectatrice de sa danse de la mort, toutes deux inconscientes qu’elles étaient désormais observées par le mercenaire furieux en amont de la rivière, caché parmi les gros rochers.

Le visage du Limier se durcit d’avantage tandis qu’un souffle de contrariété s’échappa de son nez, à deux doigts de hurler de colère aux deux filles insouciantes. Il faillit perdre l’équilibre sur la mousse pendant qu’il procédait à la descente jusqu’à ces dernières, ravalant un juron à la dangerosité du terrain extrêmement glissant à cause des petites cascades et de l’humidité excessive dans l’air. La mousse verte avait enveloppé la plupart des rochers, des plantes aquatiques poussaient par-ci par-là, recouvrant la berge où Arya dansait tranquillement. Une oasis parmi un désert de plantes asséchées par le soleil impardonnable de ce côté de Westeros.

«C’est vraiment très poétique. Je ressens ta passion dans tes mouvements. Tu seras une combattante exceptionnelle dans très peu de temps !» Encouragea Emerys en tapant dans ses mains d’un sourire admiratif. Elle retira les mèches de cheveux loin de son visage lorsque le vent souffla plus fort et qu’il entraîna avec lui des odeurs marécageuses.

Arya lui esquissa un sourire déterminé alors qu’elle poursuivait son jeu de jambe tout en gardant son bras droit derrière son dos, son épée tendue devant elle à un ennemi invisible. Emerys était vraiment surprise par l’élégance et l’agilité des mouvements de cette enfant qui était vraisemblablement faite pour manier une épée. Il n’y avait aucun doute qu’elle avait suivi un entraînement intensif auprès d’un professionnel du combat pour arriver à ce résultat-là, pour être aussi concentrée et courageuse à son jeune âge. Au diable les robes et les parures féminines, Arya Stark était destinée à devenir Chevalière ou mercenaire plus tard si pas dans un futur proche.

Des yeux bleus …

Le sourire d’Emerys s’évapora subitement de ses lèvres à l’écho sinistre qui résonnait à l’arrière de son esprit. Sa gorge se serra, son cœur s’emballa. Un destin pas comme les autres attendait Arya, c’était devenue une évidence au fil des jours qui s’écoulaient. Mais une seule question se posa, était-elle faite pour endosser ce rôle ? Un rôle aussi important ? Emerys l’ignorait car elle gardait des soupçons au plus profond d’elle, notamment à cause de la noirceur de son âme qui se confirmait par ses actes sanguinolents. Quelque peu tracassée par ses pensées, elle croisa les bras sur ses genoux tandis qu’Arya faisait siffler sa lame dans les airs d’une aisance déconcertante.

Devant les chutes d’eau, la louve ne faisait qu’un avec son Aiguille pendant qu’elle tournoyait sur ses jambes. Elle avait l’impression d’être de retour avec son Maître Syrio Forel à Port-Réal dans la cour du château, lorsque son père était encore en vie. Au craquement soudain d’une branche qui retentit derrière elle, Arya se tourna rapidement vers la source du bruit tout en tendant son épée en direction du potentiel danger pour se rendre compte, avec horreur, qu’il s’agissait en fait du Limier. Faisant mine de ne pas être surprise par son approche furtive malgré sa carrure, elle reprit sa danse comme si de rien était sous le regard agacé du Chien. A son manque de réaction, il serra les poings pour ne pas être tenté d’en venir aux mains.

«Par les Sept Enfers, qu’est-ce que tu fous ?!» Somma furieusement Sandor. Du coin de l’œil, il vit Emerys sursauter à sa grosse voix alors qu’elle s’empressait de se lever tout en passant nerveusement ses mains le long de son pantalon humide.

Elle ne l’avait même pas vu.

«Je m’entraîne.» Répondit Arya plongée dans sa danse.

La femme adulte décida qu’il valait mieux qu’elle s’éloigne pour aller récupérer les chevaux qu’elle avait laissé brouter librement dans la plaine un peu plus haut au risque de faire exploser le Limier aux nerfs à vif. Elle n’avait pas envie de tester les limites de sa patience, donc elle s’empressa de retrouver les trois animaux qui par chance, étaient restés relativement proche de leur position. Ils mangeaient avidement l’herbe fraîche sur les hauteurs, les parties délectables qui n’avaient pas encore été brûlées par le soleil de plomb de midi. A vrai dire, Emerys n’avait pas vraiment envie de se confronter au mercenaire grincheux.

Elle s’approcha de son cheval brun puis passa doucement sa main sur sa croupe tout en lui murmurant des paroles réconfortantes. De braves bêtes qui méritaient un peu de douceur et de compréhension. A présent plus confiante toutefois prudente, elle se risqua à s’approcher du cheval noir de Sandor Clegane, Stranger. Ce dernier ne semblait pas très enclin à se laisser approcher hors après quelques petits grognements et des grattements avec son sabot droit, il laissa la possibilité à la jeune femme de lui toucher l’encolure du bout des doigts. Il était clair que l’animal ne faisait confiance à personne d’autre que son Maître bien-aimé, de quoi le rendre respectable et intimidant à la fois. Le magnifique étalon plaqua ses oreilles contre sa tête après qu’elle attrapa la corde autour de son cou pour le guider avec les autres chevaux vers la rivière.

Mais le spectacle qui l’accueillit lui glaça le sang. Arya était étalée dos sur le sol, une traînée de sang s’écoulant hors de ses lèvres tirées dans une grimace apeurée. Le Limier la surplombait avec la pointe aiguisée de son épée Aiguille à quelques centimètres de son visage, sur le point de mettre un terme à son existence aux moindres gestes jugés de trop. Le vent était si fort qu’il se mélangeait aux battements effrénés de son cœur dans ses oreilles. Malgré la distance qui les séparait actuellement ainsi que les bourrasques féroces, Emerys pouvait tout de même entendre ce que l’homme disait à la jeune fille pétrifiée dans une posture soumise.

«Ton ami, il est mort. Meryn Trant, il l’est pas parce que Trant avait une armure et une putain de grande épée !» Vociféra l’homme balafré entre ses dents, ses cheveux couvrant la majeure partie de son visage effrayant. Il éloigna l’épée de la gorge de la louve au moment où il entendit un cri provenant de derrière lui.

«Non non non, pas ça ! Enlevez cette épée immédiatement. Ne lui faites pas de mal !» Emerys se rua vers le mercenaire pour fermement lui agripper le bras avec lequel il menaçait Arya. Puis elle plongea son regard horrifié dans le sien fulminant, le plaidant silencieusement de ne rien faire de regrettable. Ses doigts s’enfoncèrent dans sa manche.

«C’était la leçon de fin de son entraînement.» Déclara-t-il, quelque peu surpris par son intervention.

Lentement, Emerys relâcha la poigne qu’elle avait sur le bras du Chien pour le laisser rendre l’épée à sa propriétaire toujours immobile sur l’herbe et dans l’incapacité de s’exprimer après ce revirement de situation dramatique. Il tendit le pommeau vers Arya pour l’inviter à récupérer son précieux bien, chose qu’elle fit après un petit temps d’hésitation et quelques coups d’œil méfiants. Quand il fût persuadé que plus personne ne se dressera contre lui, il passa à côté d’Emerys pour rejoindre les chevaux qui s’abreuvaient dans l’eau de la rivière pour remettre les selles et pouvoir partir pour récupérer leurs heures perdues à poireauter dans ce trou paumé.

Emerys était à bout de souffle. Tout s’était enchaîné si rapidement … Elle pensait vraiment que le Limier allait tuer Arya sur un coup de tête après autant de retenue. Qu’avait-elle manqué exactement pour en arriver à un tel niveau de menace ?

D’après le choc inscrit sur le visage d’Arya, les deux têtes de mules étaient sans l’ombre d’un doute rentrées dans un nouvel argument échauffé qui avait fini par une tentative de meurtre. Une idée des plus stupides, surtout avec un combattant endurci comme adversaire … D’une secousse de sa tête, elle tendit sa main tremblante par les nerfs vers Arya pour l’aider à se relever et se tenir sur ses jambes vacillantes après avoir vu toute sa vie défiler devant ses yeux en une fraction de seconde. Tout en gardant une main sur son épaule pour la stabilité, les deux filles se fixèrent mutuellement, essoufflées et épouvantées.

Il était vraiment moins une.

oOoOoOoOoOoOoOoOoOo

Le bruit des sabots qui martelaient le sol donnait un rythme régulier à la marche. Plusieurs heures suivant le petit accrochage, le trio baignait dorénavant dans une atmosphère des plus monotones. Les nuages grisonnants du matin avaient laissé leur contenu se déverser en de fines petites gouttelettes de pluie sur le territoire aride des Eyrié, mais pas suffisamment pour permettre à la nature jaunie par le temps de se vivifier. Toutefois, la fraîcheur avait remplacé la chaleur et l’air sentait bon l’humidité, de quoi aider à rendre l’humeur austère un peu plus douce.

Emerys se laissa distraire par un oiseau qui volait de branche en branche au-dessus de sa tête tout en sifflotant une mélodie propre à son espèce. Les nuages s’étant dissipés au cours de la dernière heure, le rayonnement du soleil s’infiltrait à travers les arbres feuillus et donnait à cette forêt un côté enchanteur grâce à ces faisceaux lumineux. Les faisceaux en question créaient des motifs intéressants sur le sol à l’aide des feuilles et avec le chant des oiseaux aux alentours, il n’y avait définitivement rien de plus beau !

La jeune femme jeta un petit coup d’œil discret à Arya devant elle qui avait fait vœu du silence depuis son altercation musclée avec le Limier au bord de la rivière. L’enfant se balançait de gauche à droite au rythme de son cheval, mais la prise qu’elle gardait sur les rênes ne desserrait jamais, sans doute par peur de glisser de la selle si par malheur elle s’endormait accidentellement. Même si elle n’avait pas un aperçût de son visage, elle n’avait aucune difficulté à imaginer sa mine renfrognée alors qu’elle suivait de très près le cheval du Chien. Tous deux encore sous l’emprise de l’énervement. L’homme, quant à lui, ne s’était plus retourné ni même n’avait pris la parole depuis leur départ précipité.

Le croassement d’un corbeau détourna l’attention d’Emerys loin du Limier. Quels genres de nouvelles pouvaient bien passer au-dessus de leurs têtes ? Ils avaient pris la décision de reprendre le chemin principal pour arriver au plus vite au Val d’Arryn, encourant ainsi le risque de croiser d’autres voyageurs. Cependant cela ne semblait pas déranger le Limier impatient de se débarrasser de ses deux boulets. D’un soupir maussade, la jeune femme s’assoupie sur la selle tandis qu’une idée lui vint tout à coup à l’esprit pour contrer cet ennui mortel. Elle se mit donc à siffloter une mélodie pour accompagner le chant des oiseaux dans les arbres en usant du clapotement répétitif des sabots pour donner un rythme à sa chanson improvisée.

Quelque chose qui ne plaisait guère à Sandor.

«Silence. Les prisonniers savent quand se taire pour éviter une mort certaine.» Gronda tranquillement ce dernier à l’avant, lançant un regard noir à Emerys par-dessus son épaule.

Celle-ci se contenta de lever les yeux au ciel à cette raillerie de mauvais goût. En revanche elle se tut comme demandé, car étant sur une route fréquentée, il ne valait mieux pas attirer l’attention sur eux. Elle ferma les yeux puis laissa sa tête tomber en arrière pour permettre aux rayons du soleil de glisser sur sa peau, retombant dans un silence pesant où seuls les chevaux l’animaient. Une fois au Val, elle ne restera pas avec la tante d’Arya. Non, elle avait d’autres idées en tête qui la conduiront certainement jusqu’aux villes libres d’Essos en jour ou l’autre. Et pourquoi pas jusqu’à la Reine Daenerys Targaryen ? Peut-être pourrait-elle lui proposer ses services ? Avec un peu de chance, elle sera acceptée dans les rangs …

De la Mère des dragons.

En toute honnêteté, elle n’avait pas vraiment hâte que leur voyage se termine. Elle avait développé de véritables sentiments affectifs envers Arya mais aussi envers le Limier, d’une certaine façon. Un peu comme une famille. Des liens insoupçonnés qui s’étaient tissés en voyageant à leurs côtés, à apprendre comment chacun fonctionnait dans les bons comme les mauvais moments. Personne n’était parfait, mais ses compagnons de voyage étaient devenus une part d’elle-même depuis le jour où elle avait été faite prisonnière par la Stark. Ce terme n’était toutefois plus approprié aujourd’hui pour la décrire parce qu’elle n’était plus traitée comme tel depuis longtemps.

Elle rouvrit les yeux lorsqu’un craquement résonna sur sa droite au fin fond de l’étendu boisé. A l’arrière du petit groupe, elle fermait la marche, néanmoins elle avait l’horrible sensation d’être observée par quelqu’un ou quelque chose. A priori, ni Arya ni même le Limier ne semblaient plus alertes après ce bruit suspect, alors peut-être qu’il s’agissait d’un animal sauvage ayant pris la fuite à leur passage ? Sauf que la forêt était devenu étrangement calme. Hormis les bruits de leurs chevaux plus aucun oiseau ne chantait dans les arbres environnants, une réalisation assez angoissante une fois que l’on prenait garde à ce petit détail.

Emerys serra les cuisses pour donner de petits à-coups aux flancs de son cheval jusqu’à se tenir juste derrière Stranger et à gauche d’Arya qui était occupée à regarder ses mains. La sensation désagréable d’être observée revint à nouveau, ce qui entraina la chute d’une goutte de sueur le long de sa nuque ainsi que la chair de poule sur ses bras. La fraicheur n’avait rien à voir avec son état agité. Elle déglutit péniblement pendant que son regard passait du Chien flegmatique à la louve inattentive, puis à nouveau aux arbres où l’oppression se faisait ressentir, la poitrine compressée par l’appréhension et la crainte qui ne cessaient de grandir en son sein.

Arya finit par ressentir ce malaise. Elle leva donc la tête de ses mains pour regarder discrètement autour d’elle comme si elle s’attendait à voir un animal surgir des buissons à toutes vitesses. Mais à l’instant même où elle posa les yeux sur Emerys anxieuse s’apprêtant à dire quelque chose, il était malheureusement trop tard. Tout se passa extrêmement vite, beaucoup trop vite pour réagir en conséquence.

Un petit sifflement aigu fendit l’air.

«Sandor !» Cria Emerys.

Une flèche transperça violemment le côté gauche de Sandor prit par surprise qui faillit perdre l’équilibre sur son cheval. Puis un hurlement de douleur s’échappa de sa bouche malgré lui. Attrapant son flanc lancinant avec une main tandis qu’il tenait les rênes de son cheval affolé de l’autre, il se dépêcha de se fondre dans la masse avant qu’une autre de ses flèches imperceptibles ne le touche. Il gémit sous son souffle alors que le sang commença à se déverser sur son gant et sur sa cuisse, les deux filles terrifiées sur ses traces pendant qu’ils s’enfonçaient dans la forêt le plus loin possible de la route où le danger rôdait.

«Putain de merde … Fils de pute ...» Se lamenta l’homme blessé recourbé, sa vision s’obscurcissant sur les bords.

«Il faut partir d’ici ! Ne traînons pas dans les parages, l’archer pourrait être n’importe où.» Somma Emerys dans la panique tout en collant son cheval contre Stranger afin de voir l’étendue des dégâts.

«C’est moche.» Interpréta Arya d’une grimace.

Emerys ne pouvait qu’être d’accord avec la Stark objective. La pointe de la flèche était profondément ancrée dans le torse et n’était vraiment pas passée loin du cœur, s’étant aisément faufilée entre les mailles de l’armure du Limier en souffrance. Une pression se forma immédiatement dans sa gorge à la quantité de sang suintant de la blessure par-dessus les doigts de Sandor qui s’affalait de plus en plus contre sa monture. Même s’il essayait de garder coûte que coûte ses gémissements inaudibles, certains ne pouvaient être contenus plus longtemps. Le visage plissé d’agonie, il grommela quelque chose tout en pointant du doigt une grande souche d’arbre surplombant leur position.

Arya et Emerys levèrent brièvement les yeux de la blessure pour voir avec horreur que l’auteur de cette flèche se tenait debout sur le tronc renversé, son arc pointé vers eux. Deux autres hommes de main armés se tenaient à ses pieds, prêts à attaquer au premier ordre. Sandor ne perdit pas un seul instant à brandir son épée puis à lancer au galop son cheval dans la détermination de mettre un terme à cette attaque furtive. Ils étaient là pour la prime sur sa tête, sinon pourquoi l’avoir attaqué par derrière ? Rien qu’une bande de lâches !

D’un cri de guerre guttural, il jeta son épée dans le premier homme qui se décida à le combattre, le coupant en deux rien qu’à la force de son bras droit. Il manœuvra son cheval de justesse pour éviter une autre des flèches mortelles de l’archer sagement perché sur son tronc alors que ce dernier aboyait à son deuxième homme de prendre part au combat. A l’odeur âcre du sang et aux hurlements incessants entre les deux grands combattants, le cheval d’Emerys se cabra tout en hennissant dans la panique. Sandor n’avait aucune chance avec son côté blessé, ce combat était perdu d’avance et l’archer le savait pertinemment.

«Viens !» La femme attrapa les rênes du cheval d’Arya pour la conduire en lieu sûr. Une fois à une distance de sécurité, elle pointa son doigt vers l’enfant stupéfié pour ravoir l’attention sur elle. Chose qu’elle obtint assez facilement.

«Reste-là !» Ordonna-t-elle vivement d’un regard sombre avant d’hurler à son cheval de galoper en direction du combat.

La crainte rampa dans son estomac quand Emerys vit au loin l’archer essayer de tirer ses flèches sur le Limier qui par miracle, réussissait encore à les esquiver dans son état affaibli. Ses talons s’enfoncèrent dans le flanc de l’animal pour lui faire prendre de la vitesse. Au passage, elle récupéra une branche d’arbre assez robuste pour pouvoir se défendre avec quelque chose si jamais son plan initial tombait à l’eau. Attirer l’archer loin de la scène de combat pour laisser une chance à Sandor de se débarrasser de son ennemi sans risquer de se prendre une flèche entre les deux yeux.

Le Chien, dorénavant dos au sol avec le combattant au-dessus de lui à califourchon, usait de sa lame pour contrer la sienne à quelques centimètres de son visage. Le poids du corps ainsi que la force qu’il exerçait sur le manche faisait répandre son sang plus rapidement dans la poussière. La douleur était atroce, il avait beaucoup de mal à se concentrer sur son adversaire hors pair. Sa vision se dédoublait et son cœur s’emballait … Cette pointe de flèche était-elle empoisonnée pour lui faire un effet aussi dévastateur sur ses capacités physiques ? Son acuité et sa rigueur en avaient pris un sérieux coup. Il décala sa tête sur la droite pour ne pas se prendre la prochaine flèche en pleine tête, celle qui aurait signé son arrêt de mort.

Il ne gagnera pas ce combat …

Emerys fonçait droit sur eux, cependant l’archer à l’œil de lynx la remarqua tout de suite et donc au lieu de viser à nouveau le mercenaire, il la prit pour cible principale. Sa première flèche s’enfonça dans l’œil droit de l’animal en mouvement, ce qui lui arracha un hurlement rauque et lui fit perdre l’équilibre durant sa course. La prochaine atterrit dans sa patte avant droite, lui faisant violemment basculer tout son poids vers l’avant en projetant la femme dans les airs pour qu’elle atterrisse durement sur le sol. Un sourire mauvais étira ses lèvres tandis que l’inconnue roula plusieurs fois dans la poussière jusqu’à ce qu’elle n’entre dans un arbre, arrêtant brutalement sa chute.

Le cheval mort frappa le sol à seulement quelques pas d’Emerys en manque d’oxygène après s’être cogné contre l’écorce du hêtre à cette vitesse. Elle expulsa bruyamment l’air de ses poumons en feu puis grimaça à la douleur fulgurante qui explosa à l’intérieur de sa cage thoracique. Etourdie, elle gémit tout en se redressant le plus vite possible sur ses coudes pour voir que l’archer audacieux continuait de la viser, mais ne lui tirait pourtant pas dessus. Qu’attendait-il ?

«Bouge de là si tu ne veux pas que je te plante une flèche dans ta jolie petite tête ! Cette prime est à moi et à moi seul. La prochaine fois, je n’hésiterais pas à te tuer, alors dégage !» S’énerva l’homme menaçant en lui faisant un bref signe de la tête de partir, tendant la corde de son arc pour appuyer ses paroles.

D’abord effrayée, sa peur se dissipa dès lors où elle posa les yeux sur une petite silhouette familière se déplaçant discrètement derrière l’archer occupé à lui crier des menaces. Sachant d’ores et déjà qu’il n’allait plus faire long feu, elle s’autorisa même à lui sourire vilement lorsque le bruit d’une lame siffla dans les airs. L’homme voulut se retourner, mais il n’eut cependant pas le temps de le faire. La pointe de l’épée s’enfonça dans son dos pour ressortir entre ses côtes, lui arrachant un cri rapidement étranglé par l’accumulation du sang dans sa gorge. L’archer tomba à genoux avant de dégringoler de la souche pour dévoiler une Arya satisfaite de son crime parfait.

Intensément soulagée, Emerys laissa sa tête retomber en avant dans la poussière. Il était encore moins une ... La prochaine fois, elle réfléchira à un meilleur plan stratégique qui intègrera cette fois-ci la Stark adroite ! Si bien-sûr il y aura une prochaine fois, quelque chose qu’elle n’espérait absolument pas. Elle retourna enfin à ses pieds après avoir retrouvé son souffle momentanément perdu tandis que ses yeux se focalisèrent sur le Limier triomphant du combat gisant parmi les deux cadavres. Par chance, l’homme en question respirait encore et réussi même à s’agenouiller pour examiner sa blessure mortelle.

«Espèce de petites merdes ! Enfoiré d’archer, Je te les fourrerai dans l’cul tes flèches de mes deux …» Grinça ce dernier entre ses dents, une main pressée contre sa blessure après avoir retiré la maudite flèche de sa poitrine d’un coup sec.

«Laissez-moi voir.» Exigea Emerys en s’approchant de lui. Toutefois le mercenaire digne secoua la tête dans la négation, ne voulant pas être ausculté même s’il souffrait le martyr.

«C’est bon, je vivrai.» Dit-il d’un léger rire cynique. Il vit Arya descendre du tronc d’arbre pour les rejoindre tout en essuyant la lame ensanglantée de son épée sur sa manche.

«Il faut que je regarde cette fichue blessure ou sinon la maladie risque de -» Perdant patience, Emerys fût rudement coupée par Sandor.

«J’ai dit que ça ira ! Qu’est-ce que tu comprends pas bordel ?! Pourquoi ça t’inquiètes tellement ce qui peut m’arriver ...» S’exaspéra-t-il d’un ton bourru, le visage se crispant légèrement à la vive douleur que cela engendra dans son torse. Il tenta une première fois de se lever, mais son poids conséquent ne lui permis pas de tenir sur ses jambes devenues frêles. Il avait l’impression d’être un jeune faon à peine capable de tenir debout !

«Elle a raison, vous devriez l’écouter si vous ne voulez pas mourir. Vous perdez beaucoup trop de sang et vous n’êtes même plus capable de vous lever. Votre entêtement sera votre peine de mort, alors ressaisissez-vous !» Arya claqua sa langue dans sa bouche suite à cette réplique désobligeante. Elle s’agenouilla aux côtés du Limier puis pencha la tête sur le côté, étudiant soigneusement la plaie du regard néanmoins insensible à son triste sort.

Au lieu de répondre à la gamine inflexible, le Chien laissa finalement à la femme l’opportunité d’examiner sa blessure abdominale, n’ayant plus la force de protester. Il retint brusquement son souffle lorsque les doigts fins d’Emerys passèrent sur sa cote de maille et plus particulièrement sur sa plaie spongieuse. Même si sa fierté avait pris un coup dur, il ne pouvait s’empêcher de la regarder dans les yeux alors qu’elle se tenait juste au-dessus de lui, ses sourcils noirs noués d’inquiétude. Inquiète ? Mais pourquoi ? En proie à des délires dût à la douleur et à la perte de sang, il leva sa main droite pour toucher le bras de la femme, toutefois cette dernière s’éloigna après avoir hurlé quelque chose à la Stark.

Les bruits s’amenuisaient …

Emerys ordonna à Arya de récupérer les chevaux pendant qu’elle passait son bras autour de Sandor pour l’aider à se redresser et ainsi l’amener loin des cadavres. Mais surtout loin des passages fréquents. Sollicitant sa force d’une traction de sa main, les deux réussirent à atteindre un arbre où ils n’étaient plus à découvert. L’homme appuya une partie de son poids sur Emerys tout en modérant ses gémissements pour ne pas montrer sa faiblesse. Bon sang, juste à cause d’une petite flèche de rien du tout … Une flèche qui avait réussi à abattre l’un des plus grands combattants de Westeros, pensa-t-il ironiquement.

A présent dos contre le tronc de l’arbre, Emerys le relâcha doucement afin qu’il puisse reposer l’intégralité de son poids sur ce dernier. Elle s’agenouilla à côté de lui tandis qu’elle demandait de l’aide d’Arya pour rapporter quelques branches pour faire un feu. Ses oreilles sifflaient et son cerveau avait beaucoup de mal à réagir mais il savait pourquoi elle voulait faire du feu, à son plus grand désespoir. Sandor, apathique, siffla entre ses dents lorsque la femme à ses côtés reposa sa main sur sa blessure pour faire pression et empêcher le sang de sortir. Elle souffla une rapide excuse.

«Je suis foutu …» Rit-il amèrement.

«Ne dites pas cela. Ce n’est pas encore fini.» Emerys pinça les lèvres d’une secousse de sa tête, le timbre de voix sonnant douteux. Tout en gardant sa main sur la blessure, elle posa l’autre sur son épaule pour le maintenir éveillé en cherchant à établir un contact visuel avec lui.

«Pourquoi vous n’en profitez pas pour disparaître ...» Grogna-t-il dans un chuchotement qui ressemblait plus à un croassement douloureux.

Sandor posa sa tête en arrière contre l’arbre puis prit de profondes inspirations alors qu’il sentait le sommeil l’atteindre ou, par conséquent, la mort. Cette saloperie d’archer avait sacrément bien visé tout de même, il n’en revenait toujours pas qu’il allait crever de cette manière absurde ... Que dirait son frère s’il le voyait dans cet état misérable ? Sans doute rien, comme depuis tout petit après son acte de cruauté pour un stupide jouet en bois. C’était son seul et unique regret d’ailleurs de ne pas avoir recroisée la route de son affreux frère pour lui flanquer une bonne correction bien mérité et par la même occasion, le tuer.

Au travers le brouillard de confusion, il vit Emerys lui jeter un petit coup d’œil nerveux pendant qu’elle frottait deux pierres l’une contre l’autre pour créer une étincelle qui embrasera le petit tas de brindilles récoltés par Arya. La fille en question s’installa à ses côtés avant de souffler sur les flammes qui prenaient vie au centre des branchages. Soulagée d’y voir enfin du feu apparaître suite à leurs petits efforts, Emerys se réjouit tout en gardant une prise ferme sur l’épaule du Limier immobile contre l’arbre. Elle était déterminée à le garder en vie.

«Je dois retirer votre armure pour avoir accès à votre blessure.» Indiqua-t-elle en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. A l’accord silencieux du Chien, les deux filles s’empressèrent d’enlever sa cote de maille.

«Une putain de flèche empoisonnée …» Marmonna Sandor tandis que la femme adulte retirait la plaque de métal autour de son cou.

«Hélas, oui.» Acquiesça cette dernière, à son grand regret. Emerys avala lorsque l’homme sursauta violemment et qu’il se mordit l’intérieur de la joue pour faire taire les gémissements, des perles de sueur se formant sur son front. Le poison était virulent.

Après ce spasme, il reposa tout son poids contre l’arbre car il était de plus en plus difficile de rester conscient après toute cette perte de sang. Assommé, il soupira aux regards que lui donnaient Arya et Emerys. L’un indifférent et l’autre, soucieux. Il voulait atteindre le poignard à sa ceinture pour leur demander d’abréger ses souffrances, mais à chaque fois qu’il levait sa main la femme l’obligeait à l’abaisser pour contenir ses forces. Pourquoi s’acharnait-elle à vouloir sauver une pourriture comme lui ? Il ne comprenait pas, et cette incompréhension commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs.

«Il faut cautériser la plaie ou il ne survivra pas.» Enonça calmement la louve en levant les yeux vers Emerys, les bras croisés sur ses genoux.

«Non ! Pas le feu ! Pas le feu …» Sandor se redressa rapidement puis agrippa le bras d’Emerys tout en l’implorant du regard de ne pas prendre cette décision. N’étant plus apte à se défendre, il avait peur d’en souffrir encore une fois avant sa mort.

Emerys hésita, le bout de bois brûlant dans sa main droite et dans l’autre, l’avant-bras du Limier. Elle pouvait voir une immense peur se refléter sur le visage de l’homme habituellement stoïque et d’apparence invincible, quelque chose qui le rendait incroyablement vulnérable. Elle était prise dans ses yeux bruns effrayés, ressentant la terreur rayonner hors de lui par vagues sans fins. Il se sentait si ridiculement faible et impuissant face à son ennemi juré, une âme brisée par les démons de son passé qui prenaient la forme du feu. L’emprise qu’il avait sur son bras diminua doucement alors qu’il se reposa dos contre l’écorce derrière lui tout en plaidant de le laisser mourir sans cette douleur supplémentaire.

Sous cette carapace de dur à cuire se cachait un homme avec des émotions. Et ce fût cette petite lueur dans ses yeux qui dissuada définitivement Emerys de recourir au feu.

«Qu’allons-nous faire ? Il est fichu, de toute façon.» Questionna Arya accroupit à côté de l’homme demeurant silencieux suite à sa perte de connaissance.

Emerys ne répondit pas mais déglutit dans la réflexion. Elle baissa un instant les yeux sur le visage de l’homme mourant aux respirations faibles, prenant une toute autre décision qui pourrait avoir des conséquences plus tard. Ceci dit, ce choix ne lui appartenait plus si elle voulait lui venir en aide. D’un hochement de tête décisif, elle jeta le morceau de bois loin d’elle avant de retirer à la va-vite son manteau qu’elle balança également sur le côté. Sans donner de réponse à la fille Stark, Emerys redressa soudainement Sandor puis se glissa derrière lui afin d’être positionnée entre lui et l’arbre. Elle le laissa ensuite se coucher contre elle, sa tête reposant contre son épaule droite et le reste de son corps sur son ventre et ses hanches. Il était assez lourd même sans son armure mais pour l’instant, ce n’était pas son souci premier.

«Je ne le laisserai pas mourir.» Rétorqua-elle farouchement en regardant Arya droit dans les yeux. Il l’avait déjà sauvée plusieurs fois, il était temps qu’elle lui rende la pareille.

La louve était surprise par la nouvelle attitude de la femme, toutefois elle finit par hocher la tête en se décalant vers le feu pour lui permettre de faire ce qu’elle avait à faire. Elle n’avait jamais vu Emerys aussi préoccupée par le Limier, aussi déterminée … Comme si elle avait peur que leur bourreau mourrait ici, dans ses bras. Pourtant, il ne récoltait que ce qu’il avait semé durant toutes ses années de loyaux services aux côtés des Lannister. Méritait-il son dévouement ? Ce fût donc à cet instant précis qu’Arya compris qu’Emerys ressentait quelque chose de beaucoup plus fort pour l’homme connu sous le nom de Sandor Clegane.

Elle avait développé des sentiments à son égard.

S’assurant qu’elle avait une bonne position et que le Chien n’en souffrait pas, Emerys glissa lentement sa main sous sa tunique qui ressemblait fortement à celle qu’il lui avait prêtée puis posa ses doigts au-dessus de la blessure aqueuse. Le sang tiède se colla immédiatement à ses doigts, la chaleur et les palpitations de ses veines dans le creux de sa paume plaqué contre son torse. Avec son autre main, elle chercha sa jugulaire pour prendre son pouls qui faiblissait à vue d’œil. Elle sentit l’homme se raidir sur elle mais elle ne se laissa pas distraire.

Emerys ferma les yeux pour reprendre le contrôle sur sa respiration, les battements de son cœur ralentissant considérablement.

Remplit d’incrédulité, Arya fronça les sourcils à ce que la jeune femme faisait avec le Limier. Elle prêta une attention particulière à son visage démuni de toute émotion tandis que sa main recouvrait la totalité de la blessure sanglante. De sa bouche sortait des mots qui n’avaient strictement aucun sens à ses oreilles, une sorte de langage ancien qu’elle n’avait encore jamais entendue. C’était à peine si elle les chuchotait, prononçant chaque syllabe avec précaution mais aussi avec altruisme. Le sang s’était infiltré entre ses doigts mais curieusement, il ne se déversait plus en de grandes quantités.

Après plusieurs longs instants à réciter son étrange prière d’une voix douce et hâtive, Emerys arrêta enfin son charabia pour retirer sa main de sous la chemise du mercenaire endormi. Grimaçante au mouvement lent, elle se lécha les lèvres avant d’examiner sa main sous le regard préoccupé de la louve agenouillée devant elle. Sa paume baignait dans le sang frais, cependant, le rictus de tout à l’heure avait été remplacé par un sourire épuisé. Epuisé mais comblé, semblerait-il.

«C-comment …» Chuchota Arya sous le choc, ses yeux écarquillés fixés sur la blessure qui ne saignait plus.

La plupart de la tunique olive était gorgée du sang que venait de perdre le Chien, mais la blessure ne suintait plus. L’hémorragie venait de s’arrêter comme par magie et la couleur violacée dût au poison s’était résorbée pour ne laisser place qu’à de la peau saine. Elle n’en revenait tout simplement pas ... Emerys venait de faire de la magie ou une sorte d'incantation liée à la guérison rapide, quelque chose d’incroyable et de mystique. Sa mère lui en avait souvent parlé de ces pouvoirs extraordinaires lorsqu’elle était petite alors qu’elle lui contait des histoires sur les enfants de la forêt. Des pouvoirs d’une puissance hors norme qui demandait énormément de concentration et de force. Mais aussi des légendes sur certaines personnes qui avaient hérité de ces pouvoirs fabuleux.

Emerys leva ses yeux creux et vitreux vers l’enfant abasourdie assise maladroitement face à elle. De grands cercles noirs avaient pris place sous ses yeux, et après qu’elle essuya le sang sur la chemise du Limier, Arya pu voir avec étonnement que les bords de ses doigts avaient pris une couleur violacée. La couleur du poison. Eberluée par cette démonstration de pouvoir, elle se rassit lourdement sur le sol tandis que la femme aux cheveux d’argent se mit à sourire au vent qui se leva dans la forêt silencieuse. Une seule question résonnait dans sa tête, était-elle maintenant en danger de mort ?

«Ce sera notre petit secret.» Murmura Emerys d’un clin d’œil.

«Incroyable ...» Arya s’avança pour lever la tunique de l’homme et examiner la blessure grossièrement refermée.

Ce n’était certes pas beau à voir et recoudre allait être une nécessité, néanmoins il allait vivre car le sang ne sortait plus du tout et le poison avait quitté son corps. Le Limier avait guérit d’une mort certaine grâce à l’intervention miraculeuse d’Emerys. Son don dépassait tout entendement ... Mais Arya craignait désormais pour la santé dégradante de son amie, notamment à cause du poison mortel assimilé qui coulait maintenant dans ses propres veines au lieu de celles du mercenaire. De plus que son épuisement suite à son incantation divine était devenu très alarmant.

Voyant l’anxiété sur son jeune visage, Emerys bougea sous le Chien afin de trouver une position moins douloureuse pour son dos et ses hanches, le poids supplémentaire étant un fardeau. Manifestement, elle n’était pas prête à se lever pour l’instant car son corps était encore beaucoup trop faible pour cela. Du repos n’était pas négligeable ... Donc elle s’installa mieux contre l’arbre avec le Limier allongé sur elle puis pria silencieusement pour qu’il ne se réveille pas avant la tombée de la nuit. Elle esquissa un modeste sourire à Arya toujours aussi inquiète pour elle, le front sillonné et ses yeux gris larmoyants. La louve se lécha nerveusement les lèvres quand Emerys prit la parole.

«Ne t’inquiète pas, j’irai bien. J’ai juste besoin d’un peu de repos, d’accord ? Ça va aller.» Rassura-t-elle après avoir reposé sa tête contre l’arbre et fermés les yeux pour faire comme elle venait de le dire.

Reprendre ses forces qui lui avaient été volées.

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Sa tête lui faisait mal, son dos lui faisait mal, tout lui faisait affreusement mal. Il avait l’impression d’être en feu … Que son corps entier brûlait d’une rare intensité et pendant un court instant, il fût pris entre les griffes d’une grande panique.

Sandor ouvrit les yeux puis se redressa précipitamment en posant ses mains sur son corps à la recherche des flammes invisibles qui le dévoraient de la tête aux pieds. Horrifié, il fût rassuré de voir qu’aucun feu ne le brûlait vivant, que ce n’était qu’une simple illusion dût à la forte fièvre. Le regard brumeux, il put distinguer ses armes qui se tenaient à côté de la selle de son cheval couchée sur de la verdure. Incroyablement soulagé, il reposa mollement sa tête en arrière dans l’herbe d’un soupir las tout en essayant de recoller les morceaux manquants de sa mémoire avant de se retrouver dans cette situation contraignante. Premièrement, où était-il ? Combien de temps avait-il dormi ? Où était Arya Stark, sa future prime ?

«Nous sommes toujours sur la route des Eyrié, et vous n’êtes pas encore mort.» Une voix qu’il connaissait que trop bien s’exprima à côté de lui.

Elle était là.

Rouvrant un œil d’une grimace à la migraine palpitante dans sa tête, le Limier tourna la tête vers Arya assise en tailleur à côté d’un petit feu. Elle mangeait une espèce de fougère, son attention uniquement concentrée sur sa nourriture qu’elle tenait précieusement dans ses mains. D’après les bruits environnants, ils n’étaient pas loin d’une rivière ou peut-être d’un lac. L’homme gémit doucement sous son souffle lorsqu’il essaya de se redresser mais que ses muscles endoloris crièrent de mécontentement à ses mouvements lents. De toute évidence, son corps ne s’était toujours pas remis de son attaque et du poison.

L’archer et la flèche empoisonnée … Maintenant, il s’en souvenait.

«Je crois que vous étiez entrain de rêver. Vous bougiez étrangement durant votre sommeil. Vous rêviez de quoi, exactement ?» Demanda la louve tout en mâchant bruyamment sa feuille. Ses sourcils se contractèrent quand le Chien grogna et qu’il posa une main sur son torse blessé.

Le mercenaire confus tapota plusieurs fois ses doigts dessus à la recherche de ladite blessure qu’il eut du mal à trouver d’ailleurs, car il n’y avait plus de sang ni de croûte, juste une peau boursouflée et rougie non loin de son cœur. Son visage se plissant de perplexité au manque d’éléments liés à la plaie, le Limier découvrit que sa blessure avait été lavée et également recousue avec soin. Comment était-ce possible ..? Apparemment son étonnement était voyant, parce que la gamine en face de lui émit un petit ricanement à cette expression inhabituelle sur son visage d’ordinaire renfrognée.

Pourquoi n’était-il pas mort ? Pourquoi les Dieux s’acharnent-ils autant sur son sort !

«Pourquoi je ne suis pas encore mort … Cette flèche était censée mettre un terme à mon existence. Juste une putain de flèche !» Cracha-t-il amèrement d’un rictus écœuré. Il réussit à s’asseoir mais non sans ressentir des étourdissements.

Merde, il ne reconnaissait absolument pas l’endroit ! Il n’avait pas la moindre foutue idée d’où il se trouvait actuellement. Pas d’arbres, juste des plaines immenses et un petit lac à première vue … Avaient-ils marchés durant la nuit ? Il fallait croire que oui d’après le paysage changeant des Eyrié. Sandor déglutit à la sensation acre dans sa bouche au manque cruel d’eau et de nourriture, sa gorge irritée lui donnant des difficultés à avaler sa salive sans faire de grimace. Il avait à la fois froid et chaud, ses membres frissonnaient à cause de la moiteur sur sa peau suite aux aléas de la fièvre. C’était une sensation étrange et inconfortable engendrée par l’accumulation du poison dans son corps, visiblement.

«Emerys voulait vous garder en vie.» S’exprima Arya qui haussa dédaigneusement les épaules au coup d’œil dubitatif du Limier. Vidant sa bouche de son déjeuner végétarien, elle enleva les mèches de son front avant de poursuivre ; «c’est grâce à elle si vous êtes encore là et que le poison ne sévit plus en vous. Si ça ne tenait qu’à moi, je vous aurait laissé là-bas.»

«Où sommes-nous ?» Interrogea le mercenaire d’un reniflement. Il tenta d’ignorer le petit tiraillement de son cœur en sachant qu’Emerys était celle qui l’avait sauvé de sa pleine volonté. Malgré tout ce qu’il pouvait dire ou penser, il se sentit tout de même grandement reconnaissant pour son geste et son dévouement.

Une chaleur inconnue l’envahit aussitôt, quelque chose qu’il n’avait encore jamais ressenti mais qui était très agréable. C’était doux et envoûtant, à l’opposé de toutes autres émotions négatives qu’il avait pu ressentir au court de sa vie. Cependant, cette sensation chaleureuse devint vite vide quand il remarqua qu’Emerys n’était pas sur le petit campement mais que ses affaires, heureusement, étaient bien présentes sur son sac de couchage. Il posa sa main contre sa tempe tandis qu’il sentit la migraine revenir et son estomac se contorsionner par le manque de nutriment et d’eau. Le Limier répéta impatiemment sa question quand Arya ne lui répondit pas la première fois.

«Pendant que vous étiez inconscient sur le dos de votre cheval, Emerys et moi avions avancés durant la nuit. Et maintenant, nous sommes au milieu de nulle part. Comme vous pouvez le voir.» Elle jeta une brindille dans le feu, son visage se refermant peu à peu.

«Bordel à queue ...» Ricana grossièrement le Chien d’une secousse lente de sa tête. Il n’était pas vraiment amusé toutefois, le fait de savoir que les deux filles avaient poursuivis la route pendant qu’il était inconscient le rendait admiratif. En quelque sorte.

Ils étaient donc dans le trou du cul du monde … Parfait.

Au moins ils n’avaient pas quitté le Val d’Arryn, c’était déjà un bon point. Peut-être qu’une carte aurait été utile, finalement … Il leva à nouveau les yeux sur Arya qui mangeait une autre de ses feuilles soi-disant comestibles. Se sentant soudainement observée par l’homme balafré assis, cette dernière posa son regard inamical sur lui puis lui haussa les sourcils tout en louchant face au rayonnement du soleil. Attendait-il quelque chose d’elle ?

«Vous devriez lui dire merci pour ce qu’elle a fait pour vous. J’étais sûre que vous alliez mourir et que nous serions enfin libérées de votre présence. Mais, il faut croire que vous vous accrochez à la vie.» Charia-t-elle sans une once de sympathie dans sa voix. Elle voulait le haïr avec passion mais cela devenait de plus en plus difficile avec le temps, de quoi l’agacer.

«Humpf ! Même pas en rêve. Je lui crache au visage à la vie. J’en ai rien à foutre de toutes ces conneries et du destin. D’ailleurs, tu devrais être contente que je sois encore là pour te conduire chez ta tante. Je t’ai déjà dit que vous ne pourrez pas survivre un seul jour sans moi.» Contesta l’homme en plissant méchamment les yeux à la gamine insolente. Affirmation qui n’était pas totalement justifiée, étant donné que les deux filles avaient voyagé sans lui d’une certaine façon.

Qu’il pouvait être odieux ! Arya ouvrit la bouche pour lui rétorquer tout aussi froidement, mais elle la referma lorsqu’une silhouette apparut dans son champ de vision. Face à elle, le Limier se tut également quand il verrouilla son regard d’acier sur Emerys. La femme marchait vers eux d’un pas léger, arborant un sourire inestimable et trempée jusqu’aux genoux. Sur son épaule figurait un bâton avec trois poissons en brochette qu’elle venait tout juste de pêcher dans le lac après une bonne heure de chasse. Ses bottes humides faisaient du bruit à chacun de ses pas, sa longue chevelure argentée dégoulinante d’eau disposée sur son autre épaule. Elle avait l’air en forme.

Son souffle se paralysa, son regard la dévora consciencieusement. L’intégralité de son corps refusait de bouger alors qu’elle se rapprochait du campement avec la lumière du soleil brillant derrière elle telle un halo de lumière angélique. Ce sourire … Un sourire radieux qui pouvait faire fondre n’importe quel cœur de pierre. Elle avait un charme si spécial, une énergie positive qui faisait d’elle ce qu’elle était chaque jour. Une créature divine égarée sur cette terre obscurcie par les sombres désirs. Emerys était décidément très belle, et peu de femmes arrivaient à son niveau de beauté. Du moins, pour lui.

Sandor remarqua qu’elle ne portait pas son joli manteau noir et ce fût à ce moment-là qu’il comprit qu’elle l’avait utilisé pour lui faire un oreiller pendant qu’il se remettait de sa blessure. Afin qu’il soit plus à l’aise durant son rétablissement miraculeux. Elle prenait grand soin de lui, alors qu’il ne l’avait jamais véritablement respectée à juste titre, la traitant comme une vulgaire prisonnière sans valeur. Involontairement son cœur se serra car il tombait dur pour elle. Il commençait à peine à s’en rendre compte maintenant mais cela ne pouvait pas arriver, pas aujourd’hui, ni jamais. Elle ne le méritait pas et il ne méritait pas de connaître quelque chose d’aussi beau.

Lui, un vieux Chien perverti par l’homme qui n’avait jamais envisagé de savoir ce qu’était l’amour.

Le Limier sorti de sa douce rêverie pour plutôt regarder le sol lorsqu’Emerys vint s’asseoir entre lui et Arya. La jeune femme libéra l’air de ses poumons d’un large sourire conquis puis positionna la brochette au-dessus des flammes sur le petit support que la louve avait construit plus tôt dans la matinée. L’enfant en question ne cessait de toiser le mercenaire renfermé sur lui-même après avoir littéralement dévoré Emerys du regard, pensant sûrement que personne ne l’avait remarqué ! Eh bien il se trompait lourdement le coquin.

«Heureuse de vous revoir en vie, Sandor Clegane.» Parla gentiment Emerys une fois assise sur l’herbe.

«Heureux d’entendre que tu l’est.» Grommela-t-il en retour pendant qu’elle se débarrassait de ses bottes humides pour les faire sécher près du feu. Elle lui offrit un regard blessé suite sa réponse mordante, un regard qui le mettait mal à l’aise parce qu’il était dépourvu de dégoût.

Toutefois Emerys ne répondit pas à son commentaire un peu rude, mais demanda à Arya de bien vouloir l’aider à cuire les poissons qu’elle venait de pêcher dans le lac. Une requête facilement acceptée par la Stark désireuse d’aider aux tâches pour fendre le malaise palpable. Agenouillée, elle tourna soigneusement la brochette de poissons pour que leur nourriture cuise des deux côtés et que la peau soit bien croustillante.

«J’ignorais qu’une fille comme toi savait pêcher.» Remarqua Sandor en passant sa manche sous son nez. Il crevait de faim et de sentir l’odeur de la nourriture le rendait plus infect que d’habitude.

«Vous pourriez être surpris de toutes les choses que je sais faire en dehors de la pêche.» Répondit sèchement Emerys après avoir remercié le poisson cuit que lui tendait Arya. Il pouvait toujours essayer de la rabaisser inutilement, elle ne tombera pas dans son piège cette fois-ci.

«Comme ta putain de magie ? Qu’est-ce que tu m’as fait pour que je ne sois plus en train de bouffer la poussière, là-bas ? T’aurais dû me laisser crever et te barrer avec la gamine, ce que n’importe qui d’autre aurait fait ! Mais au lieu de ça, tu as préféré me sauver la mise. Il y a des trucs qui collent pas. D’où tu viens exactement et pourquoi t’étais là lorsque les baiseurs de Lannister ont débarqué dans ton petit village paisible ?» S’écria avec fureur le Limier qui la fusilla du regard. Il arracha presque le poisson des mains d’Arya quand elle lui donna sa part.

«Je vivais là ! Pourquoi est-ce si difficile pour vous de le croire ? Mais cela n’a plus aucune importance d’où je viens ni de qui je suis réellement ! Vous êtes borné à la fin.» Emerys jeta ses bras en l’air en désespoir de cause, stupéfiée devant tant d’accusations alors qu’elle ne leur voulait absolument aucun mal.

«Je sais reconnaître les menteurs quand j’en ai un en face de moi !» Affirma Sandor en haussant la voix d’une octave.

«Et moi, je sais reconnaître un crétin quand j’en ai un devant moi ! Je n’ai pas utilisé votre plus grande peur sur vous parce que je vous respecte. J’ai préféré utiliser ma putain de magie comme vous dites, plutôt que de vous infliger une douleur par le feu ! Alors un simple merci vous arracherait la gorge ?!» Fulmina Emerys qui bondit à ses pieds pour mettre les mains à ses hanches, complètement hors d’elle par ce manque de reconnaissance.

Entre les deux adultes, Arya avala nerveusement sa bouchée puis s’enfonça plus loin dans l’herbe.

Le Limier était pour le moins choqué par le puissant cri de la femme rouge de colère qui se dressait au-dessus de lui, sur le point de lui bondir à la figure. Il ne s’y était pas attendu à ce qu’elle élève autant la voix contre lui sans la peur des représailles que cela pouvait provoquer. Il l’avait poussée peut-être un peu loin … Il devait l’admettre. Il claqua durement sa mâchoire tandis qu’Emerys le surplombait d’une respiration erratique, sa poitrine montant et descendant furieusement. Quand il croisa son regard envenimé, il se sentit subitement comme un idiot pour finir par accepter la réprimande sévère, à la surprise générale des deux filles.

«Merci.» Sandor hocha respectueusement la tête avant de reprendre une bouchée de son repas. Comme si de rien était.

«Je vous en prie.» Répliqua calmement Emerys en reprenant sa place dans l’herbe et sa brochette dans les mains.

Les yeux d’Arya s’écarquillèrent derrière sa brochette de poisson, ne s’attendant aucunement à ce qu’il dise ce petit mot si difficile à exprimer pour un guerrier désabusé comme lui. Qui plus est, face à une femme ? Cela devait être d’autant plus difficile à accepter, pensa-t-elle avec humour. Le silence retomba tout à coup sur le trio autour du feu dans une ambiance des plus tendues après cette petite querelle verbale insignifiante. Elle ne put donc plus se retenir indéfiniment. La louve se mit à ricaner et même si elle pinçait les lèvres pour faire taire le bruit, c’était malheureusement devenu impossible à cause du regard noir que lui jetait le Chien grondé.

«Ça te fait rire ?» S’agaça ce dernier.

«Un peu.» Arya haussa les épaules, masquant son sourire en prenant un autre morceau de nourriture.

Puis les sourires envahirent tous les visages.

A suivre …

Merci pour la lecture !

VP

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