Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 1 : Au cœur de l'Hiver. (Tormund)

8161 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/11/2019 21:47

Résumé de la fin de la saison 7 :



L’hiver s’est finalement installé sur l’ensemble de Westeros avec les chutes de premières neiges qui ont atteint la capitale Port-Real. Tandis que certains forment des alliances, d’autres dissimulent leur perfidie. Tandis que certains secrets longtemps enfouis trouvent enfin leur réponse, d’autres s’adonnent aux plaisirs charnels. Tandis que les traîtres sont démasqués, certains trouvent une sorte de rédemption. Et pendant que tout ceci ébranle la vie de Westeros, loin dans le Nord le Mur subit les assauts du Roi de la Nuit et de sa terrible monture, un dragon de glace. Et quand le Mur finit par s’écrouler c’est l’armée des morts qui s’avancent, prêt à annihiler toutes formes de vie.



ÉPISODE UN : CHAPITRE UN : AU CŒUR DE L’HIVER. (TORMUND)


Tormund, sauvageon de son état, pouvait affirmer le fait suivant : l'Hiver était là.

Pire que tout, la saison venait de s’abattre brutalement, et sans distinction aucune, aussi bien sur lui que sur ses compagnons d’infortune. Pire que tout, elle les obligeait à progresser courbés dans l’expectative de pouvoir résister au mieux quant à ses assauts cinglants qui venaient les frapper de plein fouet.

Et dans le sillage de telles attaques de la natures, les bourrasques glaciales paraissaient vouloir mettre au plus mal aussi bien Tormund que les siens.

Le sauvageon, qui avait eu le mérite d’atteindre l’âge vénérable de quarante ans, ce qui était rare pour quelqu’un du Peuple libre, luttait pourtant de son mieux pour contre cette vague de droit qui gouvernait toute cette région septentrionale de Westeros, à la lisière du Nord véritable.

Or, il s’avérait que ce n’était pas là une tâche qui était fort aisée à accomplir. Une vérité d’autant plus accrue que, autour de Tormund, la visibilité se retrouvait considérablement réduite en raison de ces tourbillons de poudreuse blanche qui semblaient faire danser les flocons tout autour de sa personne.

Il en allait de même pour les malheureux qui l’escortaient. Assurément, malgré les épaisses fourrures dont tout ce beau monde était paré, pas l’un paraissait mieux lotis que l’autre.

Tout sauvageon que Tormund pouvait bien être, et il était fier de ce statut qui le rendait plus libre que tous ceux plus au sud qui s’agenouillaient pour un roi qui n’avait que faire de leur destin, il était censé être habitué depuis longtemps aux rudes conditions qu’on ne trouvait qu’au nord du continent de Westeros.

Non ?

Il grommela dans sa barbe hirsute, où des croûtes de glace venaient se mêler à la teinte naturellement rousse de sa toison.

Har ! Par les Anciens Dieux, Tormund pouvait même affirmer la chose suivante : du fait d’un âge qu’il pouvait qualifier d’avancé, après tout il était père de deux filles adultes à présent, il pouvait maintenir à qui voulait l’entendre qu’il en avait vécu des saisons hivernales.


« Ouais, j’en ai vu plein de ce fichu Hiver. »


C’était à croire que son existence tout entière se résumait à peu de choses, à cette saison froide et hostile, et à une longue vie en aventures.

Malgré tout, l’Hiver était revenu une fois n’est pas coutume. Seulement, il semblait que les choses allaient autrement désormais. Car l’Hiver qui frappait actuellement le groupe, tandis que celui-ci longeait le Mur de Glace, paraissait dépasser tout ce que Tormund avait connu.

Et ses souvenirs sur le sujet remontaient à loin, à l’époque où il était qu’un jeune minot aux cheveux roux et aux yeux aussi bleus que ceux de cette grande guerrière du sud et qu’il ne pensait pas revoir un jour.

De vieilles histoires l’assaillirent alors, liées à son passé, sans qu’il ne pût rien faire pour empêcher le flot des images de s’écouler dans son esprit.

Et tout en progressant toujours aussi péniblement, le vent avait forci si la chose était seulement possible, les flashs survinrent à l’intérieur de sa tête, mais, paradoxalement, étaient plus limpides que le décor qui s’offrait à ses compagnons et à lui.


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La toute première fois que Tormund avait découvert à quel point le froid pouvait être une arme mortelle pour l’homme, aussi mortelle que ne le serait un coup de poignard en os de mammouth et reçu en plein cœur, Tormund était encore tout petit.

Quel âge avait-il exactement ? Quatre ans ? Cinq ans ? Un peu plus ? Un peu moins ?

Har ! Peu importait dans le fond. Il pouvait néanmoins déclarer qu’à cette époque reculée, il n’était qu’un simple mioche tout maigrichon, pas plus épais qu’une brindille comme pouvait même l’affirmer le guerrier aux cheveux roux.

Bien loin de l’impressionnant gaillard qu’il était devenu depuis lors. Pas vrai ?

Toujours est-il qu’à cette période-là régnait déjà l’Hiver. Oh, ce n’était guère semblable à ce malheureux hiver que l’on trouvait de l’autre côté du Mur, là où ces fichus Sudistes s’excitaient dès qu’ils apercevaient le premier flocon tomber des cieux qui disparaissaient sous d’épais nuages anthracites.

Non, ici, à la lisière du monde connu par les hommes, c’était le véritable Hiver qui officiait. Celui qui s’accompagnait constamment d’un air frais, glacial. Un air qui vous mordait profondément la peau avec une vigueur peu commune et qu’importaient les épaisses couches de fourrures que la personne pouvait revêtir pour contrer cette menace de la nature.

Pour ainsi dire, le jeune Tormund avait la sensation constante et désagréable qu’une force invisible s’évertuait à lui fouailler le peu de peau qui avait le malheur d’apparaître à découvert, tout en lui triturant les entrailles à petit feu.

Ce fut dans ce temps-là, au cours d’une nuit aux conditions aussi dantesques que les précédentes, et de celles qui suivraient à coup sûr, que Tormund était tombé sur le corps de son petit frère.

Celui-ci était tout petit, étant donné qu’il venait de naître un peu moins d’une lune auparavant. Et sa minuscule silhouette gisait là, contre le cadavre tout aussi froid de leur mère à qui Tormund devait la teinte de sa chevelure déjà bien garnie.

Dans les premiers instants, Tormund n’avait pas immédiatement compris de quoi il en retournait exactement. Dès lors, le petit garçon s’était approché à petits pas hésitants, puis il les avait touchés l’un et l’autre, dans l’espoir de les réveiller dans ce somme dans lequel ils étaient forcément plongés.

Har ! Tous deux étaient pires que des glaçons. Tant par la basse température de leur dépouille, que par la dureté de leur peau au teint blafard.

Le sauvageon se souvenait très bien de la sensation de brûlure que lui avait procurée ce contact sur le bout de ses doigts, aussi bref que cela avait été.

Et à présent qu'il y réfléchissait, Tormund se trouvait même particulièrement idiot d'avoir autant insisté à l'époque en appelant maintes fois d’une voix aiguë, aussi bien sa mère que son petit frère, qui n'avait alors pas encore de nom.

Mais par les Anciens Dieux, Tormund se remémorait cette sacrée voix qui émanait du gamin qui gisait là sans qu'aucune couleur ne vienne teinter les traits de son faciès.

Une voix qui portait sur des lieues à la ronde sitôt qu'il sollicitait sa dose de lait.

Ah ça oui, il fallait bien lui reconnaître cette capacité orale, admettait Tormund pour lui-même.

Quoi qu'il pût en être quant au timbre de son petit frère, la scène qui s'offrait alors à ses yeux d'enfant était d'une limpidité extraordinaire encore aujourd'hui.

C'était l'évidence même que les deux personnes présentes dormaient à poings fermés et qu'elles lui faisaient une sorte de farce à demeurer de la sorte, sourdes à ses suppliques.

Son père, qui n'avait pas tardé à le rejoindre sous cette tente en peau de rennes et de mammouths, avait aussitôt compris ce qu'il en était précisément.

Tormund pouvait encore ressentir la pression exercée par les puissantes paluches que son paternel avait posées sur ses frêles épaules dans l’optique de l'inciter à le regarder dans le blanc des yeux pendant les longues secondes qui suivirent.

Mais c'étaient surtout les événements qui s’enchaînèrent et les mots prononcés un peu plus tard cette nuit-là, une fois les corps retirés, qui lui restaient le plus en mémoire.


« Le froid tue, Tormund. Et si t'y prends pas garde, Har, ce sera toi qu'il finira par agripper entre ses redoutables griffes acérées. »


Et le jeune Tormund de se représenter mentalement un énorme monstre difforme, à l'instar de ceux que les anciens affirmaient pouvoir trouver du côté des contrées de l'Éternel Hiver.

Dans tous les cas, force lui avait été de constater qu'effectivement l'Hiver s'était échiné à vouloir l'embarquer lui-même dans ses serres invisibles, et ce, tout le temps qu'il perdura pendant près de vingt cycles de lune. Mais, Har, c'est qu'on ne l'abattait pas facilement le brave Tormund.

Malheureusement, il ne pouvait en dire autant pour tous les sauvageons qui résidaient dans son village natal et qui avaient succombé les uns après les autres.

Même son père y était passé, lui qui pourtant se revêtait d'imposantes couches de fourrures différentes et qui lui étaient mises à sa disposition du fait de son rang de chef de clans.

Depuis lors, Tormund était apparu comme intraitable, n'ayant de cesse de se montrer prudent. Il l'était toujours d'ailleurs, notamment pour prémunir ses filles et pouvoir les voir jouir de ces contrées du Nord comme il avait pu le faire auparavant, lui qui les avait parcourues en long et en large.

Quoi qu'il en ait été, Tormund repoussait le froid tant bien que mal. Survivant saison après saison. Luttant perpétuellement contre cette force implacable, dépourvue de pitié, et qui s'acharnait à happer quotidiennement son lot de nouvelles victimes.

Le peuple des sauvageons, dont les représentants préféraient de loin qu'ils soient nommés le Peuple libre, avait beau vivre depuis maintes générations sur ce vaste territoire qui s'étirait au-delà de ce fichu Mur de Glace érigé par ceux du sud et par les Enfants de la Forêt, ils n'étaient pourtant pas à l'abri de ces températures glaciales.


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Dans tous les cas, et malgré tout ce qu’il avait lui-même traversé lors des hivers passés — ces époques désormais moins lointaines — Tormund pouvait se montrer catégorique.

Il avait vécu bien des froids, affronté bien des fenêtres, mais le temps actuel dépassait tout ce qui avait précédé.

D’ailleurs, la situation actuelle n’avait rien de comparable. Une sensation de glace semblait lui courir tout le long du dos, et s’écouler dans ses veines à la place de son sang, illustrant mieux qu’aucune autre chose le temps rigoureux qu’il affrontait depuis des jours auprès des siens.

Pour être tout à fait honnête, ce fait ne devait guère en revenir uniquement aux températures. Certes, celles-ci devaient pointer bien en deçà du zéro degré, puisque l’Hiver avait effectué son grand retour sur le continent de Westeros.

Ce qui en soi, n’était un secret pour personne, puisque les sauvageons, dans leur sagesse bien à eux, avaient su lire les signes bien avant que ces fichus gens du sud qui, eux, étaient tranquillement installés dans ces régions chaudes, et ce, au sein de leurs grandes maisons de pierres.

Non, la vérité quant à cette impression qui était la sienne, et Har, qu'elle était horriblement oppressante, provenait de cette peur qui prédominait même sur le froid.

C’était là une angoisse constante, dont Tormund ne parvenait pas à se dépêtrer. Une peur sourde, implacable, qui l'avait envahi tout entier, et qui paraissait prendre un malin plaisir à vouloir le ronger de l'intérieur.

Tormund se demandait même si cela n’irait pas empirer jusqu'à ce que la folie vienne pleinement se saisir de toute sa personne.

Le sauvageon pouvait le soutenir, quitte à devoir le jurer devant n'importe quel barral aux larmes de sang, qu'il n'était pas quelqu'un qui venait à ressentir aisément de l'effroi.

Il était même prêt à défier quiconque s'évertuerait à vouloir le faire passer pour un couard. Cependant, Tormund ne pouvait prétendre être rassuré quant à la tournure des derniers événements survenus.

En effet, le Mur, cet obstacle si imposant et qui s'était dressé durant des siècles, tout du moins aussi loin que la mémoire de son peuple en avait le souvenir, cette barrière faite de glace et de magie ancienne et qui, toute sa vie durant, avait symbolisé la frontière entre ces contrées froides qu'étaient le nord du continent et ces terres chaudes plus au sud.

Ce Mur que les sauvageons, lui y compris, avaient souvent rêvé de contempler après avoir écouté tant de récits qui émanaient des plus anciens, et ce, autour des feux de camp qui brûlaient allègrement.

Ce Mur qu'il avait escaladé un nombre incalculable de fois depuis sa douzième année dans le but d'assouvir cette vision fantasmée et d'y opérer des razzias au sein des villages proches.

Ce Mur qui était demeuré tout ce temps un obstacle qui avait empêché les membres de son peuple de se mouvoir loin de leurs ennemis véritables, à savoir les Marcheurs Blancs et leurs cohortes de spectres qui les exécutaient aussi impitoyablement que ne le faisaient l'Hiver et le froid glacial.

Ce Mur ô combien mythique et source de nombreuses légendes.

Ce Mur n'existait tout simplement plus.

Har ! Voilà qui n'était pas tout à fait vrai. Tormund devait lui-même en convenir pour avoir assisté à la chute d'une infime portion de cette barrière de glace.

Cela s'était produit du côté de Fort-Levant, la forteresse la plus orientale de la Garde de Nuit. Le Mur avait fini par s'effondrer sous les assauts répétés du Roi de la Nuit et de sa terrible monture, un dragon mort qui appartenait auparavant à cette reine aux cheveux argentés.

L'être surnaturel avait craché des jets continus de flammes bleues qui différaient de celles de ses semblables, mais les ravages provoqués devaient dépasser de loin les brasiers écarlates.

Pour le reste, le Mur se dressait toujours sous les tonnes de glace qu'il avait fallu employer pour l'ériger. Sauf qu'il était devenu tout à fait inutile puisque les morts pouvaient dès à présent se déverser sur la partie septentrionale du continent de Westeros.

Ce qu'ils avaient d'ailleurs fait sans tarder, agissant sous les ordres de celui qui les avait créés à travers tous ces siècles écoulés, le Roi de la Nuit.

Quant à Tormund, celui-ci avait survécu à cet écroulement.

Par quel miracle ? Har ! Voilà qu'il n'en savait fichtrement rien. Certains de ceux qui l'accompagnaient en cet instant précis avaient remercié les Anciens Dieux. Les autres, lui inclus, savaient très bien qu'ils n'étaient toujours pas hors de danger.

Effectivement, les morts erraient ici et là, vraisemblablement les talonnaient-ils même de près. Alors, et tant bien que mal, Tormund et une dizaine de sauvageons, continuaient-ils tous à progresser droit devant eux, longeant la face intacte du Mur dont la surface glissante était aussi terne que les nuages anthracites qui les surplombaient.

Oh, les onze individus n'erraient pas sans but réel et cette pérégrination était réalisée dans l'expectative de parvenir à atteindre Château Noir, le siège principal de cet ordre qui les avait combattus depuis des temps immémoriaux.

Pour autant, et nul n'osait formuler à voix haute cette funeste éventualité, il était probablement trop tard, le fort de la Garde de Nuit, ainsi que ses membres qui avaient tant pourri la vie du Peuple libre, étaient peut-être tous déjà tombés avant de se relever pour obéir à un nouveau maître.

Néanmoins, une partie de Tormund se refusait à abdiquer, concentrant les efforts de tout le monde sur cet objectif commun qu'il leur avait fixé.

Comme il le leur avait expliqué à maintes reprises au cours des rares haltes qu'ils s'étaient permises, mais qui ne duraient jamais longtemps, il n'y avait pas plus important que d'atteindre Château Noir.

Libérés du Mur, le Roi de la Nuit et son immense armée allaient pouvoir fondre sur un continent de Westeros dont la grande majorité de ses habitants n’avaient pas la moindre idée quant à l’existence de ce danger mortel qui pesait sur chacun d’entre eux.

Il incombait donc à ceux qui avaient miraculeusement échappé à l'éboulement de la muraille de glace, de devoir prévenir le reste du monde de la survenue de cette menace tant redoutée.

C'était là une force implacable qui s'en allait à présent droit à la rencontre de chaque être vivant qui se présenterait à eux et qui, inexorablement, s'en viendrait grossir les rangs déjà conséquents des cohortes de spectres.


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Une courte pause fut ordonnée après ce qui paraissait être une heure de plus au sein de ces conditions exécrables. Après tout, le temps violent et un ciel de plus en plus sombre ne permettaient pas de déterminer si la journée en cours était fortement avancée ou si elle ne l’était pas.

Aussi, Tormund ne pouvait-il affirmer si, oui ou non, la nuit était sur le point de tomber d'ici peu. Toujours était-il, qu'il se sentait exténué, qu'il crevait de faim, de soif et, Har, qu'il avait foutrement froid.

La croûte de glace, qui recouvrait déjà une partie de sa barbe ô combien fournie, s’était même accrue, dominant désormais la teinte rousse.

Ce sort qui était le sien, Tormund le partageait avec tous les autres. Cependant, nul n'osait se plaindre de leurs rudes conditions de voyage. Ils tenaient simplement à survivre, tout en espérant que la silhouette de la forteresse de Château Noir finisse par se découper devant eux.

Tormund toisa chacun de ses compagnons. Il était foutrement heureux de ne pas être seul dans cette expédition qui tenait plus de la mission suicide, qu'autre chose.

Malheureusement, sur les dix sauvageons qui l'escortaient fidèlement, il n'y avait pas la moitié d'entre eux qui faisaient montre d'une bonne santé.

Trois étaient même blessés, et leur fuite éperdue pour échapper au triste sort qu'avaient connu les autres sauvageons lorsqu'ils s'étaient fait écraser par la chute des énormes blocs de glace, n'avait guère arrangé leur triste état.

Une vérité amère s'imposa à lui, une vérité qu'il préféra taire et enfouir au fond de son être pour ne pas saper le moral de ses semblables.

Mais ce que ses lèvres ne prononcèrent pas, son esprit perturbé ne s’embarrassa pas de ses états d’âmes et lui révéla le point suivant : dans le cas où un affrontement devrait se produire, ils ne survivraient pas bien longtemps.

Préférant chasser ses pensées pessimistes, Tormund se focalisa sur ses vis-à-vis. Qu’en était-il des autres membres de son peuple au sujet de ce froid, de cet adversaire invisible, qui les défiait sans cesse ?

Tormund n'était pas plus optimiste s'il devait en juger par les terribles engelures qu'il distinguait sur les pognes de son voisin le plus proche. Il devait en aller de même pour le reste des représentants des gens du véritable Nord.

Jetant un coup d'œil à ses propres doigts, il réalisa bien vite qu'au rythme où allaient les choses, il risquait bien de perdre quelques-unes de ses phalanges avant qu'ils ne parviennent tous à atteindre leur destination. Et que dire de ses orteils qu’il ne sentait plus ?

Tormund avait beau porter des bottes fourrées, il ne parvenait plus à éprouver quoi que ce fût sur ceux-ci, quand bien même s'évertuait-il à les remuer.

Har ! Il espérait néanmoins posséder assez de volonté et un cœur suffisamment vaillant pour réussir à arriver au terme de ce long périple qu'il partageait avec les siens.

La halte s'éternisait toutefois.

Déjà, certains des sauvageons en venaient à requérir que l'on allumât un feu de camp. Malgré une proposition que son être aurait volontiers acceptée, Tormund déclara être contre le fait que cette idée se concrétise.

Devant les molles protestations qui s'élevèrent, Tormund assura que, tel un phare, les flammes permettraient aux morts de s'orienter tout droit vers les rares vivants présents dans cette partie du monde.

Qui plus est, de rester plus longuement sur place saboterait à coup sûr les maigres forces qu'ils possédaient encore, et le trépas aurait tôt fait de les accueillir à bras ouverts.

Ce fut là une décision énoncée par un chef de clan.

Ce fut là un choix qui ne reçut pourtant guère les faveurs de tous.

Simplement, les dix autres avaient conscience que protester serait plus néfaste qu'autre chose, une dépense de force et d’énergie qu’ils se devaient d’économiser pour ne pas entraver leurs mouvements déjà pénibles à effectuer sans en rajouter une couche.

De plus, ils devaient rester unis pour pouvoir survivre.

Aussi, la longue et pénible marche reprit son fil, tandis qu'autour d'eux, le vent s'accentuait, leur cinglant le corps via ses lames glaciales et plus mortelles qu’aucun métal forgé par la main de l’homme.


********************


Le groupe progressait toujours en direction de l'ouest, le tout à une allure qui variait selon les heures ou qui différait selon leur volonté à toujours effectuer un pas après l'autre.

Et les choses allèrent ainsi durant les jours qui suivirent.

Combien d'entre eux s'écoulèrent exactement ? Trois ? Quatre ? Davantage ? Voilà bien un élément que Tormund ne pouvait déterminer. Tout ce qu'il pouvait maintenir avec ferveur, c'était que le groupe tout entier avait fort peu dormi depuis l'instant où les sauvageons s'étaient remis en branle.

L'unique point positif, si tant est qu'il pouvait y avoir une lueur d'espoir en ce bas monde, provenait des conditions climatiques. La tempête qui les escortait jusque-là s'était légèrement atténuée, permettant dès lors de distinguer plus aisément le décor environnant.

Malgré tout, outre le fait que la forteresse de Château Noir n'était toujours pas visible, la neige compacte qui s'étirait partout à la ronde, et ce, sous forme de congères à hauteur variable, mais dont la majorité d'entre elles les dépassait franchement de plusieurs mètres, s'échinait à entraver leurs mouvements.


« Har, grommela Tormund dans sa barbe rousse, ce n'est pas un peu de neige qui va nous ralentir, pas vrai ? »


Il avait prononcé ces mots à l'instant même où de nouveaux flocons commençaient à choir depuis les cieux chargés de nuages et qui continuaient à s'assombrir.

Il semblait que ce qu'on racontait sur le Roi de la Nuit, au sein des légendes du passé qui s'étaient transmises oralement, soit véridique et que ce dernier paraissait bel et bien apporter la Longue Nuit dans son sillage.

Toujours était-il que les sauvageons ne redoutaient pas particulièrement la neige. Assurément, c'était là un élément que l'on retrouvait partout dans le nord véritable. Et hormis quelques régions qui permettaient des cultures une partie de l'année, à l’instar de Durlieu et des terres avoisinantes, tout le reste disparaissait sous la poudreuse blanche.

Dans certains endroits fort reculés, où nul homme n'y aurait jamais mis les pieds, pas même les redoutables Thenns, les rumeurs affirmaient que l'Hiver y durait continuellement.

Et Tormund et les siens donnaient volontiers du crédit aux mythes qui circulaient sur ces terres lointaines.

Une seule certitude persistait : le Roi de la Nuit y aurait son siège.

Et d'autres entités, plus anciennes encore, y séjourneraient elles aussi, des choses sans nom et que nul être vivant n'avait jamais contemplées.

Dans tous les cas, la neige n'était pas le seul motif quant à la lenteur qui s'appesantissait sur le groupe. Effectivement, depuis leur dernière halte, ils avaient rencontré par deux fois des groupes de spectres aux yeux luisants d’un éclat bleuté ô combien caractéristique.

Les sauvageons n'avaient pourtant pas pu affirmer ou infirmer si ces assauts signifiaient que l'armée tout entière de leur adversaire était bel et bien sur leurs talons, ou s'il ne s'agissait là que de simples escarmouches liées à des troupes disséminées ici et là, en quête de ceux qui auraient survécu à la chute de Fort-Levant.

Pour ce qui concernait directement l'opinion de Tormund, il était hors de question pour eux de s'arrêter plus que quelques précieuses secondes pour avoir le cœur net quant à la résolution de ce mystère.

Jusqu'à présent, les onze hommes avaient tous eu de la chance que leurs ennemis ne fussent pas en assez grand nombre pour leur nuire.

Toutefois, le Roi de la Nuit ne les laisserait pas indéfiniment s'en tirer à si bon compte, et de sacrifier des spectres qui pourraient s'avérer utiles dans la guerre qu'il escomptait mener contre l’ensemble des vivants.

Pas seulement sur Westeros, mais sur toutes les terres dont les noms n’évoquaient rien pour Tormund si ce n’est des territoires exotiques qu’il ne verrait jamais.

Ses forces demeuraient tout de même amplement supérieures à n'importe quelle armée de Westeros, quand bien même les humains parviendraient-ils à regrouper toutes leurs factions en une seule faction commune.

Mais Tormund était prêt à croire que leur adversaire ne restait pas oisif et qu'il entreprenait déjà à accumuler de nouvelles recrues, venant ainsi grossir des rangs déjà plus que conséquents.


********************


Bien avant les attaques de ces derniers jours, Tormund avait déjà combattu à plusieurs reprises les sbires du Roi de la Nuit. Har ! Il se souvenait de chacune de ces rencontres et de ceux qui, contrairement à lui, n’étaient pas parvenus à en réchapper.

Les deux dernières s'étaient produites respectivement du côté de Durlieu, un fief important du peuple sauvageon, puis lors de l'expédition qui avait été menée au-delà du Mur.

Sur cette dernière, il s’était trouvé en compagnie de son ami Jon Snow et de plusieurs autres gars. Malgré leurs différences, tous étaient animés d'un même objectif. Celui-ci consistait à ouvrir les yeux des dirigeants de Westeros quant à la menace qui s'apprêtait à fondre sur tout le territoire.

La pensée de ses précédents compagnons de voyage lui fit souvenir que deux d'entre eux étaient restés à ses côtés à Fort-Levant.

Il y avait tout d'abord ce jeune gamin. Har ! Il ne se rappelait plus le nom de ce freluquet.

Tout ce que Tormund savait, c'était que celui-ci était dans un état pitoyable après avoir couru dans le froid sur des kilomètres et des kilomètres. Le tout pour apporter la nouvelle à cette reine des dragons quant à la terrible tournure catastrophique qu'avait prise l'expédition menée par Jon Snow, l'ancien Lord Commandant de la Garde de Nuit, devenu Roi du Nord depuis lors.

Mais maintenant qu'il y réfléchissait, le gosse était déjà reparti depuis belle lurette. Ce départ s'était produit un peu plus de deux jours avant la chute du Mur. Le môme qui voulait tant regagner Winterfell.

De l'avis du sauvageon, ce gosse tenait surtout à fuir les froides températures qu'on trouvait du côté de Fort-Levant.

Tormund se prit à espérer que l'autre fût bel et bien parvenu à trouver refuge sur son lieu de prédilection, et qu'il fût ainsi sauf, loin des morts, loin des Marcheurs Blancs, loin du terrible Roi de la Nuit.

Tout du moins, pour un temps.

Malgré le jeune âge de ce garçon, Tormund se souvenait que l’intéressé s'était battu avec vaillance. Et il fallait bien une certaine dose de courage, voire surtout de l’inconscience, pour oser se porter volontaire pour aller à la rencontre des spectres et des terribles lieutenants de leur ennemi juré.

Et ça, c'était un point que Tormund respectait grandement.


« Il ferait probablement un excellent sauvageon, affirma Tormund Fléau-d'Ogres. »


De là à le faire épouser une de ses filles ? Certainement pas. En tant que papa poule, une personnalité qui dénotait et qui surprenait ceux qui ne s’attendaient pas à le voir agir de cette façon, nul prétendant n’était assez bien pour celles qui étaient le plus chères à ses yeux.


« Enfin peut-être bien Jon Snow. »


Ce qui n’était pas gagné pour autant, Tormund se remémorait que trop bien de l’éclat qu’il avait décelé dans le regard de son ami lorsque le sauvageon avait évoqué cette reine qui avait trois gros dragons.


« Enfin non, elle en n’a plus que deux. »


Mais il était vrai que de tous les hommes qu’il connaissait, Jon était bien l’unique qui pourrait satisfaire les exigences de Tormund.


« Dire qu’à une époque j’aurais pu le tuer pour être un putain de corbeau. »


Soudain, suite à cette série de réflexions ô combien incongrues, Tormund fut pris par un rire gras quant au destin qui avait mené les deux amis d’une franche défiance liée à leurs deux clans, à une profonde amitié au point de parler de Jon comme d’un potentiel futur gendre.

Un rire qui attira l'attention de ses compagnons d'infortune qui devaient croire qu'il avait perdu la raison à force de manque de sommeil.

Se contenant, non pas en dépit de ce qu'ils pourraient penser, mais davantage dans la crainte de se faire repérer par les spectres, Tormund garda le silence pour se recentrer sur ses réflexions.

En second, parmi ceux ayant accompagné Jon et Tormund et de ceux à n’avoir jamais quitté Fort-Levant, venait ce barbu dont la lame de l'épée se parait de flammes rougeoyantes.

Si sa mémoire ne lui jouait pas des tours, l'individu en question se nommait Béric quelque chose. Un seigneur dont les terres se situaient bien bien loin au sud, au-delà de Winterfell, peut-être même proche de là où les déserts étaient de sables et non de neiges, pour ce que Tormund pouvait en savoir, c’est-à-dire pas grand-chose.

Malheureusement, Tormund ne pouvait se souvenir si, oui ou non, celui-ci avait survécu à la destruction du fort.

La seule certitude, c’était que lors de la chute du Mur, ils étaient ensemble au sommet de cette barrière de glace, assistant impuissants à cet effroyable spectacle.

Puis, lorsqu'ils avaient entamé la longue, lente, pénible et dangereuse descente, ce Béric était toujours là, le devançant même de quelques mètres.

Dès lors, quand donc Tormund avait-il perdu sa trace ?

Har ! Cela, il l'avait oublié quand bien même cherchait-il à répondre à ce mystère qui le forçait à se creuser la tête dans un exercice de réflexion particulièrement douloureux.

Si les morts étaient parvenus à les séparer, alors ce fichu gars avait probablement rejoint leur rang depuis lors.

À moins qu'il ne fût revenu à la vie.

Tormund n'avait pas tout compris au sujet des explications fournies par Béric et tout ce que celui-ci lui avait raconté sur son histoire.

C’était là un récit décousu au sujet d'un Dieu de la Lumière, au nom imprononçable, et qui était celui qui avait ramené également Jon Snow, d'un prêtre bizarre, celui qui les avait accompagnés au-delà du Mur, mais n'en était jamais revenu, et qui, à en croire Béric, l'avait ramené de la mort non pas une fois, mais six. Six fois !

S'il n'avait été lui-même le témoin de la résurrection miraculeuse de son ami Jon, Tormund aurait juré par les Anciens Dieux que tout ça n'était qu'une simple mauvaise blague de très mauvais goût, ou que c'était là l'œuvre du Roi de la Nuit.

Aujourd'hui, il pouvait cependant l'admettre, il y avait là de quoi flipper quant à ce Dieu étranger qui paraissait posséder des pouvoirs proches de ceux de cet adversaire qui menacé non seulement l’existence des sauvageons, mais celle de tous ceux qui, comme l’avait dit Jon, respiraient.

Car, après tout, Snow lui-même était en quelque sorte un mort qui marche.

Tout comme Béric.

La différence provenait du fait que les deux pouvaient réfléchir et agir de leur propre chef, et qu'ils avaient l'air foutrement vivants et conscients de leur statut.

Tout du moins, autant que l'était Tormund.


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Tout entièrement focalisé sur ses pensées moroses, Tormund ne réalisa pas tout de suite que quelqu'un l'interpellait, pas plus qu'il ne pût déterminer la teneur des propos que l'autre venait de proclamer à son intention.

L'intéressé, un gars d'imposante carrure, en plus de ses fourrures, et doté d'une barbe si fournie que seuls ses yeux gris demeuraient visibles, pointa du doigt quelque chose qui se profilait derrière eux.

Instantanément, Tormund pivota, ses pognes serrant déjà le manche de sa hache en verre-dragon, un cadeau de Jon Snow lors de sa venue à Fort-Levant juste avant qu'il ne lui expose son plan quant à une expédition qu'il escomptait conduire au-delà du Mur dans l'optique de capturer un des spectres du Roi de la Nuit.

Un soldat mort qui devait servir à convaincre ces deux reines étrangères quant à la véracité de cette menace qui planait non seulement sur l'ensemble de Westeros, mais aussi sur toutes les terres connues et inconnues.

Comme il était attendu que les choses iraient de la sorte, plusieurs silhouettes progressaient à vive allure. Et que ce fût la neige ou encore le blizzard, aucun d'eux ne paraissait les perturber plus que cela.


« Har ! Ils auraient pas pu nous oublier, ceux-là ? »


Malheureusement, et sans réelle surprise, tel n'était pas le cas.

Et ce furent donc plusieurs dizaines de cadavres ambulants qui s'apprêtaient à fondre sur eux. Qu'ils l'aient entendu s'esclaffer ou que cette rencontre ne fût qu'un malencontreux hasard, Tormund ne pouvait avoir de certitude sur la raison qui les obligeait à lutter.

Tout ce qui comptait, c'était que Tormund pesta dans sa barbe contre cette sensation de fatigue qui l'accaparait déjà et qui voulait le faire capituler pour accepter ce funeste destin qui l'attendait.

Le sauvageon ne se sentait pas à même d'avoir la force nécessaire pour mener un long affrontement. D'autant plus lorsqu'il avait constaté de ses propres yeux à quel point les spectres étaient bien trop nombreux pour que la victoire fût dans leur camp.

Tout du moins, sans être acquise au prix d'un grand sacrifice parmi les onze qui avaient échappé à la catastrophe de Fort-Levant.

Cette conclusion était bien loin de le satisfaire, d'autant que le représentant du Peuple libre ne pouvait déterminer si oui ou non, d'autres morts étaient postés dans les environs, prêts, eux aussi, à batailler contre les quelques vivants que formait le groupe de Tormund.

Comment les membres de celui-ci pouvaient-ils espérer sortir vainqueurs d'un tel combat ?

Toutefois, la situation pouvait prendre des accents bien plus désespérés si véritablement le Grand Ennemi, c'est-à-dire le Roi de la Nuit, se décidait à leur envoyer un de ses lieutenants.


« Y a-t-il un Marcheur Blanc dans le lot ? » interrogea-t-il à la cantonade.


Nul n'était dans la capacité de lui apprendre quoi que ce fût quant à la présence ou non de l'un d'entre eux. Si tel devait être le cas, les événements deviendraient carrément catastrophiques, sans aucune échappatoire possible.

Un cri perçant retentit alors parmi les dix individus à ses côtés. D'autres forces maléfiques arrivaient par l'ouest et le sud.


« Par les Anciens Dieux, pria silencieusement Tormund. Qu'ils nous viennent tous en aide. »


Il n'était pas un homme à solliciter verbalement le concours des puissances supérieures, se contentant de vœux énoncés par la pensée.

Seulement, les conditions actuelles le forçaient à se résoudre à toutes les formes de secours envisageables et susceptibles de les dépêtrer de cette embuscade.

Et étant donné qu'il n'y avait pas le moindre barral qui se dressait dans les parages, Tormund doutait que sa requête fût entendue par ceux à qui elle était destinée.

Dans tous les cas, l'assaut avait débuté.

Que ce fût avec ou sans ces Anciens Dieux, il lui faudrait ferrailler coûte que coûte. Aussi, le fracas des armes s'éleva-t-il bientôt dans le froid de l'Hiver, le métal résonnant contre le métal ou, dans son cas, contre le verre-dragon.

Har ! Que c'était là une chance que lui-même fût l'un des meilleurs combattants de tout son peuple. Hélas, les températures glaciales rendaient ses mouvements lents et son état d'épuisement ne lui permettait pas non plus d'user de toute sa véritable puissance.

Tormund n'était cependant pas enclin à abdiquer, pas à présent qu'il était sur sa lancée dans la course à la survie. Aucun roi n'aurait pu le contraindre à baisser les bras. Ce n'étaient donc pas de simples spectres qui y parviendraient.


« Har, certainement pas ! »


Vaillant comme l'étaient tous les sauvageons, Tormund para et frappa en retour. Encore et encore. Ses compagnons, le voyant ainsi à l'œuvre, s'empressèrent de prendre exemple sur sa personne.

Un, deux, trois, quatre adversaires gisaient déjà à ses pieds chaussés d'épaisses bottes en fourrure de peau de rennes. Ce fut à ce stade que son groupe perdit son premier membre.

Har ! Au rythme où allaient les choses, ils risquaient tous d'y laisser leur peau avant d'avoir entraperçu ne serait-ce que l'ombre d'un espoir de survivre.

Et les morts, indifférents aux émotions humaines, arrivaient toujours plus nombreux.

Bien que conscient qu’il fallait rester focalisé sur ce qu’il faisait, Tormund fut soudainement saisi par des flashs parasitaires. Des images de son passé où il se revit du côté de Durlieu.

Là, maints gens qui appartenaient à son peuple étaient tombés les uns après les autres, par dizaines, puis par centaines, avant de se redresser, les yeux désormais bleus pour témoigner de leur nouvelle allégeance auprès du Roi de la Nuit.

Sans l’aide de Jon Snow et des navires que celui-ci avait pu obtenir pour libérer le peuple de Tormund, il était fort probable que les sauvageons n'existeraient tout simplement plus.


« Les Thenns ont disparu. »


Tormund n’allait certainement pas pleurer la perte de ces cannibales.

En revanche, il était plus peiné par les morts de gens qu’il avait respectés, comme la meneuse Karsi qui avait laissé derrière elle deux jeunes orphelines.

Et à présent que les spectres et les géants avaient franchi le Mur, leur destin à tous paraissait inéluctable. Tormund ne pouvait concevoir qu'ils avaient survécu tant de siècles pour disparaître ainsi de la surface de ce monde.

Aussi, Tormund continua-t-il à guerroyer, pas uniquement dans l'optique de sauver sa propre personne, non. Il luttait avant tout pour laisser une chance aux siens de survivre et de profiter d'un futur auquel ils avaient des droits à faire valoir.

Sauf que pour que cela se fasse, encore fallait-il qu'il parvienne à avertir le monde de l'approche de cette menace sans pareil, jusque-là tout du moins, dans l'histoire de l'humanité.

Trois nouveaux pantins du Roi de la Nuit tombèrent sous ses frappes. Bien que pour l'heure, ceci ne permettait pas d'établir une quelconque différence devant l'issue du combat qui paraissait déjà avoir choisi son camp.

En effet, sitôt que l'un d'entre eux chutait, cinq autres s'empressaient de venir le remplacer, faisant montre de plus de virulence dans leurs tentatives d'exterminer ceux qui respiraient toujours l'air frais et hivernal qui soufflait le long du Mur.

Qui plus est, la situation empira lorsqu'un autre de ses frères d'armes trépassa dans un cri d'agonie.


« Espèce de saloperie de morts, éructa Tormund Fléau-d'Ogres. »


Ses yeux luisaient d'une folie démente et paraissaient promettre mille enfers à ses assaillants.

Et pour ce faire, Tormund effectua de grands moulinets qui firent tournoyer sa hache en verre-dragon, tranchant plusieurs membres dont plus aucun sang ne coulait dans les veines depuis déjà bien longtemps.

Qu'ils fussent de simples os ou qu'ils fussent pourvus de rares lambeaux de chair, tous produisaient le même son mat en atterrissant dans la poudreuse blanche qui arrivait à hauteur des chevilles.

Tormund réalisa bien vite qu'il était devenu le point central de l'attention de ses ennemis lorsque ceux-ci se mirent bille en tête de converger de concert dans sa direction.

Son bras droit fut agrippé une première fois et il se dégagea tant bien que mal. La fois d'après, la poigne se fit plus ferme et la torsion exercée fut telle que le sauvageon s'interrogea sur le temps que cela prendrait avant que ses os ne craquèrent.

Ne pouvant plus supporter la douleur croissante, il laissa choir sa hache dans la neige. Har ! Quelle regrettable erreur venait-il de commettre par ce geste imprudent. Le pire était qu'il en avait parfaitement conscience, sans pour autant pouvoir faire autrement.

Malheureusement pour Tormund, ce coup-ci, il ne pourrait pas s'appuyer sur ce géant à la face brûlée pour empêcher que ne sonnât sa dernière heure.

Sachant sa fin proche, Tormund ne pensa pas aux siens, ni à ses deux filles qui l'attendaient sagement dans le camp où son peuple avait trouvé refuge une fois que Jon Snow les avait tous fait traverser le tunnel sous le Mur à hauteur de Château Noir.

Pas plus qu’à son ami qui avait été le Commandant de la Garde de Nuit avant de devenir le roi du Nord. Non, ses réflexions le portèrent une fois de plus vers cette grande beauté aux yeux bleus.

Brienne.

Har ! Ils auraient été foutrement beaux leurs gosses qu'ils auraient pu avoir ensemble. De véritables petits géants aux cheveux roux. Tormund était prêt à le parier que les choses auraient pris une telle tournure.

Et ces rejetons auraient fait fondre bien des cœurs. Ah ça oui. Comme leur papa avant eux. Simplement, pour cela encore aurait-il fallu que cette donzelle témoignât du même intérêt qu'il lui portait continuellement.

Bah, peut-être qu'en découvrant le sort qui allait être le sien d'ici peu, cette Brienne finirait par éprouver un sentiment de tristesse et d'amertume d'avoir laissé passer sa chance.

Après tout, ce n'était pas tous les jours que l'on croisait la route de quelqu'un de baisé par le feu, s'étonna de plaisanter Tormund.

Oh, il était vrai d'affirmer qu'il serait toujours là.

Plus ou moins.

Enfin, d'une certaine manière, pouvait-il même déclarer. Tormund serait tout simplement un spectre comme l'étaient devenus des milliers d'autres individus avant lui.

Un destin ô combien funeste. Mais, Har, que pouvait-il donc faire pour contrer cette sombre magie qui l'animerait d'ici peu au-delà de sa propre volonté ?


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Tout à coup, et tandis que sa situation paraissait de plus en plus désespérée, quelque chose attira cependant son attention.

C'était là une lueur à la teinte orangée, qui paraissait virevolter en tous sens. Cette vision lui rappela vaguement quelque chose, et il lui fallut une demi-douzaine de secondes avant que la lumière ne fît le jour dans son esprit.

C'était l'épée de feu. L'épée de Béric Dondarrion.

Le borgne avait donc survécu pendant tout ce temps ? Tormund en ressentit un profond sentiment de gratitude et il remercia mentalement les Anciens Dieux.

Peu après, Béric fit lui-même son apparition, sa silhouette paraissant nettement se découper au sein de la neige environnante. L'homme plongea instantanément dans la mêlée, paré à en découdre avec tous les morts.

Il ne venait pas seul toutefois, une quinzaine de membres de sa Fraternité le talonnaient de près. Tout comme leur chef, eux aussi ne tardèrent pas à faire jaillir les flammes qui vinrent lécher les lames de leurs flamberges.

Les sauvageons qui avaient survécu jusque-là, cinq étaient tombés sur les dix compagnons de Tormund, perçurent eux aussi une sensation nouvelle étreindre leur cœur.

Tous étaient ragaillardis par cet arrivée inattendue, et ils en retrouvèrent des forces nouvelles.

Tormund se dégagea du spectre qui s'échinait à vouloir lui briser les os du poignet, ramassa son arme, et avec tout ce monde autour de lui, il récidiva ses actions précédentes en se jetant dans la bataille.

Quelques minutes passèrent ensuite.

L'armée des morts n'arrivait plus. Sans doute ne s'étaient-ils pas attendus à ce que la situation leur échappât. Et bien que les vivants comptassent trois pertes supplémentaires parmi les individus liés à Béric, au bout du compte, ils étaient encore dix-neuf à demeurer debout à l'issue du combat.

Cinq sauvageons, douze membres de cette Fraternité, et leurs deux chefs.

Tormund rejoignit Béric sur-le-champ.


« Har ! On peut dire que c'était moins une, clama-t-il sur un ton tonitruant. »


Il porta une grande claque amicale dans le dos de son sauveur qui ne vacilla pas pour autant malgré toute la force qu'avait mise Tormund au niveau de ce geste.


« En effet, lui concéda Dondarrion d'une voix posée qui contrastait avec celle du sauvageon. Il est toutefois préférable de reporter les réjouissances à plus tard. M'est avis que d'autres spectres pourraient survenir incessamment sous peu. »


Après un bref silence funeste, Béric ajouta des mots qui firent frissonner toute l'assemblée et que Tormund aurait préféré ne pas entendre.


« Ou pire, des Marcheurs Blancs, compléta-t-il après un silence funeste. »


Ainsi, et sans guère tarder à prendre le temps nécessaire pour récupérer un peu de leurs péripéties ou de panser leurs plaies, Tormund et tous les siens se remirent en route après avoir brûlé aussi bien les dépouilles de ceux tombés au combat, que les restes appartenant aux spectres.

Une telle opération visait deux buts. Le premier, empêcher les leurs ne deviennent des marionnettes à la solde de ce Roi de la Nuit, un destin qu'aucun sauvageon n'aurait souhaité voir survenir.

Le second, éviter que l'ennemi ne continuât à grossir ses forces en présence et qu'il accumulait dans l'optique d'asservir tout le continent de Westeros.

Dans tous les cas, les sauvageons n'étaient plus seuls désormais à arpenter cette région septentrionale. Des membres de la Fraternité sans Bannières s'en venaient à leurs côtés.

Et tous étaient désormais unis dans un seul et même but, atteindre Château Noir dans les plus brefs délais.

Là était placé leur seul espoir, eux qui étaient porteurs d'une terrible nouvelle, mais qu'ils allaient pourtant devoir annoncer au reste du monde.

Et tandis que toute cette assemblée progressait dans la poudreuse blanche, à quelques jours de leur position, les morts avançaient eux aussi dans les terres du Nord.

Leur déplacement était malgré tout bien plus lent. Le Roi de la Nuit n'était pas pressé, confiant quant à sa puissance et à l'inéluctabilité de la Longue Nuit et du sort qu'il comptait réserver à chacun des Ouestriens.

Car, telle une gigantesque vague dévastatrice, bientôt des milliers de spectres déferleraient sur toutes les contrées de Westeros, depuis le Nord, en passant par les terres de l'Ouest, et ce, jusqu'au désert de Dorne, nul ne serait à l'abri tant que cette menace séculaire subsisterait.






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