Beauty and The Hound / La Belle et le Limier

Chapitre 4

1330 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:41

            Le réveil fut brutal. J'avais l'impression d'avoir été frappée à coups de masse sur la tête. Tout tournait autour de moi… Je me redressai et me frottai les yeux afin de voir mon ravisseur. Il avait le teint pâle et transpirait à grosses gouttes. Je me précipitai sur lui et posai une main sur son front. Il était brûlant. Il ouvrit les yeux, suffoquant, et je changeai son linge en essayant de le rassurer. "Tout va bien, ça va aller. Laissez-moi voir vos blessures.". Je retirai la bande autour de son cou et constatai que le problème ne venait pas de là. Son regard fuyait dans tous les sens, il avait peur. Je soulevai le drap pour examiner son torse et blêmis en voyant une immense tâche noire autour de la plaie de l'abdomen. J'avais la peur au ventre, et expliquai en tentant de garder mon calme :

  • Vous avez fait une hémorragie. Je vais devoir faire une saignée et évacuer le sang. Vous devez me rendre mon couteau.
  • Pour que tu me tues ?
  • Ne rien faire serait moins fatiguant et le résultat serait le même ! Donnez-moi un couteau !

            Il soutint mon regard sans un mot et je lui en arrachai un des mains, le calant entre mes dents. Je retirai la bande et grimaçai en voyant l'état de la plaie. Je libérai ma bouche et demandai : "Vous voulez du lait de pavot ?". Il fit non de la tête après une légère hésitation. Ce serait tellement plus simple… Je touchai doucement la peau brûlante au niveau de l'hématome, ce qui le fit hurler de douleur. Je levai les mains en signe d'abdication et les plaçai sur mes genoux, réfléchissant.

  • Vous savez, je vais devoir cautériser la plaie, c'est sans doute pour ça que c'est infecté. Ce sera rapide, vous ne sentirez rien.
  • Non.
  • Prenez du lait de pavot, vous ne serez conscient de rien !
  • Non !
  • Vous êtes vraiment un enfant !

            Ni une ni deux il m'attrapa les cheveux et plaqua mon autre couteau sous la gorge. Mon cœur battait la chamade et je levai les mains avec un air désolé. Il me relâcha et je me massai le cou en reculant un peu. Il était rapide malgré ses blessures, et totalement imprévisible. Je me réinstallai sur la chaise, attendant qu'il se calme. J'avais envie de lui dire qu'il était susceptible mais cela  ne me semblait pas être une bonne idée…

  • Allez-vous me tuer aujourd'hui ? demandai-je.
  • J'sais pas.
  • Vous avez besoin de soins, soupirai-je en passant une main dans mes cheveux. Vous avez bien vu que je n'étais pas une meurtrière, je ne vous tuerai pas, je cherche juste à vous aider.
  • Dans quel but ?
  • Dans le but d'avoir bonne conscience. Quand vous voyez un homme blessé sur le bord d'un chemin, ne vous arrêtez-vous pas ?
  • Si, pour le tuer.

            Je marquai un temps d'arrêt, cherchant à savoir si j'étais vraiment surprise ou non. "Combien d'hommes avez-vous tué ?" questionnai-je en me relevant pour préparer la mixture de l'onguent sur la table de ma chambre. Peut-être se souvenait-il du nombre, ou de la mort de chacun d'eux…

  • Trop pour que je puisse compter.
  • Vous avez des regrets ?

            Il me toisa un instant et reprit une rasade de vin en détournant les yeux. "Celui de ne pas t'avoir tué hier. J'aurai pu éviter ces questions idiotes. Viens me soigner, ma blessure me démange.". Je repris place à côté de lui, écrasant des herbes dans un mortier, mélangées à du miel et de l'huile de rose. Il regardait ce que je faisais avec minutie et méfiance. Comment une gamine de dix-sept ans pourrait tuer un homme de cette envergure ? "Vous sentez-vous assez fort pour que je fasse une saignée ?". Je glissai mon index sur son flanc droit, à l'opposé de la blessure, pour lui montrer où je pratiquerai l'incision. Il acquiesça en serrant la mâchoire et répéta qu'il ne voulait pas de feu. J'ignorais comment le convaincre du contraire.

  • Je vais chercher de quoi recueillir le sang. Ne bougez surtout pas.

            Je repartis dans la pièce principale prendre un bol et des chiffons propres. Je détestais faire ce genre de chose, et être seule sans mon père était une grande première. Une fois assise à côté du Limier, je lui proposai une dernière fois du lait de pavot, qu'il refusa. Pourvu qu'il ne me tue pas sous la douleur… Je pris mon couteau et soufflai pour tenter d'évacuer le stress. À nous deux…

            Je fis glisser la lame sur la plaie, essayant d'ignorer le hurlement du blessé. Il se raidissait, se tendait, s'étirait, augmentant le flot de sang qui s'écoulait de la plaie. Jamais je n'avais vu un liquide aussi noir… Je tenais fermement le bol pour essayer de recueillir le maximum de sang et finis par compresser la blessure avec les chiffons. Le blessé, pris de spasmes, manquait de me faire tomber. Tout en exerçant ce point de pression, je pratiquai la saignée sur son flanc droit, légère, fine, juste ce qu'il fallait. Le Limier ne bougeait plus, il était inconscient. Je profitai de ce moment pour courir jusqu'à l'autre pièce et plonger la lame dans les flammes.

            Le couteau se colorait doucement de jaune orangé. J'entendis alors un grognement provenir de la chambre. Non, qu'il ne se réveille pas maintenant ! Je fixais la lame avec appréhension, espérant qu'elle se mette à rougeoyer plus rapidement. Le Limier poussa un râle grave, rauque. Tant pis, je devais le faire maintenant. Je courus vers lui, dégageai son bras, et appliquai le fer brûlant sur sa plaie. Il hurlait. Un mélange de souffrance et de peur. Je ne flanchais pas, tenant le couteau contre la blessure, de laquelle s'élevait des filets de fumée. Il attrapa ma gorge et serra. Il serra si fort que je ne parvins plus à respirer. Je touchais à peine le sol, mes jambes fléchies ne reposaient que sur la pointe de mes pieds. Je retirai l'arme, percevant des tremblements dans les membres de mon agresseur. Un voile noir me parvint devant les yeux et ce fut la fin.

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