Beauty and The Hound / La Belle et le Limier

Chapitre 3

1802 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:27

            "Elya, viens manger…". Je sursautai en entendant la voix de mon père. Je m'étais endormie après avoir bandé toutes ses blessures. Il ne me restait plus que celle à la jambe, qui était impressionnante. Je me frottai les yeux et acquiesçai en me levant, laissant le blessé endormi. Mon père avait cuisiné les lapins. L'écureuil n'était apparemment pas comestible… L'hiver allait être rude. Le repas se passa en silence. Un silence pesant, dû à l'arrivée du Limier dans notre maison. J'étais persuadé qu'il pensait à lui autant que moi. Quelle sera la tournure des évènements une fois qu'il sera rétabli ? Que ferions-nous si jamais quelqu'un découvrait qu'on le cachait ici ?

  • Est-ce que ça ira pour demain ? demanda mon père en avalant une cuillère de ragout.
  • Pour demain ?
  • Je dois vendre deux chevaux à Beaumarché.
  • Oh oui, ne t'inquiètes pas. Il est trop faible pour faire quoi que ce soit.
  • J'aimerai qu'à mon retour il ne soit pas là…

            Je baissai la tête. Depuis la mort de ma mère, mon père faisait très attention à moi, et à ce que je désirais. Il ne m'imposait rien, je devais décider par moi-même. Il en était de même pour le Limier. Soit il restait, soit je l'abandonnais. Aucune des deux idées ne m'enchantait, mais je savais que je ne pourrai pas vivre avec la seconde sur la conscience. Je le resservis en lapin, préférant m'abstenir de toute réponse et entendis un murmure provenir de la chambre. Je me levai en vitesse et partis voir le blessé. Sa fièvre était toujours présente… Je changeai le linge sur son front et écartai les cheveux de son visage.

  • A boire…

            Je me tournai vers la gourde de vin et l'attrapai. Je ne savais pas si c'était une bonne chose de le laisser s'abandonner à l'alcool, mais après tout, peut-être qu'il s'agissait de sa dernière faveur. Je l'aidai à se redresser malgré sa douleur, et le fis boire doucement. "Vous voulez boire le bouillon du lapin ? Je préfère que vous n'avaliez rien de consistant vu vos blessures.". Il plaqua aussitôt la main sur son cou à mes mots, et constata le bandage. Il garda la bouche entrouverte, comme perdu.

  • J'ai cautérisé la plaie, tout va bien. Et pour l'estomac, il n'a pas été touché. Vous mettrez du temps à guérir, mais vous allez survivre.

            Il acquiesça sans un mot, repensant sans doute aux flammes de tout à l'heure. Je me levai pour lui ramener du jus de ragout, sous le regard désapprobateur de mon père. J'arborai un air désolé, ne pouvant pas faire grand-chose d'autre. J'apportai la nourriture au Limier et le regardai manger. Il était déjà moins pâle, c'était une bonne chose… Il se jetait sur le bol et je voyais le bouillon couler sur sa barbe. Cela devait faire des jours qu'il n'avait rien avalé. "Encore ?" demandai-je avec un sourire amusé en le voyant lécher le fond. Il me tendit le récipient hâtivement, et je me levai pour le resservir. Je restai quelques secondes à le détailler, et finis par dire d'une voix calme "Je m'appelle Elya, de la Maison Guède.". Il répondit par un grognement guttural, dévorant toujours autant le ragout. Je me mordis la lèvre et suppliai en lui tenant le bras :

  • Je vous en prie Seigneur Clegane, ne nous tuez pas…

            Il s'arrêta de manger et me fixa longuement, avant de finir son bol. "Je suis pas un Seigneur.". Il reprit une gorgée de vin, la mine sombre, et j'argumentai :

  • Nous sommes des gens sans histoire mon père et moi. Nous ne dirons à personne que vous étiez là, vous avez ma parole.
  • Et que vaut la parole d'une gamine ?
  • Cette gamine vous a sauvé la vie.
  • Qui t'a dit que je voulais être sauvé ?
  • Vous auriez préféré mourir ?

            Il ne répondit pas.

  • Dans ce cas vous auriez dû le dire dès le départ plutôt que de me sauter à la gorge !

            Il ne disait plus rien. Je soupirai en reprenant le bol et me levai pour faire la vaisselle. Mon père marcha vers moi, aidé de sa canne, et me tendit une couverture pour passer la nuit. Je le remerciai avec un sourire et l'étreignis. "Bonne nuit Elya. Fais attention à toi.". J'acquiesçai en lui souhaitant la même chose et continuai de laver les écuelles. Il fallait que je finisse de soigner le Limier… Je rangeai les bols et repartis vers ma chambre après avoir vérifié que mon père était bien dans la sienne.

  • Vous savez que je n'aurai rien à gagner en vous dénonçant.
  • Et tu sais que je n'aurai rien à gagner en vous laissant la vie sauve.

            Je déglutis. Je devais être plus prudente… Je me tournai vers la table de ma chambre, où étaient posés mes couteaux, afin de me protéger au cas où. Ils n'étaient plus là. Mon sang se glaça et je fis volte face vers le blessé qui arborait un sourire satisfait, dévoilant toutes ses dents. Il les avait… "Ferme la porte.". Je tremblais comme une feuille. J'avais envie de hurler pour prévenir mon père, de m'enfuir à toutes jambes, de remonter le temps et le laisser pourrir… Il réitéra son ordre, sèchement, et je m'exécutai, les larmes aux yeux. Il me montra la chaise à côté du lit, je m'installai dessus, morte de peur.

  • Qu'est-ce que tu disais déjà ? Que tu me les couperais ?

            Son sourire s'agrandissait. Je perdais pied, assise, le regard vague. Les larmes coulaient sur mes joues. J'allais mourir ici, cette nuit, et personne ne pourra venir me sauver. Il me montra sa jambe d'un signe de la tête. "Soigne la.". Je pleurais, incapable de bouger, prise de sanglots incontrôlables, me remémorant la mort de ma mère quelques années plus tôt. Je tombai à genoux et m'exécutai comme je pus, essayant de faire abstraction de mes peurs. Il me fixait, sans un mot, une expression neutre sur son visage. J'appliquai de l'onguent et bandai la plaie par-dessus le pantalon. "Va me rechercher du vin.". Je pris la gourde et partis vers la pièce commune, fixant la porte de la chambre de mon père. Que devais-je faire ? Le prévenir et risquer de mettre sa vie en péril ? "Alors ce vin ?! Il vient ?!". Je fermai les yeux et remplis la gourde, la gorge nouée, avant de revenir vers mon ravisseur.

            Plus je le détaillais et plus je le craignais. Ses cicatrices, son visage brûlé… Tout cela n'était que vestiges de son passé. Il avait finit par se caler dans le fond de mon lit et somnoler, la gourde dans une main, mes couteaux dans l'autre. Il était confiant, sans cela il aurait pris la peine de m'assommer ou de m'attacher. Je me levai de ma chaise, sans un bruit, et marchai à pas de loup vers lui. Je tendis la main vers mes lames, sans quitter son visage du regard. "Tu n'as qu'une chance, si tu la loupes c'est moi qui te tues.". Il ouvrit son œil droit, perçant, à l'affut du moindre de mes mouvements. Je me redressai et mentis, d'une voix claire :

  • Je vérifiais vos bandages.
  • Tu n'es pas la première personne qui tente de me tuer dans mon sommeil, mais tu es de loin la moins crédible.
  • Qu'est-il arrivé aux autres personnes ?
  • Je les ai toutes tuées.

            Je baissai la tête, tremblante et nauséeuse. La moitié de la nuit s'était écoulée. J'avais trop peur pour m'endormir. Il se cala à nouveau correctement et ferma les yeux avant de grogner : "Je te tuerai pas cette nuit, tu peux dormir. Mais si j'entends que tu cherches à partir, j'égorgerai ton père.". J'acquiesçai, morte de peur, et le regardai somnoler, les sens en éveil. Je pourrai m'enfuir demain, dans la journée, une fois mon père parti. Sur ces pensées, je laissai mon esprit vagabonder et entrer dans un sommeil tourmenté.

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